Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Astrid PANOSIAN-BOUVET, bonjour,
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour,
LÉA SALAMÉ
Bonjour,
NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à ce micro. Beaucoup de questions à aborder avec vous sur le marché de l'emploi, le chômage des jeunes qui repart à la hausse, la conjoncture économique qui est fragile, vous le savez. Mais d'abord, les retraites avec le fameux conclave des partenaires sociaux qui commence ce jeudi, après-demain, il doit durer trois mois. Et à la fin, il y aura quoi ? Il y aura une nouvelle loi, une nouvelle réforme, une sortie peut-être de la réforme BORNE ? Dites-nous.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a le temps de l'expertise. C'était celui de la Cour des comptes. On pourra peut-être discuter aussi parce que je pense que c'est important que les Français prennent aussi connaissance des conclusions du rapport de la Cour des comptes.
LÉA SALAMÉ
On va en parler.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a le temps social qui est venu, qui est la négociation sociale des partenaires sociaux en espérant qu'ils pourront trouver des compromis. Et puis, il y a le temps politique parce que c'est effectivement s'il y a des compromis, des sujets qui doivent être soumis au Parlement.
LÉA SALAMÉ
Mais Catherine VAUTRIN a dit avoir donné une feuille blanche aux partenaires sociaux. Ça veut dire quoi ? Que s'ils se mettent d'accord, par exemple, imaginons qu'ils se mettent d'accord sur un revenir ou essayer d'instaurer un système à points, on y va ? S'ils se mettent d'accord pour revenir aux 62 ans, on y va ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a une feuille de route qui est d'abord de retrouver une trajectoire à l'équilibre. Un régime de répartition, ça veut dire que ceux qui travaillent payent les retraites de ceux qui sont actuellement en retraite. Et donc, la condition clé, c'est un retour à l'équilibre. Or, ce qu'on voit justement dans le rapport de la Cour des comptes, c'est une trajectoire financière au dire de la Cour des comptes qui est préoccupante. Donc, effectivement, les partenaires sociaux peuvent trouver les compromis qu'ils souhaitent, si tant est qu'on retrouve un équilibre à terme.
LÉA SALAMÉ
Mais ce qu'on a du mal à comprendre, c'est que la CFDT a dit "Je ne signerai pas cet accord au bout des 3 mois si on ne touche pas aux 64 ans". Le MEDEF dit de son côté "Je ne signerai pas si on touche aux 64 ans". Donc c'est ça, à quoi ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais ça sert qu'il y a 3 mois pour discuter. Il y a 3 mois pour discuter, ça peut être aussi des positions…
LÉA SALAMÉ
Mais madame la ministre, on a discuté pendant 2 ans, on connaît les positions de chacun.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, mais il y a, en même temps, ce rapport de la Cour des comptes qui montre qu'à 2025, déjà, dès cette année, on est à 6,6 milliards d'euros de déficit. Ça va monter à 15 milliards l'année prochaine. Il y a également le sujet de carrières usantes. Parce que, effectivement, on parle de l'âge, mais l'âge peut ne pas être le même pour tous. Et il y a des métiers qui sont usants. Il y a le sujet des femmes aussi, dont on voit que les pensions sont en moyenne inférieure à près de 38 % de celles des hommes. Donc, il y a des sujets dont il faut, aujourd'hui, se saisir. Mais encore une fois, les retraites, ça ne doit pas être la pyramide de Ponzi. C'est-à-dire qu'il y a un vrai sujet, quand on parle de régime de répartition, de soutenabilité des retraites, pour ceux qui payent les retraites des autres puissent pouvoir en bénéficier à des niveaux satisfaisants quand eux arriveront à la retraite.
NICOLAS DEMORAND
Mais s'il y a un accord pour sortir des 64 ans, est-ce que ça ira au Parlement ? Est-ce que ce sera mis aux voix ? C'était l'engagement de François BAYROU. Il est toujours là, l'engagement ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
L'engagement du Premier ministre devant la représentation nationale, il tient, effectivement.
LÉA SALAMÉ
Il tient, donc ça ira au Parlement. Le texte, l'accord, ira au Parlement et sera mis aux voix.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
D'autant que s'il y a des sujets et des accords, il y aura forcément une transposition législative.
