Déclaration de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme, à l'Assemblée nationale le 29 avril 2025.

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Circonstance : Débatà l'Assemblée nationale sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
J'ai l'honneur de vous présenter, aux côtés de Mme la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, l'état d'avancement de notre plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT). Ce PSMT permet d'établir une perspective sur plusieurs années, afin de proposer une trajectoire progressive et équilibrée, tout en étant soutenue et suivie.

Sur le plan économique, nos prévisions de croissance ont été revues, dans un contexte géopolitique pour le moins tourmenté. Néanmoins, le scénario de croissance reste assez proche de celui retenu pour le projet de loi de finances (PLF) de janvier. Comme attendu, et comme le montrent les dernières enquêtes de conjoncture ainsi que la bonne tenue relative de la consommation des ménages, l'adoption du budget pour 2025 a permis de réduire l'incertitude qui pesait sur les acteurs économiques.

Cependant, la forte dégradation de l'environnement international nous conduit à revoir à la baisse notre prévision de croissance pour 2025, en la fixant à 0,7%, soit 0,2 point de moins que le scénario retenu pour le PLF, que nous avions déjà révisé au mois de janvier. C'est la conséquence de la politique tarifaire des États-Unis et, plus généralement, de l'aléa que provoque la nouvelle politique américaine.

L'incertitude économique affecte également nos entreprises, dégradant non seulement leurs exportations, mais aussi le niveau de leurs investissements. Au total, l'environnement international aurait pour effet de réduire la croissance de 0,3 point, contre 0,1 point anticipé en janvier. Cette incertitude engendre également une aversion accrue au risque, qui a entraîné ces derniers temps des mouvements significatifs sur les bons du Trésor et sur l'écart de taux, souvent appelé spread, avec notre voisin allemand.

S'agissant de nos finances publiques, notre trajectoire de dépenses primaires nettes a été amendée par rapport à celle présentée dans le PSMT d'octobre 2024. Il s'agissait de tenir compte de la cible de déficit du gouvernement pour 2025, qui a été revue, passant de 5% à 5,4%, ainsi que de la recommandation émise par le Conseil de l'Union européenne en janvier, qui était compatible avec cette nouvelle cible de déficit.

Le nouveau cadre budgétaire européen a introduit un indicateur supplémentaire : le taux de croissance de la dépense primaire nette –? hors charge de la dette. Ce nouvel outil est plus précis que l'indicateur traditionnel qu'est le déficit public, particulièrement sensible aux aléas de conjoncture.

Ainsi, le taux de croissance cumulé de nos dépenses primaires nettes reste identique pour la période 2024-2029 à celui proposé dans le PSMT. En outre, en cumul sur 2024-2025, la dépense primaire nette croîtrait de 4,2%, soit un niveau inférieur au maximum fixé par le Conseil, soit 4,6%. La trajectoire prévue dans le nouveau cadre de gouvernance européen est donc bien suivie.

C'est pourquoi nous réitérons notre engagement à faire passer le déficit sous la barre des 3% en 2029 –? ce que le premier ministre a appelé très justement, lors de la conférence nationale des finances publiques, le seuil d'indépendance.

M. Emmanuel Maurel
Bah on n'y est pas !

M. Éric Lombard, ministre
Pour satisfaire cet engagement, nous maintenons notre objectif de déficit de 4,6 % en 2026, comme nous nous y étions engagés à l'automne dernier. Nous faisons ce qu'il faut pour éviter le dépassement des dépenses. À cette fin, la ministre chargée du budget et moi avons présenté des mesures d'économie à hauteur de 5 milliards d'euros. Nous vous donnons rendez-vous en juin, ainsi qu'aux partenaires sociaux, pour un second comité d'alerte, où nous vous tiendrons informés de l'exécution du budget.

Dans sa conférence de presse sur les finances publiques, le premier ministre a affirmé une nouvelle méthode, celle d'un dialogue poussé entre le gouvernement, la représentation nationale, la commission des finances, les représentants des élus et les partenaires sociaux. Cette méthode doit nous permettre de partager l'exigence de redressement des comptes publics et d'identifier ensemble les moyens de la réaliser.

Le retour à un niveau de déficit satisfaisant est non seulement une priorité budgétaire, mais aussi une priorité politique, afin d'assurer notre crédibilité internationale et de garantir notre souveraineté. Il s'agit en outre de continuer à libérer l'investissement et de soutenir les entreprises, l'emploi et le développement de notre économie.

Je vous remercie pour votre attention et écouterai avec intérêt vos interventions. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Il y a trois mois, le Parlement a adopté le projet de loi de finances pour 2025, à l'issue d'un compromis trouvé en commission mixte paritaire. Ce compromis nous oblige à un suivi renforcé de l'exécution du budget, afin de respecter les équilibres financiers qui ont été trouvés par vous, parlementaires.

