Interview de M. Patrick Mignola, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement, à France 2 le 2 mai 2025, sur les manifestations du 1er mai, l'activité parlementaire, le port du voile dans les compétitions sportives et le scrutin proportionnel.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous, bonjour Patrick MIGNOLA,

PATRICK MIGNOLA
Bonjour,

JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin. Que vous ont inspiré les images que l'on a vues, hier ? Ces violences dans les manifestations du 1er mai à Paris, en particulier, avec ces agressions dirigées contre les dirigeants du parti socialiste et, en particulier, le député Jérôme GUEDJ ?

PATRICK MIGNOLA
Ça m'a inspiré deux choses. D'abord, il faut rappeler que les manifestations se sont bien passées et donc, il faut remercier, à la fois, les organisateurs, les partenaires sociaux. On pouvait craindre des débordements, il y en a eu peu. Mais effectivement, deuxième chose, il y a eu des débordements très graves. Il y a des élus qui se sont attaqués au Parti socialiste, à qui j'ai dit évidemment ma solidarité, mon soutien en tant que ministre du Gouvernement et au nom du Gouvernement. Mais je crois qu'à chaque fois, on condamne. Il ne faut jamais cesser, il ne faut jamais s'habituer à condamner et il faut qu'à chaque fois, on soit sans ambiguïté et qu'on ne soit pas alambiqués. Je pense que tous les mouvements et je pense en particulier à la France insoumise ou aux écologistes, doivent condamner eux aussi sans ambiguïté. Parce que, moi, je fais une vraie différence entre cette extrême gauche violente et agissante avec les partis qui siègent à l'Assemblée nationale. Mais il faut qu'eux, de leur côté, ne se limitent pas à des condamnations ambiguës.

JEFF WITTENBERG
Et vous trouvez qu'ils n'en font pas assez ?

PATRICK MIGNOLA
Et je trouve qu'ils n'en font pas assez, effectivement, qu'ils ne condamnent pas suffisamment pour expliquer que quand on défile en faveur du monde du travail sur la valeur travail, on n'est pas là pour régler des comptes politiques ou pour aller rallumer je ne sais quelle guerre de religion.

JEFF WITTENBERG
Vous êtes le ministre des Relations avec le Parlement, un Parlement qui ne sèche pas le 1er mai alors que c'était votre volonté. Vous souhaitiez, vous, qu'il y ait une session, en tout cas, que les députés siègent ce week-end et le week-end prochain, ça n'a pas été le cas. Vous n'avez pas convaincu les présidents de groupe ?

PATRICK MIGNOLA
Non, En fait, on a trouvé un accord parce que la volonté du Gouvernement, c'est comme il y a beaucoup de textes à faire voter parce qu'on sort de six mois de crise politique, l'année dernière, et que dans ce semestre 2025, il faut faire l'équivalent du travail de deux semestres, on souhaitait que le texte soit fini. On a trouvé un accord pour ouvrir les trois week-ends, les trois derniers week-ends de mai plutôt que les deux premiers. Vous savez, au lendemain du 1er mai, ce n'était pas facile pour les députés de revenir.

JEFF WITTENBERG
Est-ce que c'est pour compenser ces images que l'on a vu en début de semaine et qui ont quand même frappé les esprits ? Lundi, il n'y avait quasiment personne. Une dizaine de députés pour écouter François BAYROU parler d'un sujet un petit peu important quand même, la politique énergétique de la France. Le Premier ministre a dit que c'était lamentable, mardi en réunion. Est-ce que vous aussi, vous avez été choqué ?

PATRICK MIGNOLA
C'est un gros raté. Mais vous savez, la vie d'un député, surtout aujourd'hui, reprise comme ça, c'est assez compliqué parce que quand ils sont en circonscription, ils se font engueuler parce qu'ils ne sont pas dans l'hémicycle et quand ils sont dans l'hémicycle, ils se font engueuler parce qu'ils sont pas en circonscription. Bon, l'incident est clos. Il y aura un texte avec vote sur l'énergie au mois de juin et ça permettra d'avancer. Mais je ne veux pas qu'on verse dans une forme d'anti-parlementarisme. Et un député, si on ne le voit pas dans l'hémicycle, ça veut dire que parfois il est en commission ou parfois il est sur le terrain et c'est très utile aussi.

JEFF WITTENBERG
L'incident est clos, dites-vous, mais quand même une mesure en quelque sorte de rétorsion de dire bah finalement, on va siéger les trois prochains week-ends, hormis celui-ci le suivant pour compenser, en quelque sorte, ce qui n'a pas pu être fait avant. Est-ce qu'il y aura une session extraordinaire par exemple ?

PATRICK MIGNOLA
Ce n'est pas une mesure de rétorsion, c'est une mesure de sérieux. On a besoin de faire aboutir les textes. C'est depuis le début de l'année en fait, après les textes budgétaires, on a fait voter des textes agricoles, on a fait voter des textes pour les mairies, on a fait voter des textes régaliens, on a voté narcotrafic et justice des mineurs. Oui, c'est vraiment un procès qui est absolument incompréhensible parce qu'en quatre mois, ce Gouvernement a fait plus que les quatre premiers mois de gouvernement avant lui.

JEFF WITTENBERG
Mais il ne l'a pas fait savoir suffisamment ?

PATRICK MIGNOLA
Peut-être, pas suffisamment. L'important, c'est que les Français voient des évolutions dans leur quotidien. Le Premier ministre, il a fait des propositions sur l'école et la formation des enseignants. Il a fait, la semaine dernière, des propositions sur les déserts médicaux. Ça fait dix ans qu'on en parle. Il fallait qu'on règle enfin ce sujet. On va faire des propositions sur le logement. On est en train de préparer la réforme de l'État et le budget. Et donc, l'important c'est qu'on trouve du temps, à l'Assemblée nationale, pour, chaque fois, aller au bout des textes.