LÉA SALAMÉ
Mais imaginons qu'il touche aux 64 ans, ça ira aux voix ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça ira aux voix si tant est qu'on trouve un compromis aussi sur…
LÉA SALAMÉ
Le Parlement, tel qu'il est aujourd'hui, veut remettre en cause majoritairement les 64 ans.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Encore une fois, rien n'est gratuit. Donc, si on veut revenir sur les 64 ans, encore faut-il trouver les ressources qui vont avec. Et je pense qu'il y a le sujet de l'âge de départ sur lequel se cristallise, aujourd'hui, le débat. Je pense qu'il y a des sujets au moins tout aussi importants. Je le dis ici, c'est le sujet des carrières usantes. C'est le sujet des femmes et c'est le sujet également du maintien en emploi des seniors. Parce que depuis 50 ans, on se fait à l'idée que passé 55 ans, on n'a plus tout à fait sa place dans l'entreprise. Ça, ce sont des sujets aussi qui travaillent beaucoup de nos concitoyens.
LÉA SALAMÉ
Mais d'ores et déjà, et avant le début du conclave, certains ministres du Gouvernement, comme Laurent SAIN-MARTIN, le ministre du commerce étrangère… Non, étrangère, du commerce extérieur. J'ai eu un petit bug. Erreur 404. Lui dit "Hors de question de revenir sur les 64 ans. Ça déséquilibrerait encore plus le système. Ça serait une grave erreur de revenir sur les 64 ans". Vous-même, vous disiez à France Info la semaine dernière, "Il va falloir travailler plus longtemps". Ça veut dire quoi plus longtemps ? Plus longtemps que les 64 ans ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Encore une fois. Moi, j'ai bien aimé l'expression du président de la Cour des comptes. La Cour des comptes, elle a dressé la table. Maintenant, c'est aux partenaires sociaux de trouver le menu. Je pense que la retraite… Il y a d'abord un sujet qui est celui de l'équilibre financier. Il y a un sujet qui est celui de la pénibilité des femmes. Il y a un sujet également. Il y a une étude du Conseil d'analyse économique qui va sortir début mars et qui dit qu'il y a un retard sur le sujet du maintien des seniors sur le marché du travail. Donc, il faut pouvoir traiter de ces sujets aussi.
LÉA SALAMÉ
Ça, c'est un sujet, vous savez, nous, je ne sais pas si vous écoutez la matinale d'Inter, mais depuis 7 ans, 8 ans qu'Emmanuel MACRON est au pouvoir et à chaque fois, c'était Bruno LE MAIRE qui était à votre place. C'était un sujet qui revenait de manière lancinante parce qu'on est les plus mauvais sur le marché du travail pour la question du travail des seniors. Et il n'y a pas eu d'avancée. Ça fait 8 ans.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Vous verrez dans ce rapport du Conseil d'analyse économique qu'il y a eu une vraie progression sur les 55-59 ans. Aujourd'hui, on est à des niveaux équivalents à l'Allemagne. Par contre, effectivement, le taux d'activité chute brutalement après. Et donc, ce sont des sujets qui ne doivent pas être justement traités au moment du départ de la retraite ou même à 55 ans. Ce sont des sujets qui doivent être traités à partir de mi- carrière d'où l'accord qui a été signé entre les partenaires sociaux en novembre dernier sur les seniors pour pouvoir avoir, notamment, un entretien de mi-carrière associé à un bilan de santé pour pouvoir faire le point et envisager la deuxième partie de carrière plus sereinement.
