Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et de la délégation à la prospective, sur l'intelligence artificielle.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela vient d'être dit à juste titre : plus une journée ne se passe sans que nous entendions parler de l'intelligence artificielle.
Deux Français sur cinq déclarent avoir déjà utilisé l'IA. Or celle-ci n'est pas simplement une innovation technologique. Elle modifie nos façons de produire, de décider, de comprendre le monde et donc, inévitablement, de gouverner.
C'est précisément pour cela que la France a créé un ministère de l'intelligence artificielle, comme elle a pu se doter, en d'autres temps, de ministères des postes et des télécommunications ou du numérique. Cette technologie est si puissante que nous devons mettre les moyens pour la gouverner.
Je salue le travail réalisé par les parlementaires, notamment au sein de l'Opecst. L'Office a publié un rapport très complet, mais que je ne qualifierais pas de particulièrement " ardu ". Celui-ci était absolument nécessaire pour que nous puissions appréhender les défis que nous devrons relever.
Nous ne sommes pas simplement confrontés à une nouvelle technologie : nous faisons face à une redistribution profonde des pouvoirs économiques, scientifiques et cognitifs. Ce qui est en jeu, ce n'est pas uniquement notre compétitivité, c'est notre capacité collective à orienter le progrès, à lui donner un sens, à rester maîtres de nos choix.
L'intelligence artificielle cristallise tous les défis du XXIe siècle, qu'il s'agisse de la souveraineté, de la démocratie, de la transition écologique, de l'éducation ou de la justice sociale. Elle nous oblige à répondre à cette question essentielle : qui décide et au nom de quoi ?
Dans L'Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli compare l'attitude des responsables politiques à celle de Moctezuma face à Cortés : ils sont fascinés, dépassés, impuissants. Face à un pouvoir qu'ils ne comprennent pas, ils en sont réduits à vouloir impressionner par les apparences ces nouveaux maîtres du monde en les recevant dans les salons dorés de leurs ministères.
La comparaison est excessive, mais elle touche un point sensible. Oui, nous, politiques, avons parfois du mal à suivre la vitesse du progrès technologique. Oui, une poignée d'acteurs économiques concentrent de nos jours une puissance inédite. Mais non, la puissance publique n'est pas condamnée à l'impuissance. Notre action est claire : elle vise à développer, encadrer, orienter, corriger et agir.
L'intelligence artificielle est un sujet politique et le Gouvernement en a fait l'une de ses priorités. Il agit pour faire de la France une championne de l'IA. Le travail que nous menons depuis 2018 porte ses fruits. Grâce à la mise en place de la toute première stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, plus de 2,5 milliards d'euros ont été investis dans toute la chaîne de valeur, depuis la recherche jusqu'à l'entreprise.
Dans le domaine de la recherche, les mathématiciens français ont reçu quatorze médailles Fields. Nos talents sont reconnus dans le monde entier. Nous avons accru notre effort en créant neuf clusters IA, répartis sur tout le territoire – Rennes, Sofia, Nancy, etc. Ils bénéficieront d'un budget de 360 millions d'euros, afin de former près de 100 000 personnes par an d'ici à 2030.
Nous avons développé notre capacité de calcul public, grâce à notre supercalculateur Jean Zay. Nous avons attiré les meilleurs centres de recherche mondiaux, tels ceux de DeepMind ou d'OpenAI. Ces centres ont essaimé, ce qui est une bonne chose. Actuellement, la France compte plus de 1 000 start-up dans l'intelligence artificielle, comme Mistral AI, Hugging Face ou encore Aqemia, dans le domaine de la santé. Celles-ci sont reconnues dans le monde entier. Elles permettent à la France d'être dans la course qui se joue au niveau mondial et d'offrir une troisième voie entre les États-Unis et la Chine.
En février dernier, s'est tenu ici, en France, comme vous l'avez rappelé, monsieur Piednoir, le grand sommet pour l'action sur l'IA, un événement d'ampleur mondiale, qui a constitué une nouvelle étape décisive.
Nous avons ainsi annoncé, à cette occasion, le lancement de la troisième étape de la stratégie nationale française pour l'intelligence artificielle, et mis en place un comité interministériel de l'IA, sous l'égide du Premier ministre.
L'instauration de ce comité répond à certaines de vos interrogations, monsieur Piednoir. L'IA, en effet, ne constitue pas seulement un enjeu économique, qui relèverait uniquement des ministères de Bercy, même si ces derniers participent au développement des politiques publiques en la matière : il s'agit bien d'un enjeu éminemment interministériel.
Le Premier ministre a mobilisé tous ses ministres, chacun dans le champ de ses compétences, pour avancer sur le sujet et coordonner la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, en réponse au rapport de 2024 que vous avez mentionné. Nous déployons donc les moyens nécessaires pour faire face à l'ampleur du sujet. Tous les ministres sont à l'œuvre, je vous le garantis, pour avancer en la matière.
Ce sommet a aussi été l'occasion d'annoncer que 109 milliards d'euros allaient être investis pour développer l'IA et les infrastructures nécessaires pour accroître la puissance de calcul en France et près de 200 milliards d'euros d'investissement en Europe, afin de réaffirmer notre ambition en matière d'innovation.
Enfin, ce sommet a marqué une étape pour le monde. Nous étions attendus pour donner un cap à la gouvernance mondiale en la matière, que vous appelez de vos vœux dans votre rapport, pour encadrer cette technologie.
Nous avons annoncé des actions très concrètes. Je pense à la création de la fondation Current AI, qui sera dotée de 400 millions d'euros pour financer des intelligences artificielles d'intérêt général, à la formation d'une coalition mondiale pour une intelligence artificielle durable ou encore à la déclaration commune finale pour une intelligence artificielle inclusive et éthique, que vous avez mentionnée et qui a été signée par soixante-deux pays.
Dorénavant, l'enjeu crucial, dans cette course mondiale, est l'adoption de l'intelligence artificielle. Ma priorité est de faire de la France une championne de l'IA, afin de permettre à chacun de s'en emparer : c'est une condition de la compétitivité de notre économie, mais c'est surtout une nécessité pour construire une société inclusive dans laquelle l'innovation bénéficie à toutes et tous.
L'intelligence artificielle transforme déjà nos vies. J'ai pu le constater partout en France : à l'hôpital de Bourg-en-Bresse, où un médecin peut détecter des embolies pulmonaires ; à l'école, à Quimper, où un lycéen dyslexique comprend enfin ses cours grâce à un surlignage automatique ; dans une ferme, dans les Ardennes, où un agriculteur arrose moins, mais récolte plus ; dans les bureaux de Bercy, où les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) peuvent mieux cibler leurs dossiers ; ou encore dans les maisons France Services, comme à La Motte-Servolex, où les agents peuvent répondre plus facilement aux usagers. Dans le monde du travail, l'intelligence artificielle facilite la prise de notes ou la rédaction, accélère l'écriture des contrats, optimise les plannings et simplifie les démarches administratives.
Pour autant, elle suscite toujours certaines craintes chez nos concitoyens et n'est pas utilisée par toutes et tous.
On peut évoquer la question de l'âge : alors que sept jeunes sur dix, de 18 ans à 24 ans, utilisent l'intelligence artificielle quotidiennement, ce n'est le cas que de deux personnes de plus de 60 ans sur dix. Seulement 5 % des PME l'utilisent au quotidien, contre près de 35 % des grandes entreprises.
Les études sont unanimes : à l'échelle du pays, nous ne sommes pas en avance en matière d'adoption de l'intelligence artificielle. Or celle-ci ne constituera un progrès que si elle n'est pas réservée à une minorité.
Je me suis donné comme priorité d'en faire un outil d'émancipation, un moyen de résorber la fracture numérique. C'est pourquoi nous organisons des milliers de cafés IA partout sur le territoire.
Pour parvenir à faire adopter l'IA, nous devrons guider notre jeunesse : dès la prochaine rentrée, des cours seront intégrés aux programmes des classes de quatrième et de seconde, pour aider les élèves à utiliser cet outil et, surtout, à saisir son fonctionnement et à développer leur esprit critique.
En conclusion, il est nécessaire de comprendre et d'orienter l'intelligence artificielle, sans entraver l'innovation. Son utilisation comporte des risques et soulève des défis que nous devons affronter. Nous avons ainsi créé l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle, l'Inesia, qui vise à mieux comprendre ces modèles.
