Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8h32. Vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Astrid PANOSYAN-BOUVET.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes la ministre du Travail et de l'Emploi. François BAYROU qui hier dit qu'on ne travaille pas assez. Comme on fait pour bosser plus alors ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors on travaille individuellement assez, mais pas collectivement. Et par rapport aux pays, à l'Allemagne ou à l'Angleterre, où on est 11 sur le terrain de foot, nous, on n'est que huit. On n'a pas suffisamment de jeunes qui travaillent. Il y avait une insertion qui est difficile sur le marché du travail et effectivement, depuis des années, on s'est habitué à laisser partir nos travailleurs expérimentés, je n'ai pas envie de parler de seniors, de l'entreprise. Et donc il faut absolument aujourd'hui remettre au travail ceux qui sont en capacité de travailler, nos jeunes, nos travailleurs expérimentés et puis aussi les femmes qui de plus en plus quittent le marché du travail. Elles sont 150 000 faute de garde d'enfants. Et donc c'est vraiment un défi national.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il y a ce défi, réussir à faire en sorte que ceux qui pourraient travailler travaillent. Ça veut dire quoi ? C'est un défi du côté des employeurs qui n'embauchent pas assez ? C'est un défi du côté de la formation ? Quel est le levier ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est tout. Ce sont les deux, en général. C'est effectivement un sujet de compétence. On le voit sur les jeunes où effectivement, même quel que soit le niveau de qualification, les jeunes ont des difficultés à s'insérer sur le marché du travail. Donc il y a un vrai sujet de formation initiale et de formation continue. Et puis c'est d'ailleurs l'initiative que je vais lancer sur les travailleurs expérimentés, là, à la fin du mois, avec notamment les entreprises, l'Association nationale des DRH, c'est déconstruire aussi le regard et les préjugés qu'on peut avoir sur les seniors comme inadaptés, lents. Non, l'expérience, ça a de la valeur. Et il faut aussi montrer qu'effectivement un travailleur expérimenté peut apporter des choses.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi ? C'est un blocage psychologique des employeurs français qui n'embauchent pas de jeunes et qui, je ne sais pas, à partir de 55 – 58 ans, se disent : "Ce n'est plus pour moi" ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
En fait, il y a un petit sujet effectivement. Soit on n'a pas assez d'expérience, soit on en a trop. Et donc je pense qu'il y a effectivement, là, je pense, en particulier sur les travailleurs de plus de 55 ans, un regard à changer et de dire que l'expérience, ça vaut la peine. Et donc il va y avoir une grande campagne de communication nationale et un certain nombre d'opérations à la fois aussi en région, avec les organisations patronales, l'Association nationale des DRH, pour voir comment, sur le plan du recrutement et sur le plan du maintien en emploi, on peut faire mieux. Et puis il y a aussi un accord qui a été signé entre partenaires en novembre dernier sur les seniors, les travailleurs expérimentés à l'époque.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous auriez aimé que ça s'appelle les travailleurs expérimentés, si j'ai bien compris.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bien sûr. Qui va être votée à l'Assemblée nationale et au Sénat au mois de juin, et qui apporte aussi des choses, parce que sur la question de la fin de carrière, on a une approche en France qui est trop binaire. C'est soit on est en emploi, soit on n'est pas en emploi. Il y a des approches qui peuvent être aussi multiples.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
