Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Éric LOMBARD.
ÉRIC LOMBARD
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
On va essayer de voir avec vous quelles sont les pistes envisageables et les lignes rouges du Gouvernement afin d'atteindre cet objectif de quarante milliards d'économies l'année prochaine. Mais d'abord, sur le constat général : la survie du pays est en jeu, a alerté hier François Bayrou à propos de l'état de nos finances publiques. Il faut forcément dramatiser pour faire accepter les efforts aux Français ?
ÉRIC LOMBARD
En fait, je pense qu'on doit la vérité aux Français, c'est ce que le Premier ministre a expliqué hier. On est dans une situation critique. Pourquoi ? Parce que nous avons atteint un niveau d'endettement qui n'est pas raisonnable, et surtout, qui n'est pas soutenable. Je vais vous donner, sans entrer dans trop de détails, les chiffres : 3 300 milliards de dettes, c'est-à-dire 50 000 euros par personne. Et surtout, la charge de cette dette — nous devons payer des intérêts chaque année à nos créanciers — ça va représenter cette année 67 milliards d'euros, plus que le budget de la Défense. Et nous allons vers une charge de la dette de cent milliards d'euros. Donc, ça contraint toutes les autres dépenses. Et si on n'y prend pas garde, ça va nuire, y compris à notre souveraineté. Parce que ça va nous empêcher de former nos enfants, de financer la Défense nationale. Donc, il faut absolument que cette dette, d'abord, soit stabilisée. Pour stabiliser la dette, il faut arrêter de faire du déficit. Chaque année, nous faisons un déficit trop important qui s'ajoute à la dette. Et pour stabiliser la dette, il faut que le déficit atteigne 3%.
JEROME CHAPUIS
Mais une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on a fait ce diagnostic… à quoi ça sert de le poser si on n'est pas encore au moment du remède ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, je reviens sur le diagnostic. L'année dernière, le déficit était de 5,8%. Cette année, il sera de 5,4%, et nous avons encore quatre ans — jusqu'à 2029 — pour atteindre les 3%. Donc il faut d'abord partager le diagnostic. Le diagnostic entraîne des solutions. Et moi, je veux d'abord parler méthode. C'est pour ça que le Premier ministre, avec le Gouvernement hier, a voulu informer les Français, c''est que la première méthode, c'est le dialogue. On demande un effort à la nation. Cet effort ne peut être basé que sur un partage, à la fois des objectifs et des moyens. Avant la conférence de presse avec le Premier ministre, nous avons réuni — avec les principaux ministres concernés — les parties prenantes : nous avions les élus, les présidents des commissions des finances, rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous avions l'ensemble des syndicats de salariés et d'entreprises. Nous avions les représentants des collectivités locales. Nous avions les présidents et présidentes des caisses, parce que nous avons voulu leur donner le détail des chiffres afin que ce soit partagé.
SALHIA BRAKHLIA
Oui. Sauf que nombreux de ceux que vous venez de citer, là… quand ils sont sortis après la conférence de presse du Premier ministre, ils ont dit en gros : " C'était une belle opération de communication pendant laquelle on a été des figurants. On a posé des questions, mais on n'a pas eu de réponses ". En gros, ils sont au courant du constat. Ils cherchaient des réponses. Les pistes que vous, Gouvernement, envisagez pour remédier à la situation.
ÉRIC LOMBARD
Alors, je reviens sur la méthode. On est au mois d'avril, et le projet de loi de finances va être déposé au mois de septembre. Donc, nous avons quelque chose d'incroyable en politique : nous avons un peu de temps. La réunion d'hier marquait le démarrage d'un grand moment de dialogue avec l'ensemble des parties prenantes, pour construire ensemble le budget. Parce que dès lors que c'est difficile, il faut qu'on le fasse ensemble. Il faut qu'on écoute tout le monde. Et vous allez me demander tout à l'heure, sans doute : est-ce que vous allez toucher à quelque chose ?