Nous pouvons également nous appuyer sur la réglementation européenne. Car oui, l'Europe régule. Quand on le dit, on entend souvent des railleries, mais en ce qui concerne l'intelligence artificielle, nous avons décidé, de façon déterminée, en tant qu'Européens, que la loi du plus fort ne devait pas l'emporter. Nous nous sommes ainsi dotés d'un texte afin de distinguer les usages anodins et les usages strictement interdits. Nous refusons ainsi qu'une intelligence artificielle puisse déterminer l'orientation sexuelle des personnes, comme celle des membres de cet hémicycle, par exemple. En Europe, nous ne voulons pas que cela soit possible.
L'intelligence artificielle française, comme l'intelligence artificielle européenne, ne doit pas être subie. Elle doit être innovante, performante, compétitive, fidèle à nos valeurs. Il s'agit d'une technologie au service de l'humain et de notre prospérité, et c'est bien ce qui fait sa puissance.
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la ministre, à ce jour, l'Opecst a déjà abordé la question de l'intelligence artificielle dans trois de ses rapports. Le dernier d'entre eux analyse les technologies actuelles et les grandes tendances à venir.
Parmi les enjeux sociétaux, culturels et parfois juridiques, notamment en matière de droit coutumier ou local, que l'IA soulève, figurent la reconnaissance, la traduction et la restitution de nos langues régionales, telles que les patois, les créoles ou les langues autochtones.
Les langues créoles comptent environ 15 millions de locuteurs dans le monde. Voilà un domaine dans lequel la France peut se positionner en tête, notamment en Europe.
Dans notre pays, près de 2 millions de personnes parlent quotidiennement des créoles à base lexicale française : c'est le cas de plus de 80% de la population à La Réunion, de plus de 70% aux Antilles. En Guyane, les créoles guyanais et haïtien forment un lien linguistique entre les différentes communautés.
Depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, un enseignement des langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité. Je salue ici le travail réalisé par les associations ultramarines, grâce auxquelles une épreuve de créole est proposée au baccalauréat, partout en France, depuis 2011.
Interrogée sur le créole, l'intelligence artificielle reconnaît ses limites, faute de données suffisantes, contrairement au français ou à l'anglais.
Les créoles font encore aujourd'hui l'objet d'une étude linguistique, afin de préciser leur construction. L'apprentissage de l'écrit progresse. Ces langues nécessitent une attention particulière pour éviter les approximations ou, pis encore, des clichés nuisibles à notre imaginaire collectif.
En s'appuyant sur ses talents académiques et littéraires, notamment ultramarins, pour constituer un socle de données structuré, la France peut faire rayonner le créole à travers l'IA, et créer des ramifications à tous les niveaux. Nous renforcerions ainsi les liens entre les générations, entre l'Hexagone et les outre-mer, mais aussi entre l'Europe et ses régions ultrapériphériques. En somme, nous renforcerions les liens entre la France des cinq océans et le reste du monde.
Madame la ministre, pouvez-vous me dire comment l'État entend relever ce défi, afin d'améliorer la compréhension et la diffusion de notre culture plurielle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, qui est fondamentale.
Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, il est essentiel de développer des intelligences artificielles européennes, afin de protéger nos valeurs et – c'est bien évidemment crucial – la richesse de notre patrimoine linguistique.
Le 20 mars dernier, nous avons ainsi lancé, avec ma collègue Rachida Dati, l'Alliance pour les technologies des langues (ALT-Edic), un programme qui vise à mettre en commun, à l'échelle européenne, des moyens et des bases de données sur lesquelles nos modèles pourront s'appuyer pour mieux prendre en compte la richesse linguistique européenne et française. Près 88 millions d'euros seront alloués à ce projet. Nous aurons ainsi les moyens d'avancer sur ce sujet et de répondre à vos attentes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Madame la ministre, avec mon collègue Christian Bruyen, nous avons rédigé, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, un rapport sur l'intelligence artificielle et l'éducation.
Nos recommandations s'ordonnaient autour de trois axes : mieux accompagner les enseignants ; former à l'IA et favoriser l'émergence d'une culture citoyenne dans ce domaine ; et enfin évaluer les outils existants et poursuivre la recherche.
Nous proposions notamment de garantir une évaluation indépendante des technologies d'IA mises à la disposition des enseignants et des élèves dans le cadre scolaire et de créer un observatoire de l'IA à l'école, afin de réaliser des études de cohorte et de mieux comprendre ses usages.
Il conviendrait aussi, dans le cadre du pilotage des politiques éducatives, de réfléchir à utiliser l'IA pour analyser les données recueillies à l'occasion des évaluations nationales, afin, si cela s'avère pertinent, de mieux les exploiter. Ces données sont séquestrées par l'éducation nationale : nous privons ainsi d'un véritable atout nos entreprises de la tech, qui sont pourtant performantes dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, la question de l'éducation est en effet fondamentale en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Nous savons que les jeunes l'utilisent de plus en plus tôt. Il est donc nécessaire de développer des outils pour accompagner ces derniers ainsi que leurs professeurs.
Vous m'interrogez sur différents points.
La question de la transparence est essentielle. Comme je l'ai indiqué rapidement dans mon propos liminaire, nous avons annoncé la création, à l'occasion du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, de l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle, un centre de recherche destiné à évaluer et à comprendre les modèles et à garantir leur transparence. Nous pourrons lui confier un certain nombre de missions. Nous sommes en train de définir sa feuille de route, et une attention particulière sera prêtée à l'éducation.
Vous avez évoqué la création d'un observatoire de l'IA à l'école. L'OCDE mène des réflexions sur ce sujet. Il s'agit aussi de diffuser les bonnes pratiques au niveau international.
En ce qui concerne les outils qu'il convient de mettre à la disposition des élèves et des professeurs, le ministère de l'éducation nationale a lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) l'année dernière, afin de recenser les différents outils susceptibles d'être déployés sur tout le territoire. Nous sommes en train de faire le bilan de cette première étape avec la ministre de l'éducation nationale.
Nous élaborons également le contenu et l'approche des cours sur l'IA, que j'ai évoqués, dans les classes de quatrième et de seconde. Il s'agit d'apporter des réponses aux questions que se posent les élèves, mais aussi, vous avez raison, les professeurs.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.
M. Bernard Fialaire. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre : nous ne pouvons laisser l'éducation nationale séquestrer les données d'évaluation. Celles-ci doivent pouvoir être utilisées. Leur réalisation pose d'ailleurs souvent des problèmes aux enseignants. Elles font l'objet de nombreuses discussions.
Une fois qu'elles ont été collectées, elles ne servent à rien et rien n'en sort. Elles constituent pourtant, j'y insiste, un réservoir extrêmement important de données pour nos entreprises, qui sont assez performantes dans ce domaine, même au niveau mondial. Celles-ci pourraient créer des outils qui aideraient nos élèves de culture française à faire des études en intelligence artificielle.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je suis d'accord avec vous.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, étant donné les possibilités qu'offre l'intelligence artificielle, le risque est de voir se constituer dans ce domaine une nouvelle hégémonie des grandes entreprises technologiques, les big tech, comme cela s'est produit pour le cloud, ce qui accroîtrait un peu plus encore, de manière dangereuse, nos dépendances.
J'ai deux questions.
Lors du sommet sur l'intelligence artificielle, le Président de la République a annoncé un investissement de 109 milliards d'euros. Comment ce plan se déclinera-t-il concrètement ?
Allons-nous tirer les leçons du passé et admettre que les précédents plans n'ont pas permis de faire émerger un seul acteur de dimension internationale en France ? Je rappelle ainsi que 80 % des technologies que nous utilisons sont américaines et que les deux seules licornes françaises sont majoritairement financées par les Américains.
Ensuite, je vous ai déjà interpellée, madame la ministre, ici même, il y a quelques semaines, au sujet du règlement européen sur l'IA, mais vous n'avez pas répondu à mes questions qui portaient sur les dernières négociations du code de bonnes pratiques.
Plusieurs acteurs expriment leur colère face au poids disproportionné des big tech dans le processus de rédaction. L'organisation Reporters sans frontières s'est d'ailleurs retirée des négociations puisque les enjeux informationnels ont été évacués des discussions. Les acteurs de la culture, soutenus par Rachida Dati, demandent eux aussi plus de garanties pour le respect des droits d'auteur et droits voisins. Quelle est votre position en la matière, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, votre première question concerne la souveraineté numérique. C'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Ses enjeux dépassent la problématique de l'intelligence artificielle.
