Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Votre invitée ce matin, Sophie PRIMAS, porte-parole du Gouvernement.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Sophie PRIMAS.
SOPHIE PRIMAS
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
On va parler, dans un instant, des meetings du week-end avec un air de campagne présidentielle. Mais d'abord, cette actualité de la matinée, à la suite des annonces de Donald TRUMP. Les bourses sont en train de s'effondrer, notamment les bourses asiatiques qui ont ouvert ces dernières heures. Notamment, Hong Kong : - 9 %, Tokyo : - 8 %. Je pourrais continuer ainsi les exemples. Est-ce qu'il faut craindre, est-ce que vous craignez un lundi noir sur tous les marchés boursiers ?
SOPHIE PRIMAS
Nous savons que la contraction du commerce international va emmener des récessions dans tous les pays, en tout cas, des moindres progressions, des moindres croissances dans tous les pays. C'est aujourd'hui la réponse des marchés, la réponse des entrepreneurs, la réponse des investisseurs, à cette crainte, qui est une crainte internationale. Vous savez que la Chine est en train de répondre très fortement, l'Europe se prépare à répondre. Donc, en fait, cette contraction du commerce, elle n'est pas bonne, en général, pour la croissance mondiale. C'est la réponse des bourses ce matin.
ADRIEN GINDRE
Donc, il n'y a pas de raison que la Place de Paris soit épargnée aujourd'hui ?
SOPHIE PRIMAS
Assez probable, qu'effectivement, on ait quelque chose qui soit dans cette même tendance.
ADRIEN GINDRE
Vous parlez même de récession. Est-ce que je dois entendre dans vos propos que l'économie française est, aujourd'hui, directement menacée de récession ?
SOPHIE PRIMAS
Non. Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que la croissance que nous attendions sera probablement inférieure de 0,3 – 0,4. C'est à peu près les estimations aujourd'hui, 0,5. En réalité, c'est assez compliqué de le savoir, de le calculer. C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle le ministre de l'Economie, Eric LOMBARD, réunira le 14 de ce mois-ci les grandes entreprises pour essayer d'estimer quels sont les impacts sur notre économie.
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire que la prévision de croissance du Gouvernement pour l'année en cours, 2025, était, je crois, à 0,9 %, n'est plus, ne peut plus être d'actualité.
SOPHIE PRIMAS
Ça va être assez difficile de rester sur 0,9 % quand dans le monde entier, effectivement, les croissances vont être plus affaiblies.
ADRIEN GINDRE
Et donc, vous vous attendez à combien ?
SOPHIE PRIMAS
On verra. Aujourd'hui, c'est trop difficile de savoir exactement quel sera l'impact.
ADRIEN GINDRE
Avant même ces annonces de Donald TRUMP, avant même cette crise, vous-même, vous aviez parlé, pour 2026, de la préparation d'un budget cauchemar. Comment vous le qualifieriez aujourd'hui ?
SOPHIE PRIMAS
Le budget reste quelque chose de très, très difficile pour l'année prochaine. Il l'était, parce que nous avons des enjeux qui sont très importants. Réduction des déficits publics, nouvelle objectif sur la défense. Nous rajoutons, ici, des freins sur la croissance. Donc, effectivement, il va falloir vraiment travailler en profondeur ce budget. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et le Premier ministre travaillent à une réforme profonde de l'État, à une simplification de notre vie économique, et que l'Europe elle-même est engagée dans cet élan. Il faut maintenant qu'on lâche l'économie le plus vite possible et le plus largement possible.
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire concrètement qu'on va devoir faire des économies, dans le budget de l'État, supplémentaires, et certainement des impôts supplémentaires.
SOPHIE PRIMAS
Ça, pour l'instant, ce n'est pas ce qui est à l'ordre du jour. Des économies, oui, par plus d'efficacité, plus de simplification. Et probablement, une étude sur quelles sont les missions de l'État et comment nous devons les adresser les plus efficacement possible.