SALHIA BRAKHLIA
Mais, c'est-ce qu'on va faire maintenant, c'est ce qu'on va faire maintenant, Monsieur le Ministre…
JEROME CHAPUIS
On avait une question, on espère des réponses…
ÉRIC LOMBARD
Je vous dis tout de suite que les réponses, elles seront construites avec les parties prenantes. Comme nous l'avons fait, d'ailleurs, pour le budget 2025. Quand nous sommes arrivés, vous nous avez dit : " Vous n'avez pas de majorité, vous n'y arriverez jamais ". D'ailleurs, on n'était pas certain d'y arriver, mais dans le dialogue, on a trouvé une solution. Il y a une commission mixte paritaire qui a fini par adopter ce budget.
JEROME CHAPUIS
On a plein de questions justement.
SALHIA BRAKHLIA
Et sur le fond, quand vous dressez un constat alarmiste, on a envie de savoir jusqu'où vous pouvez aller. Un mot d'ordre déjà : pas d'augmentation d'impôts. Ça, vous le maintenez ?
ÉRIC LOMBARD
Oui, on ne veut pas d'augmentation d'impôts. Parce que dans les records de France, on est très talentueux dans tout un tas de domaines, mais on a le record — dans les pays développés — du niveau d'impôts. Et pourquoi est-ce que nous ne voulons pas augmenter les impôts ? Parce que d'abord, pour les entreprises, on a un problème de compétitivité. On va y revenir. La compétitivité, c'est important. C'est ça qui permet aux entreprises de gagner dans la concurrence internationale, de recruter, de former les gens. Et puis pour la plupart des ménages, le niveau d'imposition est élevé. D'ailleurs, quand on dit " Pas d'augmentation d'impôts ", je veux ajouter : « Pas d'augmentation de charges », ni pour les entreprises, ni pour les ménages. Parce que c'est au niveau de la dépense, quand on se compare, que nous avons décalé.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que l'année dernière, on a eu un problème de recettes. C'est le président de la République lui-même qui a dit qu'on avait un problème de recettes dans le budget de l'année dernière. Alors pourquoi ? C'est un gros mot pour vous aujourd'hui ? On entend plus parler de dépenses.
ÉRIC LOMBARD
Les dépenses sont à 57% de la richesse nationale. 57%, c'est-à-dire 10% de plus que la moyenne des pays européens. Ce qui s'est passé en 2023 et 2024, c'est que les recettes, effectivement, n'étaient pas au rendez-vous, parce qu'on a eu les conséquences du Covid et de l'inflation. On ne va pas rentrer dans la technique. Mais là, on a cette année — sur les premières semaines, les premiers mois de l'année — des recettes qui sont au rendez-vous. Le décalage par rapport au reste du monde, c'est sur la dépense publique. Et en plus, cette dépense publique, qui est beaucoup plus élevée qu'ailleurs, on voit bien que malgré cela, les Françaises et les Français ne sont pas contents des services publics, parce que ce n'est pas parce qu'on dépense beaucoup plus qu'on est forcément plus efficace. Et en tout cas, nous avons peut-être atteint un niveau où ça n'est même plus efficace de dépenser plus.
JEROME CHAPUIS
Alors, sur les impôts toujours : on a quand même quelques certitudes. La contribution exceptionnelle des grands groupes, qui a rapporté — je crois — huit milliards d'euros cette année… elle n'est pas reconduite, c'est certain ?
ÉRIC LOMBARD
Elle n'est pas reconduite. On l'a annoncé au moment du budget 2025. On l'a confirmé avec la ministre des Comptes publics, Amélie de MONTCHALIN, parce que nous voulons préserver la compétitivité des entreprises. En plus — on va peut-être parler de petits sujets qui nous occupent avec nos amis américains — il y a une bataille économique sur les droits de douane avec les Américains. On est, comme vous savez, en concurrence très forte avec la Chine. Donc il faut protéger la compétitivité de nos entreprises. C'est essentiel. Et donc, cette surtaxe exceptionnelle — qui d'ailleurs frappait les entreprises de façon un peu inéquitable — nous n'allons pas la reconduire.
