Interview de M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur, à RTL le 12 mars 2025, sur la menace russe, les tensions avec l'Algérie, les OQTF, la vie politique et les policiers.

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Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenu sur RTL, Bruno RETAILLEAU.

BRUNO RETAILLEAU
Bonjour, Thomas SOTTO.

THOMAS SOTTO
Inquiétude et incertitude, ce sont les deux qualificatifs du moment, quand on regarde la situation internationale. Les Russes mènent une guerre hybride qui nous touche aussi, dit et répète Emmanuel MACRON. Est-ce qu'il existe, aujourd'hui, un risque russe sur le territoire national ?

BRUNO RETAILLEAU
Il y a un risque russe, il s'est exprimé, d'ailleurs, avec une guerre hybride en Afrique avec WAGNER. Les Russes ont fait une forme de guerre à la France pour nous chasser de l'Afrique, il faut le reconnaître. Et comme ministre de l'Intérieur, je peux dire qu'il y a des menées, qu'elles soient cyber ou même très physiques russes. Bien sûr, je vous en donne un exemple, c'était en 2023. Souvenez-vous, ce ressortissant ukraino-russe qui s'est fait sauter en maniant un certain nombre d'explosifs dans son hôtel. Ces explosifs étaient destinés à un attentat dans un supermarché.

THOMAS SOTTO
Manipulés par la Russie ?

BRUNO RETAILLEAU
Manipulés, et bien nos services l'ont établi. Donc, quand on est patriote, je pense qu'on ne peut se permettre aucune indulgence, ni aucune complicité. Moi, je suis français et je protège comme de l'Intérieur, notamment avec des services qui sont extrêmement pointus, comme la DGSI, notre territoire, nos compatriotes.

THOMAS SOTTO
De dimanche, dans la tribune, Sébastien LECORNU, le ministre des armées, évoquait la possibilité d'assassinats ciblés contre des personnages clés du monde économique. C'est une réalité ou c'est une crainte ? Elles existent déjà, ces menaces, aujourd'hui ?

BRUNO RETAILLEAU
Il y a des menaces qui existent, y compris et surtout, notamment, vis-à-vis d'opposants russes qui résident sur le sol français, mais je ne peux pas en dire plus.

THOMAS SOTTO
Et visant des personnalités françaises, des patrons, des membres…

BRUNO RETAILLEAU
A ma connaissance, non.

THOMAS SOTTO
A votre connaissance, non. Autre sujet, Bruno RETAILLEAU, l'Algérie. Et là, de plus en plus de voix s'élèvent pour dire, RETAILLEAU, sur l'Algérie, c'est beaucoup de bla bla et pas beaucoup de résultats. Concrètement, il va se passer quoi pour éviter, par exemple, qu'un homme sous OQTF, comme le terroriste de Mulhouse, il y a quelques jours, se retrouve dans la nature, après que l'Algérie a refusé 14 fois de le reprendre.

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, pendant des mois, j'ai été seul à plaider pour un rapport de force avec l'Algérie. Je considérais qu'il y a un ensemble d'accords qui lie la France et l'Algérie. Et l'Algérie ne respecte pas un accord qui est important, l'accord de 94. Au terme de cet accord, l'Algérie, lorsqu'elle a un ressortissant algérien, qui a des papiers, qui est documenté, doit l'accepter sur son territoire.

THOMAS SOTTO
Sauf qu'ils disent non. Il y a deux nouveaux ressortissants algériens expulsés par la France qui ont été refusés vendredi dernier.

BRUNO RETAILLEAU
Sauf que, qu'est-ce qui a changé ? Il y a eu un comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre. J'ai vu, moi, la semaine dernière, le Président de la République. Et nous avons décidé d'une riposte graduée.

THOMAS SOTTO
Il se passe quoi alors ?

BRUNO RETAILLEAU
Il se passe que, déjà, des facilités ont été enlevées à la nomenclatura. Il ne vous a pas échappé que la femme d'un ambassadeur avait été renvoyée. L'ancien directeur de cabinet de monsieur et son épouse, idem. Et on va, dans quelques jours, je vais présenter, nous allons présenter, à l'Algérie, une liste d'algériens dont on sait parfaitement qu'ils sont algériens. C'est documenté. Nous avons les preuves. Je ne vous le dirai pas.

