Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Juliette MEADEL, bonjour.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Et bienvenue. On va parler de vos dossiers de la ville, bien sûr. Un mot sur l'ambiance politique de la semaine. Il y aura encore une motion de censure déposée par les Socialistes. Alors, officiellement pour parler immigration et puis parasitée par cette affaire de Bétharram. Est-ce que BAYROU le savait ou ne savait pas ce qu'il y avait comme sévices dans cette école de son voisinage ? Comment vous abordez cette épreuve pour BAYROU ?
JULIETTE MEADEL
Je trouve que c'est une polémique particulièrement nauséabonde. Le Premier ministre l'a dit ; D'abord, il n'a pas fait obstruction à la justice. Ça ne fait doute pour personne. Les victimes, et en particulier la première d'entre elles, se sont exprimées à la suite de l'entretien qu'ils ont eu avec le Premier ministre hier, en indiquant que c'était un moment historique et que la reconnaissance de ces crimes abominables avait eu lieu. Il y a une enquête en cours. Moi, je suis tout à fait saisie par cette espèce de phénomène de société qui date depuis plus de 45 ans, où, en effet, la pédophilie est l'un des crimes les pires et qui ont été constatés dans un certain nombre de bâtiments, de lieux scolaires en présence d'enfants. Et la meilleure des choses, c'est de réagir et que la parole des victimes se libère, ce qui aujourd'hui ne fait pas l'ombre d'un doute. Donc je trouve que ce dans quoi certains essaient d'entraîner le Gouvernement est toxique et surtout dangereux. Parce que, à partir du moment où aujourd'hui vous avez partout en Europe des tentatives, y compris de pays étrangers, d'instiller le doute dans la capacité des hommes politiques à conduire leurs mandats, on est dans un moment dangereux. Regardez ce qui s'était passé d'ailleurs avec MUSK en Angleterre, qui avait commencé à instiller le doute sur des dirigeants à travers des scandales divers et variés. On sent bien qu'il y a quelque chose qui se produit aujourd'hui en Europe, qui est de l'ordre de la fracture des pays européens en touchant la vie politique de l'intérieur.
CHRISTOPHE BARBIER
Discréditer les dirigeants et provoquer la vindicte populaire, en quelque sorte.
JULIETTE MEADEL
Il y a ce vent mauvais qui souffle partout en Europe, dont l'objectif est de remettre en question les démocraties qui sont fragiles, qui sont très fragiles, surtout en France. Il y a un vent mauvais qui souffle en France. Je le dis et je trouve que c'est gravissime où on entend un peu partout sur les ondes le retour à une forme d'assimilation. Par exemple, j'entendais il y a très longtemps à nouveau les propos de Pascal PRAUD, qui est un homme pourtant cultivé et qui est capable de dire qu'on peut mettre sur le même plan PETAIN et DE GAULLE. C'est un homme cultivé, mais comment est-il possible aujourd'hui d'en arriver à revenir à ce qui est une forme de révisionnisme de l'histoire ? Donc franchement, je tire la sonnette d'alarme.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes très inquiète parce que ce sont des propos très inquiétants.
JULIETTE MEADEL
Je suis très inquiète parce que je sens quand même que la démocratie française, c'est... Vous savez ce que ce que disait CHURCHILL de la démocratie ? C'est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres. Et je trouve que pour la première fois dans l'histoire, pour la première fois depuis que je suis née, je constate qu'on ne nous veut pas que du bien et que même aux Etats-Unis, TRUMP, par les discussions qu'il a engagées avec POUTINE, est en train…
CHRISTOPHE BARBIER
Participe de l'affaiblissement de l'Europe.
