Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à LCP le 6 mai 2025, sur un référendum concernant le budget, le financement de la transition écologique, les critères de naturalisation, les chercheurs aux États-Unis, la grève à la SNCF, la politique de l'énergie, les néonicotinoïdes et la suppression des ZFE.

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Intervenant(s) : 

Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Oriane MANCINI.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe ÉBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Orianne, bonjour madame la ministre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va parler des sujets d'écologie, ils sont nombreux, mais d'abord un mot sur cette idée de François BAYROU de référendum sur le budget. Elle a accueilli très fraîchement dans la classe politique. Emmanuel MACRON doit s'exprimer mardi soir. Est-ce que c'est un référendum qui ne verra jamais le jour ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je pense qu'il faut revenir à l'origine de la question, c'est-à-dire : comment redresse-t-on nos finances publiques ? Moi, je souhaite qu'on prenne ce sujet à bras-le-corps. Prendre ce sujet à bras-le-corps, ça veut dire proposer un plan d'ensemble dans lequel chaque Français a le sentiment que l'effort est partagé. S'il n'y a pas ce sentiment que l'effort est partagé, nous ne convaincrons pas les Françaises et les Français.

ORIANE MANCINI
Et pour ça, il faut un référendum ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc si ça doit passer par un référendum, pourquoi pas ? C'est une option, ce n'est pas une volonté farouche de porter un référendum. Mais à un moment, nous sommes face à un enjeu majeur qui concerne l'avenir de notre pays. Moi, je le vois sur mes politiques qui sont des politiques de long terme. Si on n'a pas une visibilité sur les financements de ces politiques de long terme, ça ne fonctionne pas. Les collectivités locales ont besoin de visibilité, les entreprises ont besoin de visibilité. Donc il faut prendre notre courage à deux mains et aller jusqu'au bout.

ORIANE MANCINI
Mais quand vous résumez une question aussi complexe à une question à laquelle les Français répondent par oui ou par non ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et puis ça serait quoi la question ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Encore une fois, ce que je vous dis, c'est qu'il faut un plan d'ensemble. Et donc la question, c'est : est-ce que ce plan d'ensemble vous paraît correct, vous paraît équilibré ? Vous avez raison de dire que ce n'est pas simple. Mais ce n'est pas parce que ce n'est pas simple qu'il ne faut pas rendre la parole aux Françaises et aux Français. À un moment, si effectivement on n'arrive pas à trouver des solutions avec les outils institutionnels classiques…

ORIANE MANCINI
Vous, vous être plutôt pour ce référendum sur ce budget.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis ni pour ni contre, je suis pour qu'on trouve une solution sur nos finances publiques et cette solution soit acceptée, soit considérée comme valide par les Françaises et les Français. Et je trouve légitime de consulter les Françaises et les Français. C'est eux qui décident à la fin ; on est dans une démocratie.

ORIANE MANCINI
Et François BAYROU qui dit que l'effort doit être partagé par tous, est-ce que ça veut dire que pour trouver 40 milliards, la transition écologique sera également impactée ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais moi je fais partie de ces ministres qui prennent leurs responsabilités. J'ai fait des propositions à François BAYROU. En revanche ce que je souhaite c'est qu'on ait de la visibilité sur nos financements. Moi, je suis allée chercher 2 milliards d'euros à la Caisse des dépôts. Ces 2 milliards d'euros ne pèsent pas sur le déficit de l'État et ils ne pèsent pas sur la dette publique. Je suis allée chercher des financements au niveau européen. Là aussi ça ne pèse ni sur la dette publique ni sur les déficits publics. Je travaille avec les entreprises pour qu'on puisse porter des projets publics privés. Donc oui il y a des solutions. Inversement, j'en ai assez que les Français payent pour des politiques de transition écologique. Je vais vous donner un exemple. Le malus écologique sur les voitures était censé financer les bonus écologiques. Aujourd'hui les Français payent 1 milliard de malus écologiques, il y a 400 millions d'euros pour financer l'électrification des véhicules. Ça, ce n'est pas équilibré. Lorsque les Français payent une surprime sur les catastrophes naturelles qui rapporte 450 millions d'euros à l'État, il est légitime que ces 450 millions d'euros aillent vers les politiques de protection.

ORIANE MANCINI
Pourquoi ce n'est pas le cas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce qu'au passage, une partie de la somme vient dans le grand tout pour financer d'autres politiques. Et je pense que là aussi, il faut de la rigueur et des principes dans la manière dont on conduit le budget.

