Interview de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Sud Radio le 30 avril 2025, sur la politique fiscale, la croissance économique, la dépense publique, les fonctionnaires, l'emploi, ArcelorMittal, les droits de douane américains et la grève à la SNCF.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Éric Lombard, bonjour.

ÉRIC LOMBARD
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être sur Sud Radio ce matin. Vous êtes ministre de l'économie et des Finances. D'abord, avant de parler de croissance, de grands chiffres macro-économiques, je voudrais, Éric LOMBARD, que vous précisiez deux choses. Parce que hier, à l'Assemblée nationale, les questions ont été posées. Moi, je vous les repose ce matin, clairement. Alors, première question, est-ce que vous nous confirmez que nous ne paierons pas de contributions, même modestes, aux services publics de notre commune ?

ÉRIC LOMBARD
On a une situation qui est la suivante, et qui est très simple. Le pays est surendetté. Je commence par ça, parce que c'est important de le partager avec les Français. 3 300 milliards de dettes. Cette année, nous allons verser à nos prêteurs, à nos créanciers, plus de 65 milliards d'euros. Et donc, la priorité, c'est de réduire cette dette. Et pour ça, il faut réduire le déficit. Mais pour réduire le déficit, le chemin qui nous paraît le plus approprié, c'est d'abord de gérer la dépense publique, qui est importante dans notre pays, qui finance des choses indispensables, la sécurité sociale, les collectivités locales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.

ÉRIC LOMBARD
Mais c'est le moyen privilégié. Et nous ne souhaitons pas augmenter les impôts, nous ne souhaitons pas instaurer de nouveaux impôts, même au profit des collectivités locales, parce que, dans notre situation économique, ça risque de peser sur la croissance, qui, déjà, a un peu de mal dans un environnement mondial, on va en parler, qui est très chahuté. Et donc, non, nous ne mettrons pas en place de nouveaux impôts, même au profit des collectivités locales, qui jouent un rôle si important dans notre pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pas de contribution modeste aux services publics, c'est clair. Au moins, c'est clair. L'abattement fiscal, autre question qui est revenue et qui revient sans cesse dans les médias et chez les politiques. L'abattement fiscal de 10% de bénéficiaires et retraités sera-t-il supprimé, oui ou non ?

ÉRIC LOMBARD
Alors, Jean-Jacques BOURDIN, je vais vous arrêter parce qu'il y a, dans le paysage, des dizaines d'idées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais celle-là est majeure, quand même.

ÉRIC LOMBARD
Celle-là, elle est majeure depuis 15 jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est venue souvent.

ÉRIC LOMBARD
Mais il y en a eu, encore une, de la période avant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon, mais ce sont des ministres, Éric LOMBARD, qui font ces propositions, ce n'est pas moi.

ÉRIC LOMBARD
Alors, si je peux me permettre, la ministre, qui est ma collègue Amélie De MONTCHALIN, n'a pas fait cette proposition, elle a juste fait une constatation, qui après a été traduite en mesure fiscale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, François REBSAMEN avait fait la précédente.

ÉRIC LOMBARD
Ce qui se passe, c'est que nous sommes dans une situation politique particulière et nous allons bâtir le budget de 2026, parce que là, on parle du budget de 2026. Je rappelle qu'on est fin avril 2025, donc on a quand même un petit peu de temps. Mais on va le faire d'une façon très originale, on va le faire dans le dialogue avec toutes les parties prenantes, à commencer par les élus, naturellement, mais aussi avec les partenaires sociaux, avec les associations qui représentent les collectivités locales. Et les idées vont émerger de ce dialogue, et le Premier ministre décidera des idées qu'il reprend, qu'il proposera au Parlement au mois de juillet. Et donc, d'ici au mois de juillet, c'est une ascèse à laquelle les ministres se contraignent, et qui n'est pas facile avec des journalistes qui posent des questions précises, et donc nous n'allons pas… Parce que rien n'est décidé sur l'architecture.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends très bien, Éric LOMBARD. Ça veut dire que l'idée est retenue pour l'instant.

