Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, à BFM TV le 21 février 2025, sur la responsabilité de l'État dans les abus commis au pensionnat Notre-Dame de Bétharram, établissement privé sous contrat et les contrôles dans ces établissements, les violences à l'arme blanche chez les jeunes et le rapport de la Cour des comptes sur les retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8 h 32 sur RMC et BFM TV. Bonjour Élisabeth BORNE,

ÉLISABETH BORNE
Bonjour,

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. C'est la première fois que vous répondez à une interview depuis les dernières révélations sur Notre Dame de Bétharram. Et puis d'ailleurs, depuis la mort de Louise, vous êtes la ministre de l'éducation nationale, ministre d'État et numéro deux du Gouvernement. Votre parole est donc très attendue. Ma première question, elle est, tout simplement, sur Notre-Dame de Bétharram. Plus d'une centaine d'anciens élèves qui dénoncent des abus s'étalant sur un demi-siècle, des agressions sexuelles répétées, des châtiments corporels, des humiliations. Est-ce que vous estimez que l'État a une part de responsabilité ?

ÉLISABETH BORNE
D'abord, moi je veux avoir une pensée pour toutes ces victimes. Et on entend des témoignages qui sont glaçants. Donc moi, je veux dire toute ma solidarité aux victimes. J'espère que cette parole elle va continuer à se libérer, que les victimes pourront être accompagnées. Et puis naturellement, que les auteurs seront condamnés. Évidemment, on peut se dire que l'État n'a pas été au rendez-vous sur ce dossier. Et c'est difficile de comprendre comment on n'a pas réagi plus tôt. Donc, c'est pour ça qu'il faut qu'on agisse en renforçant les contrôles. C'est pour ça qu'il faut aussi qu'on agisse pour que la parole se libère. Et vous voyez, il y a quelques réactions négatives sur le programme d'éducation à la vie affective relationnelle et à la sexualité qui a été validé récemment à l'unanimité du Conseil supérieur de l'éducation. Mais ce programme, il dit aussi aux enfants, "Ton corps t'appartient, on doit respecter ton intimité. Si un adulte a un comportement qui n'est pas normal vis-à-vis de toi, tu dois avoir une personne de confiance". Et puis, dans tous les établissements qui accueillent des jeunes, on doit afficher le numéro sur l'enfance en danger, le 39 19. Donc voilà, il faut tout faire pour que ça ne puisse pas se reproduire.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a beaucoup de choses dans votre première réponse, Élisabeth BORNE. Vous avez dit l'État n'a pas été au rendez-vous. Je vous pose la question encore un peu plus loin. Est-ce que l'État a une responsabilité à ne pas avoir alerté ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'on était dans une période où, vous savez, et ça a été pointé par un rapport de deux députés au début de l'année 2024, il n'y a pas assez de contrôle sur notamment les établissements privés.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais en l'occurrence, il y avait eu un contrôle. Il y a eu un contrôle après la première plainte. Le contrôleur lui-même, l'inspecteur lui-même reconnaît, aujourd'hui, s'être trompé, être passé à côté. L'inspection, le rapport d'infection qui concluait qu'il n'y avait pas de problème majeur, outre un problème sur un élève. Est-ce qu'il y a deux questions ? Plus de contrôle, oui, mais ces contrôles ? Là, il y a un contrôle le 17 mars de ce même établissement. Vous trouvez ça normal qu'il le sache six mois avant, deux mois avant, un mois avant ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, les contrôles, ils sont annoncés à l'avance parce que vous savez, il y a plusieurs choses qu'on doit contrôler. Quand on est dans un établissement privé sous contrat, on doit contrôler notamment l'utilisation des financements. Donc, on demande à l'établissement de se préparer pour fournir toutes les pièces. Et ensuite, effectivement, on doit organiser et préparer le contrôle. Ce n'est pas la police, on n'arrive pas à l'improviste. On doit organiser le contrôle dans l'établissement. Mais je vous dis, je crois que ça doit aller de paire aussi avec une culture à développer pour que, si un personnel de l'établissement voit quelque chose, il fasse un signalement au procureur. Ça doit aller de paire aussi avec le fait que les enfants puissent se rendre compte quand ils subissent des traitements qui ne sont pas normaux.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on va revenir là-dessus parce que tristement, des signalements, il y en avait eu en l'occurrence. Mais, Elisabeth BORNE, vous ne considérez pas, vous, qu'il faille avoir, en plus de ces contrôles annoncés, des contrôles inopinés beaucoup plus fréquents ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense que ça peut se faire aussi si on est alerté, qu'il puisse y avoir une inspection pour le coup. Là, vous savez…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'il n'y a pas des moments où, sans même être alerté, est-ce que vous n'estimez pas que l'existence même de ces contrôles inopinés, spontanés, sans prévenir, devraient exister ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'il faut qu'on réfléchisse. Moi, j'ai demandé au recteur de reprendre les contrôles sur la base d'un guide qui leur a été donné. Donc, on a les contrôles qui doivent se faire avec un objectif, 40 % des établissements privés sous contrat contrôlés dans les 24 mois. Ça n'interdit pas.