ORIANE MANCINI
Donc ça c'est un message au ministre de l'Économie et au Premier ministre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

ORIANE MANCINI
Il faut que les recettes soient fléchées sur l'écologie.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Quand il y a des recettes qui sont prélevées sur les Français au nom de l'écologie, il est légitime que ces recettes reviennent vers les Français pour les aider et les accompagner.

ORIANE MANCINI
Donc ça, ça fera partie de vos exigences pour le prochain budget.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça fera partie des demandes que je ferai pour le prochain budget.

ORIANE MANCINI
Un mot sur un autre sujet ; Bruno RETAILLEAU, hier, a présenté une circulaire pour durcir la naturalisation en matière de maîtrise du français, d'insertion. C'est une circulaire de rupture. Il demande au préfet d'être très, très exigeant pour naturaliser. Est-ce que vous êtes en accord avec cette ligne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je continue à dire que l'enjeu sur les questions de l'immigration, la priorité absolue, c'est la lutte contre l'immigration illégale. Moi, je suis élue du Pas-de-Calais… J'ai été élue dans le Pas-de-Calais. Dans le Pas-de-Calais, tous les jours, tous les jours, vous avez des migrants qui essayent de traverser l'Atlantique, qui sont accompagnés par des passeurs qui les traitent comme des chiens avec des risques mortels pour eux. Nous prenons des risques, nous, dans l'action de l'État en mer. Moi, je suis ministre aussi de la Mer, ministre de ces questions régaliennes de la sécurité en mer ; nous prenons des risques pour leur venir au secours lorsque ces bateaux surchargés font naufrage. Franchement, c'est ça aujourd'hui la réelle priorité…

ORIANE MANCINI
Donc vous êtes en accord avec la ligne de Bruno RETAILLEAU sur ces questions ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ça n'a rien à voir. Vous parlez d'une circulaire sur la naturalisation ; je vous parle de lutte contre l'immigration illégale. C'est deux sujets complètement différents.