ÉRIC LOMBARD
L'idée n'est ni retenue, ni quoi que ce soit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n'est pas écartée.

ÉRIC LOMBARD
Aucune idée n'est écartée. Je reprends la phrase du Premier ministre, il n'y a pas de tabou. Mais cette idée, elle a été exprimée… Encore une fois, la ministre n'a pas pris cette idée…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais elle n'est pas écartée, c'est tout ce que je veux savoir. Je ne veux pas savoir si ça sera effectif et décidé, elle n'est pas écartée.

ÉRIC LOMBARD
C'est le dialogue qui permettra de décider ce que nous prenons et ce que nous ne prenons pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc elle n'est pas écartée, c'est clair. Désindexer les pensions sur l'inflation, c'est une idée qui n'est pas écartée non plus ?

ÉRIC LOMBARD
Aucune idée n'est écartée, pour autant qu'elle soit portée, notamment puisque vous parlez de la retraite, ou de sujets qui touchent les Français. L'idée dont vous parlez des 10%, je n'ai pas d'avis sur le sujet, puisque ce que nous souhaitons, c'est de laisser monter le débat de la part de ceux qui en ont la charge, notamment les partenaires sociaux. Et je rappelle que les partenaires sociaux sont, en ce moment, réunis dans un autre conclave, qui est différent de celui qui va se réunir à Rome dans quelques heures, et que ce conclave est toujours en cours. Ils travaillent, et donc c'est en fonction du résultat de ce dialogue et de ce travail que nous nous prononcerons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous avez raison de parler des partenaires sociaux puisque le MEDEF et la CPME sont favorables à la suppression de ces fameux 10%. Je passe à autre chose.

ÉRIC LOMBARD
Cela n'engage qu'eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin bon, ce sont des partenaires sociaux.

ÉRIC LOMBARD
Oui, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Éric LOMBARD, parlons de la croissance. Quelle croissance au premier trimestre 2025 ?

ÉRIC LOMBARD
Le chiffre vient de tomber, il est de 0,1%, ce qui est conforme à nos prévisions. La bonne nouvelle, d'ailleurs, ce chiffre d'abord, c'est que, malgré l'absence de budget, puisque nous avons attendu fin février pour avoir un budget, et ça a énormément pesé sur la croissance, la croissance est positive. Mais ce qui est important en début d'année, c'est ce qu'on appelle l'acquis de croissance. C'est-à-dire que s'il ne se passait rien de plus, la croissance sur l'ensemble de l'année 2025 serait de 0,4%. Et ce chiffre est important, parce que ça veut dire que nous sommes en ligne pour atteindre notre objectif qui a été ajusté récemment, qui est de 0,7%. Nous sommes en ligne pour le faire, si malgré les difficultés du monde, l'énergie des entrepreneurs français continue à produire de la croissance, et aujourd'hui, l'investissement, les résultats des entreprises, tout ça va plutôt dans le bon sens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
0,1%, c'est assez faible quand même, comme croissance.

ÉRIC LOMBARD
0,1%, pourquoi est-ce que ce chiffre est faible ? C'est qu'il se compare à la même période de l'année dernière où on a eu l'effet Jeux Olympiques. Donc on partait d'une base assez élevée. Et c'est pour ça que plutôt que le 0,1%, encore une fois qui est conforme à ce qu'on attendait, je veux parler de l'acquis de croissance de 0,4%…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de la prévision sur l'année…

ÉRIC LOMBARD
Parce que c'est cet élan et la prévision de croissance de 0,7% que nous maintenons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous maintenez 0,7% ?