APOLLINE DE MALHERBE
40 % dans les 24 mois ?

ÉLISABETH BORNE
40 % dans les 24 mois. Je rappelle qu'on parle de quasiment aucun contrôle. Donc, la politique de contrôle, on la renforce. On vient d'envoyer dans les académies un guide de contrôle qui donne des lignes claires.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais dans ce guide, il n'y a pas de contrôle inopiné ?

ÉLISABETH BORNE
Il n'y a pas ailleurs. Ce qu'on peut très bien décider, qu'on puisse avoir une politique aussi d'inspection sur certains établissements. Évidemment, moi, je ne vais pas me l'interdire. Et ça suppose qu'on ait des signalements, des doutes sur un établissement. Mais on peut très bien faire aussi des inspections.

APOLLINE DE MALHERBE
Des inspections ? Encore une fois, je repose la question. Parce que quand on sait que pour Notre-Dame de Bétharram, la fameuse inspection à laquelle nous nous référions, à l'instant, qui avait conclu qu'il n'y avait pas de problème en 1997, c'était une inspection sur rendez-vous.

ÉLISABETH BORNE
Oui, je ne sais pas si c'est une question de rendez-vous ou pas rendez-vous. Je crois que l'inspecteur l'a dit lui-même. Il est passé à côté de tout ce qui se passait dans l'établissement. Donc, qu'il faille former, qu'il faille outiller les inspecteurs qui vont faire ces contrôles, je n'ai pas de doute. C'est notamment l'objet du guide qui vient d'être adressé au recteur pour que ces contrôles se déroulent dans les meilleures conditions.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, les inspecteurs n'ont pas vu. Est-ce que d'autres qui auraient pu voir n'ont pas vu ? J'en veux pour preuve le tout dernier témoignage recueilli par nos confrères de MEDIAPART. C'est une enseignante de Notre-Dame de Bétharram qui raconte avoir non seulement vu, entendu les coups portés à des élèves, mais l'avoir fait au moins une fois alors qu'elle était aux côtés de l'épouse de François BAYROU, qui était, à l'époque, elle-même professeur de catéchisme dans l'établissement. D'avoir échangé avec elle, de lui avoir dit "Mais qu'est-ce qu'on fait ?" À ce moment-là l'épouse de François BAYROU aurait répondu : "On ne peut rien faire pour ces jeunes". Cette professeure dit également avoir à plusieurs reprises tenté d'alerter François BAYROU et au moins une fois l'avoir rencontré en personne, l'avoir à nouveau alerté et il lui aurait répondu que c'était exagéré. Est-ce que vous croyez toujours que François BAYROU n'était pas au courant ?

