Texte intégral
M. Claude Raynal, président. - Madame, monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir, pour la première fois dans ce rôle, M. le ministre Éric Lombard et Mme la ministre Amélie de Montchalin, pour une audition générale dans laquelle il sera essentiellement question de l'exécution du budget 2025, de la préparation du budget 2026 et de notre trajectoire de finances publiques, ce qui permet en réalité d'aborder à peu près la totalité de vos portefeuilles.
Vous avez pris vos fonctions à un moment très particulier, à savoir trois jours après la promulgation de la loi spéciale, en conséquence de la censure du gouvernement de Michel Barnier et, donc, de l'interruption immédiate de l'examen du projet de loi de finances. On peut donc dire que vous avez eu à exécuter, entre le début de l'année et le 13 février, un budget provisoire qui n'était pas le vôtre et, depuis la promulgation de la loi de finances pour 2025, un budget sur lequel vous n'avez pu intervenir qu'en bout de chaîne, avec sans doute un résultat assez éloigné des objectifs initiaux de vos prédécesseurs, puisqu'en 2025 le déficit public devrait représenter 5,4% du PIB, alors qu'il était question qu'il soit limité à 5%.
Cela dit, atteindre ces 5,4% serait déjà en soi une réussite, quand on sait les dérapages majeurs qui ont été enregistrés en 2023 et 2024. Vous nous direz quels outils vous utilisez pour maintenir ce cap budgétaire, et dans quelle mesure la mise en oeuvre des services votés s'est bien déroulée et pourrait contribuer au respect de la prévision.
Cette audition doit aussi être l'occasion pour vous d'évoquer l'évolution de la situation économique et internationale et son impact prévisible sur les finances publiques de la France.
Les prévisions de croissance de l'Insee, publiées hier, sont moins bonnes que prévu pour les deux premiers trimestres, avec en particulier une croissance de 0,1% au premier trimestre, contre une prévision de 0,2% quelques mois auparavant : du fait de la loi spéciale, " le moteur de la dépense publique s'éteindrait ", selon l'Insee.
L'acquis de croissance à la fin du deuxième trimestre serait de 0,4% et il faudrait une croissance de 0,6% sur chacun des deux derniers trimestres pour atteindre la prévision de 0,9%. Estimez-vous cette prévision encore crédible ?
Dans la mesure où cette plus faible croissance entraînerait de plus faibles recettes et que la hausse attendue du taux de chômage engendrerait des dépenses d'indemnisation plus élevées que prévu, la prévision de déficit public à 5,4% du PIB vous paraît-elle pouvoir être maintenue ?
Par ailleurs, le Président de la République a annoncé une évolution des dépenses de défense de 2 % à 3,5% du PIB. Il est prévu un passage de ces dépenses de 50 milliards à 67 milliards d'euros en 2030, le ministre des armées souhaitant même que l'on se fixe un objectif de 100 milliards d'euros. Il n'est pas impossible, du moins si les pays européens évitent d'acheter américain, que le réarmement génère un effet multiplicateur renforçant la croissance ; mais sera-t-il suffisant pour financer cette hausse massive de dépenses ?
Quelles dépenses comptez-vous réduire par ailleurs ? Envisagez-vous une hausse des recettes pour financer cet effort de défense, voire un nouveau recours à la dette ? Au fond, n'est-il pas nécessaire de réviser le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) pour tenir compte de l'effort de défense qui sera fourni ?
S'agissant de la préparation du budget 2026, et peut-être des budgets à venir, vous avez déjà amorcé une évolution en matière de méthode, avec un plan d'action pour améliorer le pilotage des finances publiques. Élaboré à la suite de deux rapports de l'inspection générale des finances (IGF), il reprend également quelques-unes des propositions que nous avons formulées en juin dernier avec le rapporteur général, dans le cadre de la mission d'information de la commission des finances portant sur la dégradation des finances publiques. Comment envisagez-vous la préparation de ce budget pour 2026 ?
Nous nous interrogeons également sur l'articulation entre les nouvelles règles budgétaires européennes, le traité sur la stabilité, la coordination et gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) et l'état actuel de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Les nouvelles règles budgétaires européennes prévoient ainsi que les indicateurs intégrés dans la Lolf et prévus par le TSCG soient remplacés par un nouvel indicateur de référence, l'indicateur de dépenses nettes.
Le TSCG continue-t-il de s'appliquer ? Les nouvelles règles budgétaires européennes sonnent-elles, à l'inverse, la disparition des lois de programmation des finances publiques (LPFP) ? Dans le cas contraire, quand prévoyez-vous de soumettre au Parlement une nouvelle LPFP ? Je rappelle en effet que celle qui est actuellement en vigueur est très largement caduque : elle prévoyait un déficit de 4,4 % du PIB en 2024 - il serait de 6% - et de 3,7% du PIB en 2025 - il serait de 5,4%.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui sur un sujet important dans un contexte économique et géopolitique troublé.
La stabilité des finances publiques demeure un impératif et nous rappelons souvent que la souveraineté financière est l'une des composantes essentielles de la souveraineté de la Nation.
Je commencerai en évoquant quelques éléments positifs, puisque, selon l'Insee, le climat des affaires se redresse légèrement depuis le mois de décembre 2024, tandis que la confiance des ménages dans la situation économique progresse de nouveau en février. L'inflation, quant à elle, a fortement reculé, atteignant 0,8% en février 2025, ce qui, en lien avec la baisse des prix de l'électricité, améliore le pouvoir d'achat des ménages.
En outre, le taux d'épargne est historiquement élevé, ce qui peut apparaître comme une nouvelle médiocre, mais ce qui donne également les moyens de financer un éventuel rebond de la consommation. Enfin, l'incertitude a reculé grâce à l'adoption de la loi de finances, dans les conditions dont nous nous souvenons tous.
Le cadre économique est néanmoins sous tension.
Pour ce qui concerne les tensions commerciales, la France a entamé un dialogue à tous les niveaux : entre le Président de la République et le président Trump ; avec Laurent Saint-Martin, j'ai discuté avec mon homologue Scott Bessent, ainsi qu'avec Howard Lutnick et Jamieson Greer, le ministre du commerce et le représentant spécial sur le commerce ; les ministres des finances du G7 se sont déjà rencontrés à deux reprises.
Si les Américains ont confirmé qu'ils continueraient de s'inscrire dans le cadre de ces dialogues multinationaux, nous progressons peu. En réponse aux hausses de droits de douane américaines, la Commission européenne, en liaison étroite avec les États membres, notamment la France, prépare des mesures frappant les importations venant des États-Unis pour un montant équivalent. Si cela devait se poursuivre, cela aurait un impact défavorable sur la croissance.
La situation internationale, notamment ce qui se passe à l'Est, a évidemment une incidence sur la façon dont nous envisageons l'avenir de l'Union européenne. Le Président de la République a souhaité que l'Union européenne et ses alliés européens, Britanniques et Norvégiens, organisent une revue de notre organisation de défense, dans le cadre de l'Otan, certes, mais avec une dimension européenne autonome. L'objectif, qui passe par une augmentation de nos dépenses de défense, est évidemment de garantir la paix.
Il nous faudra un peu plus d'argent public et des entreprises plus fortes. L'Union européenne a officiellement donné son accord pour qu'une telle augmentation de dépenses bénéficie exclusivement à l'industrie européenne. Demain, à Bercy, avec le ministre Sébastien Lecornu, j'organise une rencontre des industriels de la défense et des acteurs de la finance, afin de soutenir un tel développement.