ÉRIC LOMBARD
Ça va être un combat. Nous allons soutenir les entreprises. D'ailleurs, j'ai créé un conseil des entreprises à Bercy pour les réunir régulièrement, pour les accompagner, et pour veiller à ce qu'elles puissent déployer leurs talents plus facilement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous nous parliez de la dette tout à l'heure, des 65 milliards que nous coûte, chaque année, cette dette, remboursement… Et vous cherchez 40 à 50 milliards d'économies pour le budget 2026. Vraiment, vous êtes devant un mur. Pourquoi un mur ? Parce qu'il n'y a aucun consensus pour l'instant dans ce pays, qu'il n'y a aucune majorité au Parlement aujourd'hui, ce qui rend votre tâche encore plus difficile, évidemment politiquement. Alors comment d'abord un engagement de votre part ? Est-ce que vous vous engagez sur la formule de Laurent WAUQUIEZ hier ? Zéro euro de hausse d'impôt. Vous engagez sur cette formule ?

ÉRIC LOMBARD
Oui, ça a été confirmé hier devant le Parlement par le Premier ministre, par moi-même. Quelle est la solution pour gérer notre problème budgétaire ? Et ce n'est pas une solution très compliquée. Nous avons un niveau de dépenses publiques qui est élevé dans notre pays, 57% de la richesse nationale. C'est un chiffre important, 1 700 milliards d'euros. Et à l'intérieur de ce chiffre important, en s'organisant mieux, nous pouvons, non seulement maintenir, mais améliorer la qualité des services publics et les Français y sont attachés. Et donc, ce qu'il faut, c'est maîtriser cette dépense, et en maîtrisant la dépense publique, le chiffre d'économie est dans un rapport que nous avons remis au Parlement il y a quelques jours, il peut faire peur, mais la réalité simple, c'est que nous allons faire ce que font beaucoup de ménages, ce que font beaucoup d'entreprises, c'est maîtriser les dépenses annuelles et avec cela, nous allons pouvoir réduire le déficit, et donc maîtriser notre dette. Donc ce n'est pas du tout hors de portée. Et si nous faisons dans le dialogue, moi, j'ai bon espoir que - je ne dis pas que nous aurons une majorité positive - mais nous espérons que comme pour le budget 2025, il y a une majorité de forces politiques dans le pays qui ne nous censurent pas, parce qu'ils considéreront que ce travail que nous avons fait de façon partenariale répond aux besoins du pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends très bien. Vous voulez réduire la dépense publique, on est bien d'accord.

ÉRIC LOMBARD
Nous voulons la stabiliser.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La stabiliser.

ÉRIC LOMBARD
Ce qui est très différent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors moi je vais vous donner quelques chiffres. Vous allez me dire ce que vous en pensez, Éric LOMBARD. Le nombre de fonctionnaires en France, on est entre 5,8 millions et 6 millions aujourd'hui. Masse salariale en 2024, 107 milliards d'euros ; plus 6… je dis bien, plus 6,7% en un an. L'inflation était à 2,4, la croissance 1,1, plus 6,7%. Alors qu'allez-vous faire ? Dans un pays très endetté, cela fait des années que l'on continue à embaucher des fonctionnaires en plus, plus 200 à 250 000 depuis 2017. Emmanuel MACRON avait promis 120 000 fonctionnaires de moins.

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, ce chiffre est trop élevé, vous avez raison, et nous en appelons à la responsabilité des acteurs. Et d'ailleurs nous allons procéder par contractualisation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'allez-vous faire ?

ÉRIC LOMBARD
Nous allons procéder par contractualisation. Nous allons demander aux responsables des administrations, aux responsables des collectivités locales, aux responsables de la sécurité sociale, de gérer dans des budgets, qui vont être des budgets contraints. Et à l'intérieur de ces budgets et c'est la liberté notamment pour les collectivités locales qui s'administrent librement ; leur choix, ça va être de " à quoi utiliser ce budget ? " Et nous pensons qu'il y a de l'efficacité à faire dans tous les domaines de l'action publique. Et c'est le choix des administrations de décider si les marges de manoeuvre qui existent, parce qu'elles existent toujours, elles doivent être utilisées pour des missions nouvelles, pour des recrutements. Et il nous semble que les recrutements doivent être maîtrisés, puisqu'il faut maîtriser la masse salariale, évidemment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous nous dites ce matin : " Arrêtons d'embaucher des fonctionnaires " ? Est-ce que vous nous dites ça ? Hors régalien…

ÉRIC LOMBARD
Mais Jean-Jacques BOURDIN, c'est ça le sujet. Mais oui, mais parce que nous avons besoin, et c'est les ministres en charge qui le font, il y a des lois de programmation sur l'armée, sur la sécurité, sur la Justice, sur lesquelles des recrutements sont nécessaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord. Sur le régalien, on est d'accord.