ORIANE MANCINI
Mais sur la circulaire, il a raison de vouloir durcir les critères de naturalisation ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce que je vous dis. Pour moi, ce n'est pas la priorité. Les gens qui demandent la naturalisation, ce sont des gens qui sont fiers de devenir Français. Je ne sais pas si vous avez assisté à des cérémonies de naturalisation. C'est extrêmement émouvant. Vous avez des gens qui ont fait de vrais parcours de vie, qui ont choisi la France, qui ont appris notre langage. Bien sûr qu'il faut être rigoureux pour éviter les passagers clandestins mais est-ce que c'est la priorité ? Non, la priorité c'est la lutte contre l'immigration illégale.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, hier, Emmanuel MACRON a prononcé un discours à la Sorbonne pour attirer les chercheurs étrangers, notamment américains. Il y a dénoncé dans ce discours le diktat, qui consiste à dire qu'un Gouvernement puisse dire qu'il est interdit de chercher ceci ou cela, notamment quand il s'agit du climat. Il visait évidemment Donald TRUMP. Est-ce que pour vous la politique de Donald TRUMP est dangereuse ? Est-ce qu'elle risque de conduire à une remise en cause de la science ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Un vent très mauvais souffle sur la science aux États-Unis. Je veux dire, c'est très concret. Moi, j'ai des chercheurs dans mes équipes qui n'ont plus de contact avec des chercheurs américains avec lesquels ils travaillaient quotidiennement ; des projets qui se sont arrêtés du jour au lendemain. Des chercheurs qui n'osent pas répondre au téléphone ou qui répondent de manière évasive en disant : " Je viens en Europe cet été, on en parlera autour d'un café " parce qu'ils ont peur d'être écoutés. C'est ça la réalité aujourd'hui de la science aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que ce que dit la science gêne Donald TRUMP. Parce que la science elle désigne bien les énergies fossiles comme étant responsable du trois quarts des émissions de gaz à effet de serre et du dérèglement climatique et que cette vérité gêne les intérêts financiers pour lesquels Donald TRUMP se bat. Et qu'aujourd'hui ça montre combien, il est important dans une démocratie de protéger la science, de protéger les chercheurs et de fonder des politiques publiques sur la science et pas sur des intérêts particuliers et privés. Et donc bien sûr, moi, je suis complètement en phase avec la politique portée par l'Europe et par le Président de la République, d'accueillir ces chercheurs, de faire en sorte aussi de récupérer des bases de données. Il faut avoir en tête qu'aujourd'hui certaines bases de données qui comportent des années d'études peuvent disparaître du jour au lendemain parce que tout est arrêté aux États-Unis sur les sujets météorologiques, sur les sujets climatiques, sur les sujets de biodiversité marine par exemple donc sur des sujets qui sont très importants pour notre avenir commun.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Un mot sur les grèves qui se profilent à la SNCF que vous avez jugées inacceptables, vous êtes choquée par ces grèves. Est-ce que vous diriez qu'il faut restreindre le droit de grève en France et en particulier sur ces périodes de l'année sensible ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je souhaite surtout que le dialogue social fonctionne au sein d'institutions comme la SNCF. Je crois profondément au dialogue social. J'ai été dirigeante d'entreprise dans une autre vie. Je crois profondément que si on veut avoir là aussi des points d'équilibre et une confiance qui s'installe entre les salariés et les dirigeants, il faut du dialogue social.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous dites que la confiance n'est pas là ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attention aussi à ne pas remettre en cause inutilement parce qu'on veut aller trop vite à la conclusion, les syndicalistes. Il faut qu'on ait ce dialogue social. Mais effectivement, je redis que je suis choquée que d'une certaine manière, on attend le moment où les Françaises et les Français partent en congé pour faire levier sur la direction et faire une sorte de chantage.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Je présume que vous avez lu la longue lettre que Jean-Pierre FARANDOU a adressée aux cheminots ; une lettre de 3 ou 4 pages, où il explique tout ce qui a été donné ces derniers mois, ces dernières années, l'évolution du pouvoir d'achat aussi pour les cheminots sur cette période d'inflation. Vous considérez que le dialogue social n'est pas établi, que la confiance n'est pas là entre la direction et les syndicats ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, au contraire. Et d'ailleurs, je salue cette lettre de monsieur FARANDOU parce qu'elle montre bien qu'au-delà des caricatures peut-être qu'on peut avoir, il y a eu un vrai travail d'amélioration des conditions de vie et des conditions de rémunération à la SNCF, il y a eu une réelle écoute et je souhaite que ce dialogue se poursuive de bonne foi.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, Fabrice ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Le prix de l'essence, parce que pour le coup, le prix de l'essence a baissé à la pompe. Est-ce que c'est une bonne nouvelle pour l'écologie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez, je crois que la mauvaise nouvelle pour l'écologie ou la mauvaise nouvelle pour la France, c'est que nous sommes dépendants à 99% de l'extérieur, de l'international, pour nous fournir en pétrole. Et que donc, nous sommes obligés de commenter en observateur les variations du prix de l'essence. Ça monte, " mon Dieu, c'est catastrophique. " Ça baisse, " mon Dieu, quel soulagement. " En fait, ça montre surtout que nous sommes dans une dépendance qui est insupportable et que nous n'avons pas notre destin en main sur cette énergie. Et c'est pourquoi il est aussi essentiel de produire notre propre énergie. Nous avons la chance, en France, d'avoir une électricité abondante produite de manière décarbonée. Nous sommes un des premiers pays au monde à avoir une électricité décarbonée à 95% grâce au nucléaire et grâce aux énergies renouvelables. Cette électricité est aujourd'hui, en Europe, à un prix plus compétitif que nos voisins. Et nous devons travailler à continuer à accompagner ce prix. Une grosse partie du prix que payent les Françaises et les Français, ce sont des taxes. Ça n'a rien à voir avec la compétitivité de notre système électrique, ce sont des taxes. C'est un point qui gagnerait à être regardé.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est dans cet esprit que vous entendez travailler avec…

ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi ce " qui gagnerait à être regardé " ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je m'interroge sur le fait qu'aujourd'hui, le gaz que nous importons de Russie, des États-Unis, d'Algérie, du Moyen-Orient, soit moins taxé en France que l'électricité que nous produisons en France avec des entreprises françaises et des salariés français.

ORIANE MANCINI
Donc il faut baisser les taxes sur l'électricité ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'il y a probablement un équilibre à trouver entre ces deux énergies et qu'il paraît illogique, d'un point de vue économique comme social, de taxer moins une énergie importée qu'une énergie que nous produisons sur le sol français.