JEROME CHAPUIS
La contribution des plus hauts revenus, qui, elle, rapporte de deux milliards cette année, elle pourrait être reconduite l'année prochaine ?
ÉRIC LOMBARD
Sur la contribution des hauts revenus qui avait été proposée, qui a été votée dans le projet de loi de finances 2025, nous avions dit à l'époque, et je confirme, en fait, les choses n'ont pas changé, c'est une contribution qui rapportait deux milliards d'euros et qui visait à faire en sorte que les plus hauts revenus payent au minimum un impôt équivalent à ce que payent les autres Français. Parce que, quand on a des revenus importants, on peut avoir des moyens légaux — il y a des holdings, par exemple — de payer moins d'impôts par rapport à ses revenus ou par rapport à son patrimoine. Et donc, nous avions dit, et nous le faisons, que nous lancions une concertation avec les représentants des entreprises de façon à avoir un impôt anti-optimisation.
JEROME CHAPUIS
Il s'agit d'éviter que ces mécanismes…
ÉRIC LOMBARD
Nous voulons que le taux d'imposition des personnes les plus fortunées soit homogène avec le reste de la population, pour des raisons d'équité. Donc, ce n'est pas un nouvel objet fiscal, c'est le travail que nous avions entamé il y a quelques mois.
SALHIA BRAKHLIA
Éric LOMBARD, pour trouver ces quarante milliards d'économies, est-ce que vous pourriez faire appel aux retraités, par exemple, en rognant sur les 10% d'abattement fiscal ?
ÉRIC LOMBARD
Il y a un graphique très intéressant que le Premier ministre a présenté hier. C'est, par tranche d'âge, combien chaque ménage touchait de la collectivité, en termes d'aide ou en termes de retraite, et combien il payait en cotisations, en charges et en impôts. Et on voit bien que jusqu'à soixante ans, on perçoit assez peu, parce qu'essentiellement, on perçoit un salaire qui est versé par l'entreprise ou l'administration, mais pas par la collectivité, pas par l'État. Et en revanche, on paye des impôts, des cotisations, parce qu'on est au coeur de sa vie professionnelle. Et puis, dès qu'on dépasse soixante ans, on touche beaucoup, parce qu'on est plus malade. Donc, il y a plus de ce qui est normal, c'est la solidarité. On touche une retraite et puis on contribue beaucoup moins. Donc, c'est intéressant de regarder ça. Nous allons présenter ce graphique. Nous l'avons présenté aux partenaires sociaux, aux partenaires politiques, et nous verrons si la collectivité, au bout de ce moment de dialogue, souhaite rééquilibrer cela. Le sujet est sur la table. Le Gouvernement, pour le moment, pose la question.
SALHIA BRAKHLIA
Et que dit le Gouvernement ? Il a un avis, le Gouvernement.
ÉRIC LOMBARD
Non, le Gouvernement n'a pas d'avis. Pardon, il faudra vous habituer à cela.
SALHIA BRAKHLIA
Il n'y a pas d'avis, le Gouvernement, il faut s'habituer à ça ?
ÉRIC LOMBARD
Nous entrons dans une phase qui va durer trois mois, que le Premier ministre a engagée, de dialogue sur tous ces sujets. On a trois grandes catégories.
JEROME CHAPUIS
Donc, il ne faut pas exclure, en tout cas, la suppression de cet abattement fiscal de 10% sur les retraités.