JULIETTE MEADEL
De vouloir détruire, de contribuer à délaisser l'Europe et voire à l'abandonner radicalement. Et donc abandonner l'Europe qui était le projet de paix qui nous a permis de vivre plus ou moins en paix depuis 1945. C'est grave. Et tous ceux qui en France se disent solidaires de TRUMP, tous ceux qui à l'extrême droite en France se frottent les mains des propos anti-européens, anti-démocratie, anti-libertés et anti-République participent de cette entreprise de démolition et de destruction. Donc oui, je tire la sonnette d'alarme aujourd'hui. C'est non seulement une semaine à risque pour nous le Gouvernement, mais en tant que représentante des citoyens, parce que nous voulons la stabilité, parce que, et on va en parler, nous oeuvrons pour améliorer les conditions de vie quotidienne, mais c'est une semaine à risque pour la France, pour la démocratie et pour l'Europe.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors la vie quotidienne, vos dossiers. Vous avez fait passer une instruction aux préfets. Ils ont jusqu'au 7 mars pour faire un état des lieux précis des dysfonctionnements dans les parties communes des immeubles, ascenseurs, caves, escaliers, etc. Dysfonctionnements qui seraient dus à la négligence des bailleurs. Qu'attendez-vous exactement comme diagnostic ?
JULIETTE MEADEL
Alors d'abord, dire une chose. Les bailleurs sociaux sont ceux avec lesquels nous conduisons des politiques de soutien et ils sont, dans leur écrasante majorité, évidemment très contributifs, et ils entretiennent comme il faut. Cela dit, j'ai quand même un doute parce que j'ai fait des déplacements de terrain, un certain nombre depuis que je suis nommée et je constate que, à la demande des maires, nous avons beaucoup d'associations de locataires qui se plaignent de l'entretien des cages d'escalier, des ascenseurs, des boîtes aux lettres, de la saleté dans les caves. Donc tout simplement, je demande aux préfets un bilan. Où est-ce que c'est bien entretenu ? Où est-ce que ça n'est pas bien entretenu ? Et tous ensembles, on va se mettre autour de la table pour voir ce qu'il convient de faire.
CHRISTOPHE BARBIER
Ça ne sera pas les sanctions tout de suite, alors ?
JULIETTE MEADEL
Ben on va regarder. Si ça fait un moment. Par exemple, imaginons que ça fait plus d'un an que vous avez des problèmes récurrents d'ascenseurs qui tombent en panne dans un logement social, dans un quartier politique de la ville qui est dans mon champ de compétence. Imaginons que ça fasse plus d'un an que vous avez des problèmes récurrents de boites aux lettres en panne, d'ascenseurs en panne, de propreté, là, nous allons durcir le ton. Il y a une aide et je le dis à tous nos auditeurs, il y a une aide publique. Ce sont des impôts de 315 millions d'euros qui permettent d'aider les bailleurs à entretenir. Donc nous allons dire : " Est-ce que cet argent-là est bien utilisé ? " Si cet argent n'est pas bien utilisé, nous envisagerons la possibilité d'en supprimer le bénéfice pour les bailleurs.
CHRISTOPHE BARBIER
Certains bailleurs vous diront : " Mais on répare mais c'est cassé tout de suite, ce n'est pas nous le problème, ce sont les habitants ".
JULIETTE MEADEL
Oui. Alors, c'est précisément pour ça que je demande le bilan. Si effectivement on est dans un quartier où il y a un réseau ou un trafiquant de drogue qui régulièrement casse ce qui est installé, évidemment qu'on... Mais c'est aussi à ça que sert le bilan. Il s'agit de voir là où c'est très difficile et là où il faut passer à autre chose et là où il y a simplement des problèmes d'entretien récurrents, de négligence.
CHRISTOPHE BARBIER
De négligence.
JULIETTE MEADEL
Vous savez pourquoi je me suis engagée dans cette période difficile ? Parce que je sens bien que quand vous avez des Français qui vous disent, des citoyens qui vous disent : " On se sent méprisé, on ne nous respecte pas dans notre dignité parce qu'on n'a même plus la possibilité de prendre l'ascenseur quand on a besoin d'aller faire nos courses et qu'on est assigné à résidence ". Je veux lutter contre ça. Et donc je veux leur dire : " L'Etat s'occupe de vous, les maires s'occupent de vous, les collectivités territoriales s'occupent de vous et les bailleurs sociaux aussi, qui dans leur écrasante majorité, s'occupent bien des habitants dont ils assurent le logement ".
