Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 7h41 et vous êtes bien sur RMC et RMC Story. Bonjour Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Juliette MEADEL, vous l'aviez promis, plus un seul HLM à l'abandon. Nous sommes assaillis de messages et de témoignages depuis ce matin. Isabella, qui nous a appelés tout à l'heure, professeure de français, ça fait 23 ans qu'elle vit dans un HLM du Val-d'Oise. Passoire thermique, mur du couloir moisi, plafond noir, l'émail de la baignoire qui est fini, les boîtes aux lettres qui prennent l'eau. Elle a écrit nombre de lettres qui sont restées sans réponse. À l'instant, ce message d'Antony, il dit : " Bonjour, je suis locataire. J'occupe un logement social dans la région nantaise depuis 17 ans. Je n'ai jamais eu un retard de loyer. Cela fait plusieurs années que je me bats contre cet office HLM Atlantique Habitations pour des problèmes d'humidité et de moisissure. Mon épouse, qui est assistante maternelle, perd des contrats avec des parents qui refusent de donner leurs enfants à garder. Elle a perdu près de la moitié de ses revenus. Aujourd'hui, elle a décidé d'arrêter sa profession ". Qu'est-ce que vous dites à ces habitants qui paient leur loyer et qui n'ont pas de résultat ?
JULIETTE MEADEL
Je leur dis d'abord que c'est scandaleux, comme je l'ai fait pour tous les habitants que j'ai croisés et qui étaient dans cette situation. Et je leur dis que pour la première fois, le ministère de la Ville a annoncé des sanctions contre les bailleurs qui ne remplissent pas leurs obligations, en particulier dans les parties communes, l'insalubrité, la saleté, les encombrants, les caves et les nuisibles. J'ai dit que je prendrais des sanctions. Je les prendrai. J'ai prévenu. Il y a des bailleurs, aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, qui sont prévenus qu'ils risquent de perdre leur abattement de taxes foncières sur les propriétés bâties.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors expliquez-nous, parce que lorsque vous avez lancé cette procédure, cette demande, notamment aux préfets, qui, dans tous les quartiers prioritaires, devaient vous faire remonter les difficultés, un, quel est le constat ? Et deux, les sanctions, auprès de qui allez-vous les prendre ?
JULIETTE MEADEL
Le premier constat, et c'est très positif quand même, c'est que dans la majorité des cas, les bailleurs travaillent bien. Alors c'est vrai qu'il y a des cas scandaleux, mais disons-le quand même, dans la majeure partie des cas, les bailleurs sociaux, dans les quartiers, font un travail remarquable. J'ai deux situations compliquées et critiques. J'ai une première situation où ça ne va pas bien, et où les bailleurs ont été notifiés par les préfets et par les élus locaux qu'il faut se mettre au travail. Et ils sont en train de le faire. C'est-à-dire qu'il y a toute une série d'endroits où ça avance bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez des exemples ?
JULIETTE MEADEL
Oui, j'ai des exemples précis. Par exemple, à côté de Lille, ça avance bien. Par exemple, y compris en Seine-Saint-Denis, il y a des endroits où ça avance très bien. À Arles, ça avance bien. Donc il y a des endroits que je vois, que je visite, qui étaient catastrophiques il y a trois mois, et qui sont en vraie transformation. Et puis il y a le dernier cas, où c'est une minorité de bailleurs, heureusement, j'ai des difficultés persistantes. C'est-à-dire que malgré les envois, les notifications des préfets, la mobilisation des élus locaux et des habitants, ça ne s'arrange pas. Exemple, j'étais à Martigues, par exemple, à Notre-Dame-des-Marins, où nous avons constaté de très grosses difficultés. C'est 13 Habitat, l'un des bailleurs, public, qui, hélas, sait que s'il ne redresse pas le tir sous peu, il risque de perdre ses abattements de taxes foncières.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pourquoi toujours redonner des perspectives ? Pourquoi vous ne le faites pas tout de suite ? Ça faisait déjà deux mois que vous leur aviez dit.
JULIETTE MEADEL
Pour une raison légale très simple. D'abord, il faut respecter le contradictoire. C'est-à-dire qu'il faut discuter. Vous savez, l'entretien des parties communes, ce n'est pas simple.
