Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique c'est Laurent MARCANGELI. Bonjour.
LAURENT MARCANGELI, MINISTRE DE L'ACTION PUBLIQUE, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA SIMPLIFICATION
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Julien LECUYER de La Voix du Nord. Bonjour Julien.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Bonjour monsieur MARCANGELI.
LAURENT MARCANGELI
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Laurent MARCANGELI, après le non de François BAYROU à un retour à 62 ans pour l'âge de départ à la retraite, la CGT a donc annoncé hier soir qu'elle claquait la porte du conclave. Est-ce que finalement ce conclave n'était pas un peu une vaste hypocrisie sachant que le Gouvernement ne voulait pas toucher aux 64 ans ?
LAURENT MARCANGELI
Il n'y avait pas que l'âge de départ qui était au départ. Ce que nous avons demandé, c'est la chose suivante. D'abord, un document, celui de la Cour des comptes qui montre la soutenabilité financière du système, qui explique ce que nous pouvons faire, ce que nous ne pouvons pas faire, et le devenir de notre système de retraite, si on ne fait rien. Ensuite, la réunion des partenaires sociaux, sans les membres du Gouvernement, sans l'implantation politique, pour essayer d'ouvrir un accord visant effectivement à rendre peut-être le système plus juste, mais surtout plus viable. Parce qu'on ne peut pas aujourd'hui se payer de mots sur le système de retraite si on ne fait pas certaines choses. Eh bien ce système…
JULIEN LECUYER
Eh bien monsieur MARCANGELI, le Premier ministre avait rappelé pas de tabou y compris sur l'âge légal. Donc là, on a l'impression qu'il remet en cause sa parole.
LAURENT MARCANGELI
Dans les discussions entre les partenaires sociaux, le Premier ministre avait dit : « Vous discuterez de ce que vous voulez ». En revanche, vous nous présentez une copie finale qui tiendra compte de la situation financière, de la soutenabilité de notre système de retraite par répartition. Et s'il y a accord entre partenaires sociaux…
JULIEN LECUYER
Mais il a fermé la porte. Quand il dit non à la question d'un retour possible à l'âge légal à 62 ans, qu'il leur répète lors des questions au Gouvernement, il ferme la porte et d'une certaine manière, il rompt le contrat avec les partenaires sociaux.
LAURENT MARCANGELI
Moi, je suis membre du Gouvernement. Je vous dis que les partenaires sociaux étaient chargés, sont chargés, de discuter entre eux sur la soutenabilité du système et sur, effectivement, la possibilité de le rendre plus juste dans certains domaines. Je ne m'exprime pas donc sur ce que je pense, même si vous le savez bien puisque chacun sait ce que je pense.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que c'était une bonne idée ce conclave ou est-ce que c'était une idée hors sol ?
LAURENT MARCANGELI
Il ne faut pas reprendre les termes…
JULIEN LECUYER
Comme l'a dit Edouard PHILIPPE.
LAURENT MARCANGELI
Je vais vous dire. Le Premier ministre a trouvé une situation compliquée. Un Gouvernement qui venait d'être renversé, des manifestations qui avaient eu lieu notamment suite à la réforme des retraites mais également des manifestations de fonctionnaires. Je vous le rappelle, le 5 décembre dernier, le lendemain du renversement du Gouvernement BARNIER. Et une situation politique compliquée, très compliquée où nous n'avons pas de majorité, et où il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale. Il fallait donc aller chercher des consensus, des compromis pour éviter une aliénation politique.
JULIEN LECUYER
Oui. Mais est-ce que ce n'était pas une marché de dupe, monsieur MARCANGELI ? C'est ce que pense en tout cas le Parti Socialiste qui a même l'impression d'être le dindon de la farce, qui a négocié avec le Premier ministre un accord de non censure qui tenait sur le budget et sur l'ouverture de ce conclave des retraites. Ils ont l'impression, finalement, d'avoir été complètement trompés.
LAURENT MARCANGELI
Je laisse au Parti Socialiste la responsabilité de sa communication. Ce que je lui dirai, c'est que je ne pense pas que les Français aujourd'hui espèrent, attendent de voir un nouveau Gouvernement se faire renverser comme cela a été le cas au mois de décembre. Et d'ailleurs je pense que l'attitude du Parti Socialiste a été une attitude plus responsable qu'au mois de décembre dernier, et qu'il ne s'emporte pas plus mal. Si vous voyez ce que je veux dire, notamment au niveau des enquêtes d'opinion. C'est à prendre en compte.