ADRIEN GINDRE
Si on veut voir du positif, on va essayer d'en trouver quand même dans cette actualité-là, les cours du pétrole baissent. Ça peut donc, aussi, se traduire par une baisse des prix à la pompe. Il y a déjà un mouvement qui est amorcé, qui pourrait donc s'amplifier. Merci Donald TRUMP, là, pour le coup ?
SOPHIE PRIMAS
Non, pas merci Donald TRUMP. De toute façon, vous savez que nous essayons de sortir de notre dépendance, notamment au carburant et notamment aux fossiles, aux énergies fossiles. Ça va faire un petit peu de bien au pouvoir d'achat. C'est la petite nouvelle, la petite bonne nouvelle dans cet univers un petit peu inquiétant économiquement.
ADRIEN GINDRE
Pour parler de la riposte, les ministres du Commerce extérieur européen se réunissent aujourd'hui. Vous-même, il y a quelques jours, vous disiez, on va attaquer aussi les services, par exemple, les services numériques. Le Premier ministre vous a contredit hier, puisqu'il dit : "Aucune décision n'est prise". Mais le fond de l'histoire, c'est que vous avez parlé trop vite, mais que c'est bien la direction qu'on va prendre.
SOPHIE PRIMAS
Je n'ai pas du tout dit qu'on allait. J'ai dit que ça faisait partie, les services numériques faisaient partie des éléments de réflexion.
ADRIEN GINDRE
On va aussi attaquer les services. C'était du futur de l'indicatif.
SOPHIE PRIMAS
C'était du futur de l'indicatif. Ce qui est important, c'est de voir que l'Europe, puisque c'est bien de l'Europe qu'il s'agit, ne va s'interdire aucune mesure de rétorsion. Il ne s'agit pas forcément de droits de douane. Il y a plein d'autres mécanismes pour essayer de contrer ces droits de douane. L'Europe, aujourd'hui, est à l'œuvre. Elle réfléchit à toutes les possibilités, y compris sur les services numériques et sur les services bancaires, financiers, etc.
ADRIEN GINDRE
Je voudrais également qu'on revienne sur cette journée d'hier. Elle était très particulière, avec plusieurs rassemblements politiques au même moment. Les trois blocs, peut-être que l'on verra en 2027. Notamment Marine LE PEN qui réunissait ses troupes Place Vauban à Paris. Quelques petits milliers de personnes, dans le calme. Qu'est-ce que vous y avez vu, vous ? Est-ce que c'était un meeting politique, tout ce qu'il y a de plus normal, ou un événement réellement problématique ?
SOPHIE PRIMAS
En fait, il y avait trois meetings différents, de nature différente. Il y avait un meeting politique qui était celui de Renaissance. Il y avait un meeting de contestation qui était celui du Rassemblement national. Et il y avait un meeting d'opportunité contre, qui était celui de l'extrême gauche. Écoutez, j'ai trouvé que la démocratie n'était pas exécutée, comme j'ai pu entendre. Quand il y a trois meetings de trois couleurs différentes en même temps, qui se passent plutôt bien. Donc, il me semble que la démocratie n'est pas exécutée, comme j'ai pu l'entendre. Après, sur le fond, moi, je ne partage évidemment pas l'objectif du meeting du Rassemblement national, qui était de dire que la démocratie était en danger et qui était d'attaquer un des piliers de notre démocratie et de nos institutions, c'est-à-dire la justice. Et donc, on voit bien que le Rassemblement national, après tant d'années d'efforts, n'a en fait pas changé. Sa doctrine est toujours la même.
ADRIEN GINDRE
Marine LE PEN ne vous a pas rassuré quand elle dit : "Notre ligne de conduite ne sera jamais celle de la brutalisation, mais celle pacifique du pasteur Martin Luther King ?"
SOPHIE PRIMAS
Non, c'est un peu éloigné comme comparaison. Non, elle ne m'a pas rassurée. Et ce qui ne me rassure pas, c'est qu'on attaque une des institutions indépendantes de notre démocratie, qui fondent notre démocratie, notre principe démocratique. Ça, ça m'inquiète beaucoup plus, parce qu'encore une fois, je pense que le Rassemblement national n'a pas changé.