APOLLINE DE MALHERBE
Moi, j'ai l'impression que les témoignages qu'on a, et ça fait très longtemps qu'ils respectent…
JULIETTE MEADEL
Et pour une raison, Apolline DE MALHERBE, pour une raison très simple, c'est que ce dispositif d'abattement de taxes foncières sur les propriétés bâties, il est remis en cause chaque année au mois de janvier. Donc nous avons chaque fois un an pour piloter. C'est-à-dire que, nous disons bien, si ça n'est pas réglé, et en réalité, si ça n'est pas réglé d'ici à septembre, vous serez sanctionnés. Mais vous savez, en général, les problèmes, ça fait des années qu'ils sont constatés. Et c'est précisément quand les problèmes sont constatés depuis des années que rien n'est fait en quelques mois, que nous prendrons la décision de sanction. Mais je tiens quand même à dire que c'est une minorité de cas qui seront sanctionnés parce que beaucoup se sont mis au travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous m'avez parlé de Martigues. Y a-t-il d'autres endroits où vous allez sanctionner les bailleurs sociaux ?
JULIETTE MEADEL
À Marseille, oui. Il y a des cas, il y a des quartiers où 13 Habitat est en effet le bailleur, où ça ne fonctionne pas. Dans le Gard aussi. Nous avons des grosses difficultés, par exemple, avec Habitats du Gard, bon dans un quartier qui s'appelle Bagnols-sur-Seize, par exemple. Vous savez, il y a 1 600 quartiers politiques de la ville. Il y a des bailleurs qui sont très bons dans certains quartiers et puis moins bons dans d'autres. Il faut quand même dire, à leur grande décharge, et c'est l'une des remontées du bilan que j'ai, que le trafic de drogue qui s'intensifie, hélas, malgré les actions que nous menons avec le ministre de l'Intérieur et de la Justice, rend la vie quotidienne très compliquée. Et quand vous réparez, par exemple, des caves et que le lendemain, elles sont murées par les trafiquants de drogue, on ne peut pas laisser les bailleurs se débrouiller tout seuls. Et c'est là que l'État joue son rôle, que la police municipale aussi intervient. Et en fait, je veux que les auditeurs comprennent bien que l'État des parties communes, c'est 4 personnes. L'État, les communes, les habitants eux-mêmes, parce qu'il y a aussi beaucoup d'incivilité, et les bailleurs sociaux. C'est quand même une affaire collective. Et là, nous avons remis la machine en mouvement et nous sommes en train d'avoir des résultats. Dans les cas précis que vous venez de me citer, je regarderai très finement, mais dans le Val d'Oise, nous avons mis en place une politique très active. J'y étais moi-même, par exemple, à Garges-lès-Gonesse, où j'ai constaté qu'il y avait de grosses difficultés. Et là, je peux vous dire que nous n'hésiterons pas à prendre des sanctions.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le dites pour Isabella, Isabella qui nous a appelés tout à l'heure, qui parlait de Vauréal. C'est très précis. Elle était prête à donner toutes les informations parce qu'elle dit : " Ça fait des années qu'avec tous les autres habitants, nous nous battons et nous n'obtenons aucune réponse ".
JULIETTE MEADEL
Eh bien, vous savez, je n'ai pas encore obtenu le second bilan pour le Val-d'Oise, mais je peux vous dire que si cette situation n'est pas rétablie d'ici septembre, il y aura des sanctions.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous reviendrez sur RMC pour le dire.
JULIETTE MEADEL
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais que Tarak puisse également s'exprimer parce que Tarak, nous vous avions accueillis au 3216 lorsque Juliette MEADEL, la ministre, était venue il y a deux mois. Bonjour Tarak.
TARAK, AUDITEUR
Oui, bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Tarak, vous vivez dans la région de Lille. Rappelez-nous quelle était la situation et dites-nous si les choses ont changé. Madame la ministre vous écoute.
TARAK
Comme je vous l'ai dit dernièrement, bonjour madame la ministre, il y avait un problème d'eau chaude depuis plus d'un an et le bailleur ne répondait pas, il fait le sourd. Tout disait qu'il y avait une question de moyens. J'avais contacté la maintenance et depuis mon appel, bon ça a bougé un peu, mais le problème n'est toujours pas résolu.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire que vous n'aviez plus d'eau chaude, notamment, ça c'était quand même hallucinant. Vous étiez soit bouillant, soit totalement froid. Vous vous retrouviez à devoir aller prendre votre douche avec vos enfants à la douche municipale. Est-ce que l'eau normale, c'est-à-dire chaude ou froide, mais pas brûlante ou pas glacée, est-ce que ça, ça a été résolu ?