JULIEN LECUYER
Oui. Mais ce que disait Edouard PHILIPPE, encore dimanche, lors de son congrès à Lille, c'est qu'il fallait mettre fin aux illusions. Ça montre bien que cette impression que c'était, encore une fois, un marché de dupe de la part du Premier ministre.
LAURENT MARCANGELI
Je suis totalement d'accord avec vous sur le fait que, et avec Edouard PHILIPPE, ce qui ne vous surprendra pas, qu'il faut mettre fin aux illusions. On va arrêter d'infantiliser le débat public en France, et dire véritablement la vérité aux Français. La situation de nos finances publiques est calamiteuse. Et nous sommes dans une situation géopolitique tragique, comme nous ne l'avons pas connue depuis plus de 80 ans. Je vous rappelle quand même qu'un jour de février 2022, la Russie a décidé d'envahir la porte de l'Europe. Un Etat souverain, démocratique, et on est en guerre dans ce pays depuis maintenant trois ans. Je vous rappelle que c'est une logique impériale qui est à court aujourd'hui en Ukraine. Une logique coloniale. Je vous rappelle également qu'au mois de novembre dernier, nos amis américains ont élu Donald TRUMP à la présidence des États-Unis. Que cette logique également très agressive d'un point de vue économique a des répercussions sur l'Europe, sur la France, et qu'on ne peut plus aujourd'hui considérer que l'ami américain nous protégera si d'aventure quelque chose devait se passer. Donc moi, j'appelle chacune et chacun à prendre ses responsabilités. Les organisations syndicales, je sais qu'elles ont des sens de responsabilités, mais également, je le dis, les formations politiques qui parfois, à mon avis, oublient un peu la situation dans laquelle où nous trouvons.
ORIANE MANCINI
Et vos collègues ministres, également, puisque ce matin, Éric LOMBARD dit que la liberté des syndicats est totale, et que ce qu'ils décideront aura beaucoup d'autorités publiques. Est-ce que là, on n'est plus au-delà... on est au-delà de la cacophonie là. On est dans la contradiction totale avec le Premier ministre.
LAURENT MARCANGELI
Moi, je vous dirai qu'en ce qui me concerne, sur ce que disent les organisations syndicales, ça a du poids, naturellement. Elles sont représentatives, elles sont respectables et légitimes. Ensuite, il y a le pouvoir politique, le Parlement, le Gouvernement, chacun doit rester aussi à sa place.
ORIANE MANCINI
Et chaque ministre doit être dans la ligne de François BAYROU ? Il ne doit pas s'exprimer aussi ?
LAURENT MARCANGELI
Moi, je vais vous expliquer. J'attache une grande importance au fait de faire son travail et de ne pas trop se disperser. Parce qu'on voit bien aujourd'hui que chaque phrase, chaque petite déclaration peut être exploitée et peut nous détourner nos objectifs.
JULIEN LECUYER
Vous faites bien de citer ça parce qu'évidemment, ça fait référence à certaines dissonances ces derniers jours. Est-ce que vous êtes très à l'aise avec les menaces de démission des uns et des autres, et on pense notamment à Gérald DARMANIN sur le voile dans les compétitions sportives ?
LAURENT MARCANGELI
D'abord, il y a le sujet, en lui-même. Je pense qu'on y reviendra.
JULIEN LECUYER
Bien sûr.
LAURENT MARCANGELI
Je vais vous dire, chacun communique comme il le veut. Moi, à titre personnel, je ferme ma gueule et si un jour, je dois démissionner, je démissionnerai.
JULIEN LECUYER
D'accord. Donc les menaces, pour vous, c'est délétère, c'est contre-productif.
LAURENT MARCANGELI
Non. Je ne suis pas un grand admirateur de Jean-Pierre CHEVENEMENT en tant que Corse à l'origine, puisqu'il y a toujours eu, je pense, une mauvaise approche de la situation chez nous. Mais cette doctrine, un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne, je la fais mienne. Je n'ai pas de jugement à porter sur ce que font les autres, et notamment sur mon ami Gérald DARMANIN qui communique comme il le veut et comme il l'entend.