THOMAS SOTTO
Pourquoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Sur 700 algériens qui sont dans les CRAS et qui ont les profils les plus…

THOMAS SOTTO
Centre de rétention administrative.

BRUNO RETAILLEAU
Centre de rétention administrative. Il y en a... Donc c'est 43% de la population et les CRAS accueillent à 95 % les profils les plus dangereux. Eh bien, nous allons commencer par une première liste d'individus…

THOMAS SOTTO
De combien ? Pourquoi vous le dites pas ? Parce que vous avez peur que l'Algérie vous discose toujours et qu'après vous retrouvez avec votre chiffre et le résultat en face ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, parce que ce sont des chiffres qui sont des chiffres que je n'ai pas à mettre sur la place publique. Ça se compte par dizaines. C'est une première liste. Voilà. Et ensuite, on aura un certain nombre de ripostes. Nous déclencherons la riposte. Cette riposte, elle sera bien sûr dirigée d'abord contre la nomenclatura. Par exemple aussi…

THOMAS SOTTO
C'est pas la... Pardon, mais c'est pas la... C'est symbolique et on l'entend, mais ce n'est pas la nomenclatura s'il va prendre une arme…

BRUNO RETAILLEAU
Thomas SOTTO. Je pense que ces régimes-là sont insensibles à la souffrance de leur peuple. Et je pense que quand on cible de façon chirurgicale, celles et ceux qui viennent passer des vacances en France, qui mettent leurs enfants dans les bonnes écoles françaises, qui viennent se faire soigner en France, on est beaucoup plus efficace. Ce que je voudrais dire quand même, c'est qu'on me reproche les résultats, mais regardez les résultats en termes de délivrance de visas pour janvier 2025. C'est quasiment un quart vis-à-vis des Algériens en moins. Un quart. Donc, cette riposte, nous allons la mettre, comme nous l'avons décidé, sans précipitation, mais sérieusement en place.

THOMAS SOTTO
Ça pourrait aller jusqu'à la rupture des relations diplomatiques avec l'Algérie si tout se passait mal ?

BRUNO RETAILLEAU
Ça peut aller même jusqu'à la remise en cause des accords de 68.

THOMAS SOTTO
C'est ce qu'a dit François BAYROU Il a dit qu'on se donne 4 à 6 semaines pour voir. Là, on est à mi-chemin.

BRUNO RETAILLEAU
Il a raison. Il a indiqué qu'il y avait une riposte graduée et qu'on fournirait des listes, et la première liste va être fournie au régime algérien dans quelques jours.

THOMAS SOTTO
Autre cas, à Hayange, une femme de 27 ans, mère de trois enfants, est morte poignardée par son ancien compagnon, un Roumain, visé par une OQTF, condamné à huit reprises, ces dix dernières années. La Roumanie, c'est l'Union Européenne, monsieur le ministre de l'Intérieur. On n'est pas capable non plus de faire exécuter les OQTF avec les pays de l'Union Européenne.

BRUNO RETAILLEAU
On a des taux de succès bien supérieurs, mais ce que je veux, moi, c'est changer le droit. Regardez Mulhouse, en réalité. Les Français ne peuvent pas comprendre qu'une personne qui avait été condamnée pour apologie de terrorisme soit en liberté, qui avait été frappée d'une OQTF soit en liberté, et qui avait un profil psychiatrique soit en liberté. Ce que je mets sur la table, c'est une durée de rétention. Pour nous permettre, à la sortie de prison, aujourd'hui, la durée de rétention au maximal. En France, elle est de trois mois. En Allemagne, elle est pratiquement d'un an et demi.

THOMAS SOTTO
Elle va passer à combien ?

BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, au maximum. Il va y avoir, au Sénat, un texte qui va être discuté, qui va prévoir, nous avions prévu au départ, comme les terroristes, d'aligner le régime, pour les individus les plus dangereux, sur le régime terroriste qui prévoit 210 jours. Je pense qu'il faut aller, moi, au-delà.

