Déclaration de Mme Clara Chappaz,ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur la souveraineté numérique, à Paris le 14 avril 2025.

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  • Clara Chappaz - Ministre déléguée, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique

Circonstance : Soirée de la Souveraineté du numérique

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Michel,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les directeurs d'administration, d'association et des entreprises du numérique,
Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités,


Je suis ravie de vous accueillir à Bercy aujourd'hui pour la toute première Soirée de la Souveraineté Numérique à Bercy qui vient prolonger le CII que le PM a présidé la semaine dernière.

Je suis fière que nous soyons réunis dans un moment charnière qui fait suite à une actualité marquée sur les droits de douane, un contexte dans lequel nous avons plus que jamais besoin d'unité.

La guerre commerciale qui a débuté il y a quelques semaines est une guerre idiote. Nous ne souhaitons pas d'escalade commerciale. Comme l'a rappelé Eric LOMBARD, le recul des États-Unis montre qu'il y a un espace de négociation mais qu'il ne faut pas crier victoire.

Soyons clairs : l'Union européenne continuera de répondre de manière ferme et unie. Nous faisons face ensemble et répondrons de manière proportionnée pour chaque euro, pour chaque centime, d'intérêt européen menacé.

Ainsi, l'Europe est prête. Elle est forte de son marché de 450 millions de citoyens. Et je crois qu'aucune entreprise américaine, y compris dans le secteur du numérique, n'aient à gagner à cette bataille.


Si j'ai commencé mon propos par cette clarification nécessaire, c'est parce la situation géopolitique que je viens de décrire donne raison à l'agenda d'autonomie stratégique porté par le Président de la République depuis 2017. Cet agenda place le numérique au coeur de toutes les considérations stratégiques. Car bâtir une Europe autonome, c'est aussi bâtir d'une Europe du numérique souveraine.

Cet agenda de souveraineté numérique, c'est d'abord celui (1) d'une Europe consciente des dépendances dans lesquelles elle s'est parfois enfermée. C'est aussi celui (2) d'une Europe qui protège, nos entreprises et nos citoyens. Mais c'est avant tout, comme la rappelé le Premier ministre lors du Comité Interministériel de l'Innovation de jeudi dernier, (3) celui d'une Europe qui regarde et investit fièrement dans l'avenir et le progrès technologique. Car la meilleure protection, c'est l'innovation. Enfin, (4) c'est celui d'une Europe qui avance ensemble, qui travaille en meute.


(1) Une Europe consciente de ses dépendances

La première condition de notre souveraineté numérique, je le mentionnais, c'est donc de connaître nos dépendances.

La France comme l'Europe sont aujourd'hui dépendantes de l'extraction de matières premières, d'entreprises productrices de cartes graphiques ou de fournisseurs de cloud qui captent 70 à 80% du marché européen.

Dans un monde de prédateurs, la question qui se pose : de qui accepte-t-on nous d'être dépendant et pour quel maillon de la chaîne ?

C'est pour répondre à cette question que je vous annonce lancer aujourd'hui un Observatoire de la Souveraineté Numérique avec l'appui de Marc MORTUREUX du Conseil Général de l'Economie. Il aura pour mission de dresser un état des lieux complet, rigoureux et actualisé de nos dépendances technologiques, de nous donner les outils pour orienter nos choix stratégiques, éclairer nos politiques industrielles, et faire des choix informés et responsables.

Pour autant, oui, nous avons des dépendances. Mais arrêtons de nous auto-censurer. La France a des atouts considérables qu'il faut mettre en avant.

Nous disposons d'une énergie décarbonée et stable, d'infrastructures de calcul publiques et privées, de talents enviés dans le monde entier et d'entreprises européennes qui peuvent être les leaders de demain.

En bref, nous avons toutes les cartes en main.


(2) Une Europe qui protège

La deuxième condition c'est de protéger. La protection des données est au coeur de cet agenda de protection.

L'État français, grâce au travail sans relâche de l'ANSSI, a été précurseur pour protéger les données publiques des Français les plus sensibles en développant la certification " SecNumCloud " depuis 2016, renforcé par la loi SREN en 2023. Il s'agit des données relatives aux secrets de la nation, le maintien de l'ordre publique, la protection de la vie.

