Interview de M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, à BFM TV le 2 mai 2025, sur la grève à la SNCF, les zones à faible émission, les infrastructures de transport et la lutte contre l'autosolisme.

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Média : BFM TV

Texte intégral

NEÏLA LATROUS
8 h 32 sur RMC et BFM TV, bonjour Philippe TABAROT.

PHILIPPE TABAROT
Bonjour.

NEÏLA LATROUS
Vous êtes le ministre des Transports et vos propos sont très attendus ce matin, la veille de ce week-end peut-être de la dernière chance. Dès lundi, plusieurs préavis de grève déposés à la SNCF. Premier syndicat, la CGT Cheminots, qui appelle à débrayer à compter de lundi. Sud Rail rejoint le mouvement à compter de mercredi avec l'idée d'empêcher les trains de rouler au moment de ce fameux pont du 8 mai. Différents corps de métiers sont appelés à faire la grève : les conducteurs, les contrôleurs, les agents de maintenance. Philippe TABAROT, de vous à moi, les yeux dans les yeux, est-ce que ça va être une semaine de galère ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, je ne sais pas si ça va être une semaine de galère, nous avons encore tout le week-end pour que les choses puissent avancer. En tout cas, c'est ce que souhaite la direction de la SNCF, il y a déjà eu plus d'une trentaine de réunions de discussions et de négociations. Quand j'entends certains qui disent qu'il n'y a pas eu de négociations, c'est déjà le cas depuis un certain temps. J'ai souhaité ne pas participer parce que je ne souhaite pas mettre de la pression à la direction de la SNCF. Elle prendra les bonnes décisions dans l'intérêt général et puis après, on verra si le mouvement continue, quelle sera la mobilisation. Je pense qu'au moment où on parle, le plus important, c'est de pouvoir le plus rapidement possible, pour les usagers du train, leur donner les informations nécessaires pour savoir en particulier si leur train va circuler lundi et vers la fin de la semaine.

NEÏLA LATROUS
Vous aurez les prévisions à quel moment ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, la SNCF communiquera probablement et même de manière certaine le plan de transport dès ce week-end pour lundi et puis pour le reste de la semaine, le plus précis possible. L'objectif étant d'annuler ou de déplacer au niveau des horaires le moins de trains possible.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT, quand je vous demande si ça va être une semaine de galère, vous dites : " Il y a encore de la place pour le dialogue ", cela veut dire qu'à ce stade, en tant que ministre des Transports, vous n'appelez pas les Français à différer leur déplacement la semaine prochaine, ceux qui prévoyaient notamment de partir en vacances ? De prendre quelques jours ?

PHILIPPE TABAROT
Ceux qui prévoient d'autres modes de transport, un report modal vers d'autres modes de transport. Peut-être moins décarbonés, je le regrette, mais je les comprends. Par rapport à d'autres compagnies aussi, c'est la chance d'avoir maintenant une ouverture à la concurrence dans notre pays que j'ai souhaitée et qui répond à certains besoins, et notamment dans ces périodes tendues socialement à la SNCF. Et puis ce que je leur demande surtout, c'est d'être attentifs à la SNCF qui va leur donner prochainement le plan de transport et la possibilité de pouvoir voyager. Je sais que ça cause des désagréments, je sais que des familles attendent pour se retrouver. Ce sont des moments importants et c'est la raison pour laquelle il est assez insupportable, à quelques heures, je dirais, de ces retrouvailles, de ne pas savoir si on est en mesure de prendre son train ou pas.

NEÏLA LATROUS
Il y aura un plan de transport, ça veut dire que la grève n'est pas évitable à ce stade ? C'est juste son ampleur que vous espérez contenir ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, pour avoir entendu un certain nombre de responsables syndicaux, et je fais la part des choses, ce ne sont pas tous les syndicats qui sont mobilisés, tous les cheminots qui sont mobilisés pour cette grève. Mais par rapport à certains, il semble y avoir des mots qui, ils veulent aller à un certain affrontement. Et même si les choses se règlent, et je pense notamment à la question du planning et d'un fameux logiciel qui pose problème, ou les questions de formation professionnelle, oui, sur ces sujets, je pense que la direction peut avancer et va avancer. Par contre, qu'on en soit encore à discuter des problèmes de salaire alors qu'on sort des négociations annuelles obligatoires, les fameuses NAO, qu'on parle d'une prime de traction pour des gens qui sont en arrêt-maladie, ça, ce sont des discussions qui sont impossibles à avoir, me semble-t-il, dans un dialogue social apaisé et juste.