ÉRIC LOMBARD
Il n'y a pas de tabou, je reprends le propos du Premier ministre. On a trois grands domaines de dépense publique. On a la sécurité sociale, qui est en fait la principale. On a l'État, on a les collectivités locales. Dans les trois segments, avec les représentants de ces activités, les associations, les syndicats, nous allons dialoguer afin de construire ensemble le budget. C'est une méthode qui est très nouvelle. On va le faire, d'ailleurs, devant les Françaises et les Français, parce que je ne doute pas que les réunions que nous aurons donneront lieu à interviews sur vos plateaux. Et c'est très bien, parce que c'est aussi important que les Français donnent leur avis.
JEROME CHAPUIS
Pas de tabou non plus sur un autre impôt dont on parle, notamment dans les milieux patronaux. Il y avait hier, à votre place, Patrick MARTIN, le président du MEDEF, qui, lui, plaide pour une hausse de la TVA ou de la contribution sociale généralisée. La TVA, par exemple, un point de TVA de plus, c'est dix milliards d'euros de recettes. Là aussi, la porte est éventuellement ouverte à cette solution.
ÉRIC LOMBARD
J'ai institué lundi un conseil des entreprises avec les représentants des entreprises. Et puis, je recevrai vendredi l'ensemble des syndicats de salariés. C'est un sujet qui est en train d'émerger, mais depuis déjà quelques mois, pour le dire de façon plus technique. Aujourd'hui, notre protection sociale, c'est le plus du tiers de la dépense publique, est financée en large partie, en réalité, par les cotisations sociales, bien sûr, mais aussi par les impôts généraux, parce qu'il y a beaucoup de soutien de l'État à tout cela. Et un certain nombre de voix s'élèvent pour qu'on modifie le mode de financement de la sécurité sociale. C'est ça dont vous parlez. Ce sujet est déjà dans l'air. On va, pardon, mais on va laisser le débat se développer, voir si cette réflexion qui est portée effectivement par un certain nombre d'acteurs…
SALHIA BRAKHLIA
La TVA sociale, ce n'est pas une ligne rouge.
ÉRIC LOMBARD
Alors, parler de TVA sociale, vous savez, en réalité, près de la moitié de la TVA aujourd'hui finance la sécurité sociale. Donc la TVA sociale, elle est déjà là. En fait, il y a beaucoup de transferts entre les impôts et les cotisations. On est dans une illusion dont il faut sortir. Après, quand on a construit la sécurité sociale il y a 80 ans, on avait dit que les cotisations financent la santé, les retraites, les allocations familiales, et l'impôt finance l'État, les collectivités locales. Ça n'est plus vrai. 46 % de la TVA finance la sécurité sociale. Les collectivités locales sont financées largement par les impôts d'État, etc., etc. Tout ça, ce sont des tuyauteries qui sont devenues illisibles. On ne va pas tout remettre à plat, parce que ça n'a pas forcément d'utilité. En revanche, je pense qu'il faut quitter les catégories traditionnelles de dire qu'à chaque impôt, son objet, tout ça est un peu mélangé.
SALHIA BRAKHLIA
Donc là, ça aussi, ça se réfléchit. Moins rembourser les dépenses de santé pour ceux qui gagnent plus ?
ÉRIC LOMBARD
C'est une question qui m'est souvent posée. Je suis désolé, je vais être très constant dans mes réponses. Si ces réflexions font l'objet d'un consensus…
SALHIA BRAKHLIA
On comprend bien le message, mais quand même, on voit qu'il n'y a pas de ligne rouge. Tout est sur la table, tout est possible.
ÉRIC LOMBARD
Non, mais je veux mettre certaines limites. Il peut y avoir une réflexion de ce type. Après, on a un système de sécurité sociale qui est très protecteur. Quand vous avez une maladie grave, vous êtes complètement couvert. Vous allez à l'hôpital, vous êtes traité, vous êtes d'ailleurs très bien traité. Et ça, c'est essentiel de maintenir cela.