Le premier objectif que nous devons tenir est celui de la cible de déficit, qui ne doit pas dépasser 5,4 % en 2025. Ce suivi est d'autant plus nécessaire que les aléas et les risques ont décuplé cette année, sous l'effet de la crise à la fois géopolitique et commerciale que nous traversons.

Mme Marie Mesmeur
Et de sept ans de présidence Macron !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Dans le cadre du rapport annuel d'avancement, nous venons vous rendre compte du respect de la trajectoire de redressement des comptes publics, à commencer par la cible de déficit pour 2025. C'est aussi l'occasion pour nous de vous présenter les principes de la construction du budget pour 2026.

Le rapport est divisé en deux volets : l'un porte sur le constat des aléas et des risques, l'autre sur les mesures de correction pour tenir la trajectoire. Tel est le sens de la méthode du « quoi qu'il arrive », exposée lors du premier comité d'alerte, il y a deux semaines. Ce comité a été l'occasion de présenter pour la première fois en toute transparence, dès le mois d'avril, les recettes, les dépenses et les risques auxquels nous faisons face, dans le cadre d'une discussion réunissant parlementaires, acteurs de la sécurité sociale, collectivités territoriales et partenaires sociaux.

La loi de finances pour 2025 a engagé un effort courageux dans le sens du redressement de nos finances publiques, en s'appuyant sur ce budget de compromis. Comme le dit la Cour des comptes, l'objectif d'un déficit de 5,4% est à la fois impératif, ambitieux et atteignable.

Pour nous y tenir, nous avons instauré une gestion renforcée qui a donné lieu, dès la semaine dernière, à trois circulaires du premier ministre appelant à une stricte réduction des reports de crédits. Entre 2024 et 2025, ces derniers ont été réduits d'un tiers par rapport aux années précédentes. En particulier, s'agissant des ministères et du budget général, les montants ont été divisés par deux entre 2023-2024 et 2024-2025.

Nous avons, avec le premier ministre, sanctuarisé au niveau interministériel une réserve de précaution de 8,7 milliards d'euros ; avec Catherine Vautrin, nous avons engagé une gestion prudentielle de l'Ondam, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, comprenant la mise en réserve inédite de 1,1 milliard. Nous avons entamé une démarche d'efficience hospitalière et un suivi resserré de la masse salariale. Face aux nouveaux aléas géopolitiques, économiques et financiers dont vient de vous parler Éric Lombard, il nous a néanmoins fallu, comme plusieurs économistes, revoir à la baisse la prévision de croissance pour 2025 : 0,7% au lieu de 0,9%. Nous avons donc établi, dès 2025, une marge de prudence de 5 milliards sur l'État ; elle ne dénature en rien votre budget de compromis,…

M. Emmanuel Maurel
Bah non, ce n'est rien du tout !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…puisqu'elle représente 0,6% des crédits ouverts par la loi de finances, ce qui rend l'effort tout à fait faisable.

La moitié de ces 5 milliards correspond à l'annulation de crédits mis en réserve –? le décret a été publié à la fin de la semaine dernière ; plus précisément, ce sont 3,1 milliards d'autorisations d'engagement et 2,7 milliards de crédits de paiement qui ont été annulés et ne seront donc pas consommés. Je le redis avec force : ces crédits proviennent essentiellement de la réserve de précaution initiale, dont le taux plein ne remet en cause ni la programmation ni les marges de manœuvre des ministères, puisque nous l'avons fixé, comme en 2024, à 5,5%. En 2025, les ministères avaient d'emblée reçu de notre part, puis de celle du premier ministre, la consigne renforcée de ne pas programmer en début de gestion l'utilisation de leur réserve, devenue interministérielle. Ainsi anticipée, l'annulation nous permet de piloter notre dépense et de la maintenir dans la cible.

L'autre moitié de l'effort de maîtrise consiste en un surgel ciblé de crédits. Il a abouti en début de semaine : 2,8 milliards ont ainsi été mis de côté, en vue de reconstituer la réserve initiale. Ces crédits devront pouvoir être annulés d'ici à la fin de l'année ; ils serviront si l'économie venait à ralentir davantage, ou si surgissaient de nouveaux risques ayant trait à la dépense. Nous nous sommes engagés à consacrer au suivi de l'exécution un deuxième point d'étape, fin juin, lors d'un nouveau comité d'alerte ; comme la première fois, si les aléas se transforment en risques, nous prendrons toutes les mesures nécessaires au maintien des équilibres de la loi de finances initiale.

J'en viens aux orientations du budget pour 2026, présentées le 15 avril par le premier ministre. Pour lui, comme pour Éric Lombard et moi, le prérequis consiste à respecter le budget issu du compromis parlementaire trouvé cet hiver,…

M. Emmanuel Maurel
Oui, ça se voit !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…condition indispensable à ce que nous puissions parvenir à un nouveau compromis cet automne.