Par ailleurs, vous avez pris connaissance des dernières décisions des agences de notation. Nous conservons une très bonne note - AA- -, mais Standard & Poor's et Fitch dressent une perspective négative. Voilà une incitation très forte à veiller rigoureusement au respect de l'objectif de 5,4%.
Il y a une mauvaise nouvelle liée à l'évolution des taux d'intérêt, qui ont brutalement augmenté en Europe. L'une des raisons, plutôt positive en réalité, c'est la décision révolutionnaire prise par nos amis allemands d'en finir avec le frein à la dette. Cela va leur permettre d'investir massivement, au prix d'une dégradation de leur déficit, afin de financer l'effort de défense commun. J'ai la conviction que ce qui est bon pour l'économie allemande est bon pour l'économie européenne et pour l'économie française.
Sur les marchés financiers, le taux à dix ans allemand a monté et le taux français a suivi, même si, grâce à la mise en place d'une politique très rigoureuse en matière de finances publiques, l'écart entre l'Allemagne et la France s'est réduit. Nous ne sommes d'ailleurs pas très éloignés de notre hypothèse de départ, puisque nous tablions sur des taux longs à 3,6% à la fin de 2026.
La hausse des droits de douane aurait un impact négatif sur la croissance des États-Unis, donc sur la nôtre. Tout cela doit ainsi nous inciter à être extrêmement prudents dans l'exécution budgétaire.
L'exécution budgétaire de 2024 a été maîtrisée, après la constatation des dérapages. Notre déficit est un peu moindre que ce qui était attendu voilà encore quelques semaines : il devrait s'établir proche de 6% du PIB. Du côté des dépenses des collectivités locales, les nouvelles, en attendant l'estimation officielle précise le 27 mars, sont assez bonnes.
Pour 2025, l'objectif que nous avons fixé est ambitieux : 5,4% du PIB. Dans le cadre du pilotage des finances publiques, les réunions de travail que nous allons conduire avec l'ensemble des ministères concernés visent à mieux préparer le dialogue, tout à fait central, que nous avons ensemble.
Ce pilotage est structuré autour de trois axes. Premièrement, une meilleure gestion du risque et de l'incertitude, avec une première réunion " d'alerte des finances publiques " le 10 avril, pour suivre l'exécution et prendre éventuellement des mesures correctrices. Deuxièmement, une transparence et une redevabilité accrues à l'égard du Parlement. Troisièmement, le renforcement des outils de prévision et d'anticipation, avec la création d'un cercle des prévisionnistes.
Nous sommes en train de mettre à jour la trajectoire macroéconomique et budgétaire en vue de la présentation au Parlement, le 16 avril, du rapport annuel d'avancement du PSMT, lequel sera adressé à la Commission européenne.
La réduction du déficit à 5,4% s'inscrit dans le cadre d'une trajectoire rigoureuse et nous visons, malgré l'effort accru en matière de défense, un taux inférieur à 3% en 2029. C'est aussi un engagement européen. Les outils de pilotage mis en place, le dialogue fréquent engagé avec les parlementaires et, surtout, notre très forte volonté nous rendent confiants dans l'atteinte de cet objectif.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, c'est un honneur d'être devant vous aujourd'hui pour cette première audition devant votre commission. Ayant été membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale, je sais combien les prérogatives d'évaluation et de contrôle des parlementaires sont essentielles. Je viendrai aussi souvent que nécessaire devant vous pour partager la réalité de nos actions menées en vue de tenir les engagements pris et qui reflètent le compromis parlementaire exprimé dans la loi.
Le budget 2025 a donc été promulgué le 14 février, après un débat mené dans des circonstances politiques inédites et difficiles. En miroir du compromis trouvé, nous devons assurer une transparence totale sur son exécution, en associant évidemment les parlementaires, mais également d'autres acteurs, notamment les présidents des caisses de sécurité sociale ou les représentants des élus. Il nous faut refaire unité budgétaire là où notre pays a tant besoin d'unité nationale, en évitant de nous opposer sur tel ou tel chiffre.
Au regard des circonstances, la méthode doit elle aussi évoluer, pour tenir à la fois l'engagement du Premier ministre d'un déficit à 5,4 % et la trajectoire de réduction à moyen terme, en retrouvant une capacité à arrêter d'augmenter la dette et en amorçant un désendettement.
Il nous faut sortir de l'idée que le budget ne se discute qu'à l'automne, avec quelques éléments à l'été. Nous devons adopter un calendrier et une méthode qui nous permettent de faire des ajustements aussi souvent que nécessaire, pour passer d'un « quoi qu'il en coûte » des temps de crise à un " quoi qu'il arrive " des temps d'incertitude, c'est-à-dire à une méthode prudentielle qui nous permette de gérer les aléas.
Le 27 mars prochain, l'Insee présentera sa prévision finale de déficit. La loi de fin de gestion et les derniers éléments à notre disposition laissent à penser que le 6% annoncé pourrait d'ailleurs être un peu meilleur que prévu.
Le déficit de la sécurité sociale s'établirait ainsi à 15,3 milliards d'euros, là où il était encore question lors de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 18,2 milliards d'euros. Outre un meilleur recouvrement des créances liées à la crise du covid, il y a eu, en fin d'année, un ralentissement de certaines dépenses de fonctionnement des collectivités, qui, en rythme annuel, vont croître de 4,5% à 5%, soit moins que les 8% estimés à la fin du premier semestre 2024 mais toujours plus que la croissance du PIB nominal de 2024, établie à 3,4%.
Le début de l'année 2025 a été marqué par la loi spéciale et les services votés. Nous avons envoyé très régulièrement au rapporteur général et au président la chronique des dépenses, dans ce monde inédit et assez peu pilotable.
Si nous avons fait au mieux, rendons-nous à l'évidence : un tel régime n'est ni souhaitable ni efficace. D'abord, il a beaucoup pesé sur la croissance des entreprises, des ménages, des agriculteurs. Ensuite, il a bloqué les collectivités dans leur capacité à établir elles-mêmes des budgets et à connaître les recettes qui leur seraient octroyées. Enfin, il a contrarié les gestionnaires publics : la campagne tarifaire hospitalière n'est pas encore close, du fait de la promulgation tardive du PLFSS, le 28 février dernier. De même, dans certains ministères, la programmation budgétaire, d'habitude établie en août et finalisée en janvier, est en train d'être close seulement maintenant.
Depuis le 14 février, nous avons retrouvé un cadre plus habituel de gestion des finances publiques. La gestion technique, au mois le mois, qui a pu prévaloir n'est plus tenable dans les circonstances politiques et budgétaires actuelles. D'où le plan d'action que nous avons présenté, qui nous semble une méthode très partenariale, particulièrement ouverte et qui tient compte, monsieur le rapporteur général, des très nombreuses préconisations que vous aviez établies dans le cadre de votre rapport d'information sur la dégradation des finances publiques.
Par votre recommandation n° 9, vous demandiez, pour sortir du déni collectif, la mise en place d'un système d'alerte du Parlement en cas de dépassement significatif de la prévision des finances publiques. Nous y avons répondu : cette nouvelle structure devrait tenir sa première réunion le 10 avril prochain, car nous entendons être transparents non seulement sur les chiffres, mais surtout sur nos décisions, sur les ajustements et sur les mesures prudentielles que nous mettons en oeuvre pour faire face à la réalité de la croissance et des recettes.