TARAK
Non, ça n'a pas été résolu. En fait, on a de l'eau chaude parce que les températures sont chaudes dernièrement avec la canicule, mais sinon, il n'y a pas d'eau chaude.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas d'eau chaude, vous n'avez toujours pas d'eau chaude. Ils sont venus ?
TARAK
Oui, ils sont venus. Ils sont venus le constructeur, le sous-traitant, que je ne vais pas dire le nom de la société parce que c'est une mauvaise image de marque que je ne veux pas divulguer. C'est DALKIA, entre guillemets. Ils ne sont tous pas compétents et ce ne sont pas des techniciens... Ils ne savent pas d'où vient le problème.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc personne n'a trouvé le problème ?
TARAK
Non, personne. Là, j'ai fait rappeler dernièrement. Ils m'ont dit que le dossier était clôturé. J'étais fâché. Ils ont voulu mettre de côté l'affaire. Ils ont dit que c'était clôturé alors que l'affaire n'était pas résolue. Je l'avais relancé avant-hier. Et là, ils reviennent le 21 mai. Le bailleur et le constructeur. Mais à savoir, comment ça va se passer quoi.
APOLLINE DE MALHERBE
Tarak, vous êtes où exactement à Lille ?
TARAK
A Loos. C'est un bâtiment qui date de 2018. C'est... Habitat.
APOLLINE DE MALHERBE
Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
D'abord c'est effectivement inadmissible mais je note un progrès significatif parce que je visite des quartiers avec des problèmes tellement lourds. Je note quand même qu'on vous répond, qu'on vient voir et qu'on essaie de réparer les choses. Ce qui pour moi est fondamental. Parce que ce qui était inadmissible, c'est qu'il n'y ait aucune réponse au bout de mois et de mois de relance. Donc c'est un progrès.
APOLLINE DE MALHERBE
Le mieux serait quand même que ce soit réparé.
JULIETTE MEADEL
Le mieux, c'est que ce soit réparé. Après, il y a aussi des difficultés techniques. N'oubliez pas quand même…
APOLLINE DE MALHERBE
Il est de 2018, le bâtiment. Moi, c'est ça qui... Pardon, Tarak, on est d'accord ? Vous venez de me dire qu'il était de 2018, le bâtiment ?
TARAK
Oui. En fait, j'étais le premier locataire du bâtiment. Il est neuf. Et en fait, il y a eu des malfaçons parce que le dernier bâtiment était fait par les intérimaires de la société EIFFAGE. Ce sont des vis. Normalement, il y a la garantie décennale qui rentre en compte. Mais tous les interlocuteurs ne veulent pas jouer le jeu. BOUYGUES, EIFFAGE, etc. ne veulent pas réparer les mauvais…
APOLLINE DE MALHERBE
Là-dessus, vous n'avez pas des leviers, Juliette MEADEL ?
JULIETTE MEADEL
Si, bien sûr qu'on a des leviers. Alors attention parce que moi, je travaille beaucoup sur les parties communes. Mais les problématiques, qui sont des problématiques techniques, nous, nous posons des questions, nous agissons avec les élus locaux et nous demandons des résultats. Donc on va regarder de près pourquoi tout ça ne se règle pas. Ceci étant, il faut quand même reconnaître aussi que le prix de l'électricité, de l'énergie ayant augmenté, ça rend quand même les choses complexes pour tout le monde. Mais vous avez raison, monsieur, de continuer à suivre ça. Et nous allons regarder.
APOLLINE DE MALHERBE
Tarak, on avait dit qu'on ne vous laisserait pas tomber et on sera extrêmement attentifs dans les semaines qui viennent. Un mot encore, Juliette MEADEL, sur un autre type de témoignage. On a Pauline, notamment, qui nous a appelés. Elle travaille dans le département des sinistres, habitation pour une assurance. Et elle dit 80% des dossiers auxquels on a affaire sont des dossiers issus de bailleurs sociaux. Ils font traîner pour ne pas payer et pour ne pas réparer.