NICOLAS DEMORAND
Jeudi dernier, la Cour des comptes a, donc, présenté les conclusions de la mission flash sur le système de retraité demandée par François BAYROU. Ce que montre ces conclusions, c'est que le déficit du régime des retraites ne va cesser d'augmenter dans les prochaines années, 15 milliards en 2035, puis 25 milliards minimum en 2045, ce qui fait dire à Marylise LÉON, la patronne de la CFDT, la réforme des retraites d'Élisabeth BORNE, je la cite, "Qui nous avait été présentée comme incontournable et qui devait régler les problèmes de déficit, ne produit absolument pas les effets attendus". Elle a tort ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ce que dit la Cour des comptes, c'est que la réforme de 2023 a été positive, mais qu'elle n'a pas été suffisante. Qu'elle n'a pas été suffisante. Donc, on pourrait effectivement avoir, les perspectives financières qui sont assez préoccupantes que vous décrivez, auraient été pires encore si la réforme de 2023 n'avait pas été mise en place. Mais je pense que ce qui est important, c'est de voir aussi les retraites comme un organisme vivant. Ça dépend effectivement de conditions démographiques, du taux de croissance, de la productivité. On a beaucoup parlé d'intelligence artificielle il y a deux semaines et on voit comment ce sujet peut être volatile, du taux de chômage. Et donc, je pense qu'il faut aussi se faire à l'idée, un peu comme le fait très intelligemment l'Agirc-Arrco, qui est le régime complémentaire géré par les partenaires sociaux, qu'on doit être non pas dans la der-des-ders des réformes, mais dans des ajustements permanents.
LÉA SALAMÉ
Et est-ce que dans les ajustements permanents, il faut ouvrir la voie à la capitalisation ? C'est ce que souhaite, par exemple, Gérald DARMANIN ou d'autres. Est-ce que vous dites, "Il n'y a pas de tabou", disait Catherine VAUTRIN à votre place il y a deux semaines, c'est ça la solution ? C'est la capitalisation aussi à côté du système par répartition ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors ça c'est vraiment aux partenaires sociaux de décider s'il faut mettre en place un régime obligatoire de capitalisation.
LÉA SALAMÉ
Votre avis ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi ce que je vois, aujourd'hui, c'est qu'il y a 15 millions d'actifs, 5 millions dans le public et 10 millions dans le privé, essentiellement d'ailleurs de salariés de grandes entreprises, qui se sont saisis de cet outil d'épargne-retraite, soit collective, soit individuelle.
LÉA SALAMÉ
Donc, ça va dans le bon sens pour vous ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est quelque chose qui existe pour non pas se substituer et remplacer la répartition qui doit être la base, mais compléter. Mais c'est, encore une fois, aux partenaires sociaux de s'en saisir.
LÉA SALAMÉ
Puisque vous parlez du rapport de la Cour des comptes, de cette mission flash, il y a quand même eu un petit, pour le coup, un petit bug entre ce qu'avait annoncé François BAYROU, qui avait évoqué, dans son discours de politique générale, un déficit du régime des retraites qui atteindrait 55 milliards d'euros en 2030. Pierre MOSCOVICI et les magistrats de la Cour des comptes répondent "Pas du tout, ce ne sera que 15 milliards maximum", convenez que ça fait une différence. Pourquoi annoncer 55 milliards si c'est 40 de moins ? Est-ce que c'est une erreur de calcul du Premier ministre ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le "Que 15 milliards", il faut déjà relativiser parce qu'on parle de milliards ce matin, mais ce n'est pas 55 milliards. L'équivalence est supérieure au budget du ministère de la Justice, donc, c'est quand même beaucoup. Ensuite, les 55 milliards, c'est quoi ? C'est que sur 385 milliards, aujourd'hui, de dépenses annuelles en retraite, il y a une dépense de 55 milliards d'euros de l'État pour équilibrer les systèmes de retraite de la fonction publique.
LÉA SALAMÉ
Pierre MOSCOVICI a été très clair, ce qu'a fait François BAYROU, c'est de comparer la manière de calculer les régimes du privé et ceux du public pour laisser entendre qu'il y aurait un déficit caché.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il n'y a pas de déficit caché.
LÉA SALAMÉ
Il a dit que c'est comparer les poireaux et les carottes. C'est quoi ? Donner 55 milliards pour faire peur aux gens ? On aura un déficit de 55 milliards.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il faut demander au Premier ministre. En tout cas, il n'y a pas de déficit caché et il n'a, certainement pas l'intention de demander aux salariés du public, du privé, de compenser en quoi que ce soit le régime de retraite public.