ORIANE MANCINI
On va parler de l'effort de défense, Julien.
JULIEN LECUYER
Oui, un petit mot sur cette réunion des investisseurs et industriels qui se tient aujourd'hui à Bercy pour imaginer les pistes de financement de l'effort de défense. Alors, pour rappel, on parle de 30 milliards juste pour passer de 2 à 3 voire 3.5% du PIB. Mais cette somme, dans l'état des finances où on est, où est-ce qu'on les trouve ?
LAURENT MARCANGELI
Justement la réunion va avoir lieu en ce sens. Et ça fait un peu écho à ce que je vous disais tout à l'heure. Nous sommes sur un point de bascule. Il faut en avoir totalement conscience. On ne peut plus, aujourd'hui, faire fi de la situation dans laquelle où nous trouvons.
JULIEN LECUYER
Ça nécessite de remettre en cause le pacte social, par exemple ?
LAURENT MARCANGELI
Le principe que je vais vous rappeler est le suivant, il est ancien, il est romain. Si vis pacem, para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation qui doit nous mettre en état d'alerte. Alerte, je vous le disais tout à l'heure par rapport à l'international, mais également alerte par rapport à notre mode de fonctionnement. Moi, je ne vais pas raconter d'histoire. Il y a déjà des attaques hybrides. Nos hôpitaux le savent bien. Les cyberattaques. Il y a aujourd'hui tout un modèle à reconfigurer parce que nous ne pouvons plus compter sur des alliés historiques et, notamment au niveau économique, on le voit bien avec les attaques douanières où nous sommes victimes par l'administration TRUMP. Donc, il va falloir, je le pense, ensemble avec les différents secteurs économiques, repenser notre modèle. Et ça passe par le travail…
JULIEN LECUYER
Votre patron Edouard PHILIPPE dit : " Travailler plus ". Est-ce que ça veut dire, par exemple, remettre en cause les 35 heures ?
LAURENT MARCANGELI
Tout est sur la table. Mais, encore une fois, je vous le dis, nous sommes dans une situation politique qui, aujourd'hui, rend difficile le fait de passer des réformes de ce type à l'Assemblée nationale. Je vais revenir quand même sur l'essentiel. Mon entrée au Gouvernement, elle fait suite à des élections au mois de juillet dernier. Qu'ai-je dit lorsque j'étais président du groupe à l'Assemblée nationale ? La stabilité avant tout. La stabilité avant tout. C'est pour ça que nous sommes rentrés, que nous avons fait, je dirais, les efforts de renoncer tous à une part de nos convictions puisque nous ne pensons pas tous la même chose pour assurer cette stabilité. Parce que dans le contexte dont je vous parlais tout à l'heure, instabilité internationale, instabilité du monde économique et de nos finances publiques, si, en plus, on rajoute l'instabilité politique, je crois que le pays va…
JULIEN LECUYER
Vous avez l'impression qu'à l'heure actuelle, le Gouvernement, il est stable ?
LAURENT MARCANGELI
En tout cas, le Gouvernement n'a pas été renversé. Le Gouvernement a un programme. Et en ce qui me concerne, en tant que ministre chargé des missions qui m'ont été confiées, je me trouve particulièrement stable.
ORIANE MANCINI
Et justement, vous avez reçu les syndicats de la fonction publique cette semaine. Vous avez confirmé le gel du point d'indice pour 2025. Il en sera pareil pour 2026 et pour 2027 ?
LAURENT MARCANGELI
Non. Moi, je vous ai parlé de 2025. J'ai parlé de 2025. Ce n'est pas une surprise. Je l'avais laissé entendre lorsque nous avons eu les discussions au mois de janvier de ma prise de fonction. J'attache une grande importance au dialogue avec les organisations syndicales. Et c'est la raison pour laquelle j'ai ouvert ce qu'on appelle un agenda social qui a pour objectif de discuter de l'ensemble des sujets qui concernent la fonction publique, les agents publics de ce pays, à horizon 2050. Nous devons nous préparer. Encore une fois, le travail que nous essayons de faire, ce n'est pas qu'un travail au jour le jour. Et moi, dans mon ministère, ce que je veux faire, c'est essayer d'avoir une vision de long terme sur ce que sera la fonction publique de demain.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il pourrait y avoir un dégel de ce point d'indice l'année prochaine ?