JULIETTE MEADEL
Alors c'est quand même un peu dur comme type de sondage, parce que moi, je vois quand même très concrètement qu'ils font le maximum. Bon, moi, attention, je ne veux pas non plus qu'on jette en pâture les bailleurs sociaux qui font quand même un travail difficile. Donc il faut faire les choses quand même dans le respect, et en particulier des agents. Vous savez, les agents des bailleurs sociaux sont des personnels, des gardiens qui sont là, qui font face aussi à des difficultés, parce qu'ils sont menacés, il faut le dire, parce qu'il y a aussi des trafics de drogue auxquels on n'a pas…
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, on a l'impression que ce que vous nous dites, c'est que c'est surtout un problème de sécurité quand même.
JULIETTE MEADEL
Donc attention ! Il y a beaucoup une question de sécurité. Et les problématiques de sécurité fragilisent non seulement les habitants, mais également les agents des bailleurs sociaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce n'est pas des problèmes de sécurité qui font qu'ils n'ont plus d'eau chaude ou que les murs sont moisis.
JULIETTE MEADEL
Mais vous savez, à chaque fois que vous envoyez un intervenant pour réparer, il est menacé par des trafiquants de drogue. En fait ça ne facilite pas les choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais enfin, pardon, imaginez dans ces cas-là les habitants.
JULIETTE MEADEL
Exactement. C'est pour ça que j'ai travaillé avec le ministre de l'Intérieur, que nous allons densifier, et que le ministre a indiqué qu'il mettait en place des opérations très vigoureuses pour lutter contre le trafic de drogue. Franchement, Rome ne s'est pas fait en un jour. On assiste depuis quelques années à une intensification du trafic de drogue. Vous le savez. C'est un phénomène mondial. Et donc nous nous adaptons à cela. Mais il est certain que ça rend la vie quotidienne insupportable pour les habitants, mais aussi pour les agents des bailleurs sociaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Améliorer la vie des habitants de ces HLM dans les quartiers prioritaires, c'est votre priorité ?
JULIETTE MEADEL
C'est ma priorité.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous reviendrez dans deux mois, on refera le point ?
JULIETTE MEADEL
On fera le point aussi souvent que nécessaire. Ça n'avait jamais été fait qu'un ministre de la Ville s'occupe de ces questions-là. Michel ROCARD l'avait évoqué en son temps sur les boîtes aux lettres. Moi, je suis la ministre du quotidien, mais je ne m'occupe pas que de l'entretien des parties communes. Je m'occupe également du bien-être des enfants et des problématiques de santé mentale dans les quartiers. Parce que je considère qu'un habitat dégradé, une présence du trafic de drogue et la précarité sociale, c'est le premier facteur de risque des troubles psychiques lourds. Et si l'on veut lutter contre la violence, y compris contre la violence des jeunes, il faut commencer…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi. Comment vous allez le faire ?
JULIETTE MEADEL
Avec la présence renforcée de psychologues, de psychologues spécialistes dans l'infanto-juvénile. Nous y travaillons avec Yannick NEUDER, le ministre de la Santé et Catherine VAUTRIN, parce que c'est dans ces quartiers-là que la précarité sociale cause le plus de troubles psychiques. On ne le dit pas assez, mais un enfant qui vit dans un environnement difficile et qui est menacé par des trafiquants de drogue, c'est un enfant qui peut être la cible de ces réseaux. Et donc nous voulons leur donner tout l'environnement nécessaire pour qu'ils puissent bien grandir.
APOLLINE DE MALHERBE
Je trouve ça super, Juliette MEADEL, évidemment. Mais on a quand même l'impression qu'ils vous disent qu'ils n'ont pas d'eau chaude, que leur habitat est insalubre et vous leur dites : " On va vous mettre des psys ".
JULIETTE MEADEL
Non, on fait tout en même temps, Apolline DE MALHERBE. On s'occupe du quotidien. J'ai commencé. Mon premier engagement, c'était de dire sur votre antenne, je serai la ministre des ascenseurs qui fonctionnent et la ministre qui permettra d'améliorer les choses, de lutter contre les nuisibles et de réparer les boîtes aux lettres. Une fois qu'on s'est occupé du quotidien, on s'occupe aussi du bien-être psychique, sanitaire, éducatif et social. Bref, de tout l'accès au service public.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup, Juliette MEADEL…
JULIETTE MEADEL
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
D'être venue dans ce studio ce matin me répondre, mais répondre surtout aux auditeurs qui témoignent nombreux ce matin. Juliette MEADEL, je rappelle que vous êtes la ministre déléguée chargée de la Ville. Merci à vous.
JULIETTE MEADEL
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 mai 2025