Évidemment, cette nouvelle structure n'amoindrit en rien vos compétences et les missions de contrôle et de suivi que vous menez. Elle va même les renforcer, puisque y seront associés les caisses de sécurité sociale et les élus locaux. Le déficit, c'est bien le déficit de toutes les administrations publiques, pas seulement celui de l'État. Nous devons en faire une affaire collective.
Par votre recommandation n° 4, vous souhaitiez que soient publiés beaucoup plus régulièrement des intervalles de confiance et des scénarios alternatifs. Vous avez raison, c'est une nouvelle culture de gestion du risque et des aléas qu'il nous faut instaurer avec l'État, la sécurité sociale et les collectivités. Désormais, les projets de loi de finances intégreront une prévision qui quantifiera nos aléas et nos incertitudes, plutôt que de se focaliser sur un chiffre parfois un peu totémique. Nous souhaitons avoir avec vous une estimation plus claire des aléas haussiers et baissiers que nous incluons dans nos prévisions, afin que les incertitudes soient partagées et transparentes.
Par les recommandations nos 14 et 15, vous entendiez que soit renforcé le rôle du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), garant essentiel de la qualité de nos prévisions, de notre crédibilité budgétaire et de la bonne tenue des comptes publics. Nous renforçons son rôle puisque nous nous engageons à lui transmettre l'ensemble des documents budgétaires, notamment dans le cadre du PSMT. Nous associerons évidemment le HCFP et la Cour des comptes à tous les travaux, de manière proactive, dès qu'ils le souhaiteront.
Par la recommandation n° 1, vous proposiez d'instaurer un suivi régulier des recettes de l'ensemble des administrations. Là aussi, nous suivons vos recommandations puisque deux missions internes, l'une portant sur les remboursements de TVA, l'autre sur la prévision de l'acompte d'impôt sur les sociétés (IS), ont été lancées pour gagner en fiabilité - du moins, nous l'espérons.
Vous connaissez peut-être mieux que quiconque le sempiternel débat sur le tendanciel, c'est-à-dire les économies que nous aurions pu réaliser par rapport, non pas à un chiffre, mais à ce qui se serait passé si nous n'avions rien fait. Ce tendanciel est, sans mauvais jeu de mots, parfois tendancieux : il n'est pas consensuel et de nombreuses hypothèses peuvent alimenter une polémique à l'instant où le projet de loi de finances est présenté. Nous souhaitons là aussi mettre en place une méthodologie transparente et vous la présenter, afin de partager l'ensemble des éléments sous-jacents.
Voilà donc pour les changements de méthode que nous mettons en oeuvre dès maintenant. J'en viens désormais à l'exécution de la loi de finances pour 2025.
Éric Lombard l'a dit : nous faisons face à de nombreux aléas.
En matière de recettes, tout d'abord : la croissance est, par définition, soumise à de multiples aléas. Actuellement, ils sont négatifs, compte tenu du contexte international, comme l'a montré la Banque de France dans ses prévisions.
En matière de dépenses, ensuite : au vu de l'évolution des menaces, et comme l'a annoncé le Président de la République, nous devrons très certainement augmenter nos dépenses de défense ; nous pourrons revenir sur le détail et l'ampleur de ces mesures. Il nous semble important, là aussi, d'être extrêmement transparents.
Néanmoins, ces aléas ne sont pas des excuses. Ces incertitudes ne peuvent pas devenir un prétexte pour ne pas tenir notre engagement sur la cible de déficit. Au contraire, elles nous contraignent à contenir nos déficits pour être en mesure de faire face à de nouvelles menaces et d'assurer le maintien de notre souveraineté : notre crédibilité internationale tient à notre capacité à financer de manière rapide et crédible les annonces qui pourraient être faites.
Ainsi, nous avons commencé à mettre en place une gestion prudentielle pour l'ensemble de nos administrations, afin d'être capables de financer nos priorités. Je souhaite vous présenter les actions qu'Éric Lombard et moi-même avons déjà mises en oeuvre.
Premièrement, nous avons mis en réserve un peu plus de 8 milliards d'euros sur la base des quantums et ratios de mise en réserve que vous connaissez - ce sont les mêmes que l'année dernière. La nouveauté réside dans le fait que cette réserve est désormais interministérielle, ce qui permet de créer de la solidarité entre les ministères. Certains d'entre eux, dont le budget est important, doivent faire face à peu d'aléas. D'autres, dont le budget est plus modeste, subissent nombre d'aléas : c'est le cas de l'outre-mer et de l'agriculture. La réserve interministérielle permet justement de gérer de tels aléas. Autre novation : nous avons créé une réserve au sein de la sécurité sociale pour les dépenses d'assurance maladie.
Deuxièmement, nous avons mis fin à la pratique abusive de reports de crédits constatée depuis 2021. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, vous aviez raison de souligner que ces reports, qui se sont élevés jusqu'à 43 milliards d'euros en 2021, empêchaient de respecter l'exécution budgétaire. Ceux-ci constituent un aléa de gestion très important : par définition, les montants reportés n'ont pas été inscrits en loi de finances initiale (LFI). Résultat : ils aggravent le déficit.
Nous avons décidé d'abaisser le montant des reports à 16,8 milliards d'euros en 2025, contre 23,5 milliards d'euros en 2024. Nous avons presque divisé par deux les reports des ministères, puisque nous sommes passés de 7,8 milliards à 4,4 milliards d'euros. D'autres reports sont plus techniques, comme ceux qui sont liés aux fonds de concours ou au plan de relance, qui s'éteindra dans les prochains mois. Ces reports sont d'ailleurs publics et publiés au Journal officiel.
La seule exception porte sur les reports du ministère de la défense, avec des reports en autorisations d'engagement (AE) exceptionnellement majorés de 7,8 milliards d'euros, au vu des nouvelles commandes que le ministère pourrait mettre en oeuvre dès 2025. Cela ne se traduira pas nécessairement par des dépenses supplémentaires de 7,8 milliards d'euros : il s'agit d'une autorisation à passer des commandes si le besoin s'en fait sentir, notamment pour de nouveaux contrats d'armement.
Troisièmement, nous avons souhaité une programmation budgétaire exigeante pour que les économies soient réellement documentées. En outre, celle-ci doit respecter vos votes ; je vous sais très sensible à cette question, monsieur le rapporteur général, et vous êtes parfaitement dans votre rôle, puisqu'il s'agit de respecter la loi, les accords politiques et les intentions exprimées au sein des commissions mixtes paritaires (CMP). Ainsi, un débat avait eu lieu sur la manière de mettre en place les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Mais ce débat n'a pas lieu d'être : il faut mettre en oeuvre le vote du Parlement, qui a prévu 200 millions d'euros pour ces plans. Je remercie Agnès Pannier-Runacher qui a fait en sorte que la loi soit bien respectée : c'est, je pense, la condition nécessaire pour trouver de nouveaux compromis à l'avenir.
Quatrièmement, nous avons mis fin à la pratique historique consistant à allouer les crédits aux services déconcentrés et aux opérateurs dès le 1er janvier. Une partie de ces crédits, réservée au domaine interministériel, ne sera décaissée que si les circonstances le permettent et que si les dépenses sont effectives. Là encore, il s'agit de faire montre de prudence, à l'instar des élus locaux : nous aurons l'occasion d'échanger avec eux sur ce sujet lors de la réunion du 10 avril. Cette prudence est de nature à rendre crédible l'engagement de maintenir le déficit à 5,4%, alors que nous devrons peut-être composer avec les aléas que j'ai mentionnés plus tôt.