La retraite progressive. Ça veut dire qu'à partir de 58 ans ou 60 ans, on peut être à temps partiel, on peut être à la fois en temps partiel et commencer à toucher sa retraite. C'est le cumul emploi-retraite qui est très compliqué en France, et j'espère que dans le cadre du Conclave, les partenaires sociaux vont regarder ça aussi, pour que l'on puisse, même quand on est retraité, continuer à travailler.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors vous l'avez évoqué, il y a la question du Conclave, il y a la question des 40 milliards à trouver. Certes, s'il y a plus de travailleurs, il y aura plus de salaires, plus d'impôts, plus de cotisations. Donc on imagine que ça bouche une partie du trou de l'argent qu'il va falloir trouver. mais il y a aussi la question des pensions de retraite, et on le voit bien, ça fait partie des pistes évoquées. Vous faites partie de ceux qui avaient dit, à un moment, qu'il ne fallait pas de tabou, y compris sur ces questions-là. Deux pistes en particulier, l'une qui est sur la question des 10 % d'exonération fiscale sur les retraités qui paient des impôts, et puis l'autre sur la question de l'indexation des pensions de retraite. Sur les 10 %, est-ce qu'il faut y réfléchir, comme le dit le MEDEF par exemple ? Ou comme le dit aussi la CFDT d'ailleurs.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Comme le dit le CFDT ou comme le dit le MEDEF. C'est précisément ce genre de sujet dont ils sont en train de discuter dans le cadre du Conclave. Moi, je vais les laisser continuer à travailler. Rappelez quand même, ici, à ceux qui nous regardent, que les retraites, c'est un quart des dépenses publiques aujourd'hui que les retraites. C'est 30 % du salaire brut entre ce que paie l'employeur et ce que paie le salarié, avec effectivement un impact, comme les cotisations, comme l'a rappelé la Cour des comptes qui a fait un deuxième rapport cette semaine. Un impact sur le maintien en emploi, le recrutement, mais aussi sur le pouvoir d'achat des travailleurs. Et donc, il faut pouvoir effectivement regarder toutes les pistes, toutes les solutions. Et un point important qui montre la maturité des partenaires sociaux. Ils se sont mis d'accord sur une lettre d'objectifs cette semaine, en ce qui concerne les retraites, où ils disent effectivement qu'il faut qu'on revienne à l'équilibre et qu'il faut que l'effort soit partagé entre les parties prenantes. Les parties prenantes, c'est qui ? Ce sont les salariés qui cotisent, ce sont les entreprises qui cotisent, mais ce sont aussi les retraités. Donc à eux de…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites la maturité des partenaires sociaux, il y en a quand même quelques-uns qui sont partis, qui ont quitté la table.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je parle de la maturité de ceux…
APOLLINE DE MALHERBE
La CGT ne participe plus.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je ne juge pas, Je juge en tout cas ceux qui sont… Quand je parle de la lettre d'objectifs, c'est la lettre d'objectifs de ceux qui ont décidé de rester autour de la table. Et donc, c'est-à-dire en particulier la CFDT, la Confédération générale des cadres, la CFTC et puis les organisations patronales.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous dites : "Ce sont eux qui bossent et ce sont eux qui décideront sur cette fameuse question de l'abattement des 10% sur les retraités".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est à eux de faire des propositions.
APOLLINE DE MALHERBE
Je précise qu'il s'agirait dans ce cas des retraités qui paient des impôts, donc non pas des retraités les plus modestes, qui eux sont exonérés quoi qu'il arrive d'impôts. Ils vont en discuter mais est-ce que ça aurait votre faveur ? Est-ce que s'ils arrivent au ministère du Travail en disant : "Voilà, on se dit que tout le monde fasse des efforts et ça peut être une des pistes…"
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je veux qu'on arrête de regarder les retraités comme un bloc homogène. Les retraités, ce sont des anciens travailleurs pour beaucoup. Et donc il y a des retraités, notamment il y a 75% des retraités qui ont une résidence, qui sont propriétaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Qui sont propriétaires de leur résidence principale.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Voilà. Qui sont propriétaires de leur résidence principale. Et on voit bien que les difficultés aussi se concentrent sur ceux qui ne sont pas propriétaires et dont l'essentiel de la pension va dans l'allocation.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on pourrait se dire aussi que ce sont ceux-là, ces 75%-là ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je ne me prononcerai pas devant vous, j'attends les propositions, le Premier ministre aussi, et nous verrons. Et puis ensuite ce sont des discussions qui doivent aussi faire l'objet de débats au Parlement.