NICOLAS DEMORAND
Astrid PANOSYAN-BOUVET, le ministre de l'économie, Éric LOMBARD, est plutôt partisan d'une contribution accrue des retraités. Il a jugé assez illogique que leur niveau de vie soit, en moyenne, supérieur au niveau de vie des salariés. C'est ce que vous disiez aussi en envisageant de taxer les retraités les mieux lotis. Monsieur LOMBARD et Mme PANOSYAN-BOUVET disent ça, mais ne vont pas plus loin, ne vont pas au bout de cette idée. Pour quelle raison ? C'est parce qu'elle est impopulaire politiquement ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
On ne va pas au bout. C'est-à-dire qu'il s'agit d'abord de… Encore une fois, c'est aux partenaires sociaux de se saisir de cette question. C'est pour ça que je trouve que le rapport de la Cour des comptes est intéressant. Parce que dans sa conclusion, il émet quelques propositions sur qu'est-ce que ça voudrait dire de passer à 63 ans ? Qu'est-ce que ça voudrait dire d'augmenter les cotisations ? Qu'est-ce que ça voudrait dire d'aller sur une sous-indexation des retraités ? Mais encore une fois, c'est, je pense, aux partenaires sociaux de trouver les bons compromis pour qu'ils puissent être soumis à l'Assemblée nationale. Ensuite, moi je pense, un des bienfaits, quand même, de ce régime de répartition, c'est qu'il y a 40 ans, la pauvreté, elle était essentiellement chez les personnes âgées. Aujourd'hui, on a un des rares pays en Europe, et je pense qu'en Europe, il faut s'en satisfaire, qui est que les retraités, aujourd'hui, ont un niveau de vie quasiment équivalent de celui des actifs. Mais tout ça, ça a un coût, effectivement. Parce qu'un euro de dépense, aujourd'hui, publique sur quatre, 25 % de la dépense publique, est consacrée aux retraites.
LÉA SALAMÉ
Mais est-ce que, sur un niveau philosophique, presque, est-ce que les retraités en France sont trop favorisés par rapport à d'autres pays ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, par rapport à d'autres pays, effectivement, il y a un revenu moyen des retraités qui est effectivement supérieur. On voit que 75 % des retraités sont propriétaires. Ils sont propriétaires de 60 % du patrimoine financier et non financier de notre pays. Effectivement, je pense qu'il y a, aujourd'hui, un vrai sujet qui est aussi la valorisation du travail, la valorisation du travail des jeunes actifs. On a beaucoup parlé de la dénatalité, ces dernières semaines, à la faveur d'un certain nombre de livres. Je pense que c'est la dénatalité, c'est aussi le revers de la pièce de jeunes actifs qui n'arrivent plus à travailler, à pouvoir s'enrichir de leur travail. Et on voit bien qu'il y a une redistribution, mais qui se fait dans le cadre privé de grands-parents qui aident leurs petits-enfants. Maintenant, je pense qu'il faut aussi réfléchir à ce sujet au niveau national.
NICOLAS DEMORAND
On va passer au standard inter. Annie nous y attend. Bonjour Annie, vous nous appelez de Cherbourg et on vous écoute.
ANNIE
Oui, bonjour. Moi, j'aurais une petite question. Les femmes qui ont eu des enfants ont des trimestres qu'ils leur font donner. Certes, c'est une excellente idée, mais comme ces trimestres ne sont pas cotisés, ils ne sont pas pris en compte pour pouvoir partir plus tôt à la retraite. Et ça pose un petit peu de questions, puisque je vous cite justement mon cas. Moi, il me faut 171 trimestres parce que je suis de 64. Donc, je peux partir officiellement à la retraite au 1er août 2027. Or, au 1er août 2027, au lieu des 171 trimestres qu'ils me font, j'en aurai 181 des poussières. Je vais avoir une surcote de 5 %, mais j'aimerais ne pas avoir cette surcote et pouvoir partir plus tôt. Voilà.