ÉLISABETH BORNE
Écoutez, François BAYROU, il a dit qu'il avait demandé une inspection. Vous avez vu le rapport de l'inspecteur, l'inspecteur dit lui-même sans doute : "Voilà, je n'ai pas fait les contrôles comme j'aurais dû le faire". Après, vous savez les témoignages que MEDIAPART nous sort 30 ans plus tard et la façon qu'ils ont de feuilletonner, voilà, c'est la méthode habituelle de MEDIAPART.

APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, c'est MEDIAPART ou le problème c'est ce qui s'est passé dans cette école ?

ÉLISABETH BORNE
Moi, je ne sais pas ce qui s'est passé dans cette école, je ne sais pas comment cette dame a porté plainte. Moi, si je suis témoin de violence sur des enfants dans un établissement, je porte plainte. Je crois qu'elle l'a fait et que ça a été classé sans suite, donc, qu'est-ce qu'elle a dit à l'époque, je ne sais pas. Et si je suis témoin, et c'est en tout cas l'instruction qu'on donne à tous les personnels de l'éducation nationale, c'est de saisir le procureur.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais Élisabeth BORNE, je veux quand même comprendre ce que vous dites, c'est-à-dire que vous parlez des témoignages, mais vous les avez entendus ces témoignages ? Je veux dire, il y a celui-là mais il y a les témoignages des élèves, des anciens élèves.

ÉLISABETH BORNE
Attendez, je n'ai aucun doute sur le fait que, heureusement, une enquête judiciaire s'est ouverte et heureusement, on va pouvoir faire toute la lumière. Je dis simplement qu'il y a deux choses, il y a ce drame qui s'est passé dans cet établissement et il y a l'exploitation politique qui peut être faite par MEDIAPART, par la France Insoumise, dont on a bien compris que leur objectif, c'est de transformer un drame qui appelle des réponses, et j'espère que la justice apportera ses réponses, j'espère que les victimes seront bien prises en charge, et puis, il y a autre chose, il y a la mise en cause politique de François BAYROU.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand François BAYROU lui-même, Élisabeth BORNE, répond en plein hémicycle qu'au fond, lui, il ne savait pas, mais qu'il y en a d'autres, et qu'il pointe du doigt les anciens ministres socialistes à l'époque, il ne fait pas de la politique ?

ÉLISABETH BORNE
Non mais je pense que ce que pointe François BAYROU, c'est qu'aujourd'hui, MEDIAPART, la France Insoumise, donnerait l'impression que le seul qui n'aurait pas vu ce qu'il aurait dû voir, ce serait François BAYROU. Vous savez bien que les plaintes pour violences sexuelles, elles sont déposées à partir des années 98, il signale qu'il y en a d'autres qui n'ont sans doute pas vu ou pas réagi à l'époque.

APOLLINE DE MALHERBE
Je recevais hier Philippe DELORME, qui dirige l'enseignement catholique en France. Il estime qu'il y a une responsabilité collective, c'est-à-dire qu'il dit que le problème n'est pas l'enseignement catholique, mais le problème c'est une omerta beaucoup plus générale dans toute la société. Écoutez.

PHILIPPE DELORME, DIRIGEANT DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
Elles seront certainement ouvertes, mais ce n'est pas de ma compétence. En revanche, tout ce que l'enseignement catholique pourrait avoir, bien entendu, mais je n'ai pas annoncé, on m'a posé la question de savoir si la justice a besoin d'avoir accès à des archives, pour peu qu'on en ait, parce que je n'en sais absolument rien à l'heure où je vous parle. On donnera des archives, mais ça m'étonnerait fort qu'il y ait grand-chose, parce que les informations comme celles-là ne pouvaient pas remonter, à mon avis, à l'époque, jusqu'au secrétariat général. Aujourd'hui, la chose est un peu différente, mais à l'époque, je ne pense pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Il dit qu'il ouvrira les archives nationales. Il dit aussi qu'effectivement, ce n'est pas que le problème et la responsabilité de l'Église catholique, mais une responsabilité collective. Est-ce que vous estimez, vous, que l'enseignement catholique, en particulier, doit faire le ménage et a une forme de responsabilité ?