APOLLINE DE MALHERBE
La question de l'indexation des pensions sur l'inflation. Aujourd'hui, les pensions de retraite sont indexées sur l'inflation. Est-ce qu'il faut réfléchir sur cette question-là ? Est-ce que là aussi il n'y a pas de tabou ? Est-ce que l'indexation peut se faire, par exemple, sur les salaires ? Dans ce cas, elle évoluerait comme les salaires de la partie active de la population. Est-ce que c'est une piste qui vous paraît intéressante ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça fait partie des pistes qui sont sur la table. Je sais que ça fait partie des pistes qui ont été évoquées dans le rapport de la Cour des comptes qui a été remis aux partenaires sociaux cette semaine. Là, moi, je ne veux pas préempter ce que vont nous dire ceux qui sont toujours autour de la table du conclave, je les laisse faire leurs propositions. mais je note, encore une fois, que ceux qui sont autour de la table de ce conclave ont fait une lettre d'objectifs sur le retour à l'équilibre, des mesures de justice sur les femmes, la pénibilité, une gouvernance qui redonne la main aux partenaires sociaux et d'efforts partagés. Je pense que c'est une maturité, je le dis encore, qu'on n'a pas nécessairement eue pendant les débats à l'Assemblée nationale sur les retraites.
APOLLINE DE MALHERBE
Astrid PANOSYAN-BOUVET, on l'entend bien, vous dites que c'est à eux de bosser et vous voulez, évidemment, mettre en avant l'idée qu'il y a un dialogue social et que si on leur a permis d'avoir un conclave, autant qu'ils s'entendent vraiment et que vous ne vous en mêliez pas. Tout de même, le Premier ministre, il s'en est quand même un peu mêlé, parce qu'à un moment, il a dit qu'en fait on ne reviendra pas aux 62 ans. Donc, est-ce que vous pouvez quand même nous dire ce matin au moins que c'est des pistes sur lesquelles vous ne vous opposerez pas ? C'est-à-dire que ça fait partie des pistes dont vous dites : "s'ils bossent là-dessus, nous ne nous y opposerons pas".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le Premier ministre a dit qu'il ne s'opposerait pas aux pistes et aux solutions qui sont proposées et qui sont l'objet de compromis des partenaires sociaux. mais sur les 62 ans, il est bien évident. Quand on parle de compromis, ça veut dire qu'il y a un accord entre les syndicats qui sont autour de la table et le patronat. Moi, il m'avait quand même semblé assez clair que le patronat refusait le retour aux 62 ans, d'autant plus que c'était chiffré, ça coûtait relativement cher. Donc, à partir du moment où il y a des solutions sur le retour à quel équilibre, sur la réparation d'un certain nombre d'injustices, sur la gouvernance qui permettent de faire un compromis et un accord autour des partenaires, je ne vois pas pourquoi on s'y opposerait. C'est précisément ça le pari du dialogue social.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour tenter de trouver les 40 milliards supplémentaires, il y a aussi l'évocation de la suppression de la niche fiscale comme le crédit d'impôt pour les emplois à domicile qui touche 5 millions de foyers fiscaux. Est-ce que dans le moment où vous venez de nous dire qu'il y a, quand même, 150 000 femmes qui n'arrivent plus à concilier la vie de famille et le travail, c'était une belle piste celle-là ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je comprends que ce n'a fait pas partie des pistes qui sont, aujourd'hui, évoquées. Je pense qu'Amélie de MONTCHALIN l'a dit aussi récemment.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, celle-là, vous l'excluez ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense qu'il y a un sujet autour de la garde d'enfants qui est un vrai obstacle au maintien des femmes en emploi. C'est vraiment quelque chose, d'ailleurs c'est ce sur quoi travaille aussi Catherine VAUTRIN, qu'il ne faudrait pas toucher et remettre en cause.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez faire quoi concrètement pour aider les femmes à pouvoir concilier le travail et la vie de famille ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a plusieurs choses. Il y a d'abord la question des gardes d'enfants, que ce soit les crèches collectives, les assistantes maternelles ou les nounous qui viennent à la maison. Donc, ne pas toucher les dispositifs qui marchent et les fragiliser. Et puis, il y a aussi la question de l'égalité salariale. On a encore, aujourd'hui, 22 % de différence salariale liée au fait que les femmes sont souvent surreprésentées dans les métiers qui sont mal payés. mais quand on regarde toutes choses égales par ailleurs, et aussi parce qu'elles travaillent beaucoup à temps partiel, mais c'est aussi parce que garde d'enfants, mais quand on regarde toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire même emploi, même quantité, même heure d'emploi, il reste quand même 4 % de différence de salaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Rien que ça, ça permettrait déjà à la fois à ces femmes de rester travaillées et de remplir les trous.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ce que je dis simplement, c'est que là, très concrètement, on voit aussi les progrès apportés par l'Union européenne. Directive de transparence salariale que l'on va transposer, on va commencer une concertation avec les partenaires sociaux pour qu'on puisse avoir, d'ici la fin de l'année, un texte qui améliore l'index PENICAUD, qui avait apporté beaucoup de choses, et qui sera une petite révolution culturelle en France où on n'aime pas trop parler salaire, de donner une vraie transparence de comment on se situe dans l'entreprise, ou comment est-ce qu'on se situe par rapport à une boîte quand on veut être recruté dans la boîte.