JEFF WITTENBERG
Alors, au bout des textes, il y avait un texte qui avait été voté par le Sénat au début de l'année, qui était l'interdiction du port du voile, notamment dans les compétitions sportives. Il a été question que ce texte arrive à l'Assemblée nationale. On ne voit rien venir. Quel est votre souhait, à vous ?

PATRICK MIGNOLA
J'ai dû programmer et j'en prends la responsabilité, dès le mois de février jusqu'à la fin du mois de juin, tous les textes, justement pour rattraper le retard dont je parlais tout à l'heure. Mais la moitié du temps est consacrée à l'ordre du jour du Parlement et le Parlement peut évidemment le placer et le Gouvernement l'accompagnera. Quelle est la position ? Il ne s'agit pas de faire des manœuvres dilatoires pour dire la position du Gouvernement sur le voile, il y a l'interdiction du voile dans les compétitions des fédérations sportives qui sont délégataire de service public. C'est exactement la loi. Partout où il y a un service public, c'est la laïcité qui s'impose. La laïcité, c'est quoi ? C'est la foi ne fait pas la loi. La loi protège la foi. Et donc, ce qui a été voté au Sénat devrait être voté à l'Assemblée.

JEFF WITTENBERG
Mais il y a une division au sein même du Gouvernement. Elisabeth BORNE, La ministre de l'Éducation, par exemple, y est défavorable. Le Premier ministre lui-même a dit qu'il ne fallait pas stigmatiser les musulmans à travers ces…

PATRICK MIGNOLA
Il y a une position sur les compétitions sportives, mais comme vous le savez, on ne va pas rallumer la guerre du voile comme on le fait. On adore faire ce genre de débats en France tous les deux ou trois ans. Même le Rassemblement national, à un moment, avait proposé l'interdiction du voile dans l'espace public et même le Rassemblement national était revenu dessus. Donc, on sait bien ce qui est derrière tout ça, c'est l'entrisme, c'est le frèrisme, c'est le prosélytisme. Moi, je fais une différence entre les musulmans et les islamistes. Et il ne faut surtout pas confondre les deux. Et le rôle du Gouvernement, c'est de faire respecter la laïcité, mais ne jamais mettre en cause les religions en tant qu'elles-mêmes.

JEFF WITTENBERG
Patrick MIGNOLA, un autre sujet, est-ce que la proportionnelle, c'était une priorité ? François BAYROU a commencé à recevoir les partis politiques, le Rassemblement national que vous évoquiez à l'instant, est-ce que pour les Français, vous considérez que c'est l'urgence du moment de rétablir le scrutin proportionnel ?

PATRICK MIGNOLA
Il y a bien d'autres priorités, et je vous les ai cité tout à l'heure, on avait communiqué pour quelques-unes, mais sur des centaines d'heures de débats au Parlement, il paraît bien d'en avoir trois ou quatre, de temps en temps, qui sont consacrés à la modernisation de la vie politique française. Le président de la République, hier, a permis d'ouvrir tous les cahiers de doléances qui avait été fait au moment des gilets jaunes et du grand débat national, c'est le sixième anniversaire. La première demande des Français, c'était la représentation proportionnelle, puisqu'ils ont le sentiment que leur vote n'était pas respecté. Donc, à concerter avec les uns et les autres pour voir s'il est possible. On me disait la même chose sur la loi Paris-Lyon-Marseille.

JEFF WITTENBERG
Mais qu'est-ce que vous souhaitez, pour autant, que ce soit voté avant les prochaines élections législatives pour la proportionnelle aux prochaines législatives.

PATRICK MIGNOLA
Cela va de soi. Si on parle du mode de scrutin pour les législatives, il faut que ce soit voté avant les prochaines législatives. S'il y a un consensus se dégage. Vous savez, il y a une proportionnelle qui marchait très bien. J'avais, quand j'étais député, déposer une proposition de loi là-dessus. La proportionnelle 1986, celle de François MITTERRAND par département, ça permet une bonne représentativité et de la proximité dans les petits départements. Et ça permet, dans les grands, d'avoir la représentation la plus large possible pour que tout le monde se sente respecté.

JEFF WITTENBERG
Les calculs qui ont été faits par projection montre que c'est le Rassemblement national qui en serait le principal bénéficiaire. D'ailleurs, il est favorable à cette mesure. Vous êtes prêt à cette éventualité ? Il aurait, aujourd'hui, 50 députés de plus avec de la proportionnelle.

PATRICK MIGNOLA
À chaque fois qu'on fait des simulations, on se trompe. Et là, en l'occurrence, pourtant, l'excellent service politique de France Télévisions s'est trompé parce qu'ils ont fait une projection sur la base d'une proportionnelle nationale qui n'est pas à l'ordre du jour. La discussion, c'est de savoir si les départementales et régionales, la préférence, ma préférence personnelle que je peux formuler, ici, c'est une proportionnelle départementale qui sera beaucoup plus équilibrée et qui apportera surtout un esprit de compromis. On aurait peut-être la même Assemblée nationale avec la proportionnelle, mais avec des femmes et des hommes qui accepteraient de travailler ensemble. Alors que quand on est élu au scrutin majoritaire, c'est en battant les autres. Et quand on se retrouve à l'Assemblée, on a moins envie, après s'être battu avec les autres, de trouver des compromis intelligents pour les Français.

JEFF WITTENBERG
C'est ainsi que vous la défendez en tout cas. Merci beaucoup. Patrick MIGNOLA, ministre des Relations avec le Parlement. Et c'est la suite de Télématin.

PATRICK MIGNOLA
Et bravo pour votre retour.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2025