LAURENT MARCANGELI
Nous sommes en voie de discussion. Ces discussions doivent avoir lieu. Mais encore une fois, arrêtons d'avoir le nez sur le guidon. Ayons aussi une vision prospective des choses. Ça a fait souvent défaut dans notre pays. On en paie souvent les conséquences. Moi, je veux travailler avec les organisations syndicales mais également avec les employeurs, les employeurs territoriaux notamment pour pouvoir définir les contours de ce que sera la fonction publique de demain.
ORIANE MANCINI
Mais c'est quoi aujourd'hui leur perspective d'évolution de rémunération ? Puisqu'il était beaucoup question de la politique salariale dans ces réunions ?
LAURENT MARCANGELI
Déjà, aujourd'hui, il faut appeler un chat un chat. Il y a un problème d'attractivité de la fonction publique. Nous le voyons. Notamment par rapport à la rémunération. Donc à nous de discuter pour voir comment rendre les métiers de la fonction publique plus attractifs, comment mieux protéger nos fonctionnaires lorsqu'ils sont victimes d'agressions, rendre le logement de nos fonctionnaires plus simple, parce qu'il y a une crise du logement pour les fonctionnaires, comment mieux protéger nos fonctionnaires socialement, protection sociale complémentaire, son extension à la fonction publique territoriale, à la fonction publique hospitalière parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui, comment faire en sorte qu'on puisse changer de carrière dans la fonction publique, comment on entre dans la fonction publique. Tous ces sujets, je veux les évoquer avec les organisations syndicales et les partenaires sociaux.
JULIEN LECUYER
Avec quel calendrier ? Comment ? En effet, on vous entend, mais à un moment donné, quels seront les actes et dans quel délai ?
LAURENT MARCANGELI
Dans un délai court concernant les sujets ayant attrait au point d'indice puisqu'il y aura un budget qui sera préparé et qui sera présenté à l'automne prochain. Ça, ce sont les sujets de court terme. Mais sur le calendrier, moi, vous savez, je ne vais pas m'accrocher. On sait très bien que nous avons une situation politique qui fait que la durée de vie des ministres n'est pas très longue et je vais être humble, mais celui qui me succédera ou celle qui me succédera aura déjà la trame d'un projet de refondation publique et le fait de repenser la fonction publique de demain.
ORIANE MANCINI
Et l'Assemblée nationale qui s'est emparée de votre projet de loi de simplification, est-ce que simplification, ça signifie suppression ?
LAURENT MARCANGELI
Non. Pas du tout. Ce n'est pas dérégulation. Ce n'est pas suppression. Il y a également, dans ce projet de loi, des ajouts utiles pour la santé de nos entreprises et pour leur compétitivité. En revanche, il faut aussi appeler un chat un chat. Il y a la nécessité aujourd'hui de supprimer un certain nombre de normes. La France crève de cet entassement de normes bavardes, complexes, qui empêchent les gens d'investir, voire même qu'ils leur font peur. Les gens ne prennent plus le risque parce qu'aujourd'hui, il y a des risques justement à tous les étages lorsqu'on prend une initiative. Donc ce texte, ce n'est pas le grand soir. On ne va pas se raconter d'histoire. On ne va pas mentir aux Françaises et aux Français, mais il permet, par ses dispositifs, un certain nombre de déblocages, un certain nombre de progrès, notamment pour l'investissement dans la vie économique de notre pays. Et avec Véronique LOUWAGIE, avec Marc FERRACCI, nous allons défendre ce projet qui est une brique, une brique de simplification en vue d'assurer la compétitivité économique de notre pays.
JULIEN LECUYER
Et monsieur MARCANGELI, vous pouvez vous engager ici, est-ce que ce projet de loi, il ne transige pas, il ne sacrifie pas les exigences environnementales ? C'est ce que vous reproche la gauche notamment.