ÉLISABETH BORNE
Moi, je ne vais pas cibler l'enseignement catholique. Je dis que dans les établissements, dans les écoles, les collèges, les lycées de l'Éducation nationale, les règles sont très claires. Si jamais on a un signalement de violence sur des enfants, sur des élèves, a fortiori de violences sexuelles, la personne mise en cause fait l'objet d'une suspension à titre conservatoire et on fait un signalement au procureur. Donc, je pense que c'est important que tout le monde adopte ce mode de fonctionnement.

APOLLINE DE MALHERBE
Avez-vous envisagé de rompre le contrat d'association entre l'État et Notre-Dame de Bétharram ?

ÉLISABETH BORNE
Écoutez, on fait un contrôle et c'est en fonction de ce qui sera vu lors de ce contrôle qu'on verra si on doit maintenir ou pas ce contrat.

APOLLINE DE MALHERBE
Y-a-t-il eu des conséquences sur certains contrôles ? On sait que le rapport d'inspection sur le collège Stanislas à Paris, par exemple, avait eu des conclusions extrêmement critiques. Est-ce qu'il y a eu des conséquences ? Est-ce qu'il y a eu des décisions qui ont été prises depuis ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'à chaque fois qu'on fait un contrôle, on peut pointer un certain nombre de faits qui nécessitent des mesures correctrices et on s'assure que les mesures sont prises.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, la question de la violence des jeunes et la question, notamment de l'usage des couteaux. Il y a eu évidemment le drame d'Elias. Louise, elle-même tuée au couteau par un autre jeune, même s'il n'était pas mineur. Est-ce que vous allez prendre des mesures pour tenter de renforcer le contrôle ou pour faire baisser cette violence par couteau chez les jeunes ?

APOLLINE DE MALHERBE
Alors on a une violence dans toute la société. On a notamment chez les jeunes un usage beaucoup plus répandu des armes blanches. Il faut absolument agir. Moi, je vais d'abord modifier le code de l'éducation pour que quand on a un port d'armes, port d'armes blanches au sein d'un établissement, on ait systématiquement, que l'élève passe systématiquement devant un conseil de discipline.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça n'était pas le cas ?

ÉLISABETH BORNE
C'était à l'appréciation du chef d'établissement, de l'équipe pédagogique.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera donc systématique.

ÉLISABETH BORNE
Ça sera systématique et qu'on ait systématiquement un signalement au procureur. Et puis par ailleurs, j'en ai parlé aussi avec le ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU. Moi, je souhaite qu'on puisse, avec le préfet, le procureur, le représentant de l'Éducation nationale, pouvoir organiser régulièrement des fouilles de sacs à l'entrée des établissements. Donc, je pense qu'il faut vraiment qu'on se mobilise et qu'à partir du printemps…

APOLLINE DE MALHERBE
Des fouilles de sacs ? Dès le printemps ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, avec les forces de l'ordre, puisque ça ne rentre pas dans les prérogatives des personnels de l'éducation, qu'on puisse fouiller des sacs régulièrement dans différents établissements.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, c'est très nouveau parce qu'effectivement, et vous le précisez, au fond, le personnel éducatif lui-même n'a pas le droit d'imposer la fouille intérieure du sac. Ça veut dire donc que ça doit être fait par des policiers. Il y aurait donc des policiers à l'entrée de certains lycées ?

ÉLISABETH BORNE
Ça veut dire qu'il peut y avoir des contrôles aléatoires…

APOLLINE DE MALHERBE
Inopinés ?

ÉLISABETH BORNE
Inopinés, pour aller vérifier le contenu des sacs et qu'on le fasse de façon régulière à partir du printemps.

