Texte intégral
ORIANE MANCINI
Bonjour, François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, ministre de l'Aménagement, du Territoire et de la Décentralisation. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Julien LECUYER. La Voix du Nord, bonjour Julien.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane, bonjour Monsieur le Ministre.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour, on s'est déjà salué.
JULIEN LECUYER
Oui.
ORIANE MANCINI
On va évidemment reparler de votre ministère et de vos dossiers. Mais d'abord, question d'actualité. Hier, le Parlement a donc validé la nomination de Richard FERRAND à une voix près. Est-ce que compte tenu de ce résultat, Emmanuel MACRON doit renoncer à le nommer, comme le demande la gauche ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne comprends pas pourquoi. Permettez-moi de le dire comme ça. D'abord, je voudrais le féliciter, parce qu'une élection à une voix, c'est une élection. Ça compte. Ce n'était pas une voix sur l'ensemble du Parlement, c'est une voix de la commission concernée. Et donc, il a été désigné. Souvent, d'ailleurs, les désignations qui ont été faites par les présidents de la République ont entraîné des commentaires. Et puis après le travail du Conseil constitutionnel, ces collectifs, ces neuf membres sont là. Ils sont choisis selon des procédures qui sont connues, que ce soit par le président du Sénat ou la présidente de l'Assemblée et le président de la République. Pour moi, il n'y a pas lieu d'avoir de…
JULIEN LECUYER
Il y a quand même une interrogation, Monsieur le Ministre. Parce que dans vos propos, on a l'impression qu'il a gagné une élection. Je rappelle qu'en fait, il a été rejeté par quasiment les trois-quarts des parlementaires des deux commissions des lois. Il est quand même fragilisé avant même sa nomination.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne le pense pas. Enfin, on va faire ces commentaires-là. Vous pouvez les faire, d'ailleurs. Mais moi, je salue quelqu'un qui a dirigé l'Assemblée nationale, comme l'avait fait Laurent FABIUS à un moment, qui est quelqu'un qui a su s'imposer. On ne leur demande pas d'être professeur de droit constitutionnel. Ils sont des hommes politiques. Ce sont des hommes politiques. Ils savent, une fois qu'ils sont en position, respecter la neutralité de la fonction.
ORIANE MANCINI
Il doit beaucoup sa nomination à l'abstention du RN. Est-ce qu'il y a eu un deal entre Marine Le PEN et Emmanuel MACRON, comme le disent les oppositions ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Alors, vous vous imaginez ça ? On peut toujours imaginer ça. Quand le RN vote une motion de censure du PS, je n'imagine pas que le PS va demander est-ce que le RN vote sa motion de censure. Évidemment que le président de la République n'a pas demandé quoi que ce soit. D'ailleurs, je crois qu'il manquait aussi une écologiste qui était absente. On pourrait dire qu'il aurait eu deux voix, c'est peut-être de la faute de l'écologiste. On ne sait jamais. C'est une élection et il a été désigné.
JULIEN LECUYER
Il y a quand même le poison du doute, étant donné que l'une des premières décisions du Conseil constitutionnel, ce sera de donner sa décision sur une question prioritaire de constitutionnalité qui concerne la patronne du Rassemblement National, Marine Le PEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais il n'est pas le seul à désigner.
JULIEN LECUYER
Sa voix est décisive, quand même.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ce n'est pas lui qui va prendre la décision. Vous savez qu'il y a beaucoup de juristes qui travaillent pour les Neuf Sages. Les Neuf Sages s'inspirent souvent des avis des juristes qui leur fournissent ces positions.
ORIANE MANCINI
La très grande majorité des parlementaires LR se sont opposés à la nomination de Richard FERRAND. Est-ce qu'ils font encore partie du socle commun pour vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est à eux de le dire, ce n'est pas à moi. Moi, ce que je vois, c'est qu'on arrive à avancer sur des textes différents, mais je vois bien qu'il y a aussi une compétition au sein de LR entre Bruno RETAILLEAU et Laurent WAUQUIEZ. Il y a des compétitions. Après tout, la démocratie, c'est aussi la compétition.