Je commencerai toutefois par répondre à votre seconde question sur le plan d'investissements. Les 109 milliards d'euros d'investissement annoncés lors du sommet pour l'action sur l'IA correspondent à des investissements en infrastructures. Ils seront réalisés par des consortiums de financeurs internationaux et nationaux.
Nous sommes actuellement dans une phase de suivi de ces projets ; nous veillons à mettre en relation les entreprises de data centers françaises et européennes, afin qu'elles puissent créer des consortiums pour financer ces projets et construire une offre à même de répondre aux enjeux de souveraineté.
Comme vous le savez, la question des data centers et de l'hébergement des données est cruciale. Notre objectif est de disposer d'une offre de cloud qui réponde à un très fort niveau de sécurité, grâce à la certification SecNumCloud.
Nous cherchons à attirer les moyens pour créer les infrastructures nécessaires et à soutenir, dans le même temps, grâce à l'action de la puissance publique, la montée en puissance des acteurs européens, et notamment français, du cloud, afin de les accompagner dans le développement de toutes les fonctionnalités dont nous avons besoin. C'est pourquoi j'ai lancé, la semaine dernière, un appel à projets de plusieurs dizaines de millions d'euros sur cette question.
Quant au règlement européen sur l'intelligence européenne, les négociations sont en cours. Les positions, vous l'avez indiqué, sont divergentes. La Commission européenne n'a pas rendu les derniers arbitrages.
J'estime que le règlement sur l'intelligence artificielle, le code of practice et le modèle de transparence doivent rester fidèles à ce qui a été négocié : ils doivent encadrer les usages de l'IA et garantir la transparence, notamment en cas d'usages à hauts risques.
Vous avez mentionné les big tech. Nous devons aussi nous assurer que les intérêts des petits acteurs soient bien pris en compte. L'équilibre est parfois difficile à trouver. Je rencontre très régulièrement ces petits acteurs dans mon ministère pour échanger avec eux sur leurs besoins et sur l'évolution des négociations relatives au règlement pour l'intelligence artificielle. Il faut que leur voix soit entendue, j'y serai particulièrement vigilante, et non pas seulement celle des gros acteurs, qui ont une capacité de lobbying importante à Bruxelles.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, il est indispensable d'investir massivement. Pour cela, la France doit mener une action concertée et volontariste avec d'autres États membres de l'Union européenne.
Il faut absolument revoir le plan France 2030 et construire une stratégie offensive et partagée de soutien à la formation, à la recherche et à nos entreprises, grâce à des programmes transversaux dont le financement est assuré – de tels programmes font défaut actuellement –, et grâce à des mécanismes innovants.
Les entreprises françaises et européennes doivent enfin pouvoir compter sur le levier de la commande publique. L'action de l'État en tant que prescripteur de technologies a été, je suis désolée de le dire, nulle et choquante. Encore récemment, le ministère de l'enseignement supérieur a conclu un partenariat avec Microsoft, au mépris des dispositions contenues dans la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dite loi Sren. Nous exigeons que désormais cela change.
En ce qui concerne les négociations sur la dernière mouture du règlement sur l'intelligence artificielle, nous vous demandons instamment, madame la ministre, de plaider pour que les enjeux informationnels et les risques systémiques spécifiques soient pris en compte. Il convient aussi d'affirmer le droit à une information fiable et non trafiquée.
Nous exigeons également l'arrêt du pillage des données des journalistes et des créateurs, ainsi que la stricte application des règles relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : je veillerai à ce que l'on respecte le droit d'auteur. Nous avons lancé, avec ma collègue Rachida Dati, une concertation sur le sujet, afin de trouver les moyens de valoriser la richesse de notre patrimoine culturel à l'heure de l'intelligence artificielle. Je serai bien sûr très attentive sur ces sujets.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Merci, madame la ministre, de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je reprendrai une partie des questions de ma collègue Catherine Morin-Desailly.
Nous avons déjà évoqué, madame la ministre, la question de la protection des droits d'auteur lors du débat que nous avons eu, dans cet hémicycle, le 10 avril dernier, sur la régulation des plateformes en ligne.
Vous nous aviez dit alors, et nous sommes tout à fait d'accord sur ce point, qu'il fallait défendre à la fois les droits d'auteur, notre patrimoine et notre capacité à innover. Tout le monde en convient, la réglementation ne doit pas être prohibitive. De toute façon, une telle réglementation ne pourrait pas être appliquée.
Vous m'aviez aussi répondu à l'époque que « nous ne sommes pas face à une question de transparence » et que « l'enjeu est bel et bien le modèle d'affaires ».
Je ne partage pas ce point de vue. Je pense au contraire que la transparence constitue un enjeu fondamental. Il faut que les auteurs qui produisent des données sachent que celles-ci ont été largement réutilisées par les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft –, car nous parlons bien de ces entreprises, sans aucune rémunération.
Comme ma collègue Catherine Morin-Desailly l'a souligné, on assiste à un pillage systématique, structurel et général des données, qui est encouragé actuellement par l'administration américaine. Il faut cesser de faire preuve d'irénisme à ce sujet. Nous devons absolument intervenir.
Ce matin, comme vous le savez, madame la ministre – je vous avais d'ailleurs alerté sur ce point le 10 avril – une agence américaine a envoyé un courrier à la Commission européenne pour lui faire savoir qu'elle estimait que le code de bonne conduite, qui est en cours de rédaction, n'était pas satisfaisant et pour lui signifier que les États-Unis, c'est-à-dire l'administration de Trump, ne l'accepteraient pas.
Je crains donc que nous ne reculions sur la protection du droit d'auteur, alors même que la directive est très peu contraignante, les plateformes n'étant tenues qu'à réaliser des efforts suffisants pour respecter le droit d'auteur.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour protéger le droit d'auteur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me reposer cette question.
Vous le savez, je suis très attachée au droit d'auteur. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler lors de nos précédents débats. C'est pourquoi nous avons lancé, avec ma collègue Rachida Dati, la concertation que j'ai évoquée.
Le droit à l'opt-out doit être respecté. Lors de la concertation, nous devrons aussi nous interroger sur la transparence en ce qui concerne les données d'entraînement. Il est important, comme je l'ai indiqué le 10 avril, de trouver le bon équilibre dans le modèle d'affaires et de parvenir à une solution gagnant-gagnant pour les auteurs comme pour les innovateurs.
Au-delà de la question de la transparence, qui fait l'objet de discussions actuellement au sein de l'Union européenne, nous devons aller plus loin et réfléchir ensemble au modèle de rémunération.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Je me réjouis de l'organisation de ce débat sur l'intelligence artificielle. Il s'agit d'un sujet éminemment d'actualité.
Le développement rapide, pour ne pas dire exponentiel, de l'IA constitue en effet une révolution. Si la France ne veut pas manquer ce tournant technologique, l'heure est, comme vous l'avez dit, à la décision.
À cette fin, j'en appelle, au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, au pragmatisme et à l'humilité.
Au pragmatisme, tout d'abord : face à des puissances mondiales tentées par une dérégulation sans limites, nous devons au contraire défendre, avec nos partenaires européens, un modèle régulé, souverain, transparent et respectueux des droits fondamentaux.
À l'humilité, ensuite, parce que le développement illimité de l'IA dans toutes les dimensions de nos vies n'est pas compatible avec notre capacité de production électrique actuelle ni, plus généralement, avec les limites planétaires. Qu'il s'agisse de la consommation d'électricité, d'eau ou de terres rares, l'IA a un coût écologique colossal.
Notre collègue Stéphane Piednoir a évoqué, dans son introduction, différents enjeux. En complément, j'indique que le secteur des data centers, peu pourvoyeur d'emplois, devrait voir sa consommation d'électricité doubler d'ici à 2030. Il conviendra donc de faire des choix.
Aussi, madame la ministre, quelles priorités comptez-vous définir pour faire face aux risques, réels, de saturation du réseau électrique, alors que les besoins pour assurer la transition énergétique vers les énergies décarbonées sont en augmentation croissante ?
