Interview de Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, à RTL le 18 avril 2025, sur les problèmes dans le football, les règlements dans le rugby pour prévenir les chocs et l'interdiction du voile dans les compétitions sportives.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Marie BARSACQ. Alors certes, le PSG est en demi-finale de la Ligue des Champions. Oui, Lyon a perdu, mais sans démériter, hier soir face à Manchester en Ligue Europe. Pour le reste, on peut se demander si le foot français n'est pas en train de devenir une somme de problèmes. Alors on va les prendre un par un, si vous voulez bien, en commençant par les images. Ça devient une triste habitude, chaque année ou presque, c'est la crise entre la Ligue de foot et le diffuseur du championnat. Cette fois, c'est donc avec DAZN que ça se passe mal et la Ligue souhaite rompre le contrat dès la fin de cette saison. Est-ce qu'il existe un risque que la Ligue 1 ne soit pas diffusée à la télé l'an prochain ?

MARIE BARSACQ
Alors, je ne crois pas. Vous l'avez dit, le contrat qui court aujourd'hui, qui court jusqu'à la fin de la saison ; de toute façon, ça, c'est une garantie. Et la Ligue professionnelle de football a une capacité à diffuser, elle-même, les matchs de la Ligue 1. Maintenant, l'objectif de la Ligue est évidemment de trouver un diffuseur.

THOMAS SOTTO
Oui, parce qu'un diffuseur, c'est de l'argent. Ça se passe mal avec DAZN. Canal+, qui a pourtant fait énormément pour le foot français, ne veut plus entendre parler de la LFP et de son président, Vincent LABRUNE. Ça s'est mal passé avec MEDIAPRO et la chaîne Téléfoot. Au final, les droits baissent et les droits qui baissent, c'est moins d'argent pour le foot professionnel et pour le foot amateur. On a du mal à ne pas penser que le problème ne vient pas de la Ligue, quand même, non ? C'est monsieur bricolage un peu…

MARIE BARSACQ
Les dirigeants, en ce moment, de la Ligue professionnelle de football sont en train de travailler à trouver un nouveau modèle économique. Vous le savez, dans le cadre des états généraux du football qui ont été annoncés par la Fédération française de football. Travailler sur leur gouvernance également, travailler sur la régulation entre les clubs au sein de cette Ligue. Donc, les travaux devraient être…

THOMAS SOTTO
Ça ne vous inquiète pas plus que ça ?

MARIE BARSACQ
Si, bien sûr que si. D'ailleurs, je suis pleinement mobilisé sur ces sujets-là. J'étais au lancement des états généraux le 3 mars dernier, aux côtés du président DIALLO, le président de la Fédération. Et j'ai rencontré depuis bon nombre de clubs. Je suis allée beaucoup dans les clubs de Ligue 1, notamment.

THOMAS SOTTO
Ils sont très inquiets, les clubs… C'est des centaines de millions en moins.

MARIE BARSACQ
Il y a beaucoup d'inquiétudes, il y a des répartitions financières entre les clubs aujourd'hui qui posent problème. Puisqu'en fait, quand vous êtes un club européen, vous touchez de l'argent de l'UEFA et vous touchez également des droits internationaux qui fait que vous sécurisez vos revenus financiers. En revanche, quand vous n'êtes pas européen, là, c'est double peine. Vous touchez beaucoup moins d'argent et de fait, vous êtes beaucoup plus à risque puisque les droits télé diminuant, vous avez moins de recettes.

THOMAS SOTTO
Autre problème, les arbitres, Marie BARSACQ. Être arbitre est-il devenu un métier dangereux, un métier à risque aujourd'hui en France ?

MARIE BARSACQ
C'est un métier qui est… Alors, un métier compliqué, c'est un métier pour certains. C'est surtout aussi une mission que réalisent beaucoup d'arbitres bénévoles dans nos championnats.

THOMAS SOTTO
Oui, parce qu'il y a le foot professionnel et le foot amateur.

