Texte intégral
Merci, Edi.
Merci beaucoup de nous accueillir pour ce sommet et félicitations pour le résultat électoral, et en effet, ce chemin européen et cette confiance dans l'avenir, dans l'Europe que tu as exprimée. Merci, et je suis heureux de vous retrouver ici tous et toutes pour ce sixième sommet de la communauté politique européenne et le premier dans la région des Balkans. Et donc merci pour l'immense hospitalité, et aussi pour avoir rappelé que derrière le rêve européen et ce qui nous unit, l'Europe n'est pas simplement une géographie, mais elle est toujours une mythologie, un récit et une traversée. Et de rappeler que cette Europe de la Renaissance, des Lumières, celle de la paix, du progrès et de la culture est celle qui nous a inspirés et qui, au fond, donne envie.
Néanmoins, nous nous retrouvons dans un moment de la vie de nos Nations et de cette région qui, je crois, empruntent d'une certaine gravité la rencontre d'aujourd'hui, compte tenu des enjeux qui sont les nôtres. Et en fond, en essayant de préparer cette rencontre, je suis frappé de voir à quel point, et de manière sans doute inédite, on a aujourd'hui sur notre Europe un défi sur toutes les sécurités. Et réunir cette Europe large, au-delà de l'Union européenne, entre tous les chefs d'État et de gouvernement et toutes les Nations qui sont ici représentées, c'est essayer de donner une chance à notre grand continent de faire face aux défis qui sont les siens à travers l'unité. Et je pense que l'unité entre nous tous est indispensable aujourd'hui compte tenu des menaces et des risques de division qui pèsent sur le continent.
Évidemment, la première sécurité est la sécurité géopolitique, vous l'avez exprimé l'un et l'autre, et les menaces de guerre, de divisions qui frappent l'Europe et qui, parfois, menacent sa propre unité. C'est d'abord, évidemment, la guerre d'agression russe en Ukraine. Et Volodymyr sait combien, ici, il a notre solidarité. Et je pense que la bataille que nous menons tous, que nous avons porté nos collectifs la semaine dernière avec Keir, Donald et Friedrich, la coalition des volontaires qui s'est constituée et unie beaucoup ici autour de cette table pour soutenir l'Ukraine est importante d'abord pour obtenir le cessez-le-feu. Et si besoin était, je crois que les dernières heures ont montré à cet égard que la Russie n'avait pas envie de cessez-le-feu et s'il n'y a pas une pression accrue des Européens et des Américains pour obtenir ce résultat, il ne sera pas spontané. Et au fond, la Russie veut reprendre des discussions qui sont connues, celles qui se sont tenues entre février et mai 2022, qui n'ont pas empêché les crimes de guerre à Boutcha et ailleurs, et qui n'ont donné aucun résultat. Et nous devons pousser sur ce chemin et bâtir une paix juste et durable pour l'Ukraine. C'est aussi tout le travail qui est en train d'être finalisé, et j'espère qu'il sera parachevé et qui permettra un traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et je veux dire ici vraiment à Nicole et Ilham notre plein soutien à tous pour obtenir sur ce chemin la signature de ce traité de paix. C'est d'avancer sur des questions qui restent entre Belgrade et Pristina. C'est d'apporter notre soutien à la Moldavie, victime chaque jour des ingérences russes. Et c'est rappeler l'importance d'échéances électorales en cours qui, là aussi, sont, on le sait très bien, font l'objet de telles ingérences. Et enfin, comme vient de le dire Antonio, c'est nous coordonner pour apporter une réponse tous ensemble à la situation humanitaire inacceptable à Gaza, obtenir là aussi un cessez-le-feu immédiat, une réponse humanitaire, puis une réponse politique qui est la seule possibilité d'avoir un chemin, qui est clé pour l'unité de nos pays et les principes que nous défendons, mais qui est aussi le seul moyen, au vu du reste du monde, d'être compris sur ce que nous faisons sur l'Ukraine.
Et je ne compare aucune situation, mais je veux insister pour nous tous sur cela, l'essentiel de l'humanité : la Chine, l'Inde, le continent africain, le Proche Moyen-Orient, le Pacifique et l'Asie et l'Amérique latine, nous regardent. Parfois, elles ne comprennent pas totalement ce qu'on fait sur l'Ukraine, soyons lucides, mais il faut l'assumer et l'expliquer. Mais elles ne nous comprennent plus du tout sur l'Ukraine quand nous restons silencieux sur Gaza. Ce qu'elles nous disent : vous êtes étranges, vous nous dites que notre vie est en jeu quand il y a la souveraineté territoriale qui est attaquée, puis vous fermez les yeux quand il y a un massacre. Et je ne compare rien, je sais les histoires, mais je veux vraiment ici nous réveiller collectivement sur la cohérence que nous devons tenir sur ces points.