NICOLAS DEMORAND
Merci Annie pour cette question et ce témoignage. Astrid PANOSYAN-BOUVET vous répond.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
La question que pose Annie, elle est clé. C'est-à-dire que le sujet, ce n'est pas simplement la question de la mesure d'âge. C'est aussi de travailler sur des injustices profondes de notre système de retraite, notamment des personnes qui ont eu des carrières hachées. Et ce sont souvent des femmes. Parce que maternité, parce que temps partiel subi à 80 % par les femmes. Et si on peut trouver un compromis pour qu'Annie puisse partir plus tôt à la retraite, alors qu'elle a fait tous ces trimestres, ou qu'elle puisse valoriser sa pension de retraite, parce qu'encore une fois, les femmes en moyenne, elles ont près de 40 % de moins de retraite que les hommes, eh bien, ce sera un bon compromis.
NICOLAS DEMORAND
Il y a beaucoup de questions sur le sujet au standard d'Inter. Un mot maintenant sur la conjoncture et la situation de l'emploi. Le taux de chômage s'élève à 7,3 %, mais le patron du MEDEF, Patrick MARTIN, s'inquiétait, dans le JDD dimanche, d'une remontée du taux de chômage à 8 % en fin d'année, voire plus, disait-il. Ce qui serait massif. Avez-vous les mêmes chiffres, les mêmes tendances ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, on a effectivement des tendances de durcissement de la situation économique de notre pays. Une remontée, effectivement, de défaillance des entreprises, équivalent à celui de 2008. Donc, on est effectivement dans une situation économique tendue, aujourd'hui. Et on s'attend à une augmentation, effectivement, du taux de chômage, ne sera-ce que parce que les hypothèses de croissance économique vont baisser. On voit qu'il y a une augmentation de 18 % des inscriptions à FRANCE TRAVAIL suite à des licenciements. Et donc, il faut être déterminé dans les réponses qu'on va apporter.
LÉA SALAMÉ
C'est le retour du chômage de masse ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, ce n'est pas le retour du chômage de masse. Le chômage de masse, c'était du 10 %, du 12 %, on est, aujourd'hui, à 7,3 %. Et différentes hypothèses des instituts tablent sur une tendance vers 8 % à la fin de l'année.
LÉA SALAMÉ
Donc oui, c'est quelque chose de crédible, on va arriver à un taux de chômage de 8 %.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais la réponse, justement, c'est ce qu'on a mis en place avec la réforme de FRANCE TRAVAIL pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, notamment les bénéficiaires du RSA. C'est aussi être beaucoup plus regardant au ministère du Travail sur l'homologation des plans. S'assurer aussi que dans ces plans, on ne fait pas partir en priorité les seniors, parce que c'est une tendance qu'on peut tout à fait voir. Il y a également, dans la loi de finances qu'on a votée, quelque chose de très important qui a été demandé tant par les syndicats que par le patronat, c'est l'introduction de l'activité partielle de longue durée pour permettre aux entreprises de trouver des solutions intermédiaires avant d'être dans des difficultés très fortes. Et puis, dernier point très important, qui fait le lien d'ailleurs avec le sujet des retraites, c'est qu'on va lancer, avec les partenaires sociaux, une négociation sur les reconversions, parce que les reconversions, c'est à la fois sur le sujet des restructurations économiques, mais aussi pour ceux qui sont exposés à des métiers usants, pour qu'ils puissent aussi envisager leur deuxième partie de carrière.
LÉA SALAMÉ
Vous parlez des seniors, mais Catherine VAUTRIN nous disait, le sujet majeur là, c'est le taux d'emploi des jeunes qui n'est pas bon, il a diminué de 0,7 % pour les 15-24 ans, malgré la politique de l'apprentissage. Vous avez mis de l'argent ces dernières années sur l'apprentissage, ça ne marche pas ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a deux sujets qui font que la France est en retard en termes de taux d'emploi global, c'est les seniors, et effectivement, ce sont les jeunes, dont l'insertion sur le marché du travail, quels que soient d'ailleurs les niveaux de qualification, est plus lent et plus difficile. Donc, on a eu cette révolution culturelle autour de l'apprentissage, et il faut continuer, et il faut s'en satisfaire, mais on voit que dès qu'il y a un durcissement sur le marché du travail, les premiers à être touchés, ce sont les jeunes, et on voit effectivement cette remontée du taux de chômage des jeunes. Donc, il faut se satisfaire, là aussi on voit l'importance du dialogue social, de l'accord assurance-chômage qui a été signé par les partenaires sociaux en novembre dernier, et qui va permettre de mieux protéger ceux qui arrivent sur le marché du travail, ce qu'on appelle les primo-arrivants, et en particulier les jeunes.