THOMAS SOTTO
À combien ?

BRUNO RETAILLEAU
Au maximum.

THOMAS SOTTO
C'est quoi le maximum ?

BRUNO RETAILLEAU
Le maximum, c'est ce que la Directive Européenne nous donne, c'est-à-dire 18 mois, 6 mois plus 1 an. C'est ce que pratique, par exemple, l'Allemagne. Et je pense qu'il faut se donner ces outils-là pour des individus.

THOMAS SOTTO
C'est le Gouvernement, le socle commun, la majorité, je ne sais pas comment il faut l'appeler, est alignée là-dessus ? Ça sera voté ?

BRUNO RETAILLEAU
Elle le sera.

THOMAS SOTTO
Ça sera voté.

BRUNO RETAILLEAU
Mais elle le sera. Mais vous savez, dans le bras de fer avec l'Algérie, il y a ça qui compte aussi. Si demain, il y a un nouveau Mulhouse, et qu'on constate qu'il y a un Algérien avec un profil très dangereux, qui commet un acte terroriste, qu'est-ce que diront les Français ? On est comptable de cela. On ne peut pas. Le risque zéro, Thomas SOTTO, n'existe pas. Dans aucun pays du monde. Dans aucun pays. Mais à chaque fois qu'on constate qu'on a des trous dans la raquette, on doit changer la règle. C'est ce qui m'a été reproché. Vous vous souvenez de la polémique ? J'avais dit, l'état de droit, ça ne peut pas être le prétexte pour ne pas changer le droit. Quand le droit ne protège pas les Français, on change le droit.

THOMAS SOTTO
On entend votre bonne volonté Bruno RETAILLEAU. Le problème, c'est qu'on ne vous donne pas les moyens d'avoir des résultats. Que votre parole n'est ni libre, ni indépendante, parce que vous êtes prisonnier de la solidarité gouvernementale. Je vous vois sourire, parce que vous avez très bien qui a dit ça, c'est Laurent WAUQUIEZ. Il a tort ?

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, plus on m'agressera, plus on tentera de me déstabiliser, plus on tentera de me déstabiliser…

THOMAS SOTTO
C'est une agression, ça ?

BRUNO RETAILLEAU
Plus je serai zen et bon camarade. Simplement, ce que je veux vous dire, c'est que les résultats, j'en ai déjà. Regardez 2024. Moi, je suis comptable, je suis arrivé à la fin du mois de septembre. Les neuf premiers mois, en termes de visa, primo délivrance, à peu près 32 000 par mois. J'arrive, c'est moitié moins. Les rodéos qui pourrissent la vie des élus, des maires, des compatriotes, des policiers, des gendarmes, on a confisqué 44% de plus d'engin.

THOMAS SOTTO
Donc, il dit n'importe quoi, Laurent WAUQUIEZ ?

BRUNO RETAILLEAU
Mais pas du tout, il est dans une campagne, il dit ce qu'il veut. Peu me chaud. Les chiens à bois, la caravane, tranquille, passe.

THOMAS SOTTO
Les chiens, ça va lui faire plaisir. Laurent WAUQUIEZ qui estime qu'on lui a planté des poignards dans le dos. Est-ce que vous êtes à Laurent WAUQUIEZ ce que BALLADUR a été à CHIRAC ? Le traître, celui qui a trahi ses promesses ?

BRUNO RETAILLEAU
Thomas SOTTO, je ne répondrai pas. Vous vous rendez compte, on a l'Ukraine, on a la Russie, on a une situation où jamais il n'y a eu autant de menaces terroristes sur notre territoire.

THOMAS SOTTO
Si vous ne voulez pas répondre à ça, il ne faut pas être candidat à la présidence de LR.

BRUNO RETAILLEAU
Mais je suis candidat à la présidence de LR parce que je veux élargir. Je sens que j'ai fait naître une fierté dans le pays et qu'il y a, à nouveau, un intérêt pour nos propositions. On n'a jamais autant d'adhésion. Et moi, je veux élargir, rassembler. Je suis, aujourd'hui, un des seuls être capable de séduire des électeurs qui jadis votaient pour nous, qui votent, aujourd'hui, au Rassemblement National et qui viennent vers nous. J'attire aussi des gens qui ont voté pour Emmanuel MACRON. Moi, je veux que demain, la droite puisse à nouveau retrouver le chemin de la victoire.