APOLLINE DE MALHERBE
Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous qui êtes ministre du travail et de l'emploi, plusieurs questions très concrètes, également sur ces sous que l'on pourrait trouver. Vous aviez évoqué, comme n'étant pas tabou, l'introduction d'une dose de capitalisation dans le système, ça doit faire partie des sujets de discussion, disiez-vous. Est-ce que vous redites cela ce matin ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça faisait partie aussi des choses qui avaient été discutées entre partenaires sociaux, ça fait partie de l'ordre du jour, du conclave.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous y êtes favorable ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a 15 millions de Français qui font déjà le choix de la capitalisation. Ça ne veut pas dire que ça doit remplacer le système par répartition, qui est le système socle, qui est fondamental dans le contrat social qui nous lie entre actifs et retraités, entre jeunes et aînés. mais avoir un complément, c'est quelque chose que les partenaires sociaux doivent regarder. En tout cas, 15 millions de nos concitoyens, donc 5 millions, d'ailleurs, dans la fonction publique, ont déjà fait ce choix. Donc, ce n'est pas tabou pour eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faudrait envisager de mettre vraiment fin aux 35 heures ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que le sujet…
APOLLINE DE MALHERBE
Parce que quand on nous dit qu'on ne bosse pas assez, on se pose quand même cette question-là.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Quand on voit qu'on travaille moins que les Anglais et les Allemands, aujourd'hui, ce n'est pas tant la durée légale que le fait qu'on n'a pas assez de gens qui travaillent. Les gens qui bossent, ils bossent beaucoup. Ils bossent autant que les Allemands et les Anglais. Le sujet, il y en a deux. Il n'y a pas assez de gens qui sont en âge de travailler et qui travaillent pour des raisons… On en a parlé de compétences, de formation, de regard aussi que portent les entreprises et les recruteurs. Et puis, il y a un deuxième sujet quand même qu'il faut le dire parce qu'il n'y a pas de tabou entre nous. C'est la question des arrêts de travail qui ont augmenté de plus de 25 % depuis le Covid. Il y a une partie qui est justifiée parce qu'il y a un vieillissement de la population active qui est lié au vieillissement de la population générale. Voilà. mais il y a quand même une augmentation d'un tiers, aujourd'hui, des recours aux arrêt-maladie, tout âge confondu et en particulier pour les jeunes. Et là, il ne doit pas y avoir de tabou, pas de tabou. Il faut regarder à la fois les sujets santé, conditions de travail, prévention de l'usure professionnelle. Il faut regarder les sujets abus et fraude.