MARIE BARSACQ
Exactement. Donc ça, c'est quand même un million de matchs par an quand même organisés dans le football amateur. Donc ça, c'est important d'avoir des arbitres à chaque rencontre. Oui, aujourd'hui, il y a des tensions autour des arbitres. Donc la Fédération a pris ce sujet à bras le corps. J'y suis évidemment très attentive. Nous allons prochainement nous revoir aussi sur ce sujet avec Philippe DIALLO, parce qu'on a besoin de rassurer les arbitres, leur permettre d'exercer leur mission en toute sécurité. Et puis, on a aussi besoin d'encourager des jeunes à prendre le sifflet, parce qu'il y a aussi besoin d'avoir toujours de nouveaux arbitres dans nos championnats. Donc, c'est important de s'attacher à ce que ces arbitres soient dans de bonnes conditions et soient respectés.

THOMAS SOTTO
En tout cas, les arbitres vont désormais être protégés lors des matchs sensibles, comme les personnalités menacées et rattachées au ministère de l'Intérieur. On en est là quand même.

MARIE BARSACQ
On en est là parce que cet hiver, il y a eu effectivement des cas graves. Et donc, il faut forcément protéger les arbitres, trouver des solutions, les rassurer. Et donc, ça passe par des mesures effectivement assez claires.

THOMAS SOTTO
Les relations sont très tendues entre les clubs de supporters et le Gouvernement. Est-ce que vous avez des ultras dans le nez pour parler un peu familièrement ?

MARIE BARSACQ
Non, aujourd'hui…

THOMAS SOTTO
Eux, ils ont l'impression.

MARIE BARSACQ
On est dans une situation où effectivement, il y a eu des agissements qui sont suffisamment graves pour pouvoir entamer des procédures de dissolution. Donc, ça a été le cas pour trois clubs. Donc, un des clubs, du coup, a fait l'objet d'une dissolution d'un de ses groupes. Donc, c'est la Légion X. Mais ça ne pose problème à personne, puisque là, on parle bien de hooligans, appelons un chat un chat.

THOMAS SOTTO
Est-ce que l'objectif du Gouvernement, c'est de dissoudre ces clubs ?

MARIE BARSACQ
Non, l'objectif du Gouvernement, c'est de bannir de tous les clubs les personnes qui sont responsables de délits et qui n'ont rien à faire dans un stade de foot. Puisque l'objectif qu'on a, évidemment, c'est d'accueillir tout le monde dans de bonnes conditions au stade et que le stade reste un moment festif. Et les ultras et les groupes de supporters jouent un rôle majeur.

THOMAS SOTTO
Ils sont toujours les bienvenus dans les stades ?

MARIE BARSACQ
Et évidemment qu'on a besoin d'ambiances festives et que c'est joué par les ultras avec des virages chauds bouillants, comme ils disent, ça, on en a besoin. En revanche, les hooligans, ceux qui créent de la violence, ceux qui insultent, ceux qui portent des propos discriminatoires, ça, c'est interdit.

THOMAS SOTTO
C'est quoi la limite ? C'est un chant insultant ? Où s'arrête le folklore et où commence le problème ?

MARIE BARSACQ
C'est très documenté. Vous avez évidemment des règlements qui expliquent quand est-ce qu'on bascule du côté de l'insulte homophobe, l'insulte raciste, la discrimination. Et donc, il y a des sanctions qui sont prévues. Donc, il faut faire respecter les textes. Mais il faut surtout que chacun prenne conscience qu'il a une responsabilité sur ce sujet. Et ne pas toujours…

THOMAS SOTTO
La sanction, c'est quoi ? C'est la radiation à vie ?

MARIE BARSACQ
Oui, vous pouvez avoir ça, exactement.

THOMAS SOTTO
Mais il faut être plus sévère aujourd'hui ?

MARIE BARSACQ
Aujourd'hui, en tout cas, il faut faire respecter les textes. Ça, c'est clair. Et pour ce qui est des clubs qui sont aujourd'hui dans le cadre des procédures, ils ont pris des engagements. On va voir avec Bruno RETAILLEAU, on va recevoir le club de Saint-Étienne, qui a deux associations qui sont visées, pour voir quelle est la nature des engagements qu'ils sont prêts à prendre et pour prendre une décision sur la suite de cette procédure.