NICOLAS DEMORAND
Plus d'un an après le vote de la loi immigration, vous avez présenté, vendredi, la liste des fameux métiers en tension, qui ouvrent droit sous condition à la régularisation des travailleurs sans papier. Combien de personnes vont être concernées ?
LÉA SALAMÉ
Alors ça, il n'y a pas d'automaticité. Donc, ce sera vraiment aux personnes. Et la grande avancée, je pense, c'est que les personnes qui voudront lancer ces démarches n'auront pas besoin de l'autorisation de leur patron pour le faire. Mais comme il n'y a pas d'automaticité, moi, je ne peux pas vous dire, aujourd'hui, quels sont les chiffres. Aujourd'hui, en tout cas, on était à une dizaine de milliers de personnes, jusqu'à présent, qui entamaient ces démarches de régularisation. Les choses restent à la main du préfet, c'est quelque chose d'extrêmement important.
LÉA SALAMÉ
Et justement, les choses restent à la main du préfet, à la tête, il y a le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, qui est très hostile à cette mesure. Il était très hostile avant d'être ministre. Il avait dit, "Pour nous, la régularisation dans les métiers en tension n'est pas négociable, c'est une prime à la fraude et c'est une capitulation". Bruno RETAILLEAU qui a donné des consignes plus strictes sur la régularisation. Au préfet, il a abrogé la circulaire VALLS qui permettait d'avoir des dérogations et de régulariser plus facilement. On ne va pas dans le sens… Qu'est-ce que vous dites au fond aux patrons, aux chefs d'entreprise qui vous demandent, parce que beaucoup de chefs d'entreprise vous demandent plus de régularisation de leurs employés et ont des difficultés. Il y a plusieurs endroits en France, il y a plusieurs régions où ça ne marche pas. Vous le savez, ces derniers mois, où ils essayent de régulariser même dans les métiers en tension et ça ne marche pas parce que les instructions des préfets sont celles qu'elles…
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais c'est précisément pour ça qu'on a élaboré cette liste des métiers en tension en partant des régions, avec les fédérations professionnelles, avec les syndicats. Cette liste des métiers en tension, ce n'est pas le ministère qui décide, c'est vraiment en fonction des tensions de recrutement, le décalage entre offre et demande. On a maintenant cette liste, elle a été travaillée d'ailleurs avec le ministère de l'Intérieur et maintenant, elle est saisie pour dernière consultation pour les partenaires sociaux parce qu'effectivement il y a des tensions de recrutement. La circulaire VALLS, pour reprendre quand même, elle prévoyait des circonstances de régularisation très différentes. Il n'y avait pas que le travail, il y avait aussi les étudiants, le regroupement familial. La circulaire RETAILLEAU, elle va vraiment circonscrire la régularisation uniquement au travail, sur la base des métiers en tension et sur la base du fait que la personne doit pouvoir prouver qu'elle est restée au moins 7 ans en France.
NICOLAS DEMORAND
Un mot sur les députés qui ont adopté jeudi dernier la taxe ZUCMAN, impôt plancher sur le patrimoine des ultra-riches. Cette taxe est portée par les écologistes, inspirée par les travaux de l'économiste Gabrielle ZUCMAN et elle envisage d'instaurer un impôt plancher sur le patrimoine des 0,01 % des contribuables les plus riches en France afin de s'assurer qu'ils paient au moins 2 % de leur fortune en impôt. Elle doit passer l'étape du Sénat et vous y êtes opposée, estimant que ce n'est pas la bonne solution. Pourquoi ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que c'est un peu simple de dire que je suis opposée. Je pense qu'il y a quelque chose de profondément révoltant de se dire qu'il y a, aujourd'hui, des gens qui sont très riches et qui ont un taux d'imposition effectif qui est très bas et plus bas que ceux qui travaillent dur. Le sujet c'est qu'est-ce que c'est la taxe telle qu'elle est proposée qui va aider, qui va vraiment résoudre ce problème ? Moi, je pense qu'il y a des cantons en Suisse, au Luxembourg, aux États-Unis qui ont choisi des solutions alternatives qui semblent peut-être plus constructives.