SALHIA BRAKHLIA
Vous savez pourquoi on vous pose la question ? Parce que là encore, Patrick MARTIN, hier à votre place, disait qu'il y a quand même une réflexion à avoir. Si, par exemple, une personne n'accepte pas de se faire vacciner, peut-être qu'il faut lui dire que les soins qui vont être nécessaires parce que cette personne est tombée malade, elle devra les payer.
ÉRIC LOMBARD
Ça, c'est une question un petit peu différente. Ce qui est la question de la responsabilité individuelle. C'est vrai que des personnes qui ne se font pas vacciner et qui, après, coûtent cher à la collectivité, ça peut interroger. Je ne suis pas certain de suivre mon ami Patrick MARTIN sur ce chemin-là. Mais encore une fois, on a trois mois pour mettre toutes les questions sur la table. Et ça, je trouve ça très utile. Être sur une grande émission le matin et parler de ces sujets de budget. Franchement, qui aurait cru cela, il y a encore quelques semaines ?
JEROME CHAPUIS
Et pendant ces trois mois, il y a aussi la question des retraites avec ce conclave qui continue, je vois que l'heure tourne. Donc, on va laisser passer le fil info et on va vous retrouver juste après. Éric LOMBARD, le ministre de l'Économie, avec nous jusqu'à 9h. Le fil info, 8 h 46 avec Maureen SUIGNARD.
(…)
Et le ministre de l'Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric LOMBARD, est avec nous. On parle du budget en construction jusqu'à l'automne prochain, mais dont on discute déjà en ce printemps. Et pendant ce temps, les partenaires sociaux continuent de parler des retraites, avec cette question qui revient là aussi dans le débat : faut-il indexer les retraites sur les salaires plutôt que sur l'inflation ? Pourquoi on vous pose cette question ? Parce que votre collègue, ministre du Travail, la semaine dernière sur France Info, Catherine VAUTRIN, disait qu'on voit que le niveau des retraités français, dans leur grande majorité, est supérieur au revenu des actifs. S'agit-il d'une anomalie, Éric LOMBARD ?
ÉRIC LOMBARD
C'est vrai qu'aujourd'hui, compte tenu des mécanismes qui existent sur le système de retraite, le niveau de vie moyen des retraités est supérieur à celui des salariés ou des fonctionnaires qui sont dans l'emploi. Ce qui peut surprendre, mais c'est un fait. Je veux ajouter à cela qu'il y a beaucoup de petites retraites. D'ailleurs, on parle souvent de la loi d'Élisabeth BORNE, la loi sur les retraites de 2023. Elle a permis d'augmenter les petites retraites. Il y a beaucoup de bonnes choses dans ce texte qu'il faut évidemment préserver. Le débat sur les retraites, il est en train d'être traité courageusement par les partenaires sociaux qui ont accepté de s'en saisir pour regarder comment améliorer le texte de 2023 et le Gouvernement leur a donné mandat sur cela, avec un objectif et un seul : rétablir l'équilibre. D'ailleurs, le déficit des retraites est moins important, en passant, que le déficit de la santé. Les partenaires sociaux ont pris ce mandat, s'en occupent, ils travaillent dans la discrétion. Ils travaillent sans que le Gouvernement s'en mêle.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a eu quand même des petites... de François BAYROU
JEROME CHAPUIS
Sur l'âge notamment.
SALHIA BRAKHLIA
" Toucher à l'âge, c'est impossible " c'est ce qu'a dit le Premier ministre.
ÉRIC LOMBARD
Il n'a pas dit que toucher à l'âge, c'était impossible. Mais je ne veux pas revenir sur ce thème. Les syndicats travaillent dans l'union. Ils ont même évoqué l'idée d'élargir leur mandat, en disant : " Mais nous aussi, on est légitime pour s'occuper de la santé ".
JEROME CHAPUIS
Et de l'allonger au-delà du 28 mai ? Vous leur aviez demandé des solutions pour le 28 mai, ça ira au-delà ?
