Interview de M. François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, à TF1 le 20 mai 2025, sur les agressions contre les élus.

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Média : TF1

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour François-Noël BUFFET.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
On va parler avec vous, ce matin, des agressions contre les élus, puisqu'il y a deux ans, un centre d'analyse a été créé. Et aujourd'hui, il vous rend son tout premier rapport. Alors, avec quel résultat ? Combien d'agressions contre les élus ont été enregistrées ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il rend son rapport effectivement aujourd'hui. C'est le premier avec un constat alarmant, à savoir que les agressions contre les élus ont augmenté. Alors, si je peux vous donner quelques chiffres, puisque vous me le demandez ; pour l'année 2021-2022, on est à 2 430 faits, avec une augmentation d'une année sur l'autre de plus de 30%. 2022-2023, on a 2 759 faits, qui représentent une augmentation de 13,5%. Et en 2024, on a 2501 faits, qui représentent une baisse, en revanche, de 9%. Donc ça, les choses sont établies désormais clairement. Et nous savons exactement ce qu'il en est.

ADRIEN GINDRE
Quand on parle de faits, on parle d'agressions verbales, on parle d'agressions physiques. Comment ça se répartit ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Absolument, verbal et physique. Et nous avons, en termes d'agressions physiques… Ce n'est pas le plus important, le plus important, c'est la partie verbale, réseau, cyber, qui est vraiment la plus conséquente. La partie physique n'est pas la plus importante. Enfin, en ce qui concerne les violences physiques, c'est plus 6% pour vous donner quand même…

ADRIEN GINDRE
Donc il y a quand même un léger bouger.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr, non, c'est important. Oui, bien sûr.

ADRIEN GINDRE
Est-ce qu'il y a des situations, des cas types, des zones de France où les élus sont plus agressés, des situations où ils sont plus agressés, physiquement ou verbalement, on l'a compris ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Malheureusement, non. C'est un peu comme le narcotrafic ; la violence est partout que ce soit dans les grandes villes, dans les petites villes, voire même en milieu rural. Le constat majeur, c'est aussi celui-ci, c'est-à-dire que cette violence s'exerce de partout.

ADRIEN GINDRE
Ça touche même les maires, d'ailleurs, dans l'étude. C'est ce que l'on voit.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, 68% des agressions concernent les maires. Les conseils municipaux, c'est de l'ordre de 30%. Et ensuite, les autres élus. Mais les maires sont principalement la cible. Je me souviens, comme président de la commission des lois, avoir interrogé le maire de Saint-Brévin-les-Pins, à l'époque où il a failli mourir, il ne faut pas oublier. Il m'avait expliqué, il nous avait expliqué, devant le Sénat, les conditions de son agression. Cela a continué, naturellement. Ils sont la cible parce qu'ils représentent évidemment l'autorité locale.

ADRIEN GINDRE
Mais c'est-à-dire qu'il n'y a non seulement pas de respect de la figure de l'élu, mais au contraire, même, une volonté de s'en prendre à la figure de l'élu.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui. En fait, l'idée… Enfin, la mauvaise idée, c'est effectivement de s'en prendre à l'élu qui représente la République, qui représente l'autorité. Et ces décisions sont de plus en plus contestées. Je repense à Saint-Brévin, mais dans d'autres circonstances. Rappelez-vous ce maire qui est mort, lorsqu'il avait vu une entreprise décharger des matériaux, reculant le véhicule, il a été tué. C'est dire qu'on est prêt à tout aujourd'hui. Mais le maire est visé parce qu'il est l'incarnation de l'autorité. Il est, comme le dit souvent le président du Sénat, à portée d'engueulades. Mais là, ça va beaucoup plus loin.

ADRIEN GINDRE
Il y a des mesures qui ont quand même été prises ces dernières années. L'expérimentation d'un bouton d'appel, un numéro d'aide psychologique, une loi, d'ailleurs, que vous aviez contribué à apporter. Qu'est-ce qu'il reste, aujourd'hui, à faire pour empêcher ou pour lutter contre ces agressions ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Vous faites bien de rappeler qu'après les événements, notamment de 2023, j'avais fait voter un texte au Sénat accompagné d'autres collègues qui a donné lieu à la loi du mois de mars 2024 qui a renforcé les peines encourues pour les agressions à l'égard des maires, qui a amélioré la protection fonctionnelle. Et puis, qu'est-ce qu'il reste à faire ? Eh bien, être intransigeant. Il faut continuer d'abord de donner aux élus la capacité de pouvoir réagir vite, c'est-à-dire des dispositifs, des sortes de kits à disposition.