C'est un choix politique fort. Un choix politique assumé. C'est un choix politique nécessaire, surtout dans le contexte actuel.

Je continuerai de porter cette ambition au niveau européen pour faire émerger des solutions de confiance pour nos administrations et nos entreprises.


(3) Une Europe qui innove

Enfin, la troisième condition, sans doute la plus importante, c'est bien sûr de continuer à innover, en européens, pour faire émerger les champions de demain.

A cet égard, je suis très fière d'appartenir à un Gouvernement résolument pro-européen qui n'a jamais changé de cap et qui continue de croire dans le progrès scientifique.

Et dans le cloud, comme dans certaines technologies les plus critiques, au premier lieu desquelles l'IA, nous avons bel et bien des solutions Européennes innovantes compétitives que nous avons réunies ici à Bercy ce soir. Des entreprises comme OVH ou Scaleway où j'étais tout à l'heure, cher Damien.

Depuis 2018, la France a beaucoup fait. Avec France 2030, elle a déjà investi plus de 38 milliards d'euros dans les technologies de demain pour rattraper le retard industriel que nous avons accumulé. Le contexte budgétaire nous oblige. Pourtant comme l'a rappelé le Premier ministre jeudi dernier pendant le CII, les choix difficiles que nous aurons à faire ne se feront pas en sacrifiant l'innovation.

A cet égard, je suis très fière de vous annoncer ce soir le lancement de l'appel à projets pour renforcer l'offre de cloud. C'est un AAP d'ampleur, qui était attendu, je le sais. Il doit notamment permettre de bâtir des solutions basées sur les dernières avancées en intelligence artificielle.

Il porte une ambition : celle de bâtir une offre de cloud européenne attractive, performante, compétitive. Une offre que les acteurs publics, les chercheurs, les entreprises, les citoyens voudront utiliser par conviction mais aussi par sa qualité.

Par ailleurs, j'entends souvent parler de l'Europe qui régule. Je tiens à rappeler une chose toute simple. Nous régulons pour porter conviction : la concurrence est la condition pour stimuler l'innovation. C'est pourquoi je tiens à ce que nous renforcions cette concurrence dans le marché du cloud.

Sur la régulation numérique, je répéterai le message passé la semaine passée : notre agenda n'est pas à vendre ! Il est le garant de nos convictions et de nos valeurs et n'est pas une monnaie d'échange dans la guerre commercial à laquelle nous faisons face.


(4) Une Europe qui avance ensemble

Enfin, si l'innovation nous a permis de d'ores et déjà faire émerger des solutions européennes compétitives, la question centrale reste bien celle de leur adoption.

A ce titre, je crois profondément que la souveraineté numérique est un projet collectif. Un projet qui réunit l'État, les entreprises, les chercheurs, les territoires, les citoyens. Un projet qui exige de la constance, de la confiance, du courage.

Aux administrations qui se digitalisent, je veux rappeler que nous avons défini des règles du jeu très claires et ambitieuses avec Stéphanie SCHAER de la DINUM qui nous parlera dans un instant. J'ai demandé à Stéphanie d'accélérer et j'y serai attentive avec mes collègues Laurent MARCANGELLI et Amélie DE MONTCHALIN.

Aux grands patrons qui hésitent, je veux le redire, des solutions européennes, innovantes et compétitives existent, y compris dans le secteur du cloud. Si les grands patrons veulent acheter des solutions françaises, chiche ! Ces solutions ont l'avantage d'être souveraines, protectrices de nos valeurs et de notre patrimoine informationnel.

C'est bien pour avancer ensemble que nous allons lancer le 20ème Comité stratégique de filière " Logiciels et Solutions Numériques de Confiance " le 22 avril avec Michel PAULIN qui nous fait l'amitié d'être avec nous ce soir. Ce travail collectif de filière est fondamental pour nous permettre de contribuer au développement de nos solutions et leur adoption progressive dans tous les domaines.

J'ai demandé à M. PAULIN de lancer un travail avec les entreprises pour augmenter la part des achats numériques européens sur le modèle de Je Choisis la French Tech.

Il s'agit d'un impératif, d'une condition sine qua none si nous souhaitons réussir à construire l'autonomie stratégique de l'Union européenne, défendre notre économie et protéger nos valeurs.


Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 22 avril 2025