Déclaration de Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur l'antisémitisme, en conclusion des Assises de lutte contre l'antisémitisme, Paris le 13 février 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Aurore Bergé - Ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Alors que s'achève cette matinée, je pense que nous partageons toutes et tous des sentiments mêlés.

De l'indignation et de la gravité, de la colère et de la honte, en entendant le récit de ceux qui vivent l'antisémitisme au quotidien, dans la solitude et trop souvent dans l'indifférence de la société.

Mais aussi de l'espoir, à travers des voix qui refusent de se taire, qui dénoncent, qui se mobilisent, qui agissent.


Il y a eu des mots qui marquent, des paroles qui restent.

Des idées pernicieuses qui progressent parce qu'elles se dissimulent sous un vernis d'acceptabilité, prétendant répondre à des inquiétudes légitimes pour mieux imposer des logiques de division et d'exclusion.

Des jeunes français, qui nous racontent comment, dans leurs écoles, dans leurs campus, des insultes deviennent des habitudes, des blagues deviennent des agressions, et des silences deviennent des complicités.

Comment rester indifférents ?

Comment ne pas s'engager ?

S'engager face à l'explosion des actes antisémites,

Face au fossé générationnel qui est en train de se creuser,

Face à ceux qui considèrent que l'antisémitisme est "résiduel", ce qui ne vaut pas mieux qu'un "détail", et qui refusent de dénoncer des attentats terroristes pour ce qu'ils étaient,

Face au climat pesant qui s'installe dans l'enseignement supérieur, où une minorité d'agitateurs de haine parvient à rendre l'atmosphère nauséabonde pour ceux qui veulent étudier librement et sereinement.

S'engager, car au-delà des constats, il y a l'action résolue.


Il n'est pas question d'être spectateurs !

Antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme : face à toutes les formes de haine anti-juive, il n'y a plus d'indifférence possible.

La réponse de la République est un refus en bloc, total, absolu car l'antisémitisme ne se combat pas "à la carte".

L'État a agi et il agira encore pour mieux protéger et mieux sanctionner : à chaque acte, l'État doit répondre ; à chaque insulte, à chaque attaque, l'État doit sanctionner.

Le Gouvernement y veille et j'en suis la vigie.


Ce matin, nous avons aussi entendu des voix porteuses d'espoir.

Des jeunes citoyennes et citoyens qui ne veulent se résoudre ni à l'indifférence, ni au fatalisme.

Des initiatives qui montrent que l'éducation et la transmission restent nos armes les plus puissantes.

Il nous appartient de les soutenir, de donner à ces initiatives une ampleur nationale, afin qu'elles puissent inspirer à leur tour de nouveaux projets, partout en France.

Cet après-midi, à l'Elysée, le Président de la République remettra lui-même et pour la première fois le prix Ilan Halimi.

Avec lui, nous mettrons ainsi à l'honneur l'engagement de la jeunesse pour une société plus fraternelle, contre les stéréotypes et les préjugés racistes et antisémites.

Car lutter contre l'antisémitisme, ce n'est pas seulement sanctionner, c'est aussi prévenir.

Et c'est par l'éducation que nous formerons des citoyens libres, capables de résister aux discours de haine et de manipulation.


Nous avons aussi écouté des experts nous alerter sur les nouvelles formes de l'antisémitisme et qui échappent encore aux sanctions, sur leur résurgence dans l'espace public et numérique, et sur les défis qui nous attendent pour y répondre efficacement.


C'est pourquoi aujourd'hui, je lance deux groupes de travail.

Le premier groupe, à vocation juridique, aura pour mission de définir avec précision l'antisémitisme dans ses formes actuelles et de proposer les évolutions nécessaires de notre arsenal juridique et législatif pour garantir une sanction plus efficace de tous les actes et discours haineux.

Pour sortir de la naïveté.

Le second groupe de travail, consacré à l'éducation, s'inscrira dans une logique de prévention et de transmission tout au long de la vie.

Il aura pour mission d'identifier les leviers pédagogiques et les actions de responsabilisation indispensables pour éduquer nos enfants, adolescents et jeunes adultes, leurs parents contre les préjugés, les appels à la division et les actes de haine et de violence, dans tous les territoires de notre République.

Pour mieux former nos enseignants.

Ils auront deux mois pour formuler des propositions concrètes.


Mais notre action ne s'arrête pas là.

Aujourd'hui, je vous présente une grande campagne nationale de communication.

Une campagne claire.

Sans ambiguïté.

Directe.

Pour briser l'indifférence.

Nous allons la déployer partout en France pour réveiller les consciences de nos concitoyennes et concitoyens.

Car lutter contre l'antisémitisme, c'est aussi refuser le silence complice, refuser l'aveuglement.


Mesdames et Messieurs,

L'antisémitisme n'est pas un spectre du passé.

Il est là, bien présent : il insulte, il attaque, il agresse, il viole, il tue.

Face à la haine anti-juive, chaque renoncement est une victoire pour ceux qui sèment la haine.

Chaque hésitation est une brèche dans notre pacte républicain.

Ne nous y trompons pas : il n'y a pas de fatalité, rien n'est écrit.

La démocratie est un combat quotidien et, en matière d'antisémitisme, il n'y a pas d'entre-deux.

Nous avons un choix à faire.

Un choix entre l'indifférence et l'engagement, entre la peur et le courage, entre la fracture et le rassemblement.

Ce choix, nous le faisons ici et maintenant.

C'est une exigence absolue, une responsabilité que nous portons toutes et tous.

Car défendre la République, ce n'est pas seulement en proclamer les valeurs, c'est les faire vivre, chaque jour, par nos paroles, par nos actes, par notre intransigeance face à la haine.

Alors oui, le combat est immense, mais il est à notre portée.

Et il commence avec cette certitude inébranlable : ici, dans la patrie des Lumières, dans la nation de Victor HUGO et d'Emile ZOLA, de Marc BLOCH et de Germaine TILLION, de Simone VEIL et de Robert BADINTER, au cœur de la République Française, jamais nous ne céderons.


Pour que vive la République, et que vive la France !


Source https://www.dilcrah.gouv.fr, le 15 mai 2025