ÉRIC LOMBARD
Il y a des collectivités locales qui se développent et qui ont besoin de recruter, il y a d'autres collectivités locales qui sont en décroissance de population, en stabilité. Dans ces cas-là il faut qu'il y ait une maîtrise. Et donc on ne peut pas avoir une règle uniforme. Ce que nous souhaitons c'est qu'au plan général, non pas qu'on arrête de recruter des fonctionnaires - on ne peut pas avoir des règles aussi générales que cela - mais que cela soit fait de façon ciblée dans les endroits où il y a nécessité, et dans les autres endroits effectivement, ce n'est pas indispensable chaque année de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça Éric LOMBARD parce que j'ai entendu plusieurs responsables politiques dire qu'on ne remplace pas un fonctionnaire qui part à la retraite. Ça a été dit, vous le savez bien, à de multiples reprises.

ÉRIC LOMBARD
Ma conviction c'est qu'on n'est pas forcés de remplacer tous les fonctionnaires qui partent à la retraite, mais on ne peut pas dire qu'on n'en remplace aucun parce qu'il nous faut des marges de manoeuvre. Et j'en appelle encore une fois la responsabilité des différents responsables en fonction des missions qui leur sont confiées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les fameuses agences de l'État, là aussi vous allez, parce que là aussi il y a des agents de la fonction publique qui travaillent pour ces agences de l'État, combien allez-vous en supprimer ?

ÉRIC LOMBARD
Dans ces grandes agences, vous trouvez des agences comme Pôle emploi qui s'occupe de l'accompagnement des personnes. Vous trouvez des agences comme l'ADEME qui font le financement de la transformation écologique et qui jouent un rôle important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'ADEME ne sera pas touchée ?

ÉRIC LOMBARD
Toutes les agences dans ce budget 2025 - on a fait un travail attentif avec la ministre des Comptes Publics Amélie De MONTCHALIN - ont des budgets qui sont plus contraints qu'auparavant. Et pour certains, nous avons réduit les budgets de façon significative, afin qu'un effort d'efficacité soit fait. Il arrive, et il y a un rapport parlementaire qui travaille là-dessus au Sénat, que certaines agences aient des missions qui sont disons convergentes et dans ces cas-là nous ferons les regroupements qu'il faut. Et il y a, troisièmement, un projet de loi en ce moment au Parlement, un projet de loi simplification, porté par ma collègue Véronique LOUWAGIE, qui va apporter la suppression d'un certain nombre d'instances. Il faut le faire de façon mesurée. Moi, je n'aime pas l'esprit de chasse aux services publics ou pire, de chasse aux fonctionnaires qui sont incroyablement investis. D'ailleurs, je veux profiter de la parole qu'il m'est donnée, pour le rendre hommage. Cela dit, il faut que l'État, comme toute institution dans le pays, fasse un effort d'efficacité, il est engagé et nous le conduisons avec fermeté.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les niches fiscales, 467 niches fiscales, ça représente 85 milliards d'euros. Est-ce que certaines vont être supprimées, et lesquelles ?

ÉRIC LOMBARD
Oui, l'idée… Alors lesquelles ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah d'accord !

ÉRIC LOMBARD
Le Premier ministre arbitrera. Il y a certaines niches fiscales qui profitent à très peu de monde. Mais la question des niches fiscales, ce que nous souhaitons faire, c'est que si les niches fiscales rapportent des ressources supplémentaires à l'État, qu'on les renvoie quelque part aux Français de façon plus équitable, maintenant et même quand on peut, en complaisant des impôts.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Exemple concret ?