ADRIEN GINDRE
Ça, c'est notamment aussi ce qu'on appelle ce bouton d'appel qui leur permet de se signaler.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Absolument, qui permet de se signaler immédiatement des services de gendarmerie ou de police, bien évidemment, un contact régulier avec les procureurs de la République, la capacité d'apprendre à réagir très, très vite, et puis la sanction. Mais il faut reconnaître qu'en la matière, les tribunaux ont réagi assez bien, puisque le délai de réponse du parquet a été en moyenne d'un peu plus d'un mois et demi, ce qui est très important en évolution par rapport à d'autres affaires, et en matière de décisions et de sanctions, on est en moyenne, je dis bien, à 15 mois de prison ferme. Donc c'est quelque chose quand même… Il y a eu une réponse pénale qui a été incroyable.

BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que les maires vont le faire ? Le maire, c'est l'autorité. Le maire ne veut pas admettre ça. Qu'est-ce qu'il fait le maire ? Il renonce. On le voit dans toutes les études, et on le voit à chaque élection municipale ; le maire dit au bout de 6 ans : " merci, au revoir. "

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, c'est assez juste. Nous avons constaté depuis plusieurs années un certain nombre de démissions de maires ou de conseillers municipaux qui, devant la difficulté, renoncent. Après on ne sait pas exactement pour quelles raisons, c'est-à-dire qu'on ne sait pas exactement les motifs des départs. Mais pour ceux qui subissent des violences, je repense toujours au maire de Saint-Brévin, ils décident d'arrêter. Mais le maire de L'Haÿ-les-Roses, qui avait été attaqué quelques temps plus tard, est resté en poste et a résisté. Je crois que l'important, au-delà du fait qu'ils peuvent décider, effectivement, de renoncer, c'est de tenir et de réagir, et qu'à la fois la police, la gendarmerie et la justice réagissent très fermement à ces situations.

ADRIEN GINDRE
Pour répondre à la question de Bruce, vous préparez également ce que vous appelez un " pack Nouvel Élu. " En quoi ça consiste ? À qui ça va s'adresser ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ça va s'adresser, effectivement, à l'occasion des élections de 2026. On prépare ce qu'on peut appeler une sorte de kit qui permettra aux élus de pouvoir réagir, de savoir comment réagir quand on est victime d'une agression avec des dispositifs numériques, bien évidemment, une sorte de répertoire numérique aussi, qui permettent immédiatement, alors qu'ils sont agressés, de pouvoir appeler la bonne personne.

ADRIEN GINDRE
Un mot aussi des polices municipales, puisque souvent les maires demandent plus de pouvoir pour leurs polices. La semaine dernière, sur TF1, le chef de l'État a dit " Je souhaite que le Gouvernement puisse prendre une loi, notamment pour permettre aux polices municipales de faire des saisies, des flagrances, des amendes forfaitaires. " Alors quand la loi verra-t-elle le jour ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Pour tout vous dire, la loi est prête. Elle sera présentée à la fin du mois de juin. Il me reste à arbitrer quelques sujets. C'est dans le cadre du Beauvau des polices municipales. Donc nous sommes arrivés au terme de notre travail, avec la possibilité donnée aux maires de pouvoir permettre à leur police municipale de délivrer des amendes délictuelles forfaitaires, de pouvoir contrôler des coffres, de pouvoir contrôler des identités, de pouvoir faire des saisies, éventuellement. Et la possibilité, vraiment, à la demande du maire. C'est-à-dire que la question n'est pas d'obliger les maires à le faire, mais de leur donner une sorte de boîte à outils qui leur permettra d'agir. Donc nous irons très, très vite.

ADRIEN GINDRE
Et vous visez une adoption, à quel horizon ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
J'aurais aimé avant l'été, mais je pense que nous n'y arriverons pas. En revanche, à la rentrée, le texte pourra être débattu au Parlement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2025