Texte intégral
MATHIEU BELLIARD
Des sites pour adultes, enfin réservés aux adultes, c'est ce que veut le Gouvernement, mais comment ça marche et est-ce que ça marche vraiment ? Bonjour CLARA CHAPAZ.
CLARA CHAPPAZ
Bonjour MATHIEU BÉLLIARD.
MATHIEU BELLIARD
Vous êtes la ministre déléguée de l'Intelligence Artificielle et du numérique, c'est vous qui êtes en charge de ce dossier au Gouvernement. Vous avez tweeté vendredi en assurant que la tolérance était terminée pour les sites pornos qui n'interdisent pas leur accès aux mineurs. Ce matin, on a fait le test en fait, on a pu se connecter à des dizaines d'entre eux sans carte d'identité ni reconnaissance faciale. C'était pourtant ce que vous demandiez ?
CLARA CHAPPAZ
Tout à fait, et ça va vous étonner si vous avez fait le test, mais moi ce que je veux vous dire, ce que je veux dire à ces sites, c'est que non seulement ça marche mais que les premières sanctions arrivent. Vous savez, ça fait des années que ces sites internet, le fait qu'un jeune sur deux dès douze ans, on parle de douze ans, régulièrement consomme ce type de contenu via leur plateforme, ils ne s'en émeuvent pas. Ils nous mettent des systèmes avec un bouton sur lequel on dit qu'on a plus de 18 ans et puis c'est tout. S'ils avaient décidé de s'autoréguler, ça se serait su. Donc je ne suis pas surprise que ce matin, ils ne se soient pas tous mis en conformité. Mais ce que je veux leur dire, c'est que les sanctions arrivent et donc ils ont plutôt intérêt à prendre le pas et mettre en place des solutions.
MATHIEU BELLIARD
Il y a déjà des sanctions qui se sont envoyées ? Il y a déjà des choses qui ont été décidées ces dernières heures ?
CLARA CHAPPAZ
Les sanctions seront envoyées par l'ARCOM. L'ARCOM a donc, depuis vendredi, le pouvoir d'envoyer ses sanctions et elles arrivent très vite. Vous savez, cette question de la protection des mineurs en ligne, c'est une priorité politique. C'est un combat de longue date. Il y a beaucoup d'associations. Je pense à E-ENFANCE notamment qui le mène depuis des années. On nous a souvent dit que ce n'est pas possible. On arrive au bout de ce combat et on fera tout notre possible pour changer les choses. Ce n'est pas une question de stigmatiser les adultes. Les adultes peuvent bien sûr consommer ces contenus comme ils veulent.
MATHIEU BELLIARD
Et alors justement, ces adultes, ils n'ont peut-être pas forcément envie à la base, ces adultes, d'envoyer leur carte d'identité ou un scan de leur visage à des sites pornos. C'est pourquoi il y a ce système du double anonymat. En fait, on passe par une application ou un site intermédiaire. C'est ça la nouveauté ?
CLARA CHAPPAZ
Exactement. On nous avait dit que c'était impossible, mais on consigne protection des enfants et respect de la vie privée avec ce système de double anonymat. Double anonymat, ça fait très technique. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que quand on va se connecter sur ce site, on vérifiera son âge de façon bien plus sérieuse que simplement en cliquant sur un bouton. Ça peut être plein de solutions. J'en ai rencontré des dizaines. Il y a la solution de reconnaissance visuelle. On peut même, une solution nous a montré, déterminer l'âge en fonction du mouvement de la main. Il y a plein de solutions, mais ces solutions, elles ne donneront aucune information de la personne qui essaie de se connecter aux plateformes. C'est bien un double anonymat, ce dont il s'agit. Protéger nos enfants, mais sans stigmatiser les adultes.
MATHIEU BELLIARD
Le site porno ne saura pas qui sont ses visiteurs. Alors, en fait, je reviens sur l'expérimentation de cette nuit. On a réussi à se connecter sans aucun problème, juste en cliquant. OK, j'ai plus de 18 ans sur tout un tas de sites. La réalité, c'est que beaucoup de ces sites pornos ne sont pas hébergés en France. Et là, en réalité, Clara CHAPPAZ, on ne peut pas faire grand-chose ?