ÉRIC LOMBARD
C'est un exercice sur lequel je ne donnerai aucun exemple avant le mois de juillet, c'est une ascèse à laquelle je me contrains.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la niche fiscale des journalistes, elle est menacée ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Mais il est impossible de menacer les journalistes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, je vous dis ça…

ÉRIC LOMBARD
Mais ce n'est pas une niche fiscale, c'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 7 650 euros à déduire des revenus professionnels.

ÉRIC LOMBARD
C'est un soutien à la liberté de la presse qui est précieuse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous n'y toucherez pas si j'ai bien compris. Lois de finances rectificatives avant l'été ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
La question est posée, on y a répondu très clairement. Ça n'est pas nécessaire d'après les textes puisque …

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non.

ÉRIC LOMBARD
Non, il n'y aura pas de loi de finances rectificatives puisque nous avons un budget qui est extrêmement sérieux, que nous pilotons au mois le mois. Chaque mois nous réunissons les directeurs d'administration centrale pour piloter le budget. Nous sommes, fin avril, dans les clous, on a tenu mi-avril un comité d'alerte. Il y aura un nouveau comité d'alerte devant tous les élus au mois de juin, donc c'est un pilotage extrêmement serré. Nous sommes dans les clous. Pour être complètement dans les clous, nous avons décidé avec la ministre de faire une régulation de 5 milliards d'euros. Nous avons évidemment prévenu les parlementaires, et donc nous sommes à l'intérieur de ce que nous pouvons faire sans loi de finances rectificatives.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Éric LOMBARD, j'ai une dernière question, vous cherchez 40 à 50 milliards, c'est cela, c'est 40 milliards à peu près ?

ÉRIC LOMBARD
L'exercice se fait par rapport à une trajectoire théorique. Encore une fois, nous souhaitons maîtriser la dépense publique ; c'est ça l'axe de travail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez besoin de 40 milliards. Pour résumer tout ce que nous avons dit, mais où allez-vous chercher toutes ces économies ? Mais où ?

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, comme tout ménage, qui se trouve d'une année sur l'autre avec le même revenu, et ça arrive à une immense majorité de Françaises et de Français, en étant attentifs. Et donc on parle parfois de façon, bien sûr de façon équilibrée entre les trois grandes fonctions publiques, qui sont la sécurité sociale, les collectivités locales et l'État. Et cette stabilité, cette maîtrise de la dépense publique, c'est de la bonne gestion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des économies dans les trois fonctions publiques ?

ÉRIC LOMBARD
Bien sûr, de la bonne gestion dans les trois fonctions publiques. Ce n'est pas de l'austérité, on dépense 57% de la richesse nationale, et nous voulons le faire de façon équitable, pour que chacun prenne sa part du fardeau.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Demain, 1er mai, y aura-t-il - alors j'ai une question précise, mais là aussi vous allez me dire, c'est l'inspection du travail qui est libre, mais tout de même - y aura-t-il demain des contrôles de l'inspection du travail chez les boulangers et les fleuristes ?

ÉRIC LOMBARD
Alors franchement, l'inspection du travail effectivement est libre, dépend de ma collègue Astrid PANOSYAN-BOUVET. Je n'ai pas perçu dans le pays, de volonté farouche de contrôle le 1er mai. Je rappelle que le 1er mai, les entrepreneurs indépendants font ce qu'ils veulent, puisqu'ils sont indépendants. C'est effectivement un jour chômé pour les salariés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Faut-il mettre fin à l'obligation de ne pas travailler ?

ÉRIC LOMBARD
C'est un sujet législatif, c'est un sujet fortement symbolique et sur lequel…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur lequel vous avez un avis ?

ÉRIC LOMBARD
Pour le coup, sur lequel je n'ai pas d'avis. Je pense que c'est un sujet qui regarde d'abord les représentants des salariés. Attendez, c'est une question de méthode de Gouvernement et je prends ça très au sérieux. C'est un sujet pour les salariés, qui est susceptible d'en parler, les représentants des salariés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi est bien écrite et votée.