ORIANE MANCINI
C'est ce qui a fait que le choix des députés LR ? Et la virulence de Laurent Wauquiez, pour vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je ne suis pas membre de LR.
ORIANE MANCINI
Mais pour vous, ils sont encore dans le socle commun. Vous n'avez pas de problème à continuer de travailler avec eux ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, avec tous ceux qui veulent stabiliser la France et la faire avancer, je pense qu'on peut travailler.
ORIANE MANCINI
On parle des retraites ?
JULIEN LECUYER
Oui, puisque ce matin, la Cour des comptes remet ses conclusions, sa mission flash au Premier ministre. On attend un diagnostic inattaquable, mais est-ce que c'est seulement possible avec ce dossier des retraites ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On attend surtout maintenant le rapport de la Cour des comptes qui va être rendu ce matin.
JULIEN LECUYER
À 8 h 30, je crois.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est ce qu'on m'a dit. À partir de là, ce dossier va servir de base de travail aux partenaires sociaux, réunir " en conclave ".
JULIEN LECUYER
Il ne faut pas le dire, c'est une conférence sociale.
FRANÇOIS REBSAMEN
Pour moi, c'est une conférence sociale des partenaires sociaux. Elle était attendue depuis longtemps. Je salue d'ailleurs le travail d'Astrid Pannier…
ORIANE MANCINI
Astrid PANOSYAN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Merci. J'ai eu du mal à dire son nom, mais je n'ai pas de problème, je la connais bien. Elle a fait un excellent travail. Elle est arrivée à des accords pendant le dernier trimestre 2024. Je pense que ce travail va être un travail fructueux qui va prendre en compte la nécessité d'équilibrer bien sûr les retraites financièrement, s'entend. Également, ce que nous attendons, c'est la pénibilité. Que va-t-il se passer sur la pénibilité ? Il y a des métiers qui sont pénibles. Il y a également le problème du travail qui s'étend tout au long de la vie.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que, vu la nécessité d'équilibrer le régime, comme vous le dites, est-ce qu'il faut revenir sur les 64 ans ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Est-ce qu'il faut revenir sur... Je ne vais pas prendre position ce matin, puisque c'est la question qui est posée aux partenaires sociaux.
ORIANE MANCINI
Est-ce que pour vous, c'est un débat qui doit être fait ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ce que je vais vous dire, pour être précis, c'est qu'il faut assurer l'avenir des retraites. Et s'il faut maintenir les 64 ans pour assurer l'avenir des retraites, c'est-à-dire financièrement, on restera à 64 ans, mais c'est aux partenaires sociaux, réunis ensemble, de trouver les solutions et j'ai confiance dans les partenaires sociaux.
JULIEN LECUYER
Mais il faut réformer la réforme.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, il fallait, mais la réforme, elle n'a pas été adoptée par le Parlement. Elle a été adoptée par le 49.3, donc elle n'a pas été votée en tant que telle. Et déjà, moi, j'avais trouvé, avec la Fédération Progressiste que je préside, qu'il fallait entendre les organisations syndicales, patronales, et les mettre autour de la table pour essayer de lever ces ambiguïtés qui demeurent aujourd'hui.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous dites : " De toute façon qu'il va falloir travailler plus " ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense qu'il va falloir mieux travailler. Quand je dis ça, je veux dire que le taux d'emploi des seniors est insuffisant dans ce pays, la faute à nos dispositions sociales, mais également aussi aux entreprises, puis également à l'ambiance.
ORIANE MANCINI
Mais ce n'est pas forcément travailler plus longtemps.
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi, j'étais favorable, pour vous dire la vérité, j'étais favorable à la retraite par points. Depuis le début, c'est une position qui me semble juste. Il y a des personnes qui veulent continuer à travailler après l'âge légal. Il faut leur permettre de le faire et il y en a qui, avant l'âge légal, ne peuvent plus travailler.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il va falloir cotiser un plus grand nombre de trimestres ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est les partenaires sociaux qui vont me permettre... Parce que je connais la réponse. On peut faire appel aux cotisations, on peut faire appel bien évidemment aussi à la durée. Il faut faire jouer surtout les leviers.