THOMAS SOTTO
Une question rapide monsieur le Ministre. Dans tout le pays aujourd'hui, des syndicats et associations de médecins, d'infirmiers et de pharmaciens appellent les professionnels à fermer leurs cabinets ou à manifester parce qu'ils n'en peuvent plus de la violence dont ils sont victimes. Ils demandent quelque chose de très concret, l'élargissement du délit d'outrage à ces professions. Est-ce qu'il faut que s'en prendre un soignant aujourd'hui soit considéré comme s'en prendre un flic ou un pompier ? Est-ce que vous y êtes favorable ?

BRUNO RETAILLEAU
Moi j'y suis favorable. Très franchement, tout ce qui permet de reprendre la main sur l'autorité, j'y suis favorable. Et les personnalités, bien sûr, qui sont dépositaires, comme on dit, de l'autorité publique, les gendarmes, les policiers, sapeurs-pompiers aussi, et les médecins ou les soignants devraient aussi bénéficier de cette protection. Tout ce qui est bon pour l'autorité, je pense, est bon pour le pays.

THOMAS SOTTO
Dernière question. L'enquête avance sur la mort de Naël en juin 2023. Bruno RETAILLEAU, une partie de vos troupes, à l'appel du syndicat Alliance, a manifesté il y a quelques jours contre les réquisitions du parquet. Parquet qui a demandé que le policier qui a tiré mortellement sur le jeune homme soit jugé pour meurtre. Le préfet de police des Hauts-de-Seine, autrement dit votre représentant, Alexandre BRUGERE, s'est rendu au commissariat de Nanterre pour remettre un message de soutien aux policiers. Est-ce que c'est son rôle ? Est-ce que c'est votre rôle ?

BRUNO RETAILLEAU
Ce qui est notre rôle, c'est de faire respecter la présomption d'innocence. Et désolé, il y a eu certes une décision du juge, mais ce n'est pas la dernière décision. Il y aura, demain, un jury populaire qui devra, en tout état de cause et en toute connaissance de cause, décider si le policier était en état de légitime défense ou non.

THOMAS SOTTO
C'est donc, au policier, ce n'est pas au préfet ou au ministre de l'Intérieur ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, mais ce sera la justice.

THOMAS SOTTO
Pourquoi ne pas la laisser faire son travail en toute indépendance ? Ça peut s'apparenter à une pression politique, non ?

BRUNO RETAILLEAU
Pas du tout. Attendez, si vous imaginez que le déplacement... Thomas, si vous imaginez qu'aujourd'hui le déplacement d'un préfet de la République peut constituer une pression sur les magistrats, je ne crois pas. Ils sont indépendants, ils sont parfaitement libres de ce qu'ils pensaient, ce qu'ils veulent penser, surtout de travailler à la manifestation de la vérité. Non. Ce que je veux simplement dire, c'est que jamais les policiers, jamais les gendarmes n'ont travaillé dans des conditions aussi difficiles. Vous vous rendez compte que l'an dernier, on a eu 24 policiers, 24 gendarmes qui ont été blessés chaque semaine.

THOMAS SOTTO
C'est insupportable, et vous avez raison, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas parfois, tout en tant qu'ils font peut-être des erreurs.

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, et je suis le premier à demander une intransigeance, parce que si on veut précisément que l'autorité soit respectée, cette autorité doit évidemment être exemplaire. Simplement, je le dis, et heureusement, vous savez, tous les sondages le démontrent, les Français aiment leurs policiers, leurs gendarmes. Ils respectent leurs gendarmes, leurs forces de l'ordre et leur police nationale.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup, Bruno RETAILLEAU. On vous sert un petit café, parce que le plus dur arrive, c'est Philippe CAVERIVIERE qui nous rejoint dans le studio de RTL Matin, à tout de suite.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mars 2025