ADRIEN GINDRE
Vous parlez des critiques, mais quand le Premier ministre, lui-même, a dit sans trouble, que le ministre de l'Intérieur a évoqué des "juges rouges" en France, que le président du groupe de la Droite républicaine à l'Assemblée, Laurent WAUQUIEZ, sur ce plateau, la semaine dernière, disait : "Un débat sur les jugements, c'est sain, c'est normal", il y a eu des critiques venues de tout bord.
SOPHIE PRIMAS
Il y a eu des critiques, mais la justice est passée. Elle est passée à partir de lois qui ont été votées au Parlement. D'ailleurs, Madame LE PEN, à cette époque-là, trouvait qu'on n'allait pas assez loin, puisqu'elle demandait, je vous rappelle, l'inéligibilité à vie lorsqu'il y avait des détournements de fonds. Aujourd'hui, Madame LE PEN a fait appel. La procureure générale de la Cour d'appel de Paris a indiqué que le jugement de Madame LE PEN aurait lieu à l'été prochain. Par conséquent, en fonction du jugement et du résultat de ce jugement, eh bien, Madame LE PEN pourra ou pas se présenter. Et de toute façon, le Rassemblement national ne sera pas empêché de se présenter aux présidentielles. Donc, il ne faut pas avoir de troubles.
ADRIEN GINDRE
Rapidement, votre ancien collègue des LR, Éric CIOTTI, veut déposer une proposition de loi pour empêcher l'exécution provisoire sur les cas d'inéligibilité, c'est le cas qui concerne Marine LE PEN. En tant que citoyenne, puisque c'était la mode de s'exprimer en tant que citoyen, est-ce que vous souhaitez que cette proposition de loi soit adoptée ?
SOPHIE PRIMAS
Moi, je souhaite que quand il y a une loi, on puisse l'évaluer tranquillement, et qu'on arrête de faire des lois qui soient des lois opportunistes, des lois pour régler un cas ou des lois pour régler le cas d'une seule personne. Je pense qu'il faut faire une évaluation de la loi Sapin 2. Et c'est là-dessus, peut-être, que le Premier ministre a voulu s'exprimer sur son trouble en disant : "Est-ce que l'exécution provisoire est une bonne ou une mauvaise décision ?" C'est là-dessus qu'il faut réfléchir, mais il faut prendre du temps, il faut évaluer. Et si la loi veut être changée par le Parlement, elle peut être changée par le Parlement.
ADRIEN GINDRE
Dernier mot, cette semaine, la loi Simplification revient à l'Assemblée. C'est notamment la loi qui contient la suppression, à ce stade, des ZFE, puisque ça a été voté en commission, ces zones à faible émission qui privent d'accès au centre-ville les véhicules les plus polluants et les plus anciens. Vous nous confirmez que le Gouvernement remettra un amendement pour ressusciter ces ZFE et donc qu'il refuse d'entendre la colère qu'on voyait encore hier dans la rue ?
SOPHIE PRIMAS
Ce que je veux dire, alors, cette colère a été mesurée, vous l'avez dit tout à l'heure. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut à la fois baisser les particules dans les grandes villes et dans les grandes métropoles. C'est une question de santé publique. Et cette santé publique, elle affecte d'abord les difficultés de santé publique, les plus modestes d'entre nous. Donc, il y a un vrai sujet qu'il faut adresser. Deuxièmement, il y a des engagements européens qu'il faut aussi adresser. Troisièmement, la loi ZFE est trop brutale. Elle fait une partition sociale qui est trop brutale. Et donc, il faut réfléchir à comment on la rend accessible au plus grand nombre et notamment aux plus modestes. C'est la raison pour laquelle, par exemple, c'est une petite mesure, mais c'est une mesure importante, à la fin du mois de septembre, va être lancé le leasing social qui permet aux plus modestes d'accéder aux véhicules électriques.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 avril 2025