LÉA SALAMÉ
Qu'est-ce qui serait plus constructif ? Parce que c'est vrai qu'on en arrive là aussi, ça fait 8 ans de pouvoir d'Emmanuel MACRON et comme vous dites il y a des très riches qui payent, qui ont un taux d'imposition moindre que des gens qui travaillent dur.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
La ministre du budget est précisément en train d'y travailler. Elle a prévu de faire des propositions au mois de mai. Moi, ce que je propose c'est qu'on la laisse travailler, tout simplement. Moi, je connais les travaux de Gabriel ZUCMAN, je l'ai même rencontré quand j'étais députée. Il a notamment fait beaucoup de comparaisons avec les États-Unis qui, dès 1937 d'ailleurs, ont mis en place des outils de ce type. Donc, je pense qu'il faut plutôt s'inspirer de ce qui a été mis en place dans d'autres pays. Et c'est ce sur quoi travaille, aujourd'hui, Amélie de MONTCHALIN.
LÉA SALAMÉ
Encore un autre sujet, on avait parlé avec Catherine VAUTRIN qui nous avait expliqué que sur la loi de fin de vie, le Matignon et l'Élysée ne sont pas forcément sur la même ligne. François BAYROU veut scinder le texte en deux, un volet soins palliatifs et un volet fin de vie. L'Élysée ne serait pas sur cette ligne-là, ni Yaël BRAUN-PIVET, ni Catherine VAUTRIN d'ailleurs. Et vous, qu'est-ce que vous en pensez ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi j'avais écrit une tribune transpartisane avec des députés communistes à L.R. demandant, quand j'étais effectivement députée, de scinder les deux sujets. Il y a les soins palliatifs qui font l'objet d'une unanimité qui est plutôt une question de moyens. Il y a la question de l'aide active à mourir qui est une question aussi anthropologique et qui nécessite une réponse. Et donc, je pense qu'il faut pouvoir scinder les deux textes pour plus de clarté. Par contre, ne pas chinter et escamoter le débat. On a eu un débat très digne à la convention citoyenne. Et donc, avoir une étude de ces deux textes, mais de manière très rapprochée, pour qu'on puisse donner une réponse à nos concitoyens qui la demandent.
LÉA SALAMÉ
Emmanuel MACRON réfléchit à faire passer, par référendum, plusieurs questions. Une question sur la fin de vie serait-elle une bonne question par référendum ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je m'étais exprimée sur cette question effectivement quand j'étais députée aussi. Je pense que l'aide active à mourir, c'est une question tellement intime, que je pense qu'elle est tout à fait légitime pour être posée dans le cadre d'un référendum. Parce qu'elle convoque chacun, chacun d'entre nous.
LÉA SALAMÉ
Mais vous connaissez les sondages sur cette question-là. De manière écrasante, 80 % des Français sont pour une aide active à mourir.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Eh bien, moi je pense qu'il ne faut pas escamoter le débat. Il ne faut pas escamoter le débat. Vous connaissez ma position. J'ai plutôt des réserves. Je pense qu'il faut trouver une ligne de crête entre effectivement cette liberté, cette liberté incline et ce devoir de fraternité vis-à-vis des plus vulnérables, parmi les plus vulnérables. Mais je pense qu'il ne faut pas escamoter le débat. D'où la nécessité. Il y a les soins palliatifs. C'est vraiment une question de moyens. Et puis, l'aide active à mourir qui nécessite un vrai débat. On l'a vu au mois de mai dernier. Un débat très digne à l'Assemblée nationale. Mais pourquoi ne pas nous convoquer effectivement l'ensemble de nos concitoyens sur cette question.
NICOLAS DEMORAND
Merci Astrid PANOSYAN-BOUVET d'avoir été à notre micro ce matin. Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2025