JULIEN LECUYER
Une introduction de la retraite par capitalisation, système dont on entend parler, à la fois à droite, beaucoup le suggèrent.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ce n'est pas nouveau. J'en ai entendu parler il y a fort longtemps. Je suis assez âgé et ancien dans la fonction, donc je peux vous dire qu'on en parlait il y a 25-30 ans déjà. On verra bien. Les partenaires sociaux, je fais confiance aux partenaires sociaux. Il n'y a pas de lieu de préempter cela. Ils vont avoir un rapport pour commencer. Et ils vont arriver à une solution. Ils ont, disons, jusqu'au mois de juin, pour rendre leur avis, trois mois.
ORIANE MANCINI
La motion de censure des socialistes a échoué hier. Seule la gauche l'a votée. Est-ce que vous comprenez la position de votre ancien parti qui dénonce la trumpisation de ce Gouvernement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Des fois, je suis un peu surpris par la position de mon ancien parti, dont j'étais longtemps le numéro deux. Je suis très surpris. Je suis surpris du dépôt d'une motion de censure sur des mots ou sur des sentiments, puisqu'il s'agissait en réalité d'un sentiment.
ORIANE MANCINI
Vous dites, comme Lionel JOSPIN, on ne censure pas pour un mot ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, bien sûr. Est-ce que c'est bien utile ? Qu'est-ce que ça apporte aujourd'hui ? Je pense que les Français, ça les désespère un peu de la politique, de voir des motions de censure à répétition dont ils ne comprennent pas l'enjeu. Ils avaient compris, je crois, l'enjeu des motions de censure sur le budget. Mais ils ont dit : " Maintenant, stabilité ". J'espère que mes anciens camarades du Parti socialiste écouteront ce que disent les Françaises et les Français, c'est-à-dire, mettez-vous au travail et stabilisez le pays. On en a besoin.
JULIEN LECUYER
Est-ce que ça ne tue pas l'espoir que vous formuliez, début février, dans une interview au Figaro, où vous espériez que la majorité s'élargisse à la gauche sociale-démocrate ? Vous y croyez encore ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, oui. Il faut toujours essayer.
JULIEN LECUYER
Il faut toujours y croire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut toujours essayer. D'ailleurs, ça a marché. Ça a fonctionné pour le budget. Il y a eu dans le budget des propositions qui ont été faites par, je pense qu'il y avait même une majorité des socialistes qui étaient contre les dépôts de motions de censure. C'est pour ça qu'ils ont entendu remonter le bruit de l'opinion. On allait dire très bien que rentrer dans sa circonscription en disant : " J'ai encore déstabilisé le pays en votant la motion de censure ", autant dire " J'ai obtenu telle chose, par exemple, qu'il n'y ait pas de suppression de postes dans l'Education nationale, j'ai obtenu... "
JULIEN LECUYER
Mais, c'était un fusil à un coup ? Ou est-ce que vous voyez un chemin se dessiner pour l'après-budget ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous voyez, c'est quand même très éruptif, comme ambiance. On le voit à tout moment. Il n'y a pas de majorité. En l'absence de majorité, on fait des majorités de circonstances. Les socialistes y ont pris une part pour le budget et ça, c'était très important.
ORIANE MANCINI
Est-ce que, juste, un dernier mot là-dessus, la non-censure, pour le coup, sur le budget a ravisé des tensions entre socialistes et Insoumis ? Qu'est-ce qu'on sait de Jean-Luc MELENCHON qui dénonce déjà des mots de Jean-Luc MELENCHON et puis ceux qui dénoncent une alliance toxique avec le PS ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est dommage que Jean-Luc MELENCHON, qui a été…
ORIANE MANCINI
Vous qui l'avez côtoyé quand vous étiez au PS.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, et qui était sénateur aussi. Je l'ai côtoyé au Sénat. C'est quand même dommage que cet homme, qui était un homme, pour moi, de culture, devienne, aujourd'hui, celui qui porte en lui le chaos. Mais il avait théorisé ça dans un livre, d'ailleurs, à un moment. Donc, c'est regrettable, je pense, parce que c'est beaucoup de gâchis. Pour lui, je pense, et pour ceux qui l'entourent.