APOLLINE DE MALHERBE
À partir du printemps, dans certains collèges, lycées que vous avez déterminés ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, je pense que vous savez, il y a des organisations dans lesquelles les procureurs, les préfets échangent régulièrement avec les responsables de l'Éducation nationale et en fonction des établissements qu'on pourra identifier naturellement en lien avec le chef d'établissement, on organisera ces fouilles de sacs.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, il y a la question de la violence des jeunes, il y a aussi la question de la réinsertion ou de la sanction contre ceux qui provoquent ces violences. La question, un, des centres éducatifs fermés, le ministère de la Justice dit qu'il en manque beaucoup et deux, la question de ce qu'on fait de ceux qui sont exclus. Parce que vous dites conseil de discipline, s'ils sont exclus, ils vont où ? On fait quoi ?

ÉLISABETH BORNE
Écoutez, c'est effectivement une question. Évidemment, il faut une réponse forte quand on a des jeunes qui ont basculé dans la violence, mais on doit tout faire pour éviter d'en arriver là. Et ça veut dire que, notamment, il faut réagir dès les premiers signaux. Moi, je visitais hier une classe relais dans laquelle on accueille un petit nombre de jeunes qui sont pris en charge. Ce sont des jeunes qui ont été exclus à plusieurs reprises d'établissement. Ces jeunes, si on les exclut, il ne s'agit pas qu'ils soient livrés à eux-mêmes, qu'ils s'éloignent encore plus de l'école et des règles de la société.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils iront où ?

ÉLISABETH BORNE
Ils sont pris en charge dans une classe relais avec des personnels de l'Éducation nationale, des professeurs, des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, le cas échéant aussi des personnels de la protection de l'enfance. Et on doit absolument, avant que le jeune bascule dans la violence, tout faire pour le remettre sur de bons rails.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, les retraites. Le rapport de la Cour des comptes a été remis hier. Il parle d'une nette dégradation dans les années à venir. 6 milliards d'euros de déficit, trente milliards sous peu, malgré votre réforme des retraites. Est-ce que vous vous dites, aujourd'hui : "Tout ça pour ça" ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, la réforme des retraites, elle permet de réduire le déficit à peu près au niveau de ce qui avait été annoncé, c'est-à-dire, j'entendais Pierre MOSCOVICI qui disait une dizaine de milliards. Ce qui avait été présenté, c'est 13,5 milliards. Évidemment, on voit qu'à la fois l'évolution démographique, sans doute la dégradation de la conjoncture économique fait que c'est insuffisant. Mais vous savez, si on n'a pas fait plus d'économie…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il dit même : "Ce n'est pas une réforme pour rien, mais ce n'est pas non plus un point final".

ÉLISABETH BORNE
Oui, mais moi j'ai tenu à porter une réforme. Et j'espère que les organisations syndicales et patronales qui vont se pencher sur la réforme et les améliorations possibles pourront noter que si on n'a pas fait plus d'économie, c'est aussi parce qu'on a pris sept milliards d'euros de mesures favorables, dont on a assez peu parlé finalement au moment de la réforme des retraites. Donc, je me réjouis que les organisations patronales et syndicales aient l'occasion de se repencher sur le dossier pourront voir le coût de la revalorisation des plus petites pensions, du fait que ceux qui ont commencé à travailler tôt partent plus tôt, que ceux qui sont en incapacité ou en invalidité continuent à partir à 62 ans. Donc oui, moi j'ai voulu faire une réforme qui permettait de combler le déficit tel qu'il était estimé à l'époque, mais qui en même temps apportait beaucoup d'améliorations pour les retraités.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a hier Éric COQUEREL, le président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, qui vous accuse de ne pas avoir révélé l'ampleur du glissement du déficit et surtout des moindres recettes qu'allait apporter le budget. Il estime que vous auriez dû, à ce moment-là, alerter. Qu'est-ce que vous répondez ? Vous avez été, dit-il, informé par une note qui vous a été remise en décembre 2023 qui, d'après les informations de Bercy, vous disait que les recettes seraient moindres.