ORIANE MANCINI
C'est quoi ? Il faut plus taxer les énergies importées ou il faut moins taxer l'électricité ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut moins taxer l'électricité et probablement plus taxer le gaz, en toute logique. Après, ce sont des questions d'équilibre, d'équilibre de finances publiques et d'équilibre logique. Mais taxer plus une énergie décarbonée fabriquée en France avec des salariés français et des entreprises françaises, franchement, on marche sur la tête.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Concrètement, c'est dans cet esprit que vous souhaitez demander avec le nouveau chancelier allemand que le nucléaire bénéficie du même niveau de taxation que les énergies renouvelables ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le nucléaire bénéficie déjà du même niveau de taxation que les énergies renouvelables. Je rappelle que c'est moi qui me suis battue au niveau européen pour faire reconnaître l'énergie nucléaire comme étant une énergie qui devait être traitée sur le même pied que les énergies renouvelables. Donc de ce point de vue-là, ce que j'aurais plutôt à demander aux Allemands, c'est de pouvoir bénéficier de financements de la BANQUE EUROPEENNE D'INVESTISSEMENT au même titre que les énergies renouvelables. C'est d'avoir un hydrogène décarboné qui soit produit avec de l'énergie nucléaire, soutenu au même titre, avec les mêmes modalités de financement que de l'hydrogène produit avec des énergies renouvelables. C'est effectivement une ligne constante que nous avons eue au sein de ce Gouvernement.

ORIANE MANCINI
Pour poursuivre sur ce sujet, cet après-midi a lieu au Sénat le débat sur la souveraineté énergétique de la France et il y a une personne qu'on entend beaucoup ces derniers temps, c'est Anne LAUVERGEON, l'ancienne patronne d'AREVA, le géant du nucléaire. Elle a dit que le parc nucléaire actuel pourrait produire beaucoup plus et que si c'était le cas, l'électricité serait moins chère. Est-ce que la France fait de mauvais choix énergétiques ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi, j'ai été stupéfaite de cette déclaration. Elle dit ça, ce qui est vrai, puisque c'est exactement ce que nous disons, nous, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie. Mais là où elle est stupéfiante, c'est qu'elle prétend que dans cette programmation, nous limitons la production du nucléaire. C'est faux, c'est écrit exactement le contraire. On dit : " Nous poussons au maximum nos capacités de nucléaire ". Et d'ailleurs, nous nous donnons un objectif qui est supérieur, 400 TWh, à celui de production actuelle. C'est écrit noir sur blanc. Et c'est la personne dont on connaît la gestion calamiteuse d'AREVA qui était un de nos fleurons nucléaires, qui prend aujourd'hui la parole sur les plateaux télévision. C'est quand même assez saisissant. Donc, oui, il faut produire plus de nucléaire sur la base des réacteurs existants. Je rappelle que là aussi, c'est ce Gouvernement qui s'est mobilisé pour demander à EDF un plan industriel pour augmenter la production d'électricité nucléaire, que nous sommes passés de 280 TWh, c'est technique, à 360, c'est-à-dire plus 30 % en deux ans, plus 30 % de production nucléaire. Et évidemment, nous voulons continuer en ce sens et que nous avons, ce qu'a l'air d'oublier Madame LAUVERGEON, un exercice de remise à niveau de nos réacteurs nucléaires, puisque nous sommes ce qu'on appelle dans le grand carénage. Le grand carénage, vous savez, tous les dix ans à partir d'une certaine ancienneté de nos réacteurs, on refait une analyse, du sol au plafond, de nos centrales nucléaires pour vérifier que la sécurité est au maximum, pour réinvestir, remettre le maximum d'équipements de sécurité. Nous sommes dans cette phase-là, ce qui explique qu'il y a des arrêts plus longs que du simple rechargement de nucléaire. Et elle paraît totalement ignorer, cet exercice qui est majeur, et qui est en train de se dérouler.

ORIANE MANCINI
Et qu'est-ce qu'elle cherche à faire, selon vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'ai le sentiment qu'il y a beaucoup de frustrations et de ressentiments à l'égard d'EDF, qui datent de son passage chez AREVA. Et on connaît tous son combat contre Monsieur PROGLIO qui, à l'époque, était à la tête d'EDF. Mais enfin, les Françaises et les Français, ils n'en ont rien à faire de cela. Nous, ce que nous voulons, et moi, ce que je porte avec Marc FERRACCI, c'est une électricité compétitive, abondante, décarbonée et pas chère. Pas chère. Et nous y travaillons de manière sérieuse, et pas en racontant n'importe quoi sur les plateaux de télé.