NEÏLA LATROUS
Mais pour bien comprendre Philippe TABAROT, je vous écoute depuis quelques minutes, est-ce que la grève est évitable ou non ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, la grève est toujours évitable. Il y a un moment de rétractation par rapport aux préavis qui ont été déposés. Je vous rappelle que ce sont des préavis dormants, bien souvent, qui existent depuis des mois et qui sont déclenchés du jour au lendemain. Et puis il y a quelque chose qui pose problème, que j'avais souhaité modifier dans la loi, j'espère que ça pourra se faire un jour, c'est que les grévistes se déclarent non plus 48 heures avant, mais 72 heures avant, pour pouvoir permettre à l'opérateur, et en l'occurrence à la SNCF, de prévoir un plan de transport et de prévenir les usagers en cas de perturbation. Je suis le ministre des Usagers, il me paraît indispensable qu'ils puissent avoir avant tout l'information, même si c'est une information contraignante, et s'ils doivent reporter leur déplacement ou changer de mode de transport, ils ont besoin de cette information pour se déplacer.

NEÏLA LATROUS
Vous avez proposé autre chose aussi, en tant que sénateur, Philippe TABAROT. Vous avez proposé de sanctuariser des jours sans grève dans le calendrier. Les jours de grand départ, Noël, Pâques, le 14 juillet, le 15 août, est-ce que le ministre est aligné avec le sénateur ?

PHILIPPE TABAROT
Le ministre que je suis ne renie pas le sénateur qu'il a été hier. La mesure dont je vous ai parlé sur le passage de 48 à 72 heures, la question des préavis dormants, la question des grèves perlées de 59 minutes pour qu'elles ne soient pas décomptées sur les salaires, tout ce contournement du droit de grève figurait dans cette proposition de loi que j'ai portée avec Hervé MARSEILLE et Bruno RETAILLEAU.

NEÏLA LATROUS
Vous ne porterez pas en tant que ministre la sanctuarisation de quelques jours dans le calendrier ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, de toutes les manières, on tirera les enseignements, une fois ce conflit passé, de ce qui peut être amélioré et le pense qu'on le fera sereinement et objectivement. Je sais l'émoi que cette grève potentielle crée dans notre pays et on ne peut pas faire comme si rien ne se passait.

NEÏLA LATROUS
Il y a quelques instants, Philippe TABAROT, dans Première Édition sur BFM TV, un responsable de Sud Rail, Julien TROCAZE, vous a lancé un appel. Écoutez.

JULIEN TROCAZE, RESPONSABLE SUD-RAIL
Qu'il fasse un peu la pression sur la direction de l'entreprise pour ouvrir de réelles négociations très rapidement. Je crois que lundi, il va parler de la conférence des financements qui va se dérouler à Marseille. Au lieu d'aller en avion, il aurait dû y aller en train. Nous, on ne veut pas qu'il intervienne, on veut juste qu'il mette la pression. Et que quand il fait ses sorties médiatiques, qu'il mette la pression sur la direction de l'entreprise et qu'il arrête de mettre la pression sur les cheminots et cheminotes et les futurs grévistes.

NEÏLA LATROUS
Bon, pour le train, s'il y a grève, j'imagine que vous prendrez l'avion pour arriver à Marseille.

PHILIPPE TABAROT
Qu'il se rassure, je voyage très souvent en train.

NEÏLA LATROUS
Mais sur la pression à la SNCF, vous disiez il y a quelques instants : « Je ne veux pas m'immiscer dans ces discussions ». Ce n'est pas le rôle du ministre de recevoir les syndicats ?