ÉLISABETH BORNE
Oui, on peut vouloir créer de la polémique surtout. Vous voyez, ce qui s'est passé, c'est que les recettes ont été très en dessous de ce qui était prévu de l'ordre de vingt milliards en 2023 et de plus de quarante milliards, près de cinquante milliards en 2024. Je pense que toutes les personnes qui ont été auditionnées par la Commission des finances et la Commission d'enquête ont expliqué qu'en effet, il y a un défaut de prévision. On peut mettre ça sur le compte des responsables politiques. Je pense que ça doit surtout nous interroger sur la façon dont on fait des prévisions, dont on organise les services de Bercy pour avoir des meilleures prévisions, la façon dont on suit les rentrées des recettes au fur et à mesure, parce que vous voyez, est-ce que c'est normal que finalement, en tant que Premier ministre, moi, je sois alerté le 15 décembre et le ministre l'a été le 7 décembre sur le risque que les recettes de l'année 2023 ne soient pas au rendez-vous ?

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, c'est-à-dire de l'année qui vient de s'écouler.

ÉLISABETH BORNE
De l'année qui vient de s'écouler. Vous voyez, dans une entreprise, vous ne découvrez pas votre chiffre d'affaires…

APOLLINE DE MALHERBE
Je suis quand même frappée presque, j'allais dire, depuis le début de cette interview, mais dans la période actuelle, globalement, ce n'est pas que vous, chacun ouvre tout le temps le parapluie. C'est-à-dire que là, vous dites, en fait, c'est Bercy qui aurait dû m'alerter plus tôt. Sur Bétharram, on dit, oui, mais bon, c'est le fonctionnement, c'est l'OMERTA, c'est tout le monde. Est-ce qu'il n'y a pas un moment où il faut quand même prendre la mesure de ce que ça dit aux Français sur le sentiment qu'en fait, des faits n'entraînent pas de conséquences ?

ÉLISABETH BORNE
En l'occurrence, j'entends parfaitement. Et donc, il faut absolument s'assurer que la situation qu'on a à Bétharram, c'est-à-dire des enfants qui sont victimes de violences et de violences sexuelles, on l'identifie plus tôt et la justice est saisie plus tôt. Ça veut dire que sur le suivi des recettes de l'État, vous savez, on suit précisément les dépenses de l'État. Le mécanisme de suivi des recettes n'était manifestement pas au rendez-vous. Et je peux vous assurer qu'Éric LOMBARD…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que depuis, alors, je vais vous poser une autre question, je voulais poser pour Bétharram. Est-ce que depuis, des décisions ont été prises pour qu'il n'y ait plus de Bétharram ? Est-ce que depuis, des décisions ont été prises, c'est-à-dire quand on voit qu'il y a un dysfonctionnement, est-ce que des choses sont changées derrière ? Est-ce qu'il y a des conséquences ?

ÉLISABETH BORNE
Bien sûr que les choses sont en train de changer sur les recettes. Et moi, j'en ai parlé récemment avec Éric LOMBARD et avec Améline MONCHALIN. Je peux vous assurer que désormais, on va vouloir suivre, s'organiser pour suivre les recettes.

APOLLINE DE MALHERBE
En temps réel et pas seulement en décembre, pour l'année qui vient de s'écouler ?

ÉLISABETH BORNE
Et pas en décembre, pour l'année qui vient de s'écouler, en vous renvoyant au mois de février suivant pour avoir les bons chiffres. Donc, évidemment qu'il faut réagir quand on constate des dysfonctionnements de ce type.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci, Élisabeth BORNE, d'avoir répondu à mes questions ce matin sur RMC et BFM TV. Vous êtes la ministre de l'Éducation nationale, ministre d'État.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 février 2025