ÉRIC LOMBARD
Moi, j'entends ce qu'ils disent : qu'il y a un vrai travail, il y avait de vrais échanges, avec un vrai dialogue. Et franchement, s'ils avancent, et s'ils le souhaitent... Je crois à la légitimité des partenaires sociaux. Et d'ailleurs, on le voit bien fonctionner. Dans le débat d'hier matin et on va continuer ça dans les semaines qui viennent. Ils étaient présents, avec des interventions. Chacun était évidemment sur ses thèmes, mais constructives, fondées. Donc s'ils souhaitent avoir un petit peu plus de temps... Je ne veux pas empiéter sur le domaine de Catherine VAUTRIN, qui est la ministre en charge, mais je suis certain qu'elle donnera plus de temps pour avancer. Vous imaginez un pays où les partenaires sociaux se mettent d'accord sur le fonctionnement de notre système de retraite ?
SALHIA BRAKHLIA
Mais oui, Ils sont beaucoup plus responsables que vous, donc c'est pour ça qu'ils ont espoir de se mettre d'accord.
ÉRIC LOMBARD
Mais peut-être, mais j'en prends acte, et ce serait une très bonne chose. J'ai toujours dit que la légitimité d'un accord des partenaires sociaux serait énorme, et vous nous dites à juste titre, c'est vrai que ce Gouvernement n'a pas de majorité au Parlement, mais si les partenaires sociaux sont d'accord, il me semble que le Parlement devra bien en tenir compte, dans sa légitimité.
SALHIA BRAKHLIA
Éric LOMBARD, des phrases qui ont retenu notre attention quand même, des phrases de François BAYROU hier : " Nous ne travaillons pas assez ", c'est ce qu'il a dit, " Nous ne produisons pas assez ". Est-ce qu'il faut s'attendre à voir revenir sur la table des propositions comme un jour férié en moins, ou un jour de carence en plus ?
ÉRIC LOMBARD
Le Premier ministre a monté un graphique qui est très simple : les jeunes Français sont moins dans l'emploi que les jeunes Européens, et ça, franchement, c'est parce que nous sommes mal organisés, parce qu'ils souhaitent travailler. Et puis, on sait très bien qu'on a un sujet d'emploi des seniors, puisque les entreprises ont trop l'habitude de considérer que quand quelqu'un devient senior — on devient senior à 45 ans en plus, je trouve, ce qui me paraît vraiment très, très jeune — il peut être remplacé. Alors que ces personnes ont beaucoup d'expérience et peuvent apporter beaucoup. Donc, on a un premier thème qui est le fait qu'on mette dans l'emploi toutes celles et ceux qui le veulent, et puis aussi qu'on continue à faire baisser le chômage, ce que nous avons fait ces dernières années.
SALHIA BRAKHLIA
Et donc, parmi les réponses, est-ce qu'il est possible d'envisager un jour férié en moins ?
ÉRIC LOMBARD
Avant de parler des jours fériés, on a beaucoup trop de Françaises et de Français qui sont en arrêt-maladie. D'ailleurs, parfois, il y a une locution, on en a une nouvelle : c'est qu'on " se met en arrêt-maladie ". C'est les médecins autorisent cela plus que dans les autres pays. Alors moi je ne jette pas la pierre, parce que je sais qu'on est un peuple engagé et travailleur. Il y a peut-être un sujet, dans certaines entreprises, dans certaines administrations, de motivation, parce qu'on voit bien que le niveau d'arrêt-maladie a augmenté depuis le Covid. On voit bien que la relation au travail depuis le Covid a changé, et pour que la relation au travail soit positive, il faut aussi travailler sur la motivation. Une entreprise ou une administration, c'est un projet collectif, et si les personnes y sont bien, étant engagées, elles passent plus de temps au travail. Donc, on a beaucoup de sujets qui ne sont pas forcément dans le réglementaire, mais qui sont dans une meilleure organisation. Le sujet des jours de congé, pas de tabou, disait le Premier ministre.