Quelle stratégie l'État compte-t-il adopter pour éviter les effets d'éviction, en raison du manque de disponibilité d'électricité, sur le développement d'autres activités économiques et sociales plus pourvoyeuses d'emplois, telles que l'industrie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice. Vous avez raison : à l'heure de l'intelligence artificielle, la consommation énergétique des centres de données pourrait doubler d'ici à 2026. Nous devons donc nous interroger sur la stratégie à adopter à cet égard.
Notre priorité est d'attirer les acteurs de l'intelligence artificielle en France et de leur donner la capacité d'entraîner leurs modèles sur notre territoire, car nous avons accès à une énergie décarbonée, ce qui est très important lorsque l'on connaît la consommation de ces modèles.
Nous devons aussi accélérer et intensifier la recherche sur la frugalité des modèles. La recherche sur ce point ne fait que commencer.
C'est pourquoi nous avons souhaité créer, lors du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, une coalition mondiale pour une IA durable. Il s'agit d'embarquer tous les acteurs et de mettre les moyens pour faire avancer la recherche sur ce point, pour développer des modèles plus petits, pour que les data centers consomment moins d'énergie et moins d'eau.
J'ai visité, par exemple, les installations d'OVH la semaine dernière. Cette société a mis au point un système unique au monde de circulation de l'eau en circuit fermé pour refroidir les data centers. Bien des recherches restent à mener pour parvenir à réduire et à maîtriser la consommation d'eau et d'énergie des data centers et de l'intelligence artificielle.
Le ministère de la transition écologique a d'ailleurs lancé, en lien avec l'Agence française de normalisation (Afnor), une réflexion pour définir ce que peut être une IA frugale sur toute la chaîne de valeur. Un appel à projets de 40 millions d'euros a ainsi été lancé pour favoriser l'adoption de technologies adaptées par les collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour la réplique.
Mme Ghislaine Senée. En effet, un travail de recherche considérable sur la frugalité peut être réalisé. Cependant, il faudra faire des choix.
Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les usages d'intérêt général de l'IA. Mais les usages que l'on voit fleurir sur internet sont-ils vraiment indispensables ? Je pense, par exemple, à la création d'œuvres à la façon de Miyazaki, à l'animation de photos d'êtres disparus ou encore au choix de sa meilleure coiffure par le biais de l'IA. Ces applications consomment énormément de place dans les data centers. Il faudra réguler les cas d'usage.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. L'intelligence artificielle est à l'origine, aujourd'hui, de 0,1 % de la consommation énergétique.
Même s'il faut en comprendre les usages, les maîtriser et investir dans la recherche, cette technologie est foisonnante et son utilisation partagée entre de nombreux acteurs. Ainsi, son développement prendra des formes multiples, avec des retours sur investissement variables en matière de consommation d'énergie. Cela étant, laisser chacun, avec ses propres usages, s'approprier cette innovation fait partie du cycle technologique. C'est même fondamental pour en accélérer l'adoption.
J'en viens à la question de la sensibilisation, de la compréhension. En France, les médias, les parlementaires, accomplissent un très bon travail, consistant à mettre le doigt sur les enjeux écologiques. Or, en matière d'éducation, apprendre à maîtriser cette technologie, à mieux " prompter ", c'est-à-dire à formuler de meilleures requêtes, c'est aussi s'assurer d'avoir des réponses plus efficaces, donc de dépenser moins d'énergie. Tout concorde pour accélérer en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. C'est la création de besoins qui m'inquiète. Je ne doute pas que nous trouverons des solutions permettant d'utiliser moins d'énergie et de concentrer au maximum les données. Cependant, des jeunes, formés à divers usages, sont poussés, au travers d'internet, sur TikTok, à jouer et à créer de nouveaux besoins. Or je crains que le courage politique ne suffise pas à mettre fin à ces nouveaux divertissements.
Il convient donc de prendre des décisions dans le sens de la régulation. Sans cela, l'outil deviendra complètement ingérable. Nous n'aurons alors plus que nos yeux pour pleurer une fois que nous aurons détruit toutes les ressources de ce monde.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, en se dotant d'un règlement sur l'intelligence artificielle, l'Union européenne, par son approche équilibrée, a été pionnière. L'objectif est bien évidemment que l'IA respecte les principes et droits fondamentaux qui fondent l'Union.
Parmi les dispositions dudit règlement, les obligations en matière de transparence – j'y reviens – s'avèrent absolument essentielles. Or, concrètement, comme l'ont dit nos collègues Morin-Desailly et Ouzoulias, cette transparence est loin d'être toujours effective, en particulier, dans le domaine culturel. Elle y est même particulièrement lacunaire, au point de porter préjudice à un principe auquel la France est séculairement attachée : celui du droit d'auteur.
Le code de bonnes pratiques a été évoqué. Sa dernière version, publiée au mois d'avril, a braqué les ayants droit, qui estiment à juste titre qu'elle constitue un véritable recul par rapport aux précédentes moutures. Leur dépit est tel qu'ils songent à claquer la porte des discussions, préférant l'absence d'accord à un mauvais accord.
Comme nous le savons, sur le droit d'auteur, la position de la France est décisive. Il est donc crucial que le Gouvernement adopte une posture très forte et non générale en arrêtant d'arguer, tantôt d'un soutien à l'innovation, tantôt de l'impérieuse nécessité de respecter le droit d'auteur.
Madame la ministre, quelle est la position de la France dans les discussions actuelles sur le code de bonnes pratiques ? Quel niveau de transparence préconisez-vous ? Quelles garanties apportez-vous aux ayants droit ? Quels mécanismes de juste répartition de la valeur prônez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Votre intervention, madame la sénatrice, me permet d'évoquer la transparence sur les usages finaux, avant de revenir sur la question du droit d'auteur.
L'article 50 du règlement européen sur l'intelligence artificielle prévoit des obligations de transparence des modèles en fonction des usages, y compris à hauts risques. Des audits préalables à la mise sur le marché des modèles d'intelligence artificielle sont demandés. Le cadre est donc ambitieux sur cette question de la transparence, qui nous paraît fondamentale.
La question du droit d'auteur n'est pas simple. Il s'agit de trouver un résumé suffisamment détaillé, de nature à permettre aux ayants droit d'exercer leur droit tout en maintenant le secret des affaires. C'est à cette tension, que vous avez exprimée, madame la sénatrice, que nous tâchons de répondre. Je crois sincèrement au dialogue. Tel est le sens de la consultation que nous avons lancée officiellement, avec ma collègue Rachida Dati, la semaine dernière. Nous aurons alors l'occasion de réunir les deux écosystèmes, afin d'aboutir à une solution.
C'est un sujet difficile, mais, comme pour tout sujet difficile, à force de temps, d'écoute et de dialogue, nous trouverons un dénouement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. J'ai lié la question de la transparence à celle du droit d'auteur parce que, tant que les ayants droit n'auront pas accès aux données, on ne pourra reconnaître le droit d'auteur. Or la France a une responsabilité en la matière, une exigence : la défense du droit d'auteur par Beaumarchais fait partie intrinsèque de notre histoire culturelle. Il faut donc que notre pays soit exigeant et que la volonté politique soit vraiment au rendez-vous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je vous rejoins sur ce point, madame la sénatrice. Nous étudions actuellement plusieurs possibilités, ce que nous poursuivrons avec la consultation.
Je tiens à rappeler que le droit d'auteur n'est pas extraterritorial. Nos exigences doivent donc en tenir compte. Comme l'a souligné Mme Catherine Morin-Desailly, notre préoccupation est de ne pas reproduire les erreurs du passé, donc de ne pas tomber dans une dépendance technologique vis-à-vis d'entités extra-européennes. Nous voulons garder nos acteurs ici, raison pour laquelle trouver cet équilibre est absolument fondamental.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Madame la ministre, la course mondiale à l'intelligence artificielle se joue non seulement sur le terrain de l'innovation technologique, mais aussi, et peut-être surtout, sur celui de son adoption à grande échelle par les entreprises, les administrations et les citoyens.
Si les États-Unis et la Chine sont en tête de la compétition en matière de recherche et de développement, de récentes analyses soulignent que la capacité à diffuser et à intégrer l'intelligence artificielle dans les usages quotidiens est un facteur tout aussi déterminant pour activer ce levier de croissance.
La Chine, longtemps perçue comme peu efficace en matière de mise en œuvre technologique, semble rattraper très rapidement son retard : plus de 50% de ses entreprises utiliseraient déjà l'intelligence artificielle, contre un tiers aux États-Unis. Le secteur public, la consommation individuelle ou encore l'industrie manufacturière emploieraient désormais ces outils à grande échelle.
