Interview de M. Yannick Neuder, ministre de la santé et de l'accès aux soins, à BFM TV le 11 février 2025, sur la régulation et l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

ADELINE FRANÇOIS
L'invité de première édition, bonjour Yannick NEUDER,

YANNICK NEUDER
Bonjour,

ADELINE FRANÇOIS
Et merci d'être avec nous, ce matin. Vous êtes ministre de la Santé et de L'accès aux soins. Alors que se poursuit à Paris ce sommet mondial sur l'intelligence artificielle. C'est l'un de ses premiers champs d'application concrets la médecine. Et en fait, il y a urgence. Et c'est pour ça que vous êtes là, ce matin. Parce qu'en préparant cette interview, j'ai voulu savoir comment était régulé l'usage de l'intelligence artificielle dans le secteur de la santé ? Et en fait, il n'y a pas de régulation.

YANNICK NEUDER
Effectivement, c'est un des éléments qui a été évoqué durant ce sommet. Mais je crois que c'est aussi surtout une façon de montrer que la France, à travers ses différents plans successifs, peut jouer un rôle mondial sur l'intelligence artificielle, leader européen, mais surtout aussi d'être en mesure de pouvoir "Matcher avec les États-Unis, la Chine", et surtout dans l'intérêt des Français. Et je crois que pour les soignants, mais surtout pour les patients, l'objectif aussi de ce sommet, qui a rencontré beaucoup de succès, notamment ce week-end au Grand Palais, c'est de montrer que cette intelligence artificielle, il ne faut pas en avoir peur. Elle est là, au contraire, pour permettre une meilleure prise en charge médicale des patients et de rendre du temps aux soignants. Et c'est quelque chose sur lequel il faut, maintenant, qu'on s'habitue à travailler avec…

ADELINE FRANÇOIS
Donc, qu'est-ce que vous allez faire ? Vous voulez une feuille de route pour toute la France ?

YANNICK NEUDER
Alors, ça sera effectivement, ce soir, à ParisSanté Campus, la façon de voir comment on peut mettre cette intelligence artificielle en santé sur essentiellement trois domaines. Tout d'abord, c'est la formation. Je crois qu'on ne peut pas envisager d'avoir un outil qu'on ne contrôle pas, mais qu'on ne maîtrise pas. Donc, une formation pour les soignants, que ça soit les médecins, mais aussi tous les paramédicaux, infirmiers, aides-soignants.

CHRISTOPHE DELAY
Mais vous voulez bien nous donner un exemple en chirurgie, en pratique.

YANNICK NEUDER
Déjà, former les soignants pour qu'ils soient à l'aise à l'utilisation ou d'usage, ce sont, à peu près, 100 000 soignants par an qui seront formés dès le premier cycle de formation. Ensuite, vous l'avez bien dit, pour la recherche, on viendra aux soins après. Sur la recherche, on voit des choses extraordinaires. Moi, j'ai pu rencontrer DASSAULT SYSTEMES avec des jumeaux numériques. Je suis cardiologue, vous le savez. J'ai vu des cœurs en jumeau numérique qui permet d'anticiper les interventions. C'est-à-dire qu'on vous reproduit votre cœur et on va reproduire l'intervention qu'on va vous faire pour qu'en fait, il y ait, "Comme une espèce de révision" avant l'intervention chirurgicale en opération, comme un entraînement. On connaît déjà ça sur les centres de simulation. Jamais la première fois sur le patient. Donc, il y a cette question de jumeau numérique. Il y a une partie recherche. On sait que dans les maladies rares, dans les maladies neurodégénératives, on a besoin de gagner du temps et l'intelligence artificielle va faire gagner du temps aux essais cliniques et ce fera partie d'un des appels à projet que je vais annoncer, ce soir. Et puis le troisième point, c'est que je pense qu'il faut aussi qu'on soit cohérent avec les Français. Moi, je ne méconnais pas que beaucoup de Françaises et de Français ont des difficultés à trouver un médecin. Il y a beaucoup d'attente sur les brancards à l'hôpital. Tout ça, il ne faut pas le méconnaître, mais il faut aussi pouvoir dire que c'est grâce à ces outils, aussi, qu'il faut former plus de professionnels de santé, les former mieux, mais que grâce à ces outils. Ce sera une des annonces également que je ferai. On va permettre aussi à nos hôpitaux d'utiliser ces méthodes pour faire gagner du temps aux soignants. Par exemple, il y a beaucoup de tâches administratives, beaucoup de temps. On sait qu'un interne peut passer jusqu'à 70, 80 % de son temps devant un écran. Donc, c'est rendre du temps aux soignants pour pouvoir le passer avec les patients. Donc, on est vraiment du laboratoire de la paillasse jusqu'au lit du malade.