JULIEN LECUYER
Croyez-vous que le PS arrivera à se décrocher une bonne fois pour toutes de LFI ? Vous l'espérez ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr, je l'espère. Il n'y a pas d'avenir pour une gauche européenne. On pourrait parler de l'Europe, mais en ce moment, il faut en parler. Pour une gauche européenne, social-démocrate, progressiste, il n'y a pas d'avenir, si elle est accrochée à rimer, à marrer, avec un parti qui, aujourd'hui, conteste tout. LFI, j'avais dit, c'est une sorte de surmoi marxiste, c'est un surmoi LFIste, aujourd'hui.
ORIANE MANCINI
Allez, on va parler des dossiers qui concernent les territoires. On commence par la loi PLM, Julien ?
JULIEN LECUYER
Oui, puisqu'on l'a appris mardi, à l'issue de la conférence des présidents de l'Assemblée nationale. C'est finalement le jeudi 20 mars que sera examiné le projet de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris, des conseils municipaux de Lyon et Marseille. C'est la fameuse loi PLM, donc, pour en faire une élection au suffrage universel direct, j'imagine que ça doit vous satisfaire.
ORIANE MANCINI
Petit problème de micro.
JULIEN LECUYER
Problème de fil de micro.
FRANÇOIS REBSAMEN
Je suis, des fois, assez surpris par les évolutions de la vie politique. Faut-il que je rappelle que, quand a été adoptée la loi PLM, la droite de l'époque avait hurlé contre cette loi ? Je crois. Et aujourd'hui, je vois qu'il y a beaucoup de gens de droite qui maintiennent, qui sont, j'ai encore vu ça hier au Sénat, qui sont opposés à toute réforme de la loi PLM. Finalement, la droite varie aussi.
ORIANE MANCINI
Mais n'est-ce pas raisonnable de changer le mode de scrutin moins d'un an avant une élection ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Écoutez, j'ai vu un sondage, on ne fait pas ça en fonction des sondages, mais j'ai vu un sondage sur Lyon, sur la ville de Lyon, où 81 % des Lyonnais souhaitaient élire leur maire. Donc, je pense qu'il n'y a pas de raison, après tout, qu'on ne puisse pas élire son maire, et même s'il le faut pour rassurer la droite, maintenir des circonscriptions d'arrondissement.
ORIANE MANCINI
Sur le budget, les collectivités ont vu leur budget plus épargné qu'initialement prévu. Le Gouvernement a plutôt suivi le Sénat sur ce sujet. Est-ce que, du coup, les collectivités locales vont devoir se serrer la ceinture sur le budget 2026 ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut qu'elles participent, c'est ce que j'ai dit d'ailleurs, à l'effort de redressement des comptes de la Nation. Ça, c'est évident et je crois que les collectivités locales en ont conscience. À cet égard, d'ailleurs, les rapports de la Cour des comptes sont toujours très intéressants. Mais il faut que ça soit à hauteur de ce qu'elles représentent dans la dette publique. Et donc, on va essayer de faire autrement que ce qu'on a fait cette année, même si je salue et j'ai salué le travail du Sénat.
JULIEN LECUYER
Faire autrement, c'est-à-dire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Puisque j'ai repris les propositions du Sénat et on a même amélioré encore la copie. J'ai d'ailleurs été surpris qu'on puisse contester ce budget du côté des collectivités locales maintenant, en disant : " C'est lourd, c'est lourd ", alors même que l'addition BARNIER était plus du double. Comment on va faire ? Je pense que je vais proposer au Premier ministre de réunir une conférence de l'ensemble des collectivités locales une conférence nationale sur l'état financier des collectivités locales.