Je terminerai en évoquant le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Si nous voulons mener des actions importantes et ambitieuses, il faut nous donner un minimum de temps. Ce temps n'est pas perdu : il est essentiel pour échanger avec les Français sur la situation de nos finances publiques et sur les choix à faire. Nous nous y attellerons d'avril à juin : nous voulons aboutir à un constat, puis à des choix collectifs et démocratiques sur les missions de l'État, sur ce qu'il doit assumer ou pas.
Il s'agit d'une étape essentielle. Nous entendons sortir d'une logique binaire de construction budgétaire oscillant entre deux écueils : se fonder sur le budget de l'année précédente en se contentant d'ajouter l'inflation, d'une part, ou en ajoutant de nouvelles priorités sans jamais revenir sur les priorités précédentes, d'autre part. Nous devons sortir de la logique de rabot pour nous interroger, prioriser, sans avoir l'obligation de reconduire les crédits d'une année à l'autre. Comme je le dis souvent, la dépense publique, ce n'est pas automatique ! Ce n'est pas un dû, cela doit rester un outil efficace : c'est pourquoi nous devons réfléchir à notre organisation et à notre façon de conduire les affaires de l'État.
Je remercie sincèrement Mme Lavarde et M. Barros, qui conduisent actuellement au Sénat une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Ces travaux doivent nous guider dans notre recherche honnête d'efficacité, source d'économies.
Nous devons sortir de la logique d'opposition prévalant entre les sous-secteurs, c'est-à-dire entre l'État et les collectivités ou l'État et la sécurité sociale. Par définition, les politiques publiques telles que l'éducation ou le logement sont partagées : de leur bonne coordination dépend leur efficacité.
Nous avons le culte de la subvention de l'État. Or, pour de nombreux projets, le moyen le plus efficace pour agir n'est pas la subvention : cela peut être un prêt bonifié, une garantie, un mécanisme de fonds européen. Nous devrions examiner la pertinence de ces instruments complémentaires pour chaque projet, notamment les grands projets d'investissement, et utiliser uniquement la subvention publique pour son effet déclencheur : c'est là son rôle le plus utile.
Je déplore l'existence de nombreux doublons : de nombreux fonds européens sont sous-exécutés, alors que nous avons créé des fonds nationaux pour faire strictement la même chose. Nous payons alors deux fois : une fois à l'occasion du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE), une autre pour le fonds national.
Vous l'aurez compris : la transparence et la co-construction, avec vous, guident notre démarche.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame, monsieur les ministres, nous sommes heureux de vous recevoir. Vous pouvez compter sur nous pour faire notre travail de contrôle et de suivi. Dans les responsabilités qui sont les miennes, je serai loyal, mais exigeant. À en juger par la dégradation accélérée de nos comptes publics, l'heure est grave. Il va nous falloir du temps et des efforts pour y arriver.
Je note avec satisfaction un changement de climat, avec la reconnaissance du travail de la mission flash que nous avons conduite avec le président Claude Raynal. Nos observations, qui ont pu être mal reçues par vos prédécesseurs alors en exercice, se trouvent aujourd'hui corroborées par vos dires.
Je vous remercie des bonnes intentions que vous avez affichées. Il faut à présent passer aux actes. Faisons en sorte que nos concitoyens retrouvent confiance dans les institutions, les élus et le Parlement. Les élus locaux, qui ont été dans des temps récents mis en cause, se retrouvent aujourd'hui plus en difficulté que jamais.
Sur l'exercice 2024, la situation est cocasse. On nous avait annoncé un déficit très faible, à 4,4%. Aujourd'hui, vous nous dites que nous serions un peu au-dessous de 6% cette année. Il va falloir accentuer l'effort pour atteindre les 3% en 2029. Dans une note du Trésor, il est fait référence à un effort de 35 milliards d'euros par an. Vous-même, monsieur le ministre, avez parlé de 40 milliards d'euros par an. Ce sont des niveaux très importants, dans un contexte où les prévisions de croissance pour 2025 sont déjà révisées à la baisse et où un effort de défense exceptionnel s'impose au regard de la situation géopolitique. Pour obtenir la confiance des Français, nous n'avons, je pense, pas le droit à l'erreur.
Monsieur le ministre, vous indiquez qu'il n'y aura ni hausse des impôts, ni augmentation de la dette, ni remise en cause des dépenses sociales, tout en nous invitant, à l'instar du Président de la République, à participer à un effort supplémentaire sur la défense, ce à quoi je souscris. Mais nous avons un déficit chronique et élevé du commerce extérieur, et les taux d'intérêt augmentent. Avouez que cela fait beaucoup de handicaps. Comment comptez-vous atteindre les objectifs affichés ?
Les dépenses locales ont été très fortement critiquées, mais vous avez indiqué qu'elles ne seraient finalement pas si élevées. Pour nous, ce n'est pas une surprise.
Sur la TVA, nous avions rejeté la mesure relative à la réforme de la franchise en base. Les arguments que j'avais avancés se sont révélés exacts. Vous avez annoncé une suspension, que vous avez ensuite prolongée. Quelles sont aujourd'hui vos intentions ?
Madame la ministre, je ne souscris pas à la totalité de ce que vous avez imaginé dans ce que je qualifierais de « budget participatif à l'échelle nationale ». Vous aurez sûrement l'occasion de nous apporter des précisions en la matière.
M. Éric Lombard, ministre. - Monsieur le rapporteur général, nous partageons votre souhait de rétablir la confiance des Françaises et des Français. C'est le sens de l'exercice de transparence que nous présenterons pour 2025 et de celui que nous avons voulu faire sur l'écart entre la prévision de budget pour 2024 et l'exécution. D'autres pays européens ont eu ces écarts.
La note du Trésor à laquelle vous faites allusion va nourrir la réunion d'alerte qui aura lieu au mois d'avril. Si la croissance est plus faible que prévu, ce qui est effectivement possible, nous devrons procéder à des ajustements.
Permettez-moi de vous faire part de quelques éléments de méthode.
Vous le savez, nos dépenses publiques sont supérieures de dix points à la moyenne européenne, pour une qualité de services publics qui, visiblement, ne donne pas entièrement satisfaction à nos concitoyens. Nous recherchons donc l'efficacité de l'action publique, qu'il s'agisse de la sécurité sociale, des collectivités locales ou de l'État. Cela passe par l'obligation d'avoir, dans tous les segments de la sphère publique, une augmentation des dépenses inférieure à celle, nominale, de la richesse nationale. D'ailleurs, c'est parfois l'empilement de couches de contrôle ou d'administration qui empêche l'efficacité de l'action publique.
La méthode, ce sera le dialogue. Nous avons réussi avec vous à faire adopter le projet de loi de finances pour 2025 par un dialogue très ouvert, dans un espace de temps réduit. Nous ferons de même, dans un espace de temps plus large. Les idées en matière de finances publiques découleront de ce dialogue. Si le débat est un peu vif aujourd'hui, notamment sur les retraites, les partenaires sociaux savent exactement dans quel cadre ils doivent travailler. C'est par le dialogue, nous semble-t-il, que nous trouverons des solutions qui pourront être présentées aux deux assemblées et - pourquoi pas ? - aboutir à un consensus.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - D'abord, il n'est pas question de faire un « budget participatif ». Ce ne serait ni réaliste ni adapté. La démocratie représentative permet une prise de décision organisée et transparente.