Face à ces constats, il semble crucial de s'interroger sur la situation de la France, du point de vue de la maturité de l'intelligence artificielle comme de ses usages dans notre société.
Disposons-nous, madame la ministre, d'indicateurs clairs et récents permettant de mesurer l'adoption réelle de l'intelligence artificielle au quotidien par nos entreprises, nos collectivités territoriales, nos administrations et nos concitoyens ? Quels usages en sont-ils faits ? Quelles sont les mesures de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, destinées à encourager son utilisation de l'IA dans tous les pans de la société ?
Madame la ministre, il conviendrait de se pencher sur l'usage de l'intelligence artificielle par les collectivités locales, ainsi que sur l'utilisation des données au travers des logiciels proposés à ces dernières, notamment les mairies. Dans la mesure où il s'agit d'une question de souveraineté, nous nous devons d'accompagner nos collectivités locales : l'intelligence artificielle, qui pourrait s'avérer être un réel atout, est aussi un gisement de données à surveiller.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Vous avez raison, monsieur le sénateur : la priorité de cette troisième phase de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle est bien l'adoption. Quand bien même nous aurions les meilleurs laboratoires de recherche et les meilleures entreprises du monde, si nous n'utilisons pas l'intelligence artificielle, nous n'aurons ni les gains de compétitivité ni les améliorations pour les usagers, les agents et les employés que cette technologie permet. Je souscris donc tout à fait à vos propos.
Comment procéder ? Pour ce qui concerne l'administration, sous l'égide du Premier ministre, avec le comité interministériel de l'intelligence artificielle, nous avons demandé à chaque ministère de préciser de quelle façon ils utilisent l'intelligence artificielle, les cas d'usage rencontrés et la manière dont leur utilisation de l'outil pourrait changer d'échelle. Tous les ministères nous remettront ces feuilles de route lors de la prochaine édition de VivaTech, dans un peu plus d'un mois, à l'occasion de laquelle nous réunirons de nouveau le comité interministériel de l'intelligence artificielle.
Les ministères reçoivent l'appui de la direction interministérielle du numérique (Dinum), afin de bénéficier d'un conseil technologique. Les cas d'usage, c'est très bien, mais l'objectif reste un déploiement à grande échelle.
La question des collectivités se pose bel et bien. Nous travaillons avec toutes les associations qui les représentent, dont France urbaine et les Interconnectés, pour que le travail effectué au niveau de l'État soit diffusé auprès des collectivités. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous souhaitons avancer dans le cadre du plan du comité interministériel.
Quant aux entreprises, pour ce qui est de suivre la diffusion de l'intelligence artificielle, nous disposons de certains sondages selon lesquels 5% des petites et moyennes entreprises utilisent l'intelligence artificielle aujourd'hui, alors que ce taux atteint 35 % pour les grandes entreprises.
Nous nous sommes aussi rapprochés des chambres de commerce et d'industrie (CCI) afin d'accompagner 20 000 entreprises – les plus petites comme les plus grandes – dès cette année dans l'utilisation de l'intelligence artificielle. Ainsi, j'ai participé à un événement la semaine dernière, avec la CCI de Paris, qui dispense formations et assistance pour accélérer l'adoption de l'intelligence artificielle.
Quant au dispositif IA Booster France 2030, financé par l'État, il vise à accompagner les plus petites entreprises.
Enfin, nous travaillons sur un observatoire, un portail, qui permettra à chaque entreprise de trouver, en fonction de ses cas d'usage, les solutions les plus pertinentes.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, dans le contexte actuel où l'intelligence artificielle joue un rôle de plus en plus central dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne, comment pouvons-nous assurer une gouvernance efficace et éthique de l'IA ?
Quelles sont les principales problématiques à prendre en compte, telles que la transparence des algorithmes, la protection des données personnelles et la responsabilité des entreprises qui développent ces technologies ?
Par ailleurs, quelles réglementations pourraient être mises en place pour minimiser les risques liés aux biais algorithmiques et à l'automatisation des décisions ? Comment impliquer les divers acteurs de la société, y compris les gouvernements, les entreprises et les citoyens dans ce processus de gouvernance ?
Enfin, comment pouvons-nous trouver un équilibre entre innovation technologique et protection des droits des individus ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Sur la question de la régulation, nous avons déjà abordé à plusieurs reprises le règlement pour l'intelligence artificielle. Je n'y reviens donc pas.
J'aborderai le sujet de la gouvernance un peu plus en détail. Au niveau français, nous nous appuyons sur l'Inesia, que j'ai précédemment mentionné. Cet institut d'évaluation nous donne accès à des travaux de recherche de qualité pour comprendre l'intelligence artificielle, les modèles et ses différents usages. Nous sommes également en contact avec les citoyens au travers des cafés IA, dispositif que nous avons lancé avec le Conseil national du numérique (CNNum), représentation structurée de ce mouvement citoyen, ainsi que les conseillers numériques, pour rester au plus près du terrain et répondre aux interrogations de chacun.
Bien sûr, nous travaillons également à l'implémentation du règlement sur l'intelligence artificielle et à la définition des administrations qui seront chargées de la mise en œuvre de ses dispositions. Vous aurez davantage de visibilité sur ce sujet très prochainement.
Quant à la question internationale – car la gouvernance, selon nous, doit être internationale –, elle était aussi l'objet du sommet pour l'action sur l'IA.
Il s'agit non seulement d'accélérer la feuille de route nationale, mais aussi d'encourager une dynamique internationale. Nous avons réaffirmé notre soutien au partenariat mondial pour l'intelligence artificielle (PMIA), désormais adossé à l'OCDE. Ce partenariat regroupe plus de soixante pays et a pour objet de définir une gouvernance mondiale, qui s'appuie sur ses centres de recherche d'expertise, présents en France, au Canada et au Japon, afin d'avancer collectivement, de façon internationale, sur ces questions. Ce projet très important a été lancé, en 2018, par le Président de la République française et par le Premier ministre canadien d'alors, Justin Trudeau. Nous continuons de soutenir fortement ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Madame la ministre, ma question porte sur un enjeu de plus en plus central : comment concilier la montée en puissance de l'intelligence artificielle avec celle du réchauffement climatique ?
Nous assistons, depuis quelques mois, à une explosion de l'usage des intelligences artificielles génératives, notamment par le grand public. Qu'il s'agisse de création d'images, de textes ou de contenus divers, la production automatisée atteint des volumes impressionnants. Ainsi, vous n'avez pu manquer les créations numériques que sont les avatars personnalisés, appelés starter packs, dont plus de 750 millions d'exemplaires ont été générés à travers le monde.
Or chaque génération d'image ou de contenu, comme vous le savez, consomme de l'énergie, de l'eau, mobilise des ressources informatiques considérables et contribue, à son échelle, à l'empreinte carbone du numérique. Dans le cas précis d'un starter pack, cela équivaut à trois à cinq litres d'eau, sans compter l'électricité consommée pour charger les appareils connectés ou encore les ressources préalablement dépensées pour entraîner et perfectionner l'IA.
Cette frénésie d'usages pose une question : dans quelle mesure cette consommation est-elle soutenable à long terme, alors que notre société s'efforce de maîtriser sa consommation énergétique ? Il est donc important d'encourager des usages responsables et prioritaires de l'IA, en privilégiant son utilité concrète et en renforçant la sensibilisation aux bonnes pratiques.
Mais l'intelligence artificielle est aussi, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, un allié précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique, en facilitant, par exemple, l'optimisation énergétique des bâtiments, la gestion intelligente des réseaux, la modélisation du changement climatique ou encore la détection des pollutions. Des applications vertueuses de l'IA peuvent bien évidemment être trouvées et développées.
Ce constat se retrouve dans le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) intitulé Impacts de l'intelligence artificielle : risques et opportunités pour l'environnement, dans le manifeste des intercommunalités de France sur l'IA, dans les axes stratégiques définis par le Mouvement des entreprises de France (Medef) pour le développement de l'intelligence artificielle ainsi qu'au cœur des sept principes de l'IA de confiance établis par le Conseil d'État dans un rapport paru en 2022.