APOLLINE DE MALHERBE
Abus et fraude. Quand vous dites abus, c'est de la part éventuellement du salarié qui demande trop d'arrêts. Et quand vous dites fraude, ça veut dire aussi éventuellement les médecins qui ne seraient pas suffisamment regardants.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Exactement. Et c'est pour ça qu'on avait d'ailleurs commencé dans une loi de financement de la sécurité sociale, à encadrer la capacité à donner des arrêts de travail via les plateformes, voilà. Il faut continuer…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faut se dire : "Les arrêts-maladie quand on est par visio à l'autre bout de la France", j'avais le témoignage, ce matin, d'un employeur dans le monde du BTP, qui me disait : "J'ai des salariés qui se mettent en arrêt et leur médecin est à 800 kilomètres.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que c'est des sujets qu'il faut effectivement regarder, alors après il y a aussi la question…
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de sujets à regarder mais pas beaucoup à trancher.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, mais moi je ne vais pas trancher…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit comme François BAYROU, hier. Il nous dit qu'il y a des problèmes mais qu'ils ne nous donnent pas de solutions.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Madame, je ne vais pas trancher là, maintenant, avec vous, à 8 h 30 du matin. C'est à regarder, parce que c'est aussi à regarder avec les partenaires sociaux. On a aussi un vieillissement de la population active, donc, ça veut dire qu'il y a plus d'accidents du travail avec une augmentation de la durée moyenne de l'arrêt-maladie. On voit qu'il y a une transformation des raisons de l'arrêt-maladie. Ce n'est plus simplement les troubles musculaires, c'est aussi des risques psychosociaux. Donc, moi, je ne fais pas des annonces comme ça, je veux d'abord regarder avec les parties prenantes autour de la table. C'est pour ça que j'avais demandé à organiser une conférence sur le travail, précisément sur ces sujets-là, et comme on n'a pas la bande passante, aujourd'hui, parce qu'il y a le sujet des retraites, on regardera ça en septembre, mais c'est extrêmement important. Il y a un autre sujet sur les arrêts de travail, je l'ai dit d'ailleurs hier, à la conférence de presse, c'est prévention santé, mais c'est aussi pratique managériale. Parce qu'on voit effectivement, qu'il y a des pratiques managériales en France qui sont très verticales et qui ne sont pas suffisamment tournées vers l'écoute et la reconnaissance.
APOLLINE DE MALHERBE
Et là-dessus, j'avais un médecin, ce matin, qui appelait et qui disait : "Les gens souffrent au travail".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Vers la reconnaissance, vers l'écoute, vers l'autonomie. Et donc, c'est tout cet ensemble qu'il faut regarder sans aucun tabou, de l'abus, de la fraude, jusque aux conditions de travail ou aux pratiques managériales.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faudrait envisager de supprimer un jour férié ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Pour l'instant, le sujet c'est vraiment, en tout cas je le vois, on le voit en septembre, c'est arrêt de travail…
APOLLINE DE MALHERBE
Faire bosser les jeunes et continuer à faire bosser les plus âgés.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Les plus âgés et puis les femmes également. Un autre sujet important, ce sont les personnes qui ont peu de qualifications. On voit que leur taux d'activité en 30 ans a baissé de 40 %. D'où l'intérêt absolument vital de la loi qui a été votée en 2023 sur le plein emploi et qui vise à mieux renforcer l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
APOLLINE DE MALHERBE
Astrid PANOSYAN-BOUVET, quand on dit qu'il faut bosser plus et qu'on se retrouve avec cette situation hier, j'ai interrogé, y compris, Michel BARNIER à ce même micro sur la question, les boulangers qui voudraient rester ouverts le 1er mai, qui d'ailleurs, le sont en réalité depuis des années de manière tacite, alors qu'officiellement ils ne sont pas sur la liste des métiers dits essentiels qui sont autorisés à être ouverts le 1er mai. Il y a eu un peu plus de zèle que d'habitude dans les contrôles l'an dernier. Un certain nombre de boulangers se sont retrouvés à devoir potentiellement payer des amendes parce qu'ils ont fait bosser leurs salariés ou leurs apprentis et ils disent : "En fait, on a juste envie de travailler. On a d'ailleurs une convention collective qui nous permet de payer double voire triple nos salariés sur la base du volontariat le 1er mai et on nous empêche de travailler". C'est audible ça ? Pourquoi vous ne les mettez pas sur la liste ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est précisément ce qui va être regardé. Je pense qu'il y a des propositions de loi, aujourd'hui. On voit effectivement l'application de cette loi qui aujourd'hui est difficilement compréhensible, d'autant plus que pendant le Covid, les boulangers étaient…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qu'est-ce que vous leur dites ce matin ? On est quand même le 16 avril. Ils doivent s'organiser. C'est le 1er mai. Est-ce que vous leur dites : "Non, fermez le 1er mai quitte à ne pas avoir d'entrée à la fois d'argent, de croissance, de salaire, de cotisation ou est-ce que vous leur dites non, c'est bon, vous pouvez bosser ?"