ORIANE MANCINI
Un peu le retour de la conférence des territoires qu'il y avait au début du premier quinquennat MACRON ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Un peu, un peu. Est-ce que ça sera la conférence des territoires des collectivités locales, je préfère dire. Parce que le territoire, des fois, ça cache des choses très différentes. Je ne sais pas si ça sera par states, mais je pense que, parce que les situations sont très différentes entre le bloc communal, les départements et les régions.
ORIANE MANCINI
Donc, vous réunissez les associations d'élus ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr, avec l'ensemble des associations d'élus pour voir, est-ce qu'on peut avancer sur une voie contractuelle ? Quelle est la perspective ?
ORIANE MANCINI
Contractuelle, c'est quoi ? C'est le retour du pacte de Cahors ? Vous allez limiter leurs dépenses ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Pas forcément le pacte de Cahors, mais ensemble, en donnant de la visibilité aux collectivités locales, en leur disant : « Pour les prochaines années, les trois prochaines années, voilà ce que l'on pourrait faire ensemble, comment vous voyez vous-même l'effort que vous devez faire ».
ORIANE MANCINI
Mais avec une volonté de limiter leurs dépenses ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Limiter leurs dépenses, je pense qu'il faut rationaliser les dépenses, mais ils en sont bien conscients, ils le font d'ailleurs. Ce qui agace les collectivités locales et non sans raison, je sais de quoi je parle, c'est souvent d'apprendre des décisions nationales sans y avoir été associés, donc, oui, j'ai confiance dans un dialogue avec l'ensemble des associations d'élus.
ORIANE MANCINI
À quelle échéance, du coup ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense dans le semestre qui vient, dans les prochaines semaines.
ORIANE MANCINI
Au printemps, d'ici le printemps.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, oui, fin juin, oui.
ORIANE MANCINI
Parmi les sujets d'inquiétude des élus locaux, il y a le fait qu'ils ont de plus en plus de mal à trouver des assurances. Pas seulement pour les catastrophes naturelles, mais il y a de moins en moins d'assureurs qui veulent assurer les collectivités territoriales. Comment vous allez les aider ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Alors, je vais faire une réunion dans mon ministère, à Roquelaure, sur l'assurabilité des collectivités locales, c'est-à-dire mettre autour de la table les assureurs et les associations d'élus pour voir qu'est-ce qu'on peut leur proposer. Je suis un praticien de la vie locale. En tant que maire de Dijon, j'assurais, par exemple, par le biais de la mutualisation onze communes, et le fait d'avoir mutualisé ces onze communes avec la ville de Dijon nous a permis d'assurer des communes qui ne trouvaient pas d'assurance. On l'a fait de gré à gré, donc, il y a plusieurs pistes à développer, d'abord, bien sûr, mettre autour de la table, je l'ai dit, les grandes assurances. Permettre à chaque commune de trouver une assurance. Faciliter la mutualisation. Enfin, en discuter ensemble et ce n'est pas possible que les communes ne trouvent pas d'assurance. Alors, il faut les assurer sur le temps long, c'est-à-dire face aux échéances climatiques que nous connaissons, mais aussi, je pense à notre collègue maire de Mâcon, face aux émeutes, aux violences urbaines qu'il peut y avoir face aux catastrophes naturelles.
ORIANE MANCINI
Et elle aurait lieu quand, du coup, cette réunion ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Là aussi, je pense dans le semestre qui vient, prochainement.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous aurez les moyens de contraindre les assureurs à assurer ces communes ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Contraindre, je ne sais pas, mais les convaincre, oui.
ORIANE MANCINI
Un mot juste sur la décentralisation, puisque c'est aussi dans l'intitulé de votre ministère. Il y a Éric WOERTH qui a rendu un rapport il y a quelques mois maintenant. Qu'est-ce qu'il est devenu, ce rapport ? Est-ce que vous allez en tenir compte ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Écoutez, il y a des parties dans ce rapport avec lesquelles je suis d'accord. J'ai aussi ma position. D'ailleurs, j'avais noté qu'Éric WOERTH n'était pas venu me rencontrer, c'est dommage, parce que j'ai quelques idées sur la chose. Donc, j'ai regardé le rapport. Il y a des propositions qui sont tout à fait intéressantes. Tout ce qui va dans le sens de la simplification, et on va prendre un certain nombre de mesures de simplification, il faut faciliter la vie au niveau local. Il faut permettre, je vais prendre un exemple, à un maire, je sais que ça intéresse toujours ici, au Public Sénat, il faut permettre à un maire, s'il veut mettre un radar, qu'il puisse le mettre sans avoir à demander l'autorisation au niveau national, à la sécurité routière, etc.