THOMAS SOTTO
Donc, vous dites à ces deux clubs de supporters stéphanois : "vous n'êtes pas condamnés encore" ?

MARIE BARSACQ
Non, nous sommes dans une période de dialogue.

THOMAS SOTTO
Et quand des banderoles hostiles, insultantes, racistes, antisémites, homophobes, haineux sont déployées, est-ce qu'il ne faudrait pas engager la responsabilité des patrons de clubs ? Je voudrais qu'on écoute ce que disait Éric BORGHINI il y a quelques jours ici. C'est le président de la Commission fédérale de l'arbitrage. Il était avec nous.

ÉRIC BORGHINI, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION FÉDÉRALE DE L'ARBITRAGE
Vous savez, il y a un proverbe chinois qui dit "le poisson pourrit par la tête". Je pense que si on avait un ou deux présidents de clubs qui, en effet, à la suite de banderoles homophobes, antisémites, xénophobes, racistes, étaient entendus par les services de police, ça pourrait avoir un impact, un véritable impact.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous souhaitez, madame la ministre des Sports, mettre les présidents de clubs face à leur responsabilité davantage qu'aujourd'hui ?

MARIE BARSACQ
Tout à fait, c'est l'objet d'une convention qui va être signée le 29 avril, donc à la fin du mois, ou le 30 avril, avec le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice et la Ligue de Football Professionnel, pour mieux répartir les responsabilités de chacun. Et dans ces responsabilités, il y a la responsabilité des clubs, notamment avec ses groupes de supporters, pour s'assurer qu'ils ne font pas entrer de banderoles qui peuvent être insultantes…

THOMAS SOTTO
Donc ils devront vérifier les banderoles, ils devront vérifier les tifos.

MARIE BARSACQ
Exactement. Et on les encourage à porter plainte contre leur propre association de supporters qui commettraient des infractions à ce titre.

THOMAS SOTTO
Sinon, c'est leur responsabilité qu'ils doivent engager.

MARIE BARSACQ
Donc vous voyez bien qu'on est dans cette logique de responsabilisation de chacun. C'est indispensable de rappeler à la règle et de s'assurer que la saison prochaine, on ne repart pas sur les mêmes bases que cette saison.

THOMAS SOTTO
Il n'y a pas que le foot dans la vie. Vous avez entendu le témoignage de Sébastien CHABAL, on en a repassé un extrait à 7h30, qui affirme ne plus avoir aucun souvenir de ses 62 matchs disputés avec l'équipe de France de rugby à cause des chocs qu'il a reçus. Comment continuer à faire du rugby sans se mettre en danger ?

MARIE BARSACQ
Alors, ce témoignage de Sébastien CHABAL est effectivement très émouvant et j'en comprends.

THOMAS SOTTO
J'imagine qu'il vous a secouée, vous aussi.

MARIE BARSACQ
Évidemment. Il faut rappeler que la Fédération française de rugby a pris des mesures déjà il y a longtemps, puisque Sébastien CHABAL est un joueur retraité aujourd'hui. Mais déjà, dès 2012, la Fédération française de rugby interdisait un certain nombre de plaquages, donc des plaquages simultanés par deux joueurs, des plaquages au-dessus du port du ballon pour éviter là aussi les risques de commotion.

THOMAS SOTTO
Donc vous dites que ça ne serait plus possible aujourd'hui, a priori ?

MARIE BARSACQ
Ah non, je ne dis pas ça parce que le rugby reste un sport de combat et donc c'est un sport où il peut y avoir des chocs qui peuvent être très dangereux. Mais en revanche, il y a des règlements aujourd'hui qui permettent de la prévention et de se prémunir contre la majorité des chocs. Donc depuis 2012, beaucoup de choses ont évolué. Aujourd'hui, vous avez aussi des joueurs qui jouent avec des protège-dents connectés qui sont liés avec des médecins au bord du terrain, qui identifient, même sans que le joueur s'en rende compte, des risques de commotion cérébrale et qui permettent au joueur de sortir du terrain pour vérifier qu'il ait bien en capacité de reprendre le match, en tout cas de jouer. Donc ça, ce sont vraiment des avancées aussi technologiques importantes.