PHILIPPE TABAROT
C'est le rôle du ministre ? Vous pensez que dire " On prend le carnet de chèques et on donne des primes supplémentaires ", c'est la solution ? Non. Je pense qu'il y a un dialogue social, il y a des discussions salariales qui se font une fois par an. Et on sait que c'est souvent la cause des préavis qui sont déposés au moment de Noël. Et ce n'est pas tous les deux mois qu'on doit demander une augmentation, surtout qu'il y a eu des avancées très significatives financièrement ces derniers mois, et je dirais même plus, ces dernières années.

NEÏLA LATROUS
Je comprends que vous soutenez la direction dans la façons de mener les discussions et les négociations.

PHILIPPE TABAROT
La SNCF a besoin de pouvoir investir dans notre réseau ferroviaire. Ceux qui sont attachés au ferroviaire, les cheminots qui sont attachés au ferroviaire, doivent comprendre qu'avec les bénéfices – dont on retire quand même les 35 milliards de dettes qui ont été compensées par l'État ou ce que donne l'État chaque année à la SNCF – doivent pouvoir permettre d'investir dans le réseau. C'est ça le plus important, parce que notre réseau ferroviaire vieillit et on s'aperçoit qu'il y a des difficultés sur certaines lignes pour continuer à garder une vitesse qui puisse être commercialement intéressante.

NEÏLA LATROUS
Et je vais revenir sur la question des infrastructures, Philippe TABAROT, et de leur financement. Mais juste, le patron de la SNCF, puisqu'on parlait de la direction, a écrit aux cheminots pour leur dire : " Attention, nous perdons la confiance des Français ". Vous-même, vous dites : " Attention, une nouvelle grève serait lourde de conséquences, y compris financières ". L'État est toujours venu au secours de la SNCF en cas de coup dur. Est-ce que ce n'est pas un argument ? Les syndicats peuvent se dire : " Oui, ce sont des menaces qu'on a entendues par le passé, mais au final, l'État vient toujours au secours de la SNCF ".

PHILIPPE TABAROT
Si l'État vient au secours de la SNCF, c'est qu'on est attaché à ce service, on est attaché à cette entreprise.

NEÏLA LATROUS
Mais qu'est-ce que vous craignez, alors, comme conséquences ?

PHILIPPE TABAROT
On s'aperçoit, et Jean-Pierre FARANDOU l'a très bien dit dans sa lettre et le dit, aujourd'hui, dans une tribune chez vos collègues des Échos, les Français commencent à en avoir ras-le-bol de ce qui se passe au niveau de la SNCF et ils souhaitent de manière très claire que leur argent – puisque je rappelle que quand on dit : " L'État met la main à la poche ", c'est le contribuable – et je n'ai pas besoin de vous faire un dessin concernant la situation financière de notre pays, les quarante milliards qu'on doit trouver pour le projet de loi de finances. Donc, pour toutes ces raisons, je pense qu'il serait raisonnable de pouvoir revenir à la raison.

NEÏLA LATROUS
Mais qu'est-ce que vous craignez au fond pour la SNCF ? Que les Français se disent : " Il y a une concurrence qui arrive, il y a les Italiens, les Espagnols, il y a l'autobus, il y a la voiture, on ne prend plus le train " ?

PHILIPPE TABAROT
Je ne la crains pas, la concurrence ferroviaire, au contraire. Elle offre d'autres services.

NEÏLA LATROUS
Elle n'est pas une menace pour la SNCF ?

PHILIPPE TABAROT
Elle n'est pas une menace pour la SNCF, bien au contraire. On voit que dans d'autres pays où elle est pratiquée, je pense notamment en l'Espagne où c'est la SNCF qui pratique la concurrence, il y a eu dix millions de voyageurs en plus l'an dernier qui ont pris le train. Donc, la concurrence, moi, quelque part, me va très bien et je pense que c'est une saine émulation. Par contre, c'est la détérioration de l'image de la SNCF auprès des Français. Les Français ont envie de train, il y a un besoin de train. Et c'est surtout aussi qu'il y ait du report modal, mais du report modal, malheureusement, sur la route ou sur des moyens de transport beaucoup moins décarbonés que le train. Ceux qui mettent en péril la SNCF ont une responsabilité également par rapport à notre environnement et par rapport à cette volonté de décarboner nos transports.