ÉRIC LOMBARD
Oui, mais dans la vision que j'ai de l'action publique, quand ça touche au social, un texte doit d'abord être validé par les partenaires sociaux qui sont les représentants légitimes des salariés. Et ça c'est un sujet qui touche à la vie quotidienne des salariés. Franchement, ce n'est pas au ministre de dire aux salariés qu'est-ce qui est bon pour eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une proposition de loi d'ailleurs est en cours, va être déposée par deux sénateurs. Le chômage progresse. Je me souviens de l'objectif fixé par le Président de la République : en 2027, plein emploi à 5%. Franchement, impossible à atteindre ?

ÉRIC LOMBARD
La baisse du chômage depuis 2017 et en réalité ça a commencé un peu avant - le Président de la République était d'ailleurs ministre de l'Economie - est très forte. Et pour les générations qui ont connu le chômage de masse, on est revenus à des niveaux qui sont beaucoup plus satisfaisants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si ça remonte.

ÉRIC LOMBARD
C'est vrai que nous avons une légère remontée, mais regardez la situation du monde, regardez la bataille sur les tarifs douaniers que mène Donald TRUMP ; regardez la bataille à l'exportation que livre la Chine. Donc nous devons faire face à ces deux batailles, ce que nous faisons très activement. Moi, je suis confiant que quand on aura trouvé un accord avec les Américains, trouvé une façon de travailler, notamment avec nos amis chinois, nous pourrons retrouver un sentier de croissance qui va bénéficier à l'emploi. En tout cas c'est ce à quoi nous travaillons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'emploi, parlons d'ArcelorMittal, je regardais les chiffres qui viennent de tomber : bénéfice net, premier trimestre, 805 millions de dollars, ArcelorMittal. Et pendant ce temps-là, 600 postes menacés en France. Que va faire l'État ?

ÉRIC LOMBARD
Je veux dire d'abord qu'évidemment, c'est une difficulté, un drame pour les personnes qui sont concernées, dans un secteur, l'acier, qui est soumis à d'immenses difficultés. Il y a eu les tarifs mis en place par les Américains, de 25%. Il y a une concurrence internationale féroce. Nous défendons au niveau européen l'activité. Et je veux dire, parce que c'est important, même si ces pertes d'emploi sont évidemment un drame, c'est qu'aucun site n'est menacé, et nous souhaitons maintenir, en France, la production d'acier. Mais c'est un combat terrible en ce moment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si les sites ne sont pas menacés… C'est des emplois qui sont menacés par une entreprise qui fait des bénéfices, qui a touché de l'argent de l'État pour décarboner, qui s'est engagée sur un plan d'un peu plus d'un milliard, 1,8 milliard et huit je crois, et qui aujourd'hui renonce à ce plan. L'État a versé combien à ArcelorMittal ?

ÉRIC LOMBARD
Le plan d'investissement sera tenu, et les sommes qui sont versées compensent l'investissement nécessaire pour décarboner la production…

JEAN-JACQUES BOURDIN
800 millions.

ÉRIC LOMBARD
Et convenez avec moi que décarboner la production c'est indifférenciable pour la planète, mais ça coûte à l'entreprise sans rien rapporter à l'entreprise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'entreprise a suspendu son plan.

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, dans ces cas-là, si l'entreprise suspend son plan, ces compensations ne seront pas versées évidemment, puisque c'est bien pour compenser l'effort qui est fait. Ces grandes entreprises internationales, nous veillons à ce qu'elles continuent à produire sur les territoires français. Il faut admettre qu'on est dans une situation extrêmement difficile de compétitivité, les bénéfices…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qu'allez-vous faire pour ces 600 postes ?