Madame la ministre, quelles actions le Gouvernement prévoit-il pour promouvoir une utilisation utile et responsable de l'IA et en faire un outil au service de la transition écologique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur, la deuxième sur ce sujet, dont nous voyons l'importance qu'il revêt pour nos concitoyens, dont vous vous faites le relais. C'est une bonne chose, car cela illustre ce que nous entendons par une IA à la française, une IA durable. J'y reviendrai dans un instant.
Cela étant, je souhaiterais que nous prenions un peu de recul, même si cette question fondamentale doit nous occuper. Aujourd'hui, l'intelligence artificielle ne représente que 0,1% de la consommation énergétique. Ainsi, quand des astronautes, par exemple, refusent de créer un starter pack parce que cela utilise de l'énergie, je les invite à s'interroger sur la consommation d'un vol en fusée…
Cela étant dit, il faut prendre conscience des usages de l'intelligence artificielle. Le risque le plus important, c'est que la population n'ose pas utiliser l'IA et freine son adoption, alors que nous voyons bien à quel point cette technologie va transformer tous les métiers, notre façon d'apprendre, notre façon d'interagir, d'échanger.
Dans ce contexte, nous devons faire de l'écologie notre alliée, ce qui est possible en France, car nous avons une énergie bas-carbone parmi les plus compétitives au monde. La réponse française à ce défi est donc par nature plus écologique, et l'écologie devient alors une amie de l'économie de l'IA dans la mesure où un plus petit modèle est aussi plus économique.
Tout le monde a donc à y gagner si nous investissons non seulement dans un entraînement des IA en France, avec notre énergie décarbonée, mais aussi dans le sens de plus petits modèles, qui susciteront un meilleur retour sur investissement pour les entreprises. Ce processus est réellement gagnant-gagnant.
En outre, comme vous l'avez très justement dit, monsieur le sénateur, l'IA peut nous permettre d'accélérer dans notre réponse à des défis fondamentaux de la transition écologique. J'ai ainsi rencontré des chercheurs qui ont gagné plusieurs années dans leur projet de développement de matériaux remplaçant le plastique. Voilà aussi ce que permet l'IA.
Nous devons donc trouver le juste équilibre. La prise de conscience, c'est très bien, c'est formidable, c'est ce qui fait que nous sommes très fiers d'être européens, mais nous voulons aussi répondre à ces défis sans freiner l'adoption de l'IA et, surtout, en accélérant la recherche de solutions.
M. le président. La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Madame la ministre, nous sommes tous convaincus que le sujet dont nous débattons ce soir, organisé à la demande de l'Opecst, dont je salue le président, Stéphane Piednoir, à savoir les enjeux de l'intelligence artificielle, est essentiel pour l'avenir de notre pays, et ce à de nombreux égards.
Comme l'a rappelé M. Piednoir, le rapport de nos collègues Corinne Narassiguin et Patrick Chaize avait déjà soulevé de nombreuses questions.
Ma collègue Sylvie Robert vous a interpellée, madame la ministre, sur les problématiques relatives aux droits d'auteur, qui inquiètent le monde culturel. Mon collègue Adel Ziane vous questionnera quant à lui sur les enjeux de souveraineté.
Je souhaitais, pour ma part, évoquer la formation et la recherche. Lors des questions d'actualité au Gouvernement du 12 février dernier, j'ai interrogé Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le déploiement de l'IA dans le système éducatif français.
Pourriez-vous nous faire part, madame la ministre, du bilan des expérimentations en cours depuis la rentrée scolaire et des intentions ou directives opérationnelles pour la rentrée 2026 ? La création et l'usage de logiciels d'apprentissage développés et contrôlés par les autorités françaises me semblent primordiaux afin d'assurer une formation adaptée conforme à notre volonté d'assurer, à terme, une souveraineté nationale.
De plus, madame la ministre, d'autres projets sont-ils susceptibles d'être mis en œuvre, que ce soit pendant le temps scolaire ou hors du temps scolaire ?
De manière plus générale, ne serait-il pas essentiel de favoriser l'émergence de pôles de formation, de recherche et de développement, en particulier à proximité et en relation avec des centres de données numériques, afin de favoriser pleinement une souveraineté numérique pour les générations à venir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question sur l'éducation, qui est, comme je l'ai dit précédemment, absolument fondamentale si l'on veut favoriser l'accessibilité de l'intelligence artificielle, éviter une fracture numérique et, surtout, former l'esprit critique de nos jeunes sur l'utilisation de cette technologie.
Voilà deux ans, l'éducation nationale a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour les outils d'intelligence artificielle destinés aux jeunes, qui a permis de rassembler un certain nombre de solutions. C'est par exemple le cas de l'entreprise Nolej, que j'ai eu la chance de visiter. Celle-ci a d'ailleurs été élue meilleure start-up mondiale dans le domaine des technologies éducatives (EdTech), parmi plus de 7 000 candidats. Ses outils permettent de transformer les supports de cours pour les rendre plus ludiques, suscitant ainsi un intérêt accru de la part des élèves.
Nous avons recensé toutes ces solutions et Mme la ministre Élisabeth Borne a fait le bilan des premiers usages, jugé très positif. C'est pourquoi le ministère lancera à l'été prochain, sur le même modèle, un appel à manifestation d'intérêt pour les professeurs, afin de recenser les meilleures solutions pour outiller ces derniers avec l'intelligence artificielle afin de les aider à adapter leurs cours et leurs méthodes pédagogiques. L'objectif est d'être prêts dès la rentrée 2025, comme cela a été annoncé par Mme la ministre Élisabeth Borne, pour que les élèves de quatrième et de seconde aient accès à des cours sur l'intelligence artificielle.
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Celle-ci reprend un grand nombre des préoccupations qui sont au cœur d'une proposition de loi que j'ai déposée. J'espère que nous aurons l'occasion, dans cet hémicycle, d'approfondir ces sujets et, à terme, d'assurer à notre pays une souveraineté numérique, une véritable IA et une indépendance assumée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, sauf à courir le risque de dégâts potentiellement irréversibles, des décisions sur l'IA générative s'imposent à très court terme, avant même l'entrée en vigueur du règlement européen sur ce sujet.
Je pense tout d'abord aux risques pour la démocratie et la confiance des rapports sociaux. Des images produites par IA, sont diffusées et reprises des milliers, voire des millions de fois sur les réseaux sociaux, le plus souvent depuis des comptes anonymes, dans un but de manipulation des esprits. Quantité de faux documents circulent aussi, avec une explosion des tromperies, par exemple à l'embauche, avec de faux diplômes et de fausses preuves d'expérience, ainsi qu'une fraude massive aux assurances, avec des sinistres fictifs.
L'article 50 de l'AI Act imposera aux fournisseurs de système d'IA que les productions soient " marquées dans un format lisible par machine et identifiables comme ayant été générées ou manipulées par une IA ". Certes, mais identifiables par qui ?
Madame la ministre, il est impératif que les fournisseurs d'IA et les modèles d'IA à usage général apposent systématiquement, j'y insiste, un marquage général dans un coin de l'image ou du document. Il convient, en outre, que ce logo soit immédiatement visible par des yeux humains et non pas seulement par des machines.
Le plus tôt possible, plateformes et réseaux sociaux devront également se mettre en situation de détecter et d'afficher comme telles les publications issues de l'IA. Linkedin a récemment annoncé vouloir s'engager dans cette voie : il convient de tous les encourager à faire de même.
Un autre risque majeur concerne la santé, avec la diffusion très rapide d'outils d'IA extra-européens permettant d'effectuer la synthèse de consultations médicales et de produire un récapitulatif du dossier médical. Or ceux-ci ne respectent aucunement l'obligation d'un contrôle humain régulier par un professionnel de santé français. Ils peuvent permettre une exfiltration rapide de nos données de santé hors d'Europe et induire la perte de contrôle sur l'avenir de notre système de santé.
Sur ce sujet également, quelles décisions comptez-vous prendre, madame la ministre, sans attendre l'entrée en vigueur de toutes les dispositions du règlement sur l'IA, pour faire respecter de strictes conditions de souveraineté et de contrôle humain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Votre première question, madame la sénatrice, concerne la transparence.
Vous avez raison, nous avons décidé, en tant qu'Européens, avec l'article 50 du règlement sur l'intelligence artificielle, d'exiger des obligations de transparence des contenus générés par l'IA.