NEÏLA LATROUS
Et pour comprendre à ce stade, Philippe TABAROT, je me mets dans la peau de quelqu'un qui nous écoute, qui a un billet de train en main pour lundi, mardi, mercredi, peut-être pour jeudi. Tous ces Français qui ont peut-être prévu de rejoindre leurs proches, leurs parents, des grands-parents qui attendent leurs petits-enfants, ils font quoi ?

PHILIPPE TABAROT
Je ne pense qu'à eux.

NEÏLA LATROUS
Mais qu'est-ce qu'ils font ? Ils attendent ? Ils revendent leurs billets ? Ils s'organisent autrement ?

PHILIPPE TABAROT
Ils auront une notification dans le week-end de la SNCF qui leur dira s'ils sont en mesure de pouvoir conserver, faire circuler le train en question ou si l'horaire du train est changé dans la journée. L'idée, c'est de garder un plan de transport le plus proche possible du plan de transport habituel.

NEÏLA LATROUS
Vous demandez un service minimum ?

PHILIPPE TABAROT
Le service minimum, de toutes les manières, va s'appliquer. La seule chose, c'est que nous n'avons pas encore – puisque je vous rappelle qu'il y a des préavis qui ont été déposés, le 7, le 9 et le 10, en plus de celui du 5. D'ailleurs, pas le 8, on se posera la question. Pourquoi ? C'est parce que c'est un jour férié et que c'est payé deux fois mieux au niveau de la SNCF. Donc peut-être se dire que 48 heures avant, ce n'est pas suffisant pour prévenir les personnes en amont, c'est ce que je souhaitais vous dire. Donc si un jour on arrive à avoir 72 heures, les plans de transport seront mieux adaptés. En tout cas, j'espère. Et il y en a des cheminots responsables, qui comprendront que la SNCF, je l'ai déjà dit, ne peut pas se permettre une grève supplémentaire pour ses finances et pour son image auprès des Français.

NEÏLA LATROUS
Pas de grève le 8 mai parce que les agents de la SNCF sont payés double, parce que c'est un jour férié, c'est ce que vous nous dites ?

PHILIPPE TABAROT
Donc c'est une coïncidence.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT. On posera la question puisque les syndicalistes de la SNCF passeront évidemment toute la journée sur l'antenne de BFM TV et RMC. Je voulais vous entendre aussi en tant que ministre des Transports sur, globalement, ce que vous voulez faire de l'écologie. Depuis hier, les propriétaires de véhicules électriques ont découvert, par exemple, qu'ils allaient devoir payer leur carte grise qui était gratuite jusqu'ici, c'est une disposition de la loi de finances qui permet aux régions d'augmenter les tarifs. Il n'y a que la région Hauts-de-France qui renonce à augmenter le coût de cette carte grise. Vous renoncez à l'électrification du parc automobile ?

PHILIPPE TABAROT
Non, pas du tout. Il y a des mesures encore dans ce projet de loi de finances concernant le bonus écologique, concernant le leasing social. Après, c'est une disposition que demandaient les régions depuis un certain temps : de pouvoir récupérer financièrement le produit des cartes grises, et elles ont cette possibilité à travers…

NEÏLA LATROUS
C'est une mesure incitative en moins.

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, chaque région prend ses responsabilités, mais de toutes les manières, c'est soit les utilisateurs, soit le contribuable qui finance. Donc, là, en l'occurrence, les tarifications sont libres au niveau des régions. Certaines pratiquent le tarif qu'elles souhaitent, d'autres ne font pas payer. C'est de leur ressort, ce n'est plus du ressort de l'État.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT, si on compte depuis quelques mois, entre cette possibilité laissée aux régions, la baisse du bonus écologique, le retour en arrière sur les ZFE, les zones à faible émission, le sentiment que ça donne, c'est que l'écologie n'est plus la priorité. Vous nous le confirmez ?