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, les personnes vont être accompagnées comme nous le faisons à chaque fois. Et France Travail fait un accompagnement absolument remarquable. La chance que nous avons dans ces difficultés, c'est que beaucoup d'entreprises industrielles recrutent, et parfois même ont du mal à recruter, que ces personnes qui vont perdre leur emploi sont des personnes qualifiées, qui ont des compétences. Et nous allons les accompagner pour qu'il y ait une mobilité. Moi, je ne crois pas qu'on puisse gérer un pays et une entreprise en interdisant une entreprise qui est en difficulté d'ajuster, malheureusement c'est parfois nécessaire, ses effectifs

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'État n'entrera pas au capital. J'ai entendu tout un tas de choses, nationalisation…

ÉRIC LOMBARD
Non, nous n'allons pas faire ça. Mais moi je veux revenir sur les bénéfices dont vous parliez d'ArcelorMittal… Mais heureusement que les entreprises font des bénéfices, c'est ça qui leur permet d'investir et de survivre dans cette concurrence internationale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi de préserver l'emploi.

ÉRIC LOMBARD
De préserver l'emploi. Aucun site ne sera fermé, et c'est ce qui me paraît important, et nous souhaitons que la décarbonation de l'entreprise se poursuit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais des postes seront supprimés. Droit de douane américain ; vous étiez à Washington il y a quelques jours. J'ai entendu encore Donald TRUMP, vous aussi, qui dit, " oh là là ! vous n'avez rien vu encore. " Donc si on n'a rien vu, attendons-nous au pire peut-être, Éric LOMBARD. Mais vous souhaitez un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Union Européenne, vous l'avez dit ?

ÉRIC LOMBARD
Oui, en matière de commerce de biens, en matière de commerce industriel, on n'en était pas loin. Puisqu'en réalité, les produits industriels américains qui arrivent en Europe sont très peu taxés, il y a très peu de barrières, et réciproquement. Il y a eu une hausse très forte décidée par le Président TRUMP. Le Président de la République a fixé un objectif très clair sur les biens industriels, sur tout ce qui est bien marchand, c'est de revenir à un tarif zéro et il faut que ce soit réciproque. Et c'est bien ce que j'ai proposé à nos partenaires américains.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que vous ont dit vos partenaires américains, nos partenaires américains ?

ÉRIC LOMBARD
Nos partenaires américains ont assoupli leur position, et considèrent qu'en fait, ce qu'il y a peut-être plus important que les droits de douane, c'est ce qu'on appelle les barrières non tarifaires, pour faciliter le commerce de produits. C'est un sujet dont nous pouvons parler, avec eux d'ailleurs, dont j'ai commencé à parler.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc zéro taxe entre l'Union Européenne et les États-Unis ?

ÉRIC LOMBARD
Nous souhaitons revenir, non seulement au niveau précédent, mais même aller plus bas. Et c'est ce que j'ai dit à mon homologue américain, Scott BESSENT, et il ne m'a pas dit que c'était hors de portée. C'est une discussion qui s'ouvre, le secrétaire au commerce Howard LUTNICK est très en faveur d'un travail sur les filières de production. Et nous avons admis tous les deux que les filières de production étaient inter liées entre les États-Unis et l'Europe, et qu'on pouvait avoir un travail en commun. Donc c'est ce travail que nous allons mener. Je rappelle que c'est la Commission Européenne qui négocie, mais évidemment on se parle tous les jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Éric LOMBARD, la vente en ligne, avec les petits colis dont vous avez parlé hier, sur chaque petit colis entrant en France et en Europe, des frais de gestion seront prélevés dès 2026. Quelques euros ?

ÉRIC LOMBARD
On n'a pas défini le quantum, parce que je rappelle qu'on est dans une union douanière, et donc on travaille avec nos homologues européens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne et les Pays-Bas sont d'accord.