Cela dit, beaucoup de choses ont changé en matière budgétaire, notamment au cours des cinq dernières années. Je pense notamment aux transferts entre l'État et la sécurité sociale ou au financement des collectivités.
Il nous faut un point de départ partagé sur la réalité et l'ampleur du défi. Il n'y a ni impôt magique ni volonté du Gouvernement d'écarter une solution évidente qui serait sous nos yeux. L'idée est non pas de rechercher l'unanimité - ce ne serait guère réaliste -, mais de trouver des points de départ communs. Il n'y a pas de débat public possible sans accord préalable sur quelques éléments factuels. Convenons-en, le débat public est parfois empreint d'un certain nombre de polémiques qui n'aident pas à trouver ces points de départ partagés. Nous ferons donc dans les semaines à venir un exercice de transparence à l'égard du grand public. Vous y serez évidemment associés.
La Nation, c'est un groupe qui a un passé et des projets communs. Mais elle tient par la solidarité, notamment financière. Je pense en particulier au consentement à l'impôt.
Les crises du covid puis de l'inflation ont chamboulé la gouvernance et le pilotage de nos politiques publiques. Il existe des gisements d'économies et de renforcement de l'efficacité, qu'il s'agisse de l'État ou de la protection sociale. Une part non négligeable de l'effort financier que nous devons fournir réside certainement dans notre capacité à reprendre en main certaines dépenses.
Plus concrètement, nous devons réaligner la croissance de nos dépenses sur la croissance nominale du PIB dans un premier temps, puis sur un peu moins que la croissance nominale du PIB. Le rythme de croissance de certains postes de dépenses est aujourd'hui très supérieur à celui de la croissance du PIB. S'il s'agit de priorités politiques assumées, cela ne pose aucun problème. Mais s'il s'agit d'un phénomène subi, nous devons nous interroger.
Sur la TVA, il y a un projet de loi de simplification. J'ai effectivement signé un nouveau report d'application de la mesure relative à la franchise. La réforme concerne tous les acteurs, pas seulement les autoentrepreneurs. Le problème, pour être honnête avec vous, est que certains sont très satisfaits des règles actuelles quand d'autres nous invitent à examiner, par exemple, le modèle espagnol, où il n'y a pas de franchise du tout. Étant donné que les franchises de TVA sont maintenant ouvertes à des acteurs d'autres pays européens, il faut aussi protéger nos entreprises. La difficulté réside dans le fait qu'il n'y a aucune unanimité ; les positions sont très divergentes. Votre contribution sera très utile pour trouver un chemin pour avancer.
Enfin, je souligne combien les violences aux élus sont dommageables non seulement, évidemment, pour les personnes, mais aussi pour la démocratie. Il y a, vous le savez, un budget de soutien aux élus qui font face à des violences. Nous avons reporté 3,6 millions d'euros de cette ligne budgétaire, afin qu'il y ait toujours des fonds pour soutenir ceux qui s'engagent pour les autres.
Mme Nathalie Goulet. - Vous n'avez pas prononcé le mot " fraude ". Le ministre Darmanin s'était engagé à mettre en place un logiciel de détection précoce de la fraude à la TVA. Où en est-on ? Évidemment, nous préférerions un logiciel franco-français.
Avez-vous l'intention de nous présenter un projet de loi de lutte contre la fraude plus ambitieux que le texte actuellement en navette ?
Vous parlez d'" adhésion à l'impôt ". Nos concitoyens aimeraient, me semble-t-il, que nous régulions quelque peu la fraude et l'évasion fiscales.
M. Hervé Maurey. - Nous avons beaucoup de plaisir à vous recevoir, même si je trouve un peu surprenant d'avoir dû attendre trois mois pour pouvoir vous auditionner.
Je n'ai pas bien compris comment vous comptiez procéder pour véritablement réduire les dépenses dans le projet de loi de finances pour 2026. En France, nous sommes très forts pour dresser des constats. À présent, il faudrait passer à l'action.
Selon le Comité des finances locales (CFL), l'effort demandé aux collectivités locales serait non pas de 2,2 milliards d'euros, mais de 7,4 milliards d'euros. Maintenez-vous votre chiffre de 2,2 milliards d'euros ?
Dans mon département, comme dans d'autres, de nombreuses agences bancaires ferment. Certes, vous n'avez pas autorité sur des entreprises privées. Mais ne pourrait-on pas envisager un moratoire et une concertation avec les élus ? En milieu rural, ces fermetures brutales ont des conséquences sur le commerce et l'activité économique.
M. Pascal Savoldelli. - Les mesures de redressement prévues dans ce que vous appelez " l'économie de guerre " représentent 100 milliards d'euros. N'y a-t-il pas aussi des injustices sociales à corriger ? Envisagez un vote de la représentation nationale ? Un projet de loi de finances rectificative ? Comment peut-on garantir notre souveraineté nationale quand notre financement dépend des marchés financiers, dont je doute quelque peu du patriotisme ?
Je rencontrerai demain les salariés de Thales, dont l'État est le premier actionnaire, à Bordeaux. Le groupe a annoncé des suppressions de postes en Europe, dont 1 124 en France. Or ses résultats, publiés le 7 mars, sont historiques. Le nouveau contexte annule-t-il ces suppressions ? L'effort demandé permettra-t-il de répondre aux demandes des salariés, qui sont fortement mis à contribution en matière de conditions de travail et de salaires ?
M. Bernard Delcros. - Le recouvrement de la taxe sur les transactions financières est opéré non pas par l'administration fiscale, mais par une société privée. Selon la Cour des comptes et le Centre d'économie de la Sorbonne, le contrôle des déclarations est largement insuffisant, ce qui favorise la fraude. Ne serait-il pas opportun et plus efficace que ce recouvrement réintègre les services de l'administration fiscale ?
Les collectivités locales sont-elles concernées par la mise en réserve globale de 8 milliards d'euros, madame la ministre ? Dans le projet de loi de finances pour 2025, nous avons voté une enveloppe de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) équivalente à celle de 2024. À ce jour, les notifications aux préfets de département ne sont pas faites, ce qui conduit à annuler des réunions de répartition de la dotation. Pouvez-vous nous donner les raisons de ce retard ? La totalité de l'enveloppe votée par le Parlement sera-t-elle bien notifiée à tous les départements dans un délai raisonnable ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Sur le financement des universités, de nombreux projets ont été mis à l'arrêt. Estimez-vous le financement des établissements suffisant ? À la veille du dix-huitième anniversaire de l'autonomie des universités, l'organisation actuelle est-elle satisfaisante ?
L'éducation nationale commande pour 74 millions d'euros de logiciels à Microsoft, et Polytechnique migre ses données sur le cloud de cette entreprise. N'avons-nous pas la capacité de garder cet argent public, soit plus de 100 millions d'euros, " à la maison " ?
M. Dominique de Legge. - Je n'ai pas entendu comment vous comptiez renforcer l'effort de défense sans augmenter les impôts, la dette, ou remettre en cause notre modèle social.
Le Président de la République a expliqué qu'il fallait porter l'effort de défense de 2% à 3,5% du PIB. Or 1,5 point de PIB, c'est la marge qui résulterait de la sortie des dépenses de défense du pacte de stabilité. S'il faut augmenter la dette pour financer l'effort supplémentaire, comment rembourserons-nous ?