M. Emmanuel Maurel
Que de compromis…

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le premier principe que nous voudrions partager avec vous et que, je crois, tous les Français comprennent…

M. Aurélien Le Coq
Pas sûr !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…réside dans la maîtrise de nos dépenses, en particulier dans le fait que les dépenses de fonctionnement ne doivent pas progresser plus vite que l'économie : mécaniquement, si leur hausse dépasse la croissance, elle grève le déficit public. Cette logique s'applique à l'État comme à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

Deuxième principe, l'attribution des subventions publiques est trop souvent perçue comme un droit acquis par de nombreux acteurs. D'ailleurs, le plus clair des dépenses de l'État sont désormais des dépenses dites d'intervention, c'est-à-dire des subventions –? aux ménages, aux entreprises,…

M. Emmanuel Maurel
Surtout aux entreprises !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…aux associations, aux collectivités. Du coup, elles ont très souvent perdu leur effet déclencheur, ce qui accroît les effets d'aubaine et réduit l'efficacité de la dépense publique.

M. Pierre Cordier
Si vous n'aviez pas supprimé la taxe d'habitation…

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Plutôt que de se réduire à un guichet, l'État doit planifier et agir ; c'est pourquoi l'exercice, annoncé par le premier ministre, de refondation de l'action publique nous conduira à réévaluer l'action de l'État, son organisation, ses intentions, ainsi que celles de ses opérateurs et agences.

Troisième principe : le redressement économique exige que soient dépassés les intérêts particuliers qui freinent l'action politique.

M. Emmanuel Maurel
Ceux des actionnaires ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il convient que nos choix budgétaires reflètent des objectifs politiques clairs et concourent à l'intérêt général, qui doit prévaloir sur les intérêts particuliers. Il faut que nous acceptions que des décisions qui conduiraient à des pertes à court terme pour certaines catégories mais qui pourraient engendrer de la croissance, donc des gains pour des millions de Français, puissent être prises collectivement et assumées, en toute responsabilité.

M. Aurélien Le Coq et M. Emmanuel Maurel
Ça, ce n'est pas très clair !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Quatrième principe : nous devons mettre un terme aux dépenses que rien ne justifie plus. Les crises liées au covid et à l'inflation sont désormais derrière nous ; les mesures qui avaient été prises pour les surmonter et qui ont, j'y insiste, été utiles, n'ont plus de raison d'être.

M. Emmanuel Maurel
La crise sociale, elle, persiste !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
S'y ajoutent les coûts engendrés par la redondance, l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités au sein d'une organisation de l'État que nous savons beaucoup trop complexe.

Il faut mettre fin aux arrêts maladie… (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

M. Aurélien Le Coq
Il faut moins de malades ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…–? leur nombre a augmenté de 25% depuis 2021 – quand ils ne sont pas justifiés ou résultent de dérives ou de fraudes.

Mme Marie Mesmeur
Faut-il justifier d'être malade ?

M. Aurélien Le Coq
Et vous comptez mettre les gens en garde à vue ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Bien sûr, ils pourront continuer à être délivrés aux personnes qui en ont besoin.

Mme Marie Mesmeur
Oh ! Merci !

M. Aurélien Le Coq
Pour obtenir un arrêt maladie, il faut être malade !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ces arrêts témoignent de la solidarité nationale ; néanmoins, la fraude n'a pas sa place dans notre pays.

Enfin, nous ferons tout notre possible pour rendre transparents le coût et la valeur des services publics, trop souvent méconnus de nos concitoyens.

Pour conclure, deux lignes directrices guident notre action : tenir les objectifs inscrits dans la loi de finances initiale et fixer ensemble les conditions d'un retour sous les 3% de déficit à l'horizon 2029. Je vous ai parlé de la réduction des dépenses publiques ; c'est là notre priorité, notre levier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Je vous avais dit, dès le début de l'examen du budget, que la hausse des impôts des classes moyennes et populaires n'était pas notre boussole ; nous ne les avons pas augmentés en 2025, nous ne le ferons pas en 2026.

M. Aurélien Le Coq
Les impôts des classes moyennes ont augmenté, ceux des riches ont baissé !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
En parallèle de ces objectifs, nous avons une méthode, qui consiste à faire toute la lumière sur nos dépenses et nos recettes, en y associant les parties prenantes, à commencer par vous, mesdames et messieurs les députés : votre prérogative démocratique, celle d'évaluer l'action du gouvernement…

M. Jean-François Coulomme
Vous, vous la dévaluez, c'est sûr !

Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et, plus largement, l'efficacité de la dépense publique, est en effet primordiale. J'espère que cet enjeu majeur du Printemps de l'évaluation fera l'objet d'un débat nourri et nous permettra, à partir de vos propositions, de réduire nos dépenses tout en accroissant leur efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 5 mai 2025