PHILIPPE TABAROT
Je crois que l'État fait beaucoup pour inciter à décarboner, notamment au niveau des transports. Il faut continuer. Je rappelle que les transports, c'est le secteur qui ne baisse pas de manière significative ses émissions. On doit continuer cet effort.

NEÏLA LATROUS
Emmanuel MACRON s'en est lui-même ému lors d'une réunion à l'Élysée le 31 mars dernier.

PHILIPPE TABAROT
J'y étais, oui, tout à fait.

NEÏLA LATROUS
Les transports doivent faire plus. Les ZFE, par exemple, en tant que ministre des Transports, qu'est-ce qu'on en fait ? On garde, on renonce, Paris-Lyon, on supprime ailleurs ?

PHILIPPE TABAROT
J'ai écrit, il y a deux ans, un rapport concernant les ZFE en tant que sénateur où j'ai dit qu'il faut sortir de l'impasse. Je demandais simplement un décalage de cinq années par rapport à la mise en place de l'interdiction des vignettes Crit'Air 3, qui existent déjà à Paris et à Lyon, parce que, tout simplement, je pensais qu'on avait besoin d'une meilleure information, d'un meilleur accompagnement, d'une meilleure coordination, et puis d'une meilleure individualisation. Et qu'il n'était pas indispensable d'envoyer à la casse des véhicules qui étaient bien entretenus, qui n'avaient certes pas la bonne vignette, mais qui étaient contrôlés très régulièrement. Et puis il y a cette distorsion entre les centres-villes et les campagnes.

NEÏLA LATROUS
Vous n'êtes pas pour leur suppression pure et simple ?

PHILIPPE TABAROT
On ne laisse pas rentrer certains véhicules parce qu'ils polluent dans les centres-villes, par contre, on les laisse dans les campagnes.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT, vous n'êtes pas pour leur suppression pure et simple partout, tout le temps ?

PHILIPPE TABAROT
Non, je ne l'ai jamais été. J'étais rapporteur de la loi Climat et Résilience où j'ai adouci, je dirais, le système, et là j'ai demandé d'aller plus loin depuis un certain nombre d'années parce que je voyais venir ce qui arrive. C'est pour ça que j'avais appelé mon rapport " Sortir de l'impasse ", avec des propositions très concrètes, et j'espère que ma collègue Agnès PANNIER-RUNACHER saura s'en saisir le moment venu.

NEÏLA LATROUS
Qui défend le texte, notamment la mesure, devant le Parlement.

PHILIPPE TABAROT
Il y a des personnes qui meurent de la pollution tous les jours, c'est la raison pour laquelle on doit continuer dans ce sens. Par contre, je ne souhaite pas d'une écologie punitive et d'une écologie qui soit mal expliquée, mal comprise par nos concitoyens.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT, j'en reviens à la question des infrastructures. En sortant de ce studio, vous avez rendez-vous à Matignon, vous irez voir le Premier ministre, pour préparer une conférence nationale qui a lieu lundi sur le financement des infrastructures de mobilité. Bon, si je fais court : comment financer les transports ? On estime à deux milliards par an les besoins pour le ferroviaire, 1,5 milliard par an pour les routes. Pour comprendre, on parle de construire de nouvelles infrastructures ou on parle de l'existant qui est en train de tomber en ruines, si j'exagère un peu, enfin à peine ?

PHILIPPE TABAROT
C'est la deuxième réponse. Oui, on parle de l'existant. Aujourd'hui, nous avons 10 000 kilomètres d'autoroutes dans notre pays. Nous avons 21 000 kilomètres de routes nationales, 27 000 kilomètres de voies ferrées. Ces infrastructures vieillissent. Plus on tarde à les rénover, à les régénérer, se crée une dette qu'on appelle une dette grise.

NEÏLA LATROUS
On parle de coûts d'argent à 3,5 milliards par an.