ORIANE MANCINI
Donc, pour la simplification, oui. Sur le cumul des mandats, est-ce que vous êtes favorable à un recours au cumul des mandats ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'étais sénateur. Je me suis opposé à la position de François HOLLANDE à l'époque, quand il était président de la République. Oui, je suis favorable à une... On va se dire les choses, sans augmentation des indemnités, parce que je sais que le monde est sensible à ça. Donc, pas d'augmentation des indemnités en cela. Mais conserver un mandat local exécutif avec un mandat national, oui.
JULIEN LECUYER
Et le millefeuille administratif, est-ce qu'il faut le simplifier ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut essayer de simplifier tout. C'est trop lourd. C'est trop lourd, je le sais, mais la tâche est immense, et c'est chacun de mes collègues, dans leur domaine de compétences, qui vont y participer.
ORIANE MANCINI
Julien, on parle de la Corse ?
JULIEN LECUYER
Oui, puisqu'il y a quelques jours, vous êtes rendu sur l'île de beauté pour redonner espoir au statut d'autonomie, dont le processus est un peu brimbalé depuis 2022. Vous devez, à ce titre, réunir une vingtaine d'élus corse du comité stratégique. Est-ce qu'une date a été fixée pour cette réunion ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, mais elle va l'être prochainement. Quand je dit, prochainement, c'est-à-dire, disons, dans les semaines qui viennent.
JULIEN LECUYER
Mars ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Avant la fin du mois de mars, par exemple, c'est l'objectif que je me suis fixé. Afin de refaire un point sur les écritures, comme on dit aujourd'hui, institutionnelles, constitutionnelles, qui ont été adoptées à l'unanimité, moins une voix, par la collectivité de Corse. J'ai trouvé que l'ambiance était finalement assez bonne, avec beaucoup de regrets du retard qui a été pris, mais c'est pour une fois, on va dire les choses comme ça, on ne peut pas accuser les Corses d'être responsables de ce retard. Le processus Beauvau, dans l'objet écrit à la volonté du président, je le rappelle, de la République et du Premier ministre, c'est de reprendre le processus Beauvau, de le redonner, de redonner espoir à la Corse, parce que je crois vraiment que l'adoption du statut d'autonomie, qui est fixé dans la ligne 1 du projet constitutionnel, c'est quelque chose qui va débloquer les énergies et ramener la stabilité.
JULIEN LECUYER
Et on peut y croire pour cette année, le projet de loi ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi, l'objectif que je me suis donné, et j'en ai parlé, bien sûr ; avec l'ensemble des élus corse que j'ai rencontrés, et j'en ai rencontré beaucoup, c'est d'avoir un projet constitutionnel déposé à la fin de l'année devant le Parlement.
ORIANE MANCINI
Vous pensez que ça va passer, notamment ici au Sénat ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est la majorité des trois cinquièmes, le Parlement réuni en congrès, donc on verra. Même à une voix, j'accepterai.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'Emmanuel MACRON a prévu de se rendre en Corse dans les prochaines semaines ?
FRANÇOIS REBSAMEN
À ça, il faut lui demander, je n'ai pas d'informations.
ORIANE MANCINI
On parle d'un autre rapport, Julien, c'est le rapport sur la politique de la ville.
JULIEN LECUYER
Oui, un rapport qui s'appelle " Ensemble, refaire ville ". Alors, sous ce titre, il y a la préfiguration d'une stratégie globale pour le renouvellement urbain, vous avez reçu les conclusions ce mardi, il me semble. Qu'est-ce que vous tirez d'essentiel dans ce rapport ?