LAURENT MARCANGELI
Oui. On est encore dans un jeu de dupe et de posture, pour reprendre des termes que vous avez employés tout à l'heure. Ce projet, il vise avant tout à assurer une compétitivité économique renouvelée. Est-ce qu'aujourd'hui, je peux, moi, me satisfaire de voir l'empilement de normes ? Vous savez combien a pris le code de l'environnement ? 900% en 20 ans, 900% d'augmentation de normes environnementales. Ça ne remet pas en cause mon engagement qui est ancien connu tant au niveau local qu'au niveau national pour léguer à nos enfants un monde meilleur notamment en matière environnementale. Mais il y a des normes imbéciles qui existent. Des normes qui sont aujourd'hui des blocages, des normes, comme je vous le disais, qui empêchent l'investissement. Et aujourd'hui, moi, je ne vais pas être dans le totem des normes, des normes imbéciles, des normes bavardes. Donc ce projet de loi, nous allons le défendre, nous allons discuter avec les parlementaires, nous allons essayer de trouver les voies et moyens d'avoir des compromis. Et nous le ferons pour assurer une compétitivité économique de notre pays.
ORIANE MANCINI
On va parler d'un autre sujet. Il y a des divergences au sein du socle commun sur l'interdiction du port du voile dans les compétitions sportives. Ça a été voté ici au Sénat. Est-ce que vous, vous êtes pour cette interdiction ?
LAURENT MARCANGELI
Nous devons interdire le port du voile dans les compétitions sportives et nous devons veiller à ce que le monde du sport, les compétitions sportives, ne soient pas aujourd'hui victimes de cet entrisme parce qu'il n'y a pas que le port du voile. Vous avez également dans les salles de sport, des attitudes d'entrisme. Vous avez la rupture du jeûne pendant un match de football. Vous avez tout un tas de choses qui se passent aujourd'hui qui sont inacceptables. Parce qu'au-delà du sport, moi, au mois de juin – juillet dernier, j'ai dit qu'il y avait des risques pour l'existence même de notre modèle. Le premier, c'était le risque de déstabilisation internationale notamment au regard de ce qui se passe en Russie et en Ukraine. Et l'autre risque, c'était également l'entrisme, le fondamentalisme religieux qui est un fléau pour notre société, pour notre modèle de société républicaine et laïque. Donc dans les compétitions sportives, je suis favorable, comme l'a dit le Premier ministre, à l'interdiction…
JULIEN LECUYER
Elisabeth BORNE, elle estime que la responsabilité revient aux fédérations sportives qui s'en arrangent très bien toutes seules. Est-ce qu'il y avait vraiment besoin d'une loi supplémentaire ? On est dans un calendrier déjà complexe, bousculé par l'instabilité parlementaire. On a envie de dire : " Est-ce qu'il n'y a pas d'autres sujets plus importants ?"
LAURENT MARCANGELI
C'est une initiative parlementaire. Le Gouvernement n'a pas à empêcher le Parlement... C'est une loi qui a été déposée au Sénat, ici, et qui sera débattue comme cela est prévu. Après, sur ce sujet, je me permets quand même d'insister. Le principe de laïcité français, il est complexe. Les gens font mine de le comprendre mais ils ne le comprennent pas totalement. La loi de 1905, elle est complexe. Ça amène de la nuance. Je pense que malheureusement, dans le débat politique français aujourd'hui, il y a une absence de nuance qui est parfois, je crois, coupable.
JULIEN LECUYER
Vous visez qui ?
LAURENT MARCANGELI
Je ne vise personne. Je vise tout le monde et personne en même temps. Vous voyez très bien qu'aujourd'hui, on est seulement sur les phrases tronquées, les petits bouts et on oublie que les principes fondamentaux de notre République parmi lesquels la laïcité, obéissent à une construction complexe et une mise en place complexe qui n'existe d'ailleurs dans aucun autre pays au monde. Après, on a un modèle de société, notamment, vis-à-vis de la protection des droits des femmes. je vous rappelle quand même que lorsque les fondamentalistes religieux islamistes prennent le pouvoir dans un pays, la première chose qu'ils font, c'est enlever les droits aux femmes, notamment les obligeant à porter le voile.
ORIANE MANCINI
Mais quand Édouard PHILIPPE, il y a quelques jours, dit qu'une interdiction du voile dans le sport, ce serait une atteinte à la laïcité. Ça veut dire que vous n'êtes pas d'accord avec lui ?
LAURENT MARCANGELI
J'étais en train justement de vous dire le contraire avant. Le principe de la laïcité est complexe. Et ce qu'Edouard PHILIPPE a voulu dire…
ORIANE MANCINI
D'accord, il est complexe. Là, sa phrase, elle a l'air assez claire.