JEROME CHAPUIS
On n'a pas parlé des grands absents d'hier, les maires, l'Association des Maires de France, qui n'étaient pas à votre réunion d'hier matin. Est-ce que vous allez les appeler pour essayer de reprendre le dialogue ?
ÉRIC LOMBARD
Le dialogue, j'ai reçu le président des Maires De France il y a quelques jours. Je veux dire que les maires des petites villes, des villes moyennes, des villes rurales étaient présents, et aussi des métropoles.
JEROME CHAPUIS
Ils sont prêts à faire des efforts un an avant les municipales ?
ÉRIC LOMBARD
Nous, nous n'avons pas le choix. Nous devons collectivement participer à ces efforts. Mais les élus des collectivités locales le savent mieux que personne : ils gèrent chaque jour un budget. Le Premier ministre, hier, rappelait qu'il y avait deux maires de grandes villes sur le plateau, lui-même maire de Pau, et mon collègue François REBSAMEN, maire de Dijon et les élus des collectivités locales, ils gèrent un budget, mais au jour le jour : des recettes, des réponses.
SALHIA BRAKHLIA
Eux, ils vous disent qu'ils arrivent à bien gérer, contrairement à vous, l'État, le Gouvernement. Et donc, l'effort que vous allez demander aux collectivités territoriales, il sera de quel niveau, à peu près ? Vous leur avez donné un chiffrage ?
ÉRIC LOMBARD
L'effort général a été présenté hier par le Premier ministre : c'est 6% de baisse des dépenses en 5 ans. En gros, 1% par an, en volume. Et nous souhaitons que l'effort soit partagé équitablement entre les collectivités territoriales, la sécurité sociale et l'État, parce qu'il faut bien voir que dans le budget 2025, c'est quand même l'État qui a fait les trois quarts de l'effort.
SALHIA BRAKHLIA
Donc là, c'est à elles, maintenant ?
ÉRIC LOMBARD
Non, ça doit être partagé. Chacun doit contribuer à sa part de l'effort et nous allons dialoguer, parce que — et c'est ce que me disent aussi les élus et ce qu'ils nous ont dit hier — ça ne peut pas être homogène. Les collectivités locales ne sont pas toutes dans la même situation. Et donc, certaines doivent continuer à investir parce qu'il y a un afflux de population ou des problèmes particuliers, et d'autres ont un peu plus de marge de manoeuvre. Et dans ces cas-là, on devra doser.
SALHIA BRAKHLIA
Tout cela se fait dans un contexte de grande incertitude, notamment en raison de cette guerre commerciale que vous avez évoquée rapidement tout à l'heure. On s'y arrête quelques instants dans les minutes qui nous restent. Ces hausses de 20% des droits de douane repoussées de 90 jours, que font l'Europe et la France pendant ce délai ?
ÉRIC LOMBARD
Notre principal objectif, c'est de négocier avec les Américains pour parvenir à un accord. C'est la Commission européenne qui est en charge, le commissaire Maros SEFCOVIC, qui est le commissaire au commerce, qui est à Washington.
SALHIA BRAKHLIA
Et Giorgia MELONI aussi, demain elle a un mandat, la présidente du Conseil italien.
ÉRIC LOMBARD
Nous travaillons ensemble, on y était avec le président de la République il y a deux mois, j'y serai la semaine prochaine. Donc on se coordonne, on se parle tout le temps. On était à Varsovie dans le cadre d'un comité économique et financier pour préparer cela justement. Les premiers échos que nous avons de cette rencontre et de cette négociation de Maros SEFCOVIC, c'est que le dialogue s'ouvre enfin. Il faut bien voir que les États-Unis ont ouvert un chantier compliqué, parce qu'il y a plus de cent pays avec lesquels ils discutent. D'habitude, ces négociations durent des années, elles ont lieu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, et là, vous avez un ministre du Commerce qui est très talentueux, Howard LUTNICK, que j'ai rencontré, qui va négocier avec plus d'une centaine de pays. Bonne chance. Donc nous, on représente un de leurs plus gros partenaires, naturellement avec la Chine, raison pour laquelle Maros SEFCOVIC a été reçu pendant un certain temps par Howard LUTNICK. Il faut maintenant qu'on travaille sur la désescalade. Le président TRUMP a commencé à 20%, puis il a suspendu, c'est 10, mais 10 est encore beaucoup trop. C'est une taxe de cinquante milliards de dollars sur le consommateur américain qui va devoir payer ses charges.