À l'époque, la France avait activement soutenu l'inclusion de ces mesures dans l'article 50 ; aujourd'hui, nous suivons avec attention l'élaboration des lignes directrices dudit article. Lors de la rédaction du règlement sur l'intelligence artificielle, les solutions techniques de marquage n'étaient pas encore complètement définies. Il a donc fallu se laisser la liberté de faire évoluer la réglementation au même rythme que la technologie.
Nous avons ainsi fait le choix, en Europe, de nous doter d'un cadre réglementaire dès le début de la diffusion massive de cette innovation. Il faut donc que ce cadre soit adapté. J'ai observé la mise en œuvre d'un certain nombre de solutions, notamment aux États-Unis, à l'instar de celle qui est en cours de développement par Adobe.
Dans le cadre de ces lignes directrices, la mise en application de cette obligation prévue par l'article 50 est absolument fondamentale pour susciter la confiance autour de l'utilisation de cette technologie. À mon sens, le marquage fera bientôt l'objet d'une définition. Cependant, cela ne suffira pas : il faut aussi que nous nous dotions de capacités de détection et d'anticipation.
C'est ce que nous faisons avec le pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN), rattaché à trois ministères, qui est un appui à la régulation du numérique. Celui-ci nous permet, au moyen d'expertises techniques développées par l'État, de créer des modèles de détection. J'ai pu constater l'état d'avancement de ses travaux, qui seront absolument fondamentaux pour étayer la définition du marquage et la détection, et donc créer cette confiance.
Quant à la question de la santé, elle est liée au règlement général sur la protection des données (RGPD), au-delà même du règlement sur l'intelligence artificielle et de la protection des données personnelles. Avec les services du ministère de la santé, je m'efforcerai de vous apporter des réponses plus précises, madame la sénatrice. Il reste que, selon le RGPD, les cas que vous avez mentionnés ne sont pas autorisés. Nous y serons donc vigilants.
Dans les processus d'innovation, on trouve toujours des entreprises qui mordent sur la ligne. Cependant, notre réglementation sur la protection des données et sur l'intelligence artificielle est très claire et elle sera respectée.
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Madame la ministre, les promesses, tout comme les risques, de l'intelligence artificielle sont immenses. Pour ma part, je souhaite vous alerter sur le danger de notre décrochage technologique.
Dans la course mondiale à l'intelligence artificielle, la France et l'Europe prennent du retard. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil national du numérique, dont le président, Gilles Babinet, mentionne un " déclassement " en cours " absolument certain ".
Face aux colosses américains, comme OpenAI, Microsoft et Google, ainsi qu'aux ambitions fortes de la Chine, notre continent n'a, à l'heure actuelle, ni la puissance de frappe financière ni la stratégie industrielle cohérente nécessaires pour peser. J'en veux pour preuve, par exemple, l'avance américaine et l'annonce du projet Stargate par la Maison-Blanche, doté de 500 milliards de dollars, qui devrait nous alerter.
Pourtant, en France, notre recherche publique continue de manquer de moyens et de nombreux talents, malgré tout, partent faire carrière dans les laboratoires de la Silicon Valley.
Alors certes, madame la ministre, les 109 milliards d'euros d'investissements annoncés en France sont à saluer, mais ce plan reste fragmenté et sans vision européenne coordonnée face aux empires industriels américains et chinois.
Il convient de souligner le fait que l'Europe a mis en place un cadre de régulation. Mais celui-ci doit maintenant s'accompagner d'une véritable ambition industrielle. À défaut, nous resterons les consommateurs des technologies des autres.
Nous ne sommes qu'au commencement d'une révolution technologique comparable à celle de l'électricité ou d'internet et l'IA est amenée à bouleverser notre économie, notre manière de produire, de soigner, d'apprendre. C'est donc avant tout, j'y insiste, un enjeu de souveraineté, de démocratie, de civilisation.
Si une IA souveraine peut poser des défis – éthiques, politiques, environnementaux – qui ont été précédemment évoqués, elle reste toutefois à portée de débat démocratique, de régulation publique et de contrôle citoyen. À l'inverse, une IA conçue ailleurs – nous le voyons avec les Gafam –, selon d'autres intérêts, s'impose à nous.
De fait, notre dépendance technologique annonce non pas un simple retard, mais une dépossession politique, au sujet de laquelle je voulais vous alerter. Dès lors, madame la ministre, quelle stratégie de rupture la France, avec ses partenaires européens, compte-t-elle adopter pour sortir de cette dépendance ? En somme, à quand un véritable Airbus de l'intelligence artificielle, capable de structurer une ambition collective, souveraine et durable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé cette question. Voilà un moment déjà que nous débattons et la question de la compétitivité, et finalement celle de l'enjeu de cette course à l'intelligence artificielle, n'avait pas encore été évoquée.
Or c'est bien ce point qui doit nous occuper avant tout, car toutes les autres questions auxquelles nous avons tenté de répondre jusqu'ici en dépendent.
En effet, une réponse européenne est seule à même d'aboutir à une IA fidèle à nos valeurs, une IA plus frugale, une IA à disposition des jeunes, pour leur éducation.
En revanche, et là nos avis divergent quelque peu, je ne pense pas que nous soyons dans une situation de décrochage : en témoignent les différents index qui nous placent en troisième ou en quatrième position à l'échelle mondiale.
À cet égard, le projet américain Stargate, d'un montant de 500 milliards d'euros, est certes très significatif. Mais le projet de 109 milliards d'euros que nous avons annoncé lors du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle est du même ordre de grandeur si on le rapporte à la population française. Ainsi, la France n'a pas à rougir de ses investissements en matière d'infrastructures, qui constituent l'un des piliers de la stratégie de développement de l'intelligence artificielle.
Je l'ai dit tout à l'heure, la recherche est l'un de nos atouts les plus fondamentaux. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de réinvestir dans ce domaine. Nous avons ainsi déployé neuf clusters d'IA sur l'ensemble du territoire, pour un montant de 360 millions d'euros. Ils sont destinés à former 100 000 personnes par an d'ici à 2030.
Nous ferons toujours de la recherche une priorité de notre action.
Par ailleurs, vous regrettez le manque de coordination de la réponse à l'échelle européenne. Là encore, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos propos : le sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle a été justement l'occasion pour l'Europe de réaffirmer sa stratégie InvestEU, d'un montant de 200 milliards d'euros. Elle sera déployée sur toute la chaîne de valeur, des gigafactories à la diffusion de l'IA dans l'industrie.
En outre, il y a deux semaines, l'Union européenne a dévoilé le plan AI Continent, dans le cadre duquel un certain nombre d'acteurs seront consultés pour renforcer la coordination à l'échelon européen sur les gigaprojets.
Bref, il ne s'agit pas que de régulation : il y a des moyens, une vision et une ambition d'innovation.
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen.
M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'intelligence artificielle alimente des angoisses irrationnelles, autant que des attentes démesurées. Cette technologie nous semble à la fois omniprésente et insaisissable, alors que sa diffusion n'est encore que très relative.
L'intelligence artificielle est un phénomène d'une telle puissance qu'il nécessite de se préoccuper au plus vite de la formation de l'esprit critique de ses utilisateurs. Plus et mieux on comprendra le fonctionnement de ces solutions, moins on les subira.
À l'évidence, cette sensibilisation doit débuter à l'école, au collège, au lycée. C'est pourquoi mon propos porte sur l'enseignement scolaire. Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté du Gouvernement de définir une stratégie ambitieuse pour l'IA dans l'éducation. Pouvez-vous, madame la ministre, nous exposer quelques priorités de cette stratégie, voire nous indiquer des échéances prévisionnelles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de rappeler que, lors du comité interministériel relatif à l'intelligence artificielle, présidé par le Premier ministre, chaque ministère s'est engagé dans une démarche de diffusion de l'IA à destination de ses propres services.
La ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, Élisabeth Borne, a dévoilé ses grandes orientations : je la laisserai donc échanger plus en détail avec vous sur cette question. Sachez néanmoins que de grandes décisions ont déjà été prises. Cela fait maintenant deux ans que nous menons des expérimentations en matière d'intelligence artificielle, dans l'espoir que la personnalisation puisse être renforcée dans la démarche d'éducation.
À cet égard, l'AMI dont nous avons parlé tout à l'heure a permis de recenser un certain nombre de solutions. Nous devrons les mettre en œuvre dès cet été, à destination des professeurs, afin qu'ils ne soient pas en difficulté dans l'utilisation de l'IA, contrairement aux élèves.