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils n'y voient pas clair en fait.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, et je les comprends. Et je les comprends parce que la loi, aujourd'hui, a une application un peu complexe puisqu'effectivement, ils ne font pas partie de ces activités essentielles et puis parce qu'il y a des gens qui ont envie de travailler sur une base volontaire avec effectivement des compléments de salaire qui peuvent être intéressants. Donc, je pense qu'il faut regarder, aujourd'hui, seule la loi peut défaire cette complexité. Donc, ce que je dis, aujourd'hui, c'est qu'avec les législateurs il faut regarder.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais jusqu'à présent disons de manière tacite, il n'y avait pas de boulanger qui était…
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
De manière tacite, moi j'ai envie de faire le pari de l'intelligence collective et de dire : "Continuons ainsi avant de pouvoir, et ça on ne peut pas le faire ce matin à 8 h 30, clarifier par la loi". mais je pense que c'est quelque chose qu'il faut effectivement regarder parce qu'à force de pouvoir…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que de manière tacite vous leur dites "Vous pouvez travailler, on ne va pas vous sanctionner".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça, ça relève de l'inspection du travail qui est autonome.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous êtes ministre du travail.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais c'est une autorité qui est autonome, garantie comme telle par l'Organisation Internationale du Travail. Donc moi, je n'ai pas pouvoir sur l'inspection du travail. mais je pense qu'il faut, aujourd'hui, faire aussi le pari de l'intelligence Ça fait partie de la culture française. Ce sont des métiers importants. Si c'est une base volontaire avec des compléments de salaire les gens ont envie de s'organiser. On doit pouvoir laisser les choses avant de pouvoir clarifier les choses dans la loi.
APOLLINE DE MALHERBE
Astrid PANOSYAN-BOUVET, on sait que ce conclave ce fameux conclave sur les retraites, ça fait partie de ce qui a donné du sursis voire même un peu de visibilité au Gouvernement auquel vous appartenez puisque le Parti Socialiste a décidé de ne pas censurer parce que, précisément, il y avait la réouverture d'une réflexion sur la réforme des retraites. Est-ce qu'au moment où on se parle, vous vous dites ça peut continuer, je fais confiance au Parti Socialiste pour ne pas nous sanctionner, nous censurer ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Tout va dépendre aussi de qu'est-ce qu'on fait, à la fois du conclave, mais aussi des annonces d'hier. C'est-à-dire que le pari d'hier moi je vous ai entendu, on parle beaucoup on va étudier, il n'y a pas de solution. mais le pari qui a été fait hier ça a été de dire qu'on fait le pari aussi d'une autre démarche où on met autour de la table tous ceux qui de près ou de loin construisent le budget de la nation. C'est les parlementaires, c'est les collectivités locales, c'est les partenaires sociaux et donc, avec une feuille de route que ce soit la Conférence des Territoires, le CIMEA avec les collectivités locales, que ce soit l'issue du conclave et encore une fois, moi, j'espère et j’œuvre pour qu'il y ait des compromis vraiment qui tiennent la route et qui permettent vraiment d'améliorer notre système de retraite et puis aussi, parce qu'à l'issue du conclave fin juin va s'ouvrir aussi une autre perspective qui est, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui dans notre modèle de protection sociale qui a 80 ans dans un monde qui a considérablement changé.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous reviendrez pour nous donner des réponses sur cette question-là aussi, c'est-à-dire la question de la protection sociale. Vous êtes ministre chargée du travail et de l'emploi. Merci d'avoir répondu à mes questions ce matin. Il est 8h52.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 avril 2025