La machine à fabriquer des milliards - je pense, entre autres, aux 800 milliards d'euros qui viennent de l'Europe - est ressortie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Vous avez expliqué qu'on allait augmenter les reports des charges en autorisations d'engagement. Quid des crédits de paiement ? Le ministère des armées a une dette de 8 milliards d'euros : je ne suis pas certain que ce soit la meilleure manière de mobiliser les entreprises.
M. Thomas Dossus. - Il y a sans doute besoin d'une augmentation des crédits militaires, mais il faut que nous en débattions dans l'hémicycle. Envisagez-vous un projet de loi de finances rectificative ?
Madame la ministre, vous indiquez qu'une forme de suroptimisation fiscale permettrait aux plus hauts revenus d'échapper à l'égalité devant l'impôt. Comptez-vous prendre des mesures pour y remédier et apporter un peu de justice fiscale ?
La baisse du prix du baril aura-t-elle des conséquences sur le rendement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ?
M. Michel Canévet. - En Bretagne, la situation économique est relativement inquiétante, avec une baisse d'activité marquée, sans doute liée au contexte international.
Nous souscrivons à vos propos sur la nécessaire maîtrise des dépenses. Il nous semble important que la dépense publique soit la plus exemplaire possible. Quelles suites comptez-vous donner à la mesure visant à supprimer les avantages dont bénéficient les anciens Premiers ministres, que nous avons votée au Sénat ?
Parmi les formes d'interventions autres que les subventions, je souligne l'intérêt des dispositifs tels que les cautions aux garanties d'emprunt.
En loi de finances, le paiement annuel des intérêts de la dette est fixé à 53,4 milliards d'euros. Selon certains bruits, ce serait plutôt 67 milliards d'euros. Qu'en est-il ?
Sur les dotations aux collectivités territoriales, les notifications seront-elles adressées rapidement aux préfets ? La responsabilisation des collectivités passe notamment par l'autonomie financière.
M. Thierry Cozic. - Parler d'" économie de guerre ", comme le font certains à l'envi dans les médias, est un abus de langage. Nous ne sommes pas en guerre.
Comment allons-nous porter les dépenses militaires à plus de 3% du PIB, comme l'a annoncé le Président de la République, tout en ramenant le déficit public à 3% en 2029 ? Nous assistons depuis quelques jours à un concours Lépine de mesures toutes plus antisociales les uns que les autres. Vous-même, monsieur le ministre, avez indiqué qu'il faudrait " travailler plus ". Pourtant, dans le contexte actuel, il me paraît essentiel de préserver l'adhésion de nos concitoyens. Il y a des propositions, dont le livret sur la souveraineté envisagé par le groupe socialiste, qui n'entament pas la cohésion sociale. Comment comptez-vous agir pour que l'effort militaire n'oblige pas nos concitoyens à devoir choisir entre les canons et les pensions ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Il y aurait, dit-on, 5 milliards d'euros à trouver pour respecter la trajectoire de nos finances publiques avec une croissance maintenue à 0,9%, sachant que les prévisions ont été abaissées par l'Insee et la Banque de France. Confirmez-vous ce montant ? Comment comptez-vous faire, étant donné que nous ne serons pas à 0,9% de croissance ? Le gel de 8 milliards d'euros suffira-t-il ? Quid de la solidité des recettes de TVA et d'IS ?
Sur quelles bases juridiques avez-vous prononcé la suspension de l'abaissement du seuil de franchise de TVA ?
M. Jean-Raymond Hugonet. - Monsieur le ministre, j'ai examiné votre décret d'attribution : c'est un « décret XXL », qui fait de vous un quasi-Premier ministre bis. Même si les finances sont une matière très technique, un budget est avant tout un acte politique. Comment pouvez-vous construire, maîtriser et suivre un budget sans majorité politique ni cap ? Est-ce un exercice purement technique ? Où est la politique dans tout cela ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Pour nous, il est très important que l'effort de guerre ne s'effectue pas au détriment de notre modèle social. Quelles mesures comptez-vous prendre face au risque d'envol des cours boursiers de la défense ? Je pense en particulier à une taxe sur la valorisation boursière ou sur les superprofits.
Madame la ministre, vous avez indiqué hier que la méthode retenue pour le deuxième pilier de l'accord OCDE pourrait aussi s'appliquer aux grandes fortunes et que la lutte contre l'évasion fiscale des plus riches était une priorité du G20. Nous savons très bien que nous sommes loin d'un accord OCDE sur la taxation des plus gros patrimoines. La France est-elle prête à agir dès maintenant ? Une taxe incluant les biens professionnels est-elle envisagée ? Quid d'un rehaussement de l'exit tax pour éviter la mobilité des capitaux ?
Mme Isabelle Briquet. - Je suis inquiète. La mise en réserve de 8 milliards d'euros que vous avez annoncée peut-elle remettre en cause les dotations allouées aux collectivités territoriales, qui sont déjà mises à contribution dans la loi de finances pour 2025 ?
M. Jean-Baptiste Blanc. - Hervé Maurey et moi-même travaillons sur les conséquences financières et fiscales de la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN), que nous appellerons désormais " trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux " (Trace), au regard du vote qui vient d'intervenir au Sénat.
Nous avons sollicité Matignon à deux reprises, afin d'avoir un appui pour nous aider à chiffrer ces conséquences. Une lettre de mission a été adressée à l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), ainsi qu'à l'IGF. La mission ne pourrait-elle pas être un peu plus partenariale ? La lettre de mission précise que, dans le cadre de leurs travaux, les inspections doivent consulter notre mission d'information. Or c'est nous qui souhaitons vous consulter, en tant que partenaires.
M. Hervé Maurey. - Nous n'avons jamais réussi à obtenir une évaluation du coût du ZAN. Au mois d'août, Bruno Le Maire, ministre démissionnaire, nous a indiqué qu'il n'y avait effectivement eu aucun chiffrage de la part de l'État.
M. Stéphane Sautarel. - Les Français ont, me semble-t-il, compris l'ampleur du défi auquel nous sommes confrontés. Mais le fait que le Gouvernement regarde en direction de leur épargne les inquiète. Certaines décisions contribuent à rompre la confiance. C'est le cas lorsque nous observons des suppressions de postes dans l'éducation nationale dans nos territoires alors que nous avons voté pour qu'il n'y en ait aucune. Idem si, demain, les crédits que nous avons adoptés pour la DETR ne sont pas au rendez-vous. Pour que l'ensemble des Français renouent avec la confiance, il convient avant tout de tenir un certain nombre d'engagements.
Seriez-vous disposés à envisager une réforme systémique de la relation entre l'État et les collectivités concernant à la fois les dotations et la fiscalité ? Le calendrier et la situation politique le permettent-ils ?
Nous avons du mal à voir comment il sera possible de revenir sous les 3% de déficit public d'ici à 2029, à plus forte raison en écartant tout effort en matière sociale.
Mme Christine Lavarde. - La circulaire du 30 décembre 2024 a précisé les conditions de régulation budgétaire s'appliquant au début de l'année 2025. Comment cette régulation a-t-elle été mise en place pour les organismes publics nationaux, notamment pour les opérateurs de l'État ?