ORIANE MANCINI
Comme elle le fait, elle raconte n'importe quoi.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà.

ORIANE MANCINI
Emmanuelle WARGON, la présidente de la Commission de régulation de l'énergie, elle appâte pour revoir légèrement à la baisse les objectifs d'électricité solaire et éolienne. Est-ce que vous allez la suivre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, parce que, justement, notre ambition en matière de programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est de constater, depuis l'année dernière, le chemin qui a été fait. Et je l'ai indiqué, nous avons massivement augmenté notre production d'énergie et d'électricité et de nucléaire, je l'ai indiqué, mais également de renouvelables, c'est une très bonne nouvelle. Et donc, il faut, évidemment, ajuster en fonction du rythme de l'électrification, de notre économie. De la même manière que nous avons envisagé légèrement baisser, là encore, mon collègue Marc FERRACCI, publiait récemment une mise à jour de la stratégie hydrogène en baissant légèrement les objectifs pour 2030, pas parce qu'on ne croit pas à l'hydrogène, mais tout simplement, parce qu'on tient compte du rythme de développement actuel.

ORIANE MANCINI
Donc vous allez baisser les objectifs de solaire et d'éolien ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon. Parce qu'on tient compte, aujourd'hui, du rythme de progression. Donc, nous allons prendre en compte la réalité de nos besoins, qu'il s'agisse de production, par rapport à la réalité du rythme de notre électrification.

ORIANE MANCINI
Mais ça va se traduire comment, concrètement ? Ça va être quoi les nouveaux objectifs ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce que je vous indique, c'est-à-dire que... Encore une fois, mon travail, il est fondé sur la science, il est fondé sur les faits, il est fondé sur des données chiffrées. Et donc, lorsqu'on s'aperçoit que nous avons un rythme d'électrification de notre économie qui est légèrement ralenti par rapport à notre évaluation, on ajuste légèrement de manière à continuer à faire du renouvelable. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'on renonce au renouvelable, là aussi, on tombe dans la caricature très rapidement. On a besoin de renouvelables, puisque nous avons besoin de préparer le remplacement de nos réacteurs nucléaires qui vont arriver, à un moment, en bout de course, que nous avons un programme nucléaire pour ce faire, et qu'en parallèle, on doit aussi électrifier tous les énergies fossiles, tous les usages fossiles que nous avons. Donc, il faut beaucoup plus produire d'électricité dans les 20 ans qui viennent et que c'est un ajustement un peu fin entre les différentes sources d'électricité : renouvelables et nucléaires. Et j'insiste sur un point, il y a des électricités renouvelables qui sont parfaitement pilotables. Le biométhane est pilotable, l'hydraulique est pilotable. Et là, cessons d'opposer, de manière vaine et inutile, le renouvelable au nucléaire. L'ennemi, c'est le fossile.

ORIANE MANCINI
Autre sujet : la proposition de loi du sénateur LR, Laurent DUPLOMB, qui va revenir à l'Assemblée nationale. Parmi les mesures, il y a une réintroduction de certains néonicotinoïdes. Elle a été votée au Sénat. Est-ce que vous pensez pouvoir vous y opposer ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Écoutez. La position du Gouvernement lorsque le Sénat avait proposé cette réintroduction était un amendement de suppression. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on ait des vraies propositions pour les agriculteurs. Cette proposition de loi sénatoriale, avec ma collègue Annie GENEVARD, nous avons travaillé sur l'ensemble des articles. Et je crois pouvoir dire aujourd'hui que par rapport à ce qui était la proposition de départ, nous avons une proposition équilibrée. Il reste une difficulté, qui est cet article 2, sur deux sujets. Et nous avons encore des scientifiques qui étaient inquiets hier, et sur lequel il faut qu'on trouve des solutions. Je crois qu'on en a trouvé sur l'exercice par l'ANSES, de sa liberté de conseil en tant que pôle scientifique qui, justement, nous accompagne. On parlait de la science en début d'interview. Il faut que cette entité soit évidemment indépendante dans ses avis scientifiques, sinon, on ne fait pas de la science. Ça n'empêche pas, nous, de prendre nos responsabilités administratives et politiques lorsqu'il faut prendre des décisions. Donc, ça, on a trouvé une solution et on va corriger le texte. Et reste ce sujet des néonicotinoïdes, sur lequel moi, je le dis très clairement : " Attention aux fausses solutions ", parce que je ne suis pas certaine que tel qu'est rédigé le texte, ça apporte une solution, ni aux agriculteurs, ni que ça joue en faveur de l'écologie.

