Texte intégral
CYRIL ADRIAENS
Merci Lucie. Bonjour à tous. Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
CYRIL ADRIAENS
Merci d'avoir accepté notre invitation. On parle, dans un instant, de la situation à Mayotte où vous vous rendrez dans quelques jours avec le président de la République. Mais d'abord ce matin, les droits de douane avec les États-Unis sont au menu d'une réunion à Bercy, avec les partenaires sociaux. Est-ce que vous partagez leurs inquiétudes pour l'emploi ?
MANUEL VALLS
Oui, il y a forcément des inquiétudes. Il y a surtout de l'inquiétude parce qu'il y a de l'incertitude. Et de l'incertitude avec les différents revirements de l'administration TRUMP crée évidemment, forcément des risques pour l'économie, pour les investissements et donc aussi pour l'emploi. Cette réunion, évidemment, est bienvenue pour préparer chacun à faire face à ces incertitudes.
CYRIL ADRIAENS
Quelles solutions on peut avoir aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
Laissons les ministres concernés travailler avec les acteurs économiques. Mais ça veut dire qu'il faut se mobiliser, examiner toutes les situations. Ça concerne d'ailleurs aussi évidemment les territoires ultramarins qui peuvent être concernés par ces droits de douane.
CYRIL ADRIAENS
On rappelle qu'au départ d'ailleurs La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon étaient visés par des projets de douane de 37 % et 50 %. Est-ce qu'aujourd'hui vous avez des garanties que ça ne s'appliquera pas ?
MANUEL VALLS
Il n'y a aucune garantie de la part de l'administration TRUMP, sauf que ces droits de douane, pour le moment, ne sont pas mis en œuvre sinon à un niveau de 10 % pour trois mois. Mais nous avons été habitués depuis l'installation du nouveau président par un certain nombre de déclarations qui créent en effet ce climat d'incertitude. Et il n'y a rien de pire que l'incertitude pour les acteurs économiques, pour les investissements. Et dans des économies fragiles comme celle des Outre-mer, ce type d'annonce, évidemment, est inquiétant.
CYRIL ADRIAENS
Manuel VALLS, le Gouvernement est en train de plancher sur le budget 2026. Il s'agit de trouver pas moins de quarante à cinquante milliards d'euros d'économies. Tous les ministères sont mis à contribution. À quoi faut-il s'attaquer en priorité ?
MANUEL VALLS
D'abord, je crois que le devoir de vérité, qui a été celui du Premier ministre, est indispensable. Parce qu'il faut que les Français connaissent la réalité des difficultés financières. Ensuite, et c'était rappelé au journal il y a un instant, nous sommes face à un climat géopolitique extrêmement préoccupant. L'Ukraine, la guerre commerciale, nous l'avons évoqué. Et donc, il va falloir faire un effort, notamment de soutien à la défense. C'est vrai en France, c'est vrai pour tous les pays européens.
CYRIL ADRIAENS
Vous Premier ministre, vous aviez gelé les prestations sociales par exemple.
MANUEL VALLS
Oui, mais je pense qu'aujourd'hui, on est face à des défis encore plus importants. Donc ça veut dire qu'il n'y a pas de tabou, François BAYROU le soulignait. Et donc, que ce soit les dépenses de l'État, celles des collectivités locales, les questions de santé. Donc, il faut revoir l'ensemble des politiques publiques.
CYRIL ADRIAENS
On a un système trop généreux, aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
Pour ceux qui souffrent, pour ceux qui sont en difficulté, pour ceux qui sont au chômage, entendre que le système serait généreux, je pense qu'ils ne peuvent pas l'entendre. Mais en tout cas, oui, je pense qu'on peut faire des efforts, des économies et gagner plus d'efficacité.
CYRIL ADRIAENS
Par exemple ?
MANUEL VALLS
Dans tous les ministères, vous le savez, y compris dans le mien, pourtant il y a beaucoup d'attentes, de soutien. On peut revoir les politiques publiques, interroger celles qui sont moins efficaces.
CYRIL ADRIAENS
Vous êtes prêt à baisser votre budget cette année ?
MANUEL VALLS
Moi, le budget des Outre-mer, c'est 3,5 milliards pour mon propre budget, mais c'est 25 milliards pour l'ensemble des budgets. Et quand il s'agit…
CYRIL ADRIAENS
Il peut baisser ?
MANUEL VALLS
Dans un certain nombre de secteurs, il peut baisser, mais dans d'autres, il faut continuer à soutenir La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, qui ont été touchées soit par des émeutes, soit évidemment par des calamités naturelles. Et puis il faut lutter contre la vie chère et soutenir des populations qui sont en difficulté, mais je crois qu'il ne faut rien s'interdire. Et puis surtout, il faut moderniser l'action de l'État, parce que ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est que nous sommes l'un des pays qui a le... sinon le pays qui a le taux de prélèvement obligatoire le plus important, et où les Français s'interrogent pourtant sur l'efficacité des politiques publiques en matière d'école, de santé, de sécurité, donc, il faut viser à l'efficacité de ces politiques publiques.
CYRIL ADRIAENS
On a parlé de Saint-Pierre-et-Miquelon à quelques instants. Laurent WAUQUIEZ persiste et signe quant à sa proposition d'envoyer les étrangers dangereux qui font l'objet d'une OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon. La collectivité lui a répondu avec humour, qu'OQTF ça pouvait être si on vient en quête de tranquillité familiale. Comment vous réagissez-vous à ces propos-là ?