PHILIPPE TABAROT
Et plus on retarde l'échéance, plus les coûts seront importants. C'est l'objet de cette grande conférence de financement qui nous permettra de réunir pendant dix semaines 150 experts sur ces questions, des associations d'élus, des citoyens à travers des plateformes pour se dire comment financer demain le vieillissement de nos infrastructures, comment financer également certains projets, notamment en termes de sécurité, comment également pouvoir lutter contre le changement climatique et comment décarboner la route. C'est toutes ces questions qui vont nous occuper, et notamment la fin des concessions autoroutières, puisque je vous rappelle que dans notre pays, les autoroutes sont concédées depuis pratiquement 70 ans. On va arriver à la fin de ces concessions. Et moi, je souhaite très fortement, comme le souhaitent les Français – on l'a vu dans une enquête d'opinion – que le fruit des péages, et notamment des usagers, puisse servir demain à financer par solidarité d'autres modes de transport et d'autres infrastructures, comme les routes nationales et principalement les infrastructures ferroviaires. Nous avons un réseau, au niveau des infrastructures ferroviaires, qui a trente ans de moyenne d'âge, là où il a quinze ans de moyenne d'âge dans les autres pays européens. C'est tout ça.

NEÏLA LATROUS
Donc l'idée, c'est d'évaluer les pistes, les péages. Il y a d'autres pistes envisagées ? L'impôt, écarté ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, l'impôt direct, écarté. Par contre, la possibilité pour, je pense, chaque mode de transport, de voir comment arriver à se décarboner, arriver à trouver des financements, avoir du fléchage. Aujourd'hui, le secteur des transports est taxé à hauteur de soixante milliards. Qu'est-ce qu'il reste dans ces taxes pour le secteur des transports ? Moins de 10 %. Donc ce que nous souhaitons, c'est simplement une meilleure répartition pour que le secteur des transports puisse répondre aux défis dont on vient de parler.

NEÏLA LATROUS
Philippe TABAROT, j'en viens à un dossier qui émeut beaucoup les Parisiens et les Franciliens en général – ça reste une région importante et qui est énormément dotée en voitures. La fin de la période de tolérance sur le périphérique parisien : ceux qui utilisent la voie de gauche en étant seuls dans leur voiture, c'est-à-dire en ne covoiturant pas, vont commencer à recevoir les premières amendes : 135 euros. Ça devait pourtant être une expérimentation, cette voie pour les véhicules qui font du covoiturage. Quand on installe des amendes, des radars, 135 euros, c'est que c'est parti pour durer.

PHILIPPE TABAROT
C'est une expérimentation. Monsieur le Préfet de police, je crois l'avoir rappelé sur votre antenne, hier. Il y a deux choses. Il y a le périphérique qui est de la responsabilité de la mairie de Paris, et il y a les autoroutes A1 et A13 qui sont de la responsabilité de l'État. Moi, je ne souhaite pas que sur l'A1 et sur l'A13 il y ait de verbalisation, donc, il n'y en aura pas aujourd'hui. Il n'y en aura que sur le périphérique.

NEÏLA LATROUS
Mais vous dites à ceux qui nous écoutent et qui nous regardent : ce n'est qu'une expérimentation ?

PHILIPPE TABAROT
C'est une expérimentation. Nous avons prévu de nous revoir en septembre pour décider ce qui se fera. Je ne suis clairement pas toujours en phase – c'est le moins qu'on puisse dire – avec les préconisations de la mairie de Paris en termes de circulation, que ce soit dans la ville ou sur le périphérique. Donc, je souhaite qu'on puisse, à travers des éléments objectifs, prendre les décisions.

NEÏLA LATROUS
Qu'est-ce qu'on appelle un élément objectif ?

PHILIPPE TABAROT
Des chiffres sur la fréquentation, la lutte contre l'autosolisme, c'est-à-dire une seule personne dans la voiture. Je rappelle que c'est ce qui a engendré la création de ces voies réservées. Et par rapport à une possibilité de rétractabilité dans la journée : dire que s'il y a trop de bouchons et trop d'embouteillages, ce système peut être arrêté d'une minute à l'autre.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2025