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous lancez aussi le collectif Quartiers 4.0 pour l'intelligence artificielle dans les quartiers. A quoi ça va bien pouvoir servir ?
JULIETTE MEADEL
Mais parce qu'il y a dans les quartiers une incroyable richesse. Vous avez une jeunesse qui est dans un dynamisme plus important même que dans la moyenne nationale, si l'on en juge aux taux de création des entreprises. Et que cette jeunesse-là, je veux l'aider. Il y a... je les ai réunis, c'est une quinzaine de jeunes entrepreneurs dans le domaine de l'intelligence artificielle qui vont m'accompagner, que je vais réunir tous les trimestres pour les soutenir. Ils sont formidables. Ils ont déjà eu des tas de prix et je veux simplement qu'on montre ça et qu'on les aide à obtenir plus facilement des prêts bancaires. Donc, je lancerai toute une série de mesures économiques pour donner le pouvoir aux quartiers sur le plan économique, que ce soit évidemment une économie légale. Et dans le domaine de l'intelligence artificielle, les possibilités de progrès sont infinies. Il faut s'en saisir.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous avez été incité à ouvrir, vous tous les ministres, des permanences dans vos... Alors, vous allez le faire, vous, à Montrouge. Pourquoi faire une permanence de ministre ?
JULIETTE MEADEL
Parce que c'est important de montrer à nos concitoyens ce qu'on fait concrètement. Les ministres sont tous engagés, travaillent, veulent le bien des citoyens et ça fait du bien de le dire et de le montrer et aussi de se rendre disponible. Vous savez le doute qu'il y a entre nos concitoyens et les responsables politiques, ce doute ne se lèvera que par le contact direct, que par l'échange et que par aussi, tout simplement, une forme d'empathie, de bienveillance, de discussion. Le boulot d'un politique, c'est d'aller au contact. Moi, je fais ça ailleurs que chez moi, mais aussi chez moi, dans ma ville dont je ne suis pas maire, je suis élu municipale et je suis très affectée.
CHRISTOPHE BARBIER
Et peut-être candidat pour les municipales de 2026.
JULIETTE MEADEL
Peut-être. Nous verrons. Et je suis très attachée à cet échange parce que c'est en écoutant, en vous mettant, comme le dit François BAYROU lui-même, comme le dit le Premier ministre, il dit : " Je veux que mes ministres soient à portée d'engueulades ". Ah oui !
CHRISTOPHE BARBIER
Comme les maires, comme les élus locaux.
JULIETTE MEADEL
Ben oui. Mais bien sûr. Comme les maires.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais ça veut dire que les gens vont venir et vont vous demander des logements. C'est la crise du logement.
JULIETTE MEADEL
Et on va leur expliquer ce qu'on fait. C'est déjà d'ailleurs la plupart des permanences même pour les parlementaires. Moi, dans ma ville aussi.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est ça.
JULIETTE MEADEL
Bien sûr que c'est ça qu'on demande. Et ben on va essayer d'avancer le plus possible, expliquer la situation dans laquelle nous sommes, dénicher les situations les plus injustes, voir s'il y a des difficultés. Bref, montrer tout ce qu'on fait, montrer avec notre sincérité et convaincre que la démocratie, encore une fois, je le répète à votre micro, c'est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres. Et c'est ce que nous devons protéger et défendre, hélas, dans les mois et les années qui viennent.
CHRISTOPHE BARBIER
La démocratie, c'est aussi l'évolution de la gauche. Ça bouge, ça bouge. Jean-Luc MELENCHON, aujourd'hui, hier, dans La Tribune dimanche, dit que le Front populaire, en gros, c'est terminé. Le Parti socialiste semble s'arracher à l'emprise LFI. Vous y croyez ?