J'ai bien compris que les grandes lignes du système de financement du programme du nouveau réacteur nucléaire d'EDF reposeraient sur un prêt bonifié pour au moins 50% des coûts de construction. Pouvez-vous nous apporter des informations sur le degré de bonification du prêt ? Comment la répartition des risques et des surcoûts entre l'État et EDF va-t-elle s'opérer ?
La loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement a prévu un contrat décennal actualisable tous les trois ans entre l'État et EDF pour déterminer la trajectoire financière de l'entreprise. Voilà un an que la loi a été promulguée, et je n'ai toujours pas vu passer d'ébauche d'un tel contrat.
M. Raphaël Daubet. - Pour moi, la dépense publique a un rôle majeur dans l'économie. Le logement est le grand absent de nos politiques publiques. La hausse des taux d'intérêt va évidemment aggraver la situation. Quelles mesures d'urgence prévoyez-vous pour venir en soutien de ce secteur ?
Les annonces sur la contractualisation entre l'État et les collectivités locales sont un peu floues. Cette contractualisation concernerait-elle les recettes de fonctionnement, les dotations d'investissement ? Envisagez-vous des pénalités de retard, comme dans les contrats de Cahors ?
M. Claude Raynal, président. - Monsieur Maurey, si nous auditionnons M. le ministre et Mme la ministre seulement aujourd'hui, c'est parce que nous avons été pris par l'examen du projet de loi de finances jusqu'au début du mois de février. Nous devions les auditionner le 12 mars, mais ils ont finalement dû se rendre à l'Élysée ce jour-là.
- Présidence de M. Michel Canévet, vice-président -
M. Éric Lombard, ministre. - Mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, nous allons vous répondre à deux voix, en essayant d'être exhaustifs.
Monsieur Maurey, après avoir passé sept ans à maintenir les 17 000 points de contact de La Poste dans nos territoires, je suis attentif à ce que les banques, qui ne dépendent effectivement pas du ministère, soient incitées à faire de la concertation.
Nous ne pensons pas qu'un projet de loi de finances rectificative soit utile. Certes, l'effort en matière de défense aura des effets sur la trajectoire budgétaire. Toutefois, cela va s'appliquer dans le temps. C'est à partir de 2026 que cet effort coûtera vraiment.
Nous parlons non pas d'" économie de guerre ", mais d'" économie de paix ". Nous sommes convaincus que cet effort européen permettra de garantir la paix, par la dissuasion. Le PIB cumulé de l'Union européenne et du Royaume-Uni, c'est 20 000 milliards d'euros, contre 2 000 milliards d'euros pour la Russie. Nous pensons donc qu'une bonne organisation suffira à dissuader. Mais les menaces actuelles et l'évolution du monde nous obligent à devenir plus autonomes dans notre défense.
Peut-on être souverain en dépendant des marchés financiers ? Nous avons 3 300 milliards d'euros de dette. L'épargne des Français, qui est supérieure à 6 000 milliards d'euros, ne finance pas intégralement notre dette. Comme tous les pays développés, nous empruntons auprès d'investisseurs internationaux. Indépendamment de l'identité des détenteurs de nos titres de dette, la bonne tenue de nos finances publiques est un impératif ; nous le devons à nos enfants et à nos petits-enfants.
Sur Thales, nous devons prendre en compte l'évolution technologique qui conduit à une réorganisation industrielle au sein du groupe. La souveraineté inclut aussi la souveraineté spatiale, notamment les systèmes de satellites. L'évolution nécessaire s'effectue dans le respect des personnes, de leurs compétences, sans départ contraint. C'est la réalité de la vie économique.
Le recouvrement de la taxe sur les transactions financières est assuré par une société bien connue. Il est beaucoup plus simple de continuer ainsi. La Cour des comptes a reconnu que c'était une bonne méthode. Le transfert du prélèvement à la direction générale des finances publiques (DGFiP) serait coûteux, pour des gains quasi nuls.
Si l'objectif de 3,5% du PIB pour les dépenses en matière de défense a bien été évoqué, M. le ministre des armées a indiqué que l'essentiel était la revue de la programmation. Nous devons revoir la loi de programmation militaire (LPM), sous l'autorité du Président de la République, chef des armées, et du Premier ministre, responsable de la défense nationale.
Cette année, la charge des intérêts de la dette atteint 53 milliards d'euros. Malgré la trajectoire de baisse impérative des déficits, la dette va malheureusement continuer de s'accroître dans les années à venir, jusqu'à ce que nous ayons atteint les 3 %. Le chiffre de 53 milliards d'euros est donc - hélas ! - voué à augmenter.
Si nous ne sommes pas en guerre, il y a des menaces que nous devons assumer. Le parapluie américain est plus aléatoire qu'auparavant. Nous ne voulons pas nous lancer dans un " concours Lépine " des réformes ; nous préférons laisser le débat avoir lieu. J'ai effectivement parlé de " travailler plus ", en précisant que la première manière de le faire était de faciliter l'accès à l'emploi des jeunes et de favoriser le maintien dans l'emploi des seniors ; la ministre Astrid Panosyan-Bouvet est très mobilisée à cet égard.
Je remercie le sénateur Hugonet de ses commentaires sur mon décret d'attribution, en précisant que nous sommes six ministres à Bercy. Notre ligne politique est extrêmement simple : favoriser le développement économique sur la base d'une politique budgétaire rigoureuse, afin de protéger notre modèle social, de créer du pouvoir d'achat partagé et d'assurer notre sécurité et notre souveraineté dans un cadre européen. Le budget que nous préparons pour 2026 s'inscrit dans cette perspective.
Nous ne voulons pas taxer plus des entreprises qui réussissent. Nous souhaitons que les entreprises agissent aussi en entreprises citoyennes. Le nouveau contexte va leur assurer plus de travail, ce qui bénéficiera aussi aux salariés.
Nous devons être attentifs aux effets du ZAN sur les ressources des collectivités locales.
Sur EDF, le prêt sera bonifié ; pendant la phase de construction, ce sera un prêt à taux zéro. Ensuite, des opérations de financement de marché ou auprès des banques seront assurées par EDF. Le reste sera financé par la Caisse des dépôts et bonifié par le Trésor public. Nous avons fixé l'essentiel du partage entre ce qui sera dans le tarif, ce qui sera dans la rentabilité courante d'EDF et ce qui sera un partage de risque entre EDF et l'État.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - En préalable, je précise qu'il n'est pas question de choisir entre les canons et les pensions. Si nous en étions réduits à devoir choisir entre la défense et le modèle social, nous ne serions plus une grande puissance ; ce serait une forme de défaite.
Nous ne voulons pas remettre en cause les principes établis voilà quatre-vingts ans en matière sociale : les biens portants payent pour les malades, les jeunes payent pour les personnes âgées, ceux qui n'ont pas d'enfants à charge payent pour les familles. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit un déficit de 22,1 milliards d'euros. Nous devons donc, tout en conservant le modèle, retrouver des marges de manoeuvre. Ce qui met le plus en danger la sécurité sociale, c'est son déficit.
Où est la politique, demandez-vous, monsieur le sénateur Hugonet ? Une nation existe avant tout parce qu'elle a un projet commun. Dans quoi voulons-nous investir ? Je vois trois priorités : d'abord, notre protection au sens large, c'est-à-dire la défense ; ensuite, notre avenir en tant qu'êtres humains, c'est-à-dire la transition écologique ; enfin, le bien-être de nos concitoyens, en particulier des plus âgés, avec le défi démographique. Si nous sommes capables d'y répondre, nous sommes, me semble-t-il, un pays qui a un projet politique.