ORIANE MANCINI
On parle des ZFE, Fabrice ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, on revient un instant sur la voiture, avec cette invitation que vous a adressé le maire de Saint-Aignan-le-Jaillard, dans le Loiret, qui vous invitait à venir voir sur le terrain, avec lui, d'une façon taquine, pour un stage de réalité rurale. Si vous avez reçu son invitation, il a pour objectif de vous démontrer que les habitants en milieu rural ne peuvent pas faire autrement que de se déplacer avec leur voiture.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi, vous savez, j'habite à Lens, je suis élue d'une circonscription avec une quarantaine de collectivités de communes rurales. Donc, les leçons de gens qui vivent dans la ruralité, je n'en ai pas besoin, je suis sur le terrain toutes les fins de semaine.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous ne m'avez pas répondu.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et j'ai besoin de ma voiture. Je n'étais pas au courant de cette invitation, elle n'était pas arrivée jusqu'à moi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Elle a beaucoup circulé. Il a fait le buzz. Comment on sort de cette polémique autour des vieilles voitures ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je veux le dire très clairement. Les zones à faibles émissions et les restrictions de circulation ne concernent pas les communes rurales. C'est faux, c'est faux. Et je trouve irresponsable de la part d'un certain nombre de responsables politiques de relayer ces mensonges, parce que ça fait peur aux Françaises et aux Français. Moi, je suis, toutes les semaines, sur le terrain. Et je l'entends toutes les semaines. Et je suis obligée, toutes les semaines, de dire aux gens de ma circonscription : " Vous n'êtes pas concernés, ça ne vous regarde pas. " Et heureusement, parce que je n'ai pas attendu ce monsieur pour savoir que moi, j'ai besoin de ma voiture quand je suis à Lens. Je suis bien placée pour le savoir.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
La suppression des ZFE a été votée en commission. Est-ce qu'il faut les rétablir, est-ce qu'il faut les limiter ? Quelle est votre position ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je le redis, de quoi parlons-nous ? On parle d'un sujet qui est un sujet de santé publique, beaucoup plus que d'un sujet de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup de gens ont confondu les deux choses. Ça n'a rien à voir avec la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Ça n'a rien à voir avec l'électrification des véhicules. Le sujet que nous avons, c'est que les voitures qui ont été construites il y a plus de 15 ans, sont 3 fois, 4 fois, 5 fois plus polluantes que les voitures qui ont été construites il y a 14, 13, 12, 11 ans. C'est-à-dire, des voitures qui sont déjà relativement anciennes. Ça c'est la réalité. Il y a une deuxième réalité, je renvoie aux études de santé publique France, moi, je n'ai pas la prétention d'être ni médecin, ni scientifique, qui évalue à plus de 40 000 décès précoces, des décès liés à la pollution de l'air. Et ces décès se concentrent dans les zones où nous franchissons régulièrement des seuils de pollution. Il faut savoir que dans l'agglomération de Paris et dans l'agglomération de Lyon, vous avez régulièrement des franchissements de seuils qui sont 4 fois la norme recommandée par l'Organisation mondiale de la santé. Donc, c'est un vrai sujet. Est-ce que ça veut dire qu'il faut interdire aux gens d'utiliser leur voiture ? Non. Je suis la première à le dire et à le répéter. Je n'ai d'ailleurs pas été à l'origine du texte sur les zones à faible émission, ce qui me donne une certaine liberté pour dire : « Moi, je suis prête à travailler avec les élus locaux », dont je rappelle que ce sont eux qui définissent le périmètre, les dérogations, la liberté de circuler, les droits à circuler. Mais je veux redire à ceux qui nous écoutent qu'évidemment, on a le droit d'aller voir son médecin, évidemment, on a le droit d'aller voir ses petits-enfants, évidemment, il y a des dérogations pour les plus précaires et que surtout, l'enjeu, c'est de donner des moyens de circuler à ceux qui n'en ont pas ou qui ont des moyens trop anciens. C'est l'enjeu du leasing social que je veux cibler sur les zones à faible émission.

ORIANE MANCINI
Le message est passé. Merci Agnès PANNIER-RUNACHER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2025