CHRISTOPHE DELAY
On sait que c'est moteur d'intelligence artificielle, ils emmagasinent tout un tas de données, il y a tout un partage de diagnostic Est-ce que vous êtes certaines que toutes ces données sont anonymisées dans tous les logiciels ?

YANNICK NEUDER
Ce sera naturellement un des éléments aussi annoncés, c'est naturellement, d'avoir la sécurité, de pouvoir sauvegarder toutes ces données et surtout d'avoir un degré de souveraineté naturellement, pour pas que ces données soient utilisées, utilisables par n'importe qui, qui en ferait une démarche commerciale ou qui amènerait à trier un certain nombre de patients. Mais je crois qu'il faut vraiment restaurer la confiance avec les acteurs, déjà, on a une formidable communauté, une communauté médicale, une communauté de chercheurs. Plus de 40 000 chercheurs en France jusqu'à un objectif de 100 000. On a aussi un écosystème, des entreprises, des starts up. Et tout ça, c'est important pendant tout ce sommet, ils ont pu travailler ensemble.

CHRISTOPHE DELAY
Yannick NEUDER, vous avez abordé un thème important qui est la démographie médicale. Est-ce que grâce à l'intelligence artificielle, on aura peut-être besoin de moins de médecins ?

YANNICK NEUDER
Non, parce que je pense qu'il y a quelque chose qui a énormément changé, c'est le rapport au travail. Et je pense que, au contraire, l'intelligence. L'intelligence artificielle va pouvoir rendre du temps. Et je crois que dans beaucoup de sujets, je le vois bien à l'hôpital, il y a une quête de sens, c'est-à-dire que les gens restent mobilisés pour pouvoir s'occuper des autres. Mais qu'il y a un moment, il y a une quête de sens. Justement, le sens est pris beaucoup par l'usage informatique. C'est informatique qui a pénétré dans les hôpitaux, parfois a pris trop de temps, trop de place. Donc, l'IA va permettre d'avoir la même sécurité de transmission, la même sécurité vis à vis de la délivrance des produits vis à vis des patients. Mais ça va libérer les soignants. C'est pour ça qu'il faut qu'ils soient formés pour qu'ils puissent revenir au cœur même de leur métier qui est de s'occuper des malades.

JOURNALISTE
Est-ce que les soignants sont en demande de l'intelligence artificielle ou, au contraire, est-ce que vous sentez une réticence de leur part ?

YANNICK NEUDER
Je pense que c'est comme tout, c'est-à-dire qu'on n'est pas forcément en demande de ce qu'on ne connaît pas, mais par contre, est-ce que vous étiez, est-ce que vos parents étaient en demande d'un smartphone.

JOURNALISTE
Non.

YANNICK NEUDER
Probablement pas. Et maintenant on l'enlèverait, plus personne ne pourrait n'aurait l'impression de pouvoir vivre correctement. Je crois qu'il faut faire confiance à nos soignants. Il faut beaucoup expliquer et je crois que cela sera un usage progressif. Cela va être un des éléments d'annonce de permettre à tous nos hôpitaux publics, dans le cadre d'appels à projets, de pouvoir commencer, je pense, site par site. Je pense que chaque établissement est à même de pouvoir voir en fonction du degré de maturité, de pouvoir développer ces outils. Clairement, il faut aussi qu'on passe les phases épidémiques. Il faut qu'on ait un certain niveau de stabilité. Ce n'est pas en pleine crise et en recherche d'oubli permanent que vous déposez des solutions comme ça. C'est pour cela. Mais par contre, c'est vraiment un des outils qui permettra aussi d'améliorer la prise en charge.

CHRISTOPHE DELAY
Des annonces que vous formulez, ce soir, et que vous êtes venu dévoiler, ce matin. Donc, en avant-première en première édition. Merci d'être venu nous voir, Yannick NEUDER, ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2025