JEROME CHAPUIS
Avec des conséquences déjà ici pour l'emploi ?
ÉRIC LOMBARD
Les conséquences vont être indirectes, parce qu'il y aura d'abord un ralentissement aux États-Unis. Les grands analystes disent une chance sur deux qu'il y ait une récession aux États-Unis, ce qui montre que cette politique économique est particulière, et naturellement, ça aura un effet de bord chez nous. Nous considérons que l'effet, chez nous, sera relativement modeste, d'ailleurs on a revu l'estimation de croissance qui était à 0,9%, on l'a revue à 0,7%. Je présente cela au Conseil des ministres d'ailleurs ce matin avec Amélie DE MONTCHALIN. Donc, nous souhaitons d'abord la désescalade, la négociation. Nous sommes coordonnés, les Européens, le G7. On a une réunion du G7 présidée par le Canada la semaine prochaine, et puis si on répit la désescalade, ça nous permettra de façon plus sereine de préparer la suite. Ce sont des perturbations, mais c'est aussi le rythme du monde, et c'est ça qu'il faut partager, je pense, avec nos concitoyens. On a cette offensive commerciale américaine, on a les Chinois qui sont très présents, et nous devons aussi être attentifs à protéger nos marchés. On a malheureusement la guerre en Ukraine qui ne s'arrête pas, c'est un monde difficile, et ce que nous faisons sur le budget, c'est aussi pour protéger notre souveraineté.
SALHIA BRAKHLIA
Juste politiquement, pour le budget cette année, vous aviez négocié avec les socialistes afin de ne pas vous faire censurer en écartant le Rassemblement National de Marine LE PEN. Vous êtes sur la même ligne pour ce prochain budget ?
ÉRIC LOMBARD
Nous n'avons écarté personne, nous avons parlé avec tout le monde. Effectivement, ce Gouvernement ne souhaite pas engager de négociations particulières avec le Rassemblement National parce que trop de choses nous en séparent en termes politiques. Mais nous allons dialoguer. D'abord, on va préparer ce budget avec la majorité qui nous soutient, de commencer par cela. Et puis nous allons faire comme nous l'avons fait pour le budget 2025, nous allons dialoguer avec l'ensemble des partis qui le souhaitent. Nous dialoguerons avec le Rassemblement National, qui est un acteur du débat politique. Nous allons dialoguer avec le Parti Socialiste évidemment, mais aussi avec les Verts, avec le Parti Communiste, avec la France Insoumise, s'ils le souhaitent. Donc, la particularité du temps qui impose de faire nation, comme l'a dit le président de la République, et de proposer des solutions aux Français va faire que le dialogue ne va pas être seulement avec les partenaires sociaux, mais avec l'ensemble des partis. Et nous espérons entrer dans la discussion avec les parlementaires en septembre, avec un objet, un projet de budget qui suscite un consensus. Voilà, c'est un espoir…
JEROME CHAPUIS
Consensus…
SALHIA BRAKHLIA
Un espoir ?
ÉRIC LOMBARD
Un espoir et une ambition que nous portons.
SALHIA BRAKHLIA
Il n'y avait pas de qualificatif à l'espoir, ok.
JEROME CHAPUIS
Merci, Éric LOMBARD, d'avoir été sur France Info ce matin.
ÉRIC LOMBARD
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 avril 2025