JULIETTE MEADEL
Ecoutez, je l'espère, je l'espère de tout coeur parce que Jean-Luc MELENCHON, moi, j'ai combattu cette orientation depuis le début de son alliance contre nature avec le Parti socialiste, véhicule des propos dangereux, qui flirte avec l'antisémitisme, choquant. Donc il était temps que le Parti socialiste s'en extrait. Maintenant, je veux rappeler ici qu'il ne faut pas céder à la tentation de la démolition. Je le dis aussi pour mes anciens camarades du Parti socialiste. On ne doit pas céder à la tentation de la démolition, tentation entretenue par Jean-Luc MELENCHON, dans un contexte fragile, on l'a dit, et surtout, alors que nos concitoyens attendent des actes, attendent des budgets, attendent qu'on s'occupe d'eux. Ce n'est pas le moment de jouer avec le feu.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y aura un congrès au PS en juin. Il sera candidat à sa succession, Olivier FAURE. Qu'attendez-vous du congrès de vos anciens amis ?
JULIETTE MEADEL
Ecoutez, moi, je vais vous dire, la seule chose que je... le congrès, c'est au mois de juin. C'est dans un siècle, ça occupe les Socialistes. Bon, très bien. Moi, ce que je souhaite maintenant, c'est que tous, chaque responsable politique soit responsable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils visent d'abord la stabilité du pays dans un moment de grande instabilité. Et la stabilité, ça veut dire pensons d'abord à la France avant de penser à des jeux d'appareil qui sont bien naturels. Mais franchement, ça les regarde.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous, femme de gauche engagée dans ce Gouvernement, vous sentez vous depuis quelques semaines complètement à l'aise ?
JULIETTE MEADEL
Je me sens à l'aise parce que je peux faire - et c'est la ligne qui a été celle du Premier ministre - je peux faire et m'engager au service de nos concitoyens pleinement, avec une marge de liberté qui me semble indispensable, à la fois sur le plan de l'expression et puis sur le plan des valeurs, pour deux raisons principales. Je suis rentrée dans ce gouvernement parce que François BAYROU m'a garanti que la préférence nationale ne serait pas au programme. Et pour moi, c'est essentiel. On ne trie pas entre les bons et les mauvais Français, ça ce n'est pas possible. Deuxièmement, parce qu'il s'était aussi engagé à ce que nous revenions sur la réforme des retraites par une conférence social, donc le dialogue social. Ce sont pour moi les deux points cardinaux. Ce sont les valeurs du Premier ministre et c'est un homme en qui j'ai toute confiance.
CHRISTOPHE BARBIER
Et il y a cette idée qu'on peut s'exprimer à titre personnel dans ce Gouvernement.
JULIETTE MEADEL
Oui, c'est parce qu'il a un grand respect, d'abord pour l'engagement politique, pour la liberté et aussi il nous fait confiance sur notre capacité à forger des consensus. Il est lui-même l'homme qui sait forger des consensus, il l'a montré tout au long de sa vie politique. Je note aussi qu'il y a une tripartition de la vie politique aujourd'hui. Nous avons des extrêmes. On en a parlé. Et nous avons le Rassemblement national qui pèse de plus en plus, qui est une vraie menace puisque c'est 40% des Français qui votent RN. Entre ces deux extrêmes là, la capacité d'un homme comme le Premier ministre à forger des accords et des consensus, je vais vous dire, c'est vital pour la démocratie.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que le but c'est d'avoir, à l'issue de cette période de consensus, un seul candidat pour cette partie centrale sinon, on aura un choc des extrêmes en 2027 ?
JULIETTE MEADEL
Évidemment qu'il faudra un seul candidat, il faudra un seul candidat, il faudra quelqu'un capable de bâtir cette cohérence politique. Ou alors nous sautons dans l'inconnu et surtout nous sautons dans le chaos.
CHRISTOPHE BARBIER
Tout le monde est candidat partout en ce moment. C'est ce candidat unique qui semble utopique.
JULIETTE MEADEL
C'est normal, c'est la vie politique. Chacun essaie de se compter. Le plus important, en ce qui me concerne, à ma place, c'est de faire avancer le pays.
CHRISTOPHE BARBIER
Avancer le pays donc, comme ministre déléguée chargée de la Ville, Juliette MEADEL. Merci et bonne journée.
JULIETTE MEADEL
Merci Christophe.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2025