ÉRIC LOMBARD
L'Allemagne a mis ça dans son contrat de coalition, donc c'est déjà gravé dans le marbre. Bon accueil des Pays-Bas ; On va travailler avec l'ensemble de nos collègues, mais nous sommes tous soumis. Moi, je veux dire que ces plateformes, évidemment pour les consommateurs, ce sont des produits qui sont intéressants. Mais je veux aussi attirer l'attention sur les risques. Certains produits ne sont pas homologués. Il y a eu des produits électriques qui ont pris feu, qui ont mis en danger la vie des consommateurs. Il y a des produits qui sont toxiques, qui sont dangereux pour ceux qui les consomment. Donc on va renforcer les contrôles. Et puis beaucoup de ces produits qui devraient, au-dessus de 150 euros, être soumis à TVA. Donc un problème de ressources publiques. Parfois, on a été hier avec les ministres sur la plateforme à Roissy qui fait le dédouanement, on a vu un sac de produits qui était annoncé comme valant 33 centimes d'euros alors qu'il y avait dedans une quarantaine de produits qui tous valent quelques euros. Donc on va augmenter les contrôles, on va augmenter les contrôles de qualité aussi et de sécurité, et puis on va veiller à ce qu'en matière de TVA…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On va mettre des taxes douanières au niveau européen sur les colis d'une valeur inférieure à 150 euros ?

ÉRIC LOMBARD
Il y a deux étapes. Dans un premier temps, nous souhaitons qu'il y a des coûts de gestion, parce que ça coûte très cher de faire ces vérifications.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Les contrôles.

ÉRIC LOMBARD
Et il faut qu'on finance ces contrôles. Et dans un deuxième temps, dans le cas de l'union douanière, nous souhaitons effectivement que... aujourd'hui, au-dessous de 150 euros, c'est hors TVA. Et ça, ça n'est pas équitable devant les entrepreneurs français et les commerçants français qui font un travail formidable. Nous voulons aussi les protéger. Et pour cela, il y aura TVA. Pour ça, on parle de milliards de colis chaque année en Europe. Donc il faut qu'on mette en place un système…

JEAN-JACQUES BOURDIN
800 millions en France.

ÉRIC LOMBARD
Exactement. Il faut qu'on mette en place un système d'information informatisé. Ça va prendre quelques mois. Moi, j'aimerais bien qu'on accélère. D'ailleurs, on va essayer de le faire accélérer, parce que ça va protéger les consommateurs, ça va protéger aussi notre économie. Et donc, c'est urgent qu'on fasse ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, Éric LOMBARD. Les grèves à la SNCF qui se profilent à l'horizon de toutes sortes, avec divers syndicats, dites-moi, il y a une proposition de loi qui a été votée au Sénat et qui rend impossible de faire grève une trentaine de jours par an, notamment pendant les vacances ou à l'approche des vacances. Vous soutenez cette proposition de loi ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Alors, moi, j'aimerais dire d'abord que le droit de grève est un droit évidemment essentiel dans notre Constitution, et appeler, comme on le fait, de façon régulière, mais c'est important, les partenaires sociaux à la SNCF de penser aussi à l'impact sur la vie des Français, parce que ces vacances sont importantes, c'est vrai qu'on est dans un mois où on peut passer quelques jours en famille, donc j'espère qu'un accord sera trouvé. Le droit de grève est déjà encadré par des préavis qui doivent être proposés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous soutenez cette proposition de loi, oui ou non ?

ÉRIC LOMBARD
Je ne suis pas favorable à l'interdiction de grève.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne soutenez pas cette proposition de loi ?

ÉRIC LOMBARD
Ça me paraît... Je ne suis pas sûr d'ailleurs que ce soit constitutionnel, mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans tous les cas, le ministre des Transports, lui, il la soutient.

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, le Parlement en décidera.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous avez une petite divergence, là. Dernier mot, qui va remplacer le PDG de la SNCF ?

ÉRIC LOMBARD
Eh bien, il y a un processus qui est en cours, comme nous faisons en pareil cas. Ce processus se conclut par une décision du président de la République, dont je suis certain qu'il vous en informera le moment où il l'aura prise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean CASTEX ?

ÉRIC LOMBARD
Pour les auditeurs qui nous écoutent, j'ai fait un moment de silence.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean CASTEX, vous êtes silencieux.

ÉRIC LOMBARD
Je suis silencieux sur tout nom que vous pourrez donner, puisque c'est une prérogative du président de la République et... librement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Donc c'est possible. Éric LOMBARD, merci d'être venu nous voir ce matin.

ÉRIC LOMBARD
Merci Jean-Jacques BOURDIN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2025