FRANÇOIS REBSAMEN
D'abord, je voudrais remercier ceux qui ont fait ce rapport, qui ont travaillé pendant quasiment un an. Ils ont travaillé alors qu'ils n'avaient pas de président. Je rappelle que maintenant, l'ANRU a à nouveau un Président, c'est Patrice VERGRITE.
FRANÇOIS REBSAMEN
Un Dunkerquois, chez nous.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr, qui a été ministre du Logement, qui connaît bien ce sujet. Nous avons eu l'occasion d'en discuter tous les deux. Ce rapport, il fait d'abord un bilan de ce qui a été fait, j'essaie de renforcer mes propos, il fait un bilan de ce qui a été fait, et notamment de ce qu'on va appeler l'ANRU 2, c'est-à-dire la deuxième phase d'ANRU, qui s'appelle le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine, NPNRU, qui a concerné plus de trois millions d'habitants, où plus de douze milliards d'euros ont été lancés, de travaux, mais il n'est pas terminé, c'est ANRU 2. Donc je propose qu'on fasse l'état des lieux de tout ce qui a été lancé, parce que vous savez, quand c'est lancé, il faut les crédits de paiement derrière.
JULIEN LECUYER
Oui, j'allais dire, est-ce qu'on aura les moyens, de toutes façons, de ces ambitions ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y en a jusqu'en 2030, quand même, donc il faut déjà faire une revue des projets, on va dire les choses clairement, faire une revue de tous les projets qui sont lancés, réfléchir quand même à, non pas abandonner la politique des quartiers prioritaires, la politique de la ville, mais aussi à réfléchir à toutes ces villes sous-préfecture, que j'ai rencontrées l'autre jour, 220 villes qui demandent, elles aussi, à être accompagnées sur leurs bâtis, donc l'expertise de l'ANRU peut être très utile en cela.
JULIEN LECUYER
Les territoires ruraux qui ont été un petit peu oublié dans la bataille ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Appelons-les ruraux, vous savez que même dans les territoires ruraux, il y a toujours une ville-centre, un bourg-centre, qui ont été l'objet de politiques publiques nouvelles, qui marchent, Coeur de Ville, Opération Coeur de Ville, et pour les tout petits villages, villages d'avenir, d'ailleurs j'ai visité cela, et puis c'est une ancienne sénatrice, Françoise GATTEL, qui s'en occupe auprès de moi, donc on a un programme intéressant, ouvrir un peu plus sur le reste, hors-quartier des politiques de la ville, sans les abandonner, comment faire, est-ce qu'il faut mobiliser un peu plus l'ANNA ? Ça va être le travail que nous allons mener ensemble.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot rapidement ?
JULIEN LECUYER
Oui, très rapidement, sur la Fédération Progressiste, puisque on en avait beaucoup entendu parler en 2002, lors de son lancement, cela dit, depuis, on ne sait pas du tout ce que ça devient, est-ce que ça va…
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça vit, ça vit.
JULIEN LECUYER
Ça vit, mais comment ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a des adhérents, des cotisations.
JULIEN LECUYER
Avec une perspective sur les municipales, sur les prochaines élections ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y aura des élus, il y a déjà beaucoup d'élus dedans, il y a des candidats même, on le verra au moment où ils seront désignés, qui sont des candidats d'élections politiques.
ORIANE MANCINI
Mais qui sont étiquetés Fédération Progressiste.
FRANÇOIS REBSAMEN
Qui sont membres de la Fédération Progressiste, mais vous savez qu'on n'est pas sectaire à la Fédération Progressiste, puisqu'on permet la double adhésion, donc, ça permet effectivement de dire : on n'a pas la vérité révélée, on est prêt à participer. Notre fondement, c'est une gauche européenne, progressiste, ouverte aux Républicains de progrès.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup, merci François REBSAMEN, merci d'avoir été notre invité. Julien LECUYER de La Voix du Nord, SOS de médecins en détresse.
JULIEN LECUYER
Oui, on ne parle pas de violence, mais de plaintes de plus en plus nombreuses contre les médecins.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2025