MANUEL VALLS
Je crois que l'humour peut être une bonne réponse. Moi, je me suis indigné parce que je suis ministre des Outre-mer. Et je ne vois pas pourquoi. Vous venez de parler de l'administration américaine qui, quelque temps avant, avait déjà ciblé Saint-Pierre-et-Miquelon. Et voilà que, pour des raisons purement internes, parce qu'il y a un congrès des LR, Laurent WAUQUIEZ, qui est un homme intelligent, de culture, décide de cibler ce territoire qui ne demandait absolument rien. Il faut une politique migratoire, évidemment efficace. Il faut renvoyer à la frontière ou dans les pays concernés ces OQTF.
CYRIL ADRIAENS
Mais pas à Saint-Pierre-et-Miquelon.
MANUEL VALLS
Mais pas en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon. Et en plus avec une argumentation : comme là-bas, il ne fait pas très beau, comme il neige, comme il fait froid, on va les envoyer là-bas. Tout ça n'a pas beaucoup de sens. On peut rétablir aussi le bagne en Nouvelle-Calédonie et en Guyane. Donc, avec ce type d'argument, ça vise à faire du bruit, du buzz. On sait que ça ne se fera pas. Donc, ce n'est pas inutile, et surtout ça ne crédibilise pas la parole publique, qui pourtant, aujourd'hui, est déjà très entamée.
CYRIL ADRIAENS
La Nouvelle-Calédonie, vous venez d'en parler. Le tribunal administratif a ordonné, hier, la suspension des interdictions de manifester en vigueur depuis onze mois dans le Grand Nouméa. Est-ce que vous regrettez cette décision ?
MANUEL VALLS
Vous savez, aujourd'hui, nous sommes à presque un an des émeutes de mai 2024. Il y a eu déjà un certain nombre de manifestations. Je les ai moi-même éprouvées il y a quelques semaines lors d'un premier déplacement en Nouvelle-Calédonie. En général, je ne commente pas les décisions de justice. Je ne sais pas s'il y aura appel, si le Conseil d'État aura à se prononcer.
CYRIL ADRIAENS
Vous craignez de nouvelles confrontations ?
MANUEL VALLS
S'il n'y a pas d'accord politique, et j'y suis dans une dizaine de jours, oui, il y a des risques, nous sommes sur un fil. Nous marchons sur un fil, sur les fractures d'il y a un an. Et la braise est là, elle est toujours présente. Il y a eu beaucoup de violence. Il y a du racisme, il y a de la haine, au fond comme si ce qui s'était mis en œuvre depuis les accords de Matignon de 1988 et de Nouméa de 1998 n'avait pas servi à grand-chose. Je refuse évidemment ce constat.
CYRIL ADRIAENS
Un accord est encore possible ?
MANUEL VALLS
Il est indispensable…
CYRIL ADRIAENS
Les indépendantistes n'ont pas encore dit s'ils allaient continuer les discussions.
MANUEL VALLS
Mais je vous quitte dans un instant et nous continuerons le dialogue par visioconférence avant de me rendre en Nouvelle-Calédonie à la fin du mois. Mais je pense qu'il est indispensable, d'une société meurtrie, dans une économie qui est par terre, avec des risques de confrontation... Moi, j'ai bon espoir que l'intérêt général, la responsabilité, l'emporte. Nous dialoguons, c'est déjà important. Il faut trouver une solution, un accord politique, entre des positions très antagonistes. Mais pour la jeunesse et pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, un accord est indispensable.
CYRIL ADRIAENS
Manuel VALLS, vous accompagnerez le chef de l'État à Mayotte et à La Réunion à partir de lundi, quatre mois après le passage du cyclone Chido. Quel type d'annonce est-ce que vous êtes en mesure de faire à la population qui en attend beaucoup ?
MANUEL VALLS
Laissons le président de la République faire des annonces, s'il y en a. Il y en aura forcément.
CYRIL ADRIAENS
Pour la reconstruction ?
MANUEL VALLS
Oui, bien sûr. Mais la reconstruction, c'est long, c'est difficile. La population était déjà en difficulté avant Chido. Et le cyclone a rasé, évidemment. Mais il y a un effort qui est fait, évidemment. Premier texte de loi d'urgence qui a été voté. Un deuxième qui est préparé. C'est plus de trois milliards.
CYRIL ADRIAENS
Il sera étudié quand ?
MANUEL VALLS
Il sera étudié en mai au Sénat et en juin à l'Assemblée nationale, avec des investissements concrets qui concernent l'aéroport, le port, le logement, les écoles, bien évidemment.
CYRIL ADRIAENS
Des choses sur la sécurité à attendre de ce déplacement ?
MANUEL VALLS
Pardon ?
CYRIL ADRIAENS
Sur la sécurité, il y a des choses à attendre ?
MANUEL VALLS
Oui, il faut continuer de renforcer, évidemment, tous les dispositifs de lutte contre l'immigration. Une partie, je pense, au radar. Un certain nombre de navires avaient été détruits par le cyclone. Donc, c'était évidemment une priorité. Il y a plus de trois milliards d'euros qui vont être engagés pour la reconstruction de l'archipel, de Mayotte. Donc, oui, il y a des ordres. On va faire aussi la convergence sociale, c'est-à-dire l'égalité réelle par rapport aux prestations sociales et au SMIC, qui est très attendu à Mayotte.
CYRIL ADRIAENS
Il y a encore des problèmes d'accès, l'électricité, l'eau ?
MANUEL VALLS
L'électricité, beaucoup moins. Les télécommunications, elles sont rétablies. J'espère que la 5G sera installée d'ici à l'été. Il reste des problèmes d'eau, bien évidemment. Et donc, on fait tout pour rétablir tous les dispositifs d'eau, parce que c'est évidemment une ressource indispensable. Mais la priorité est là. Jamais un tel effort n'a été fait pour ce territoire, et nous allons continuer à le mener.
CYRIL ADRIAENS
Merci beaucoup, Manuel VALLS, d'être passé par les 4V ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2025