LAURENT MARCANGELI
Non. Je peux vous assurer une chose, la vie d'Édouard PHILIPPE est guidée par beaucoup d'objectifs et parmi lesquels un, préserver notre modèle républicain, préserver le droit des femmes, préserver les droits fondamentaux des femmes et des hommes que souvent le fondamentalisme religieux remet en question. Donc il n'y a aucune ambiguïté sur ce que pense Edouard PHILIPPE. En revanche, Édouard PHILIPPE, il dit : " On a une loi, la loi de 1905, on a un principe républicain qui est plus complexe que cela ". Et c'est un tort aujourd'hui, voyez-vous. Et je le déplore que d'être dans la nuance. Et ça n'empêche pas d'être dans la clarté. Je pense qu' Édouard PHILIPPE est dans la clarté tout en étant dans la nuance.
ORIANE MANCINI
Julien.
JULIEN LECUYER
En parlant de clarté, dimanche, lors de son congrès interrégional, Édouard PHILIPPE a été plutôt clair sur ce qu'il pense du travail du Gouvernement en ce moment. Alors, je le cite, il a dit : " Un conclave sur les retraites déconnecté, hors sol, un Gouvernement qui devrait mettre fin aux illusions, un programme législatif inconsistant ". Enfin il a dit : " Bien maigre " gentiment. Avec des amis comme Édouard PHILIPPE, François BAYROU a-t-il vraiment besoin d'ennemi ?
LAURENT MARCANGELI
Vous savez, si demain, Édouard PHILIPPE décide d'être dans l'opposition, vous ne me recevrez pas en tant que ministre. Je n'ai que ça à répondre. Après, il y a une majorité, un socle commun qui soutient le Gouvernement avec ses différences. Et lorsque je me compare, je me rassure, je vois parfois un certain nombre d'interventions en on ou en off, dans la presse, des prises de position à l'Assemblée nationale qui sont peut-être parfois un peu plus dures que ce qu'Edouard PHILIPPE peut dire.
JULIEN LECUYER
Oui. Mais est-ce que ça ne sape pas le travail du Gouvernement quand en effet un des membres du socle commun vient remettre en cause l'action de François BAYROU ?
LAURENT MARCANGELI
Qui ne remet pas en cause l'action.
JULIEN LECUYER
Ce qu'il déplore quand même. Attendez. J'étais présent dimanche à Lille. On ne peut pas dire qu'il ait été particulièrement tendre avec François BAYROU.
LAURENT MARCANGELI
Vous avez votre point de vue et je vais essayer de développer le mien. Vous savez très bien qu'il vous sera difficile de me convaincre sur ce point. Édouard PHILIPPE, aujourd'hui est le président d'une formation politique. Il est candidat à l'élection présidentielle. Il déplore que la situation politique dans laquelle nous nous trouvons et que je connais bien pour avoir été élu à l'Assemblée nationale depuis 2022, elle rend difficile les grands sujets de transformation dont le pays a besoin. Ce n'est pas une insulte que de dire cela. Est-ce qu'on va trouver demain une majorité sur des textes importants, structurels, sur l'éducation, sur la santé dans ce pays ? C'est difficile, on le voit bien. Il l'a déploré. C'est un constat d'une situation politique donnée. Ce n'est pas la remise en cause du Gouvernement. Et ensuite, il déplore le fait que le Gouvernement soit contraint d'avoir un programme d'action qui tienne compte de cela. Et ce n'est pas remettre en cause François BAYROU. Et puis, vous savez, il ne faut pas s'inquiéter. Ils se sont vus, ils ont dû échanger.
JULIEN LECUYER
Ça y est, ils se sont vus ?
LAURENT MARCANGELI
Ce sont deux responsables politiques.
JULIEN LECUYER
Vous nous confirmez ?
LAURENT MARCANGELI
Je l'ai lu.
ORIANE MANCINI
Ils ont déjeuné ensemble hier.
LAURENT MARCANGELI
Paraît-il. Il ne faut pas croire que la guerre est déclarée. Vous savez, Édouard PHILIPPE est un homme responsable. Il demande la stabilité politique du pays et j'en suis la preuve vivante puisque, encore une fois, je vous le dis, si on n'était pas dans cette situation de recherche de stabilité, Horizons ne serait pas représenté au Gouvernement et je ne serais pas...
JULIEN LECUYER
Entendre François BAYROU dire que les critiques d'Édouard PHILIPPE sont anti national, cela vous a choqué ?