La semaine dernière, je me suis rendue dans un lycée de Quimper qui prépare au baccalauréat professionnel en matière de service et de restauration. J'ai pu constater, lors de ma visite, qu'un professeur était beaucoup plus en retrait que les autres dans l'utilisation de l'intelligence artificielle. Nous voulons précisément remédier à ce genre de difficulté et mettre les outils d'IA entre les mains de tous les professeurs.
Du reste, nous devons réfléchir à la manière dont l'intelligence artificielle, au-delà de l'éducation nationale, peut être présente dans toutes les formations, notamment dans l'enseignement supérieur. C'est un sujet sur lequel mon collègue Philippe Baptiste travaille actuellement.
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen, pour la réplique.
M. Christian Bruyen. Comme vous, le ministère de l'éducation nationale évoque à juste titre l'indispensable préservation de la notion de souveraineté. Il est en outre primordial d'appliquer les principes de précaution, plus encore pour ce qui touche à la jeunesse. Cependant, il convient de ne pas mettre en place toute une série de garde-fous qui seraient pour beaucoup illusoires et viendraient scléroser le développement de l'IA et de ses applications.
Dans la présentation de sa stratégie en matière d'intelligence artificielle, la ministre de l'éducation nationale a évoqué des outils à même d'aider les enseignants dans leurs pratiques pédagogiques. C'est une bonne chose, mais de nombreux outils de qualité existent déjà et sont d'ailleurs promus par le ministère de l'éducation nationale lui-même. Malheureusement, ils demeurent sous-exploités.
À mon sens, il est surtout nécessaire d'accompagner le corps enseignant pour assurer une véritable appropriation de ces outils. Disons-le, les usages de l'IA dans le système éducatif sont parfois trop normés pour offrir des possibilités de pédagogie différenciée adaptée aux capacités de l'apprenant.
C'est bien dommage, car c'est d'abord en valorisant mieux l'IA auprès des personnels enseignants que l'éducation nationale favorisera l'émergence d'une vraie culture citoyenne autour de ce phénomène. C'est cela qui est fondamental.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous avez tout à fait raison, cette démarche est importante. Elle doit aussi permettre de soutenir le secteur EdTech avec des solutions très performantes – l'une d'entre elles a remporté un grand prix international, comme je l'ai rappelé tout à l'heure – et de mettre celles-ci entre les mains des enseignants et des élèves. C'est bien l'objet de la stratégie que le Gouvernement s'emploie à décliner.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les liens entre l'IA et l'objectif " zéro artificialisation nette " (ZAN), lequel nous occupe beaucoup dans cet hémicycle. D'ailleurs, il faudra s'interroger un jour sur le rapport entre l'IA et les sols vivants, afin d'avoir une meilleure connaissance de notre sol et de notre sous-sol.
Dans le cadre de l'analyse de masse des données photosatellitaires compilées pour nourrir l'outil occupation du sol à grande échelle (OCS GE), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) a recours à l'intelligence artificielle.
Or, à l'heure actuelle, les performances de cet outil semblent encore largement perfectibles. En effet, l'IA bute sur certaines interprétations des données, qui dépendent de la qualité des intrants numériques. Cela nécessite forcément des contrôles et des vérifications par des opérateurs humains.
Il est possible de signaler directement des erreurs d'interprétation dans une logique de participation et d'amélioration de la qualité de la donnée. Je m'éloigne un peu de ma question pour alerter le Gouvernement sur les conflits entre l'État et les collectivités concernant les surfaces qui ont été réellement artificialisées. Force est de constater que nous n'avons pas les mêmes chiffres. La gouvernance et le partage de la donnée sont une question essentielle.
Quelles sont les perspectives d'amélioration de l'utilisation de l'intelligence artificielle par l'IGN ? Cette question vaut aussi pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Quel gain peut-on espérer en mettant à jour les millésimes des séries de données ? Par ailleurs, comment s'assurer de leur fiabilité ? Un référentiel partagé avec d'autres pays pour mener des analyses comparatives intéressantes sur le rythme et la géographie de l'artificialisation des sols pourrait être une solution. Le Gouvernement l'a-t-il envisagée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Vos propos illustrent à quel point l'IA peut apporter des solutions aux enjeux écologiques. En effet, en raison de sa puissance, elle peut nous aider à modéliser et à comprendre ceux-ci et ainsi nous permettre de répondre aux interrogations soulevées.
L'IGN a engagé un travail important sur cette question. Il est à la pointe de l'utilisation de l'IA et développe un certain nombre de solutions. Malgré les limites, il manifeste toujours la volonté d'aller plus loin.
Dans le cadre du plan France 2030, les " jumeaux numériques " doivent nous permettre de regarder plus précisément si l'IGN peut bénéficier d'un appui pour avancer plus vite et être encore plus performant en la matière. Des cas d'usage peuvent nous aider à résoudre plusieurs questions importantes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais j'appelle votre attention sur la question de la gouvernance. Les élus ne doivent pas avoir l'impression qu'une décision leur est imposée d'en haut. Le problème en matière de ZAN est que la planification est mal vécue. Voilà pourquoi nous devons agir ensemble !
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. L'intelligence artificielle n'est plus une promesse d'avenir, elle est déjà une réalité. Il se trouve que la santé est un domaine privilégié de déploiement de cette technologie. L'Académie nationale de médecine a récemment rendu un rapport sur l'IA générative, estimant que son déploiement pourrait aider les médecins dans leurs pratiques quotidiennes et avoir ainsi un impact très positif.
Dans le domaine de la santé, l'IA est considérée comme un outil supplémentaire capable d'apporter beaucoup de solutions à plusieurs égards : amélioration de la qualité des soins et du suivi des patients, gain de temps médical, optimisation des diagnostics, réorganisation de notre système de santé. Bref, les avantages sont multiples, pour les soignants comme pour les patients.
L'IA pourrait-elle être utilisée pour lutter contre les déserts médicaux ? Des solutions numériques peuvent apporter une réponse partielle à ce problème ; installées depuis quelques années, les cabines de télémédecine en sont une parfaite illustration. L'IA peut améliorer les performances en téléconsultation en interprétant en direct les données captées dans les cabines ou en guidant l'entretien avec le patient.
Elle est potentiellement un outil de meilleure organisation du processus de soins et de réduction des inégalités territoriales de santé. Néanmoins, l'IA ne résout pas à elle seule la question de l'accès aux soins. Elle ne remplace ni la main du médecin ni la parole rassurante du soignant. Toutefois, elle permet de soulager les professionnels dans leurs tâches répétitives et administratives.
Dans le secteur de la santé, l'IA est encore en phase d'apprentissage, avec un foisonnement d'initiatives accompagné d'équipes médicales motivées et d'entreprises innovantes. Comment entendez-vous accompagner leurs actions, afin que notre système de santé ne rate pas le virage de l'IA et en tire le maximum de bénéfices ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice. En effet, la santé est le domaine où les bénéfices de l'IA sont les plus clairs et les plus compréhensibles, tant les avancées sont fulgurantes. Cela doit nous permettre de répondre à un certain nombre de défis de manière générale.
Dans cette perspective, le Health Data Hub conduit plusieurs projets, notamment le projet Partage, qui vise à mettre à disposition l'IA générative pour l'analyse des données de santé. Il doit ainsi permettre d'accélérer la recherche sur des cas précis. C'est un projet que le ministre de la santé veut continuer à soutenir, pour développer nos propres bases de données et grands modèles de langage (LLM), au profit de la santé de nos concitoyens.
J'en viens à la télémédecine. Aujourd'hui, chaque hôpital, en fonction de ses spécialités et d'un plan qui lui est propre, travaille à nouer des partenariats pour assurer la disponibilité des soignants partout sur le territoire, en faveur des personnes qui ont besoin d'être soignées. En digitalisant l'expérience de soins, l'IA devrait répondre à une partie de la problématique soulevée. L'Institut Gustave-Roussy a déployé ces solutions il y a quelque temps et force est de constater qu'elles portent leurs fruits.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Je vous remercie, madame la ministre. Le fonctionnement de l'IA doit être compris, non seulement pour mieux appréhender cette technologie et en tirer profit, mais aussi pour en mesurer ses limites. Voilà pourquoi la formation initiale et continue des soignants est essentielle.
Source https://www.senat.fr, le 7 mai 2025