CLARA CHAPPAZ
Alors si, on peut. Notre loi française, elle est en avance par rapport à l'Europe. Et ce qu'on a fait, c'est que depuis maintenant un peu plus d'un mois, on a envoyé aux autres pays européens une demande pour qu'eux aussi se mettent en conformité. C'est ce que nous permet de faire le cadre européen et donc les sites que vous mentionnez, les plus gros. On ne va pas en faire leur publicité, mais c'est vrai que les gros sites sont hébergés dans d'autres pays européens. Je leur dis qu'ils sont en sursis parce que l'ARCOM aura les mêmes pouvoirs…
MATHIEU BELLIARD
Que vous répondent ces pays ? Je pense à Chypre, à la République tchèque. Vous ne voulez pas en faire la pub, mais pour que les gens comprennent, les géants du porno, c'est des YOUPORN, c'est des PORNHUB et tout ça, c'est en dehors de nos frontières. Que vous répondent ces pays ?
CLARA CHAPPAZ
Ils nous répondent que la loi, c'est la loi et qu'ils se mettront en conformité par rapport à ce qu'on leur demande. Et que ces sites-là, en tout cas, ce qu'on leur dit, c'est que dès juin — c'est le délai de prévenance pour prévenir ces autres pays, Chypre, etc., que vous avez mentionnés —dès juin, on aura aussi le même pouvoir de bloquer les sites, leur mettre des amendes très conséquentes, plusieurs millions d'euros pour ces gros sites que vous avez mentionnés. Et s'ils ne se mettent pas en conformité, de les mettre hors ligne, de les déréférencer. C'est une question de loi. On ne lâche pas ce combat. C'est un combat long, qui est très difficile, mais on arrive au bout.
MATHIEU BELLIARD
L'accès depuis la France, il ne respecte pas la loi. Je voudrais aller un tout petit peu plus loin, Clara CHAPPAZ, sur ce système de vérification de l'âge. Les réseaux sociaux sont interdits aux moins de treize ans et on sait très bien que ça n'est absolument pas respecté. Est-ce qu'on peut imaginer de déployer le même genre d'outils sur des Facebook, des Instagram ?
CLARA CHAPPAZ
C'est très juste ce que vous dites. Depuis longtemps, que ce soit sur les sites de contenu pour adultes, que ce soit sur les réseaux sociaux, j'entends : " Ce n'est pas possible, techniquement ". Aujourd'hui, c'est possible, et on sait que, soit les sites de contenu pour adultes, soit les réseaux sociaux, il n'y a pas de prise de responsabilité. Or, moi, ma mission, c'est de protéger les mineurs qui ne peuvent pas avoir accès à ce type de contenu. On sait l'impact sur le développement des enfants, dès douze ans, de consommer ce type de contenu pour adultes, on sait l'impact sur le développement des enfants, des réseaux sociaux, qui créent des phénomènes monstrueux pour la santé mentale des plus jeunes. Ces solutions existent, nous ferons tout pour qu'elles soient appliquées, parce que la protection des mineurs en ligne, et notamment sur la question des réseaux sociaux, c'est une mission sur laquelle on ne peut rien lâcher.
MATHIEU BELLIARD
Et c'est un des enjeux de votre ministère. D'un mot, Clara CHAPPAZ, ce n'est pas le sujet de notre interview ce matin, mais la Commission européenne se rend à Washington aujourd'hui. Il sera question de la guerre commerciale, des tarifs douaniers de Donald TRUMP. D'un mot, est-ce qu'on va taxer Netflix, Amazon en réponse aux droits de douane américains ?
CLARA CHAPPAZ
Dans cette guerre commerciale qui est idiote, la question, d'ailleurs, de l'Europe, de la réponse européenne, qui doit être une réponse ferme, unie, des 450 millions d'Européens que nous sommes, c'est de mettre sur la table tout ce qu'il est possible de mettre sur la table, parce que cette guerre, elle va faire monter les prix pour les Américains, elle va créer une instabilité en Europe, et donc on n'en veut pas, et donc il est bien normal de regarder toutes les options. Les services numériques sont rentrés dans notre quotidien. Vous avez parlé de Netflix, il y en a plein d'autres. Il y a aussi les services numériques pour les entreprises. Quand on regarde la balance commerciale, ce qu'on appelle du coup les échanges commerciaux entre les États-Unis et l'Europe, quand on regarde les services, l'Europe importe beaucoup plus de services numériques qu'elle n'en exporte, et donc c'est tout à fait normal qu'on regarde ce qui est sur la table.
MATHIEU BELLIARD
Merci, Clara CHAPPAZ, merci d'avoir pris quelques minutes en direct ce matin sur RMC, la ministre déléguée au Numérique et à l'Intelligence Artificielle.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2025