THOMAS SOTTO
Vous laisseriez vos enfants faire du rugby, vous ou pas ?

MARIE BARSACQ
Oui, tout à fait. Je suis une fan de rugby.

THOMAS SOTTO
Ça, au moins, c'est rassurant. Vous aviez fait entendre une voix discordante sur le port du voile dans le sport. Finalement, François BAYROU a tranché en faveur de son interdiction. Déjà, est-ce que vous le regrettez ? Est-ce que vous regrettez cette décision gouvernementale ou est-ce que vous vous y pliez au nom de la discipline ?

MARIE BARSACQ
Non, mais en fait, il y a pas mal de sujets là-dessus qui n'étaient peut-être pas tout à fait compris. Le sujet est une PPL qui vient limiter le port du voile, une proposition de loi portée par le sénateur Savin visant à interdire le port du voile dans des compétitions sportives. Donc l'amendement du Gouvernement, que j'ai moi-même porté, était de limiter cette interdiction à des compétitions de niveau départemental, régional et national pour des fédérations délégataires de services publics. Maintenant, il y a eu un débat sur le sujet, mais la position a toujours été claire. Et donc, cette proposition de loi est passée au Sénat. Elle devra peut-être venir à l'Assemblée nationale dans le calendrier. Et voilà, on verra quand elle viendra à l'Assemblée nationale.

THOMAS SOTTO
Et vous la soutenez sans ambiguïté ?

MARIE BARSACQ
Oui, tout à fait.

THOMAS SOTTO
Il y avait une petite fille voilée lors de la cérémonie d'avant-match lors d'un match à Aston Villa à PSG. Ça a beaucoup fait réagir. Vous, ça vous a choquée ou pas ? Vous voyez, quand on voit tous les joueurs qui sont prêts avant le match et des enfants devant ?

MARIE BARSACQ
Écoutez, moi, je ne suis pas choquée par ces sujets. Aujourd'hui, en tout cas, en France, il y a un principe de laïcité qui s'applique. Donc le principe de la loi de 1905, c'est d'autoriser à chacun de pouvoir exprimer ses convictions religieuses dans l'espace public.

THOMAS SOTTO
Ça serait possible au Vélodrome, au Parc des Princes ou…

MARIE BARSACQ
Aujourd'hui, cette jeune fille, manifestement, ne va pas participer au match, donc ça serait possible.

THOMAS SOTTO
Donc ça serait possible… Dernière question, votre prédécesseur au ministère des Sports, Amélie OUDEA-CASTERA, est officiellement candidate à la présidente du Comité national olympique et sportif français. Elle ferait une bonne présidente ?

MARIE BARSACQ
Oui, tout à fait. Je crois qu'il y a des candidats de qualité pour le CNOSF. C'est une grosse responsabilité que d'être présidente du CNOSF. Surtout que vous le savez, nous allons accueillir les Jeux en 2030.

THOMAS SOTTO
Attention, on est dans le temps additionnel. Ne faites pas trop de langue de bois, vous allez taper sur la barre. Vous soutenez sa candidature ou pas ?

MARIE BARSACQ
Non, je ne soutiens la candidature de personne en particulier. Moi, en tout cas, ce que je vois, c'est que c'est le moment d'avoir un débat autour du rôle du CNOSF passionnant. Et au lendemain des Jeux de Paris 2024, c'est aussi une façon de faire entendre la voix du sport et de vraiment mieux faire connaître son rôle dans notre pays.

THOMAS SOTTO
Si vous voulez bien connaître son projet, Amélie OUDEA-CASTERA, écoutez, on refait le sport dimanche à 19h15 puisqu'elle sera l'invitée d'Isabelle LANGE sur RTL. Merci beaucoup à vous, madame la ministre des Sports, Marie BARSACQ, d'être venue nous voir ce matin sur RTL. Dans un instant, c'est Philippe CAVERIVIERE qui arrive. À tout de suite.

MARIE BARSACQ
À bientôt


source : Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2025