Le corollaire d'une telle ambition est d'être capables de réinterroger ce qui n'est pas prioritaire. Il nous appartient donc d'examiner ligne par ligne si chaque euro dépensé correspond bien à une priorité. C'est la revue de mission que le Premier ministre a lancée. Elle va nous permettre, je pense, de garder un cap clair.
Le sénateur Hugonet l'a rappelé : un budget, ce n'est pas un tableau de chiffres ; c'est une somme de choix. Nous nous remettons en capacité de faire des choix. Il y a un inventaire très mécanique à effectuer : certaines dépenses sont encore pilotées comme pendant le covid ou lorsque nous avions 6% d'inflation. Et puis, il faut également faire un inventaire des priorités.
Les collectivités locales sont des acteurs essentiels de la cohésion, donc de la Nation. Néanmoins, ce ne sont pas des filiales de l'État. En 2024, les dépenses de fonctionnement augmentent d'à peu près 4,5%, alors que le PIB de la Nation augmente de 3,4%. Elles continuent donc d'augmenter plus vite que le PIB nominal.
François Rebsamen, Éric Lombard et moi-même allons ouvrir une conférence de financement, avec un mot clé : la prévisibilité. Il est essentiel que les collectivités aient de la prévisibilité alors qu'un nouveau cycle communal va s'ouvrir en 2026. Il est essentiel que nous, État, ayons aussi de la prévisibilité sur le rythme et la nature des dépenses des collectivités.
La DETR est sanctuarisée. S'il y a un délai d'attente, c'est parce que la loi de finances a été promulguée le 14 février. La programmation est en cours. Il n'y a évidemment pas d'agenda caché de réduction de la DETR.
Madame Goulet, vous l'avez vu, nous avons publié les chiffres de la fraude. Il y a eu 20 milliards d'euros de fraude constatés et 13 milliards d'euros encaissés. Les pays ayant mis en place le logiciel d'auto-certification que vous évoquez reviennent en arrière, car cela ne marche pas très bien. En revanche, la France a lancé un projet de facturation électronique, qui permet d'éviter la fraude à la racine. Nous prévoyons 3 milliards d'euros de récupération sur la TVA d'ici à 2027. Nous allons continuer d'agir, avec constance et persévérance.
La réserve de 8 milliards d'euros que j'ai évoquée concerne l'État. Les collectivités sont libres de faire les réserves qu'elles souhaitent.
Sur les universités, je rappelle que nous avons ajouté au total 200 millions d'euros en loi de finances. Cela leur redonne, je pense, des capacités de financement importantes. En matière d'allocation des ressources, les universités fonctionnent selon des paradigmes assez anciens, qui ne correspondent pas toujours au nombre d'étudiants ou aux besoins locaux.
La commande publique est une question essentielle. Vous connaissez mon engagement historique sur le sujet. Le référentiel SecNumCloud - je le connais bien, puisque je l'avais négocié en tant que ministre de la fonction publique - doit pleinement s'appliquer. Sur les achats de l'État, le préalable absolu doit être de protéger nos données de toute ingérence ou interférence étrangère. Il faut que nous achetions européen et souverain. Nous avons le cadre juridique pour cela. Nous avons parlé des choix budgétaires ; il y a aussi des choix de souveraineté.
Il est normal qu'il y ait des reports de charges dans les armées. Les programmes d'armement sont construits à partir de cycles longs d'autorisations d'engagement. Il sera évidemment précieux que les parlementaires puissent en être informés.
Monsieur Dossus, ne vous inquiétez pas ; il n'y a pas d'agenda caché et il ne peut pas y avoir d'augmentation des crédits militaires sans aval parlementaire. Il y aura bien un débat, que j'espère large, afin que l'ensemble de la Nation comprenne bien ce qui est en jeu. Il y a trois temps : celui de l'aide à l'Ukraine dès maintenant ; celui de notre protection cyber, notamment contre la désinformation ; celui de l'accélération de notre capacité à nous défendre, à nous protéger et à dissuader.
Sur la TICPE, quand le prix du baril baisse, on observe souvent une hausse des volumes d'achat. Rien aujourd'hui ne laisse à penser qu'il y aurait un trou dans les recettes.
J'ai été interrogée sur la fiscalité, notamment sur la lutte sur le contournement abusif des impôts. Avec le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement, nous voulons non pas créer de nouveaux impôts, mais nous assurer que ceux qui existent, comme le prélèvement forfaitaire unique (PFU), l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), soient bien acquittés. Mais il n'est pas question d'avoir des effets de bord et de faire fuir les plus grandes entreprises ou les plus grands entrepreneurs.
De même, nous n'avons pas pour projet d'augmenter l'exit tax. En effet, avec l'exit tax, si les 2 000 entrepreneurs les plus fortunés de notre pays partaient, il serait possible de récupérer les recettes pendant cinq ans, mais, ensuite, nous n'aurions plus ni les recettes ni les entrepreneurs !
Les engagements du Premier ministre en matière de lutte contre la suroptimisation fiscale seront tenus. Encore une fois, l'objectif n'est pas de créer de nouveaux impôts ou d'inventer une nouvelle fiscalité sur le patrimoine ; il est d'éviter les contournements.
Monsieur Canévet, si l'exemplarité de la dépense publique est essentielle, nous avons aussi le devoir de rappeler les montants. La mesure dont vous parlez relative aux frais des anciens Premiers ministres, c'est 2,8 millions d'euros. Cela ne suffit pas à combler les déficits auxquels nous sommes confrontés. Ne donnons pas le sentiment qu'il existerait des solutions magiques et que nous les aurions écartées.
Monsieur Capo-Canellas, la décision relative à la franchise de TVA a été prise sur la base d'un élément très pragmatique. Pour payer la TVA, il faut avoir un numéro de TVA. Obtenir un numéro de TVA, ce n'est pas instantané. La loi de finances ayant été promulguée le 14 février, une application du dispositif au 1er mars n'était pas envisageable. L'idée est de remettre les choses d'équerre sitôt que le Parlement aura fait connaître ses choix dans le cadre du texte sur la simplification.
Sur les postes d'enseignants, monsieur Sautarel, il n'y a pas d'agenda caché. Vous le savez, l'établissement de la carte scolaire est un exercice collectif très complexe. La ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, passe beaucoup de temps avec les parlementaires et les acteurs concernés à trouver les meilleurs compromis. Mais nous sommes confrontés à une réalité : la déprise démographique.
Madame Lavarde, les agences ont eu exactement les mêmes règles de gestion que l'État : elles devaient n'appliquer que les services votés et ne pas lancer des programmes qui n'étaient pas essentiels. Nous leur demandons aujourd'hui d'appliquer les mêmes principes.
Monsieur Daubet, nous avons eu une hausse de 13% des mises en chantier résidentiel à la fin de l'année 2024. Si tout ne va pas bien dans le logement, il y a tout de même quelques signaux positifs. Un certain nombre de mesures, comme le prêt à taux zéro (PTZ) ou le PTZ élargi, sont utiles.
M. Michel Canévet, président. - Madame, monsieur les ministres, nous vous remercions de vos réponses. Cette audition a été riche. Nous espérons qu'elle sera suivie d'autres, car il importe que nous soyons très attentifs à la situation des finances publiques.
Source https://www.senat.fr, le 6 mai 2025