LAURENT MARCANGELI
Ce sont des termes durs. Et je pense, j'ose espérer, que ces deux hommes se sont parlés en adultes, responsables politiques qu'ils sont, matures, dotés du sens des responsabilités et du sens de l'Etat.
ORIANE MANCINI
Il y a un ministre qui a le vent en poupe et qui semble avoir le vent en poupe chez Les Républicains. C'est Bruno RETAILLEAU. Est-ce qu'aujourd'hui, Bruno RETAILLEAU, il est une menace pour Édouard PHILIPPE en vue de 2027 ?
LAURENT MARCANGELI
Bruno RETAILLEAU est un homme de qualité. Je prends plaisir à travailler avec lui au sein de ce Gouvernement. Nous avons quelques lignes, beaucoup de lignes même de partage, sur des tas de sujets. Je fais partie des responsables politiques importants. Après, vous savez, la compétition présidentielle est encore longue. Mais je vais vous dire, pour moi, à ce stade, aujourd'hui encore, Édouard PHILIPPE a une longueur d'avance.
ORIANE MANCINI
Pourquoi ?
LAURENT MARCANGELI
De par les qualités qu'il a pu démontrer dans le temps. Il n'y a pas grand monde qui a été trois ans Premier ministre. Il n'y a pas grand monde qui a eu à affronter les crises d'Édouard PHILIPPE a eu à affronter lorsqu'il était Premier ministre. Et je crois que depuis maintenant presque cinq ans, il sillonne le pays, il a constitué une force politique, un parti. Pas facile par les temps qui courent, avec des élus, mais également avec des militants. Il organise sa pensée. Il a été très précis. On a retenu les phrases, les petites phrases. C'est bien ça le problème de Lille. Non. Moi, je considère que lorsqu'il prend l'engagement de consulter par référendum les Français sur des sujets bien précis, lorsqu'il explique comment il compte faire les choses, lorsqu'il parle de notre défense, lorsqu'il parle de nos systèmes de retraite, il n'a pas peur de déplaire, il dit les choses clairement.
JULIEN LECUYER
Juste sur cette question du référendum, j'ai bien entendu. Il compte consulter les Français sur l'idée de passer par ordonnances sur des sujets aussi essentiels que l'école, la santé, la justice. Vous qui êtes député, cela ne vous choque pas de passer au-dessus du Parlement dans ces cas-là ?
LAURENT MARCANGELI
Je suis député, mais je suis gaulliste. Voyez-vous monsieur. Et en 1958, alors que la situation l'exigeait, parce que le pays allait assez mal, c'est un peu le cas aujourd'hui, le général de Gaulle a agi comme ça. C'est un outil de la Constitution. Je suis un défenseur de cette Constitution, donc je soutiens pleinement cette vision qu'a Édouard PHILIPPE.
ORIANE MANCINI
Une dernière question Julien.
JULIEN LECUYER
Oui. Ben tout simplement pour dire... se poser la question chez Horizons. C'est vrai qu'on prétend réunir, j'ai entendu, des socio-démocrates aux LR. Pourtant encore une fois, au congrès de Lille dimanche, on a quand même eu l'impression qu'il y a beaucoup d'appels du pied vers la droite. Est-ce que Horizons ne serait pas un peu hémiplégique ?
LAURENT MARCANGELI
Ouf ! Des grands mots. Ce qu'a dit Édouard PHILIPPE, le plus important, et cela doit valoir dès à présent, parce que je vous rappelle qu'il y a déjà des élections législatives partielles et on risque d'en avoir d'autres parce que le Conseil constitutionnel va se réunir pour trancher pour des annulations d'élections. Il faut qu'on…
ORIANE MANCINI
Il y en a une le 30 mars.
LAURENT MARCANGELI
Il faut que l'arc républicain et démocrate discutent davantage et se mettent d'accord pour des candidatures communes soutenues par cet arc qui soutient le Gouvernement. Les démocrates, ce sont les amis de François BAYROU et cela va jusqu'aux Républicains, c'est-à-dire des amis de Bruno RETAILLEAU. Je me sens plutôt à l'aise dans cet arc.
ORIANE MANCINI
Merci. Merci beaucoup Laurent MARCANGELI d'avoir été avec nous.
LAURENT MARCANGELI
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2025