Au fond, nous le voyons, toutes ces situations montrent le besoin de paix, la nécessité, évidemment, de revenir par la diplomatie, mais c'est le chemin sur lequel nous devons trouver l'unité pour notre sécurité et sur lequel, nous devons construire aussi une réponse collective. Et derrière, pour être crédible, là aussi, avoir une réponse commune, une large majorité d'entre nous font partie de l'OTAN, mais nous avons aussi besoin d'avoir un pilier européen fort dans l'OTAN et d'agir en européens pour notre sécurité collective. Et les dernières semaines et les derniers mois l'ont montré. Et l'Europe, l'Europe large, prend encore plus de force et de pertinence dans le moment que nous vivons pour justement assurer sa propre sécurité. La communauté politique européenne est aussi l'espace qui permet de bâtir la sûreté pour nos populations. Et à cet égard, la lutte contre les trafics de drogue, le narcotrafic, la lutte contre l'immigration illégale sont des sujets essentiels que nous avons commencé à évoquer tous ensemble et sur lesquels je souhaite que nous puissions ensemble commencer à structurer des coalitions d'États, d'organisations internationales, d'agences européennes spécialisées pour lutter contre les trafics, notamment portuaires et fluviaux, et bâtir des échanges de données, lutter contre le financement illicite, le blanchiment et la corruption, et renforcer les programmes de prévention. Mais c'est une bataille qui est clé, qui est attendue par nos populations. Tous ces trafics sont liés entre eux, et la communauté politique européenne est aussi l'espace qui permet de bâtir des coopérations très concrètes en la matière.
Enfin, c'est la sécurité démocratique. Alain Berset la porte, ô combien, dans tous ses discours et à travers son organisation, mais nous voyons à travers nos élections, la Roumanie le vit en ce moment, je l'évoquais, la Moldavie l'a vécue il y a très peu de temps, nous avons très clairement des menaces qui sapent l'intégrité de nos démocraties, qui minent leur résilience, et nous subissons des manipulations lors des périodes électorales, mais des ingérences informationnelles étrangères à peu près tout le temps. Et c'est quelque chose qui sape la sécurité démocratique de notre Europe. Et donc, face à cela nous avons lancé à Blenheim l'initiative qui a été portée avec Maia Sandu en créant un réseau de points de contact au niveau de la CPE pour améliorer la coopération entre nous. Et il faut aller plus loin en protégeant mieux nos infrastructures critiques face aux cyberattaques, en renforçant nos cadres réglementaires sur les contenus illicites en ligne, en traquant les flux financiers qui alimentent ces actions hybrides. Mais cette sécurité démocratique est essentielle, sinon, en particulier la Russie, continueront de déstabiliser nos opinions publiques pour bouger les lignes. La Commission européenne, je le sais, a des initiatives en cours, mais ce qui a été porté par Maia à Blenheim, je pense, est un point important sur lequel on peut accrocher tout ça.
Et puis le dernier point, c'est la sécurité économique. Je l'évoquais à Budapest, mais je pense qu'on n'a pas encore suffisamment pris la mesure que nous constituons un marché de 700 millions d'habitants, et ce marché a une puissance extraordinaire. Il est beaucoup plus gros que le marché américain, il est beaucoup plus cohérent, et en fait, compte tenu du niveau de vie moyen, il est plus structurant que le marché chinois. Si nous savons agir tous ensemble, c'est une énorme puissance de feu, d'abord en renforçant les coopérations, en abattant les barrières tarifaires, en ayant de la convergence réglementaire pour faire de notre grande Europe, de notre large Europe quelque chose de beaucoup plus uni sur le plan commercial et sur le plan de l'intégration économique. C'est tous les débats qu'on a entre l'Union européenne et le Royaume-Uni et qui sont menés en ce moment, mais c'est aussi les débats qu'on avait eus et que vous aviez structurés, en particulier, Aleksandar et Edi, sur toute la région.
Mais je souhaite qu'on puisse vraiment aller beaucoup plus loin sur cette intégration économique de la région, indépendamment des sujets d'élargissement et d'Union européenne. Et je pense que nous devons nous coordonner très fortement pour faire face à toutes les attaques extérieures ou, au fond, à tout ce qui crée de la concurrence déloyale. On est tous face aux tarifs américains. Coordonnons-nous. On sera beaucoup plus forts si on se coordonne avec un marché de 700 millions d'habitants et de consommateurs. On fait tous face à la concurrence déloyale de certains produits venant d'Asie en raison de différences de règles ou de la sur-subvention de surcapacité. Coordonnons-nous. On sera beaucoup plus forts pour protéger nos marchés et ce commun. Et donc, je souhaite qu'on essaie de structurer aussi une réflexion et un travail autour de la sécurité économique à l'échelle du continent et donc autour de la communauté politique européenne.
Voilà les quelques mots que je voulais dire, mais au fond, on le voit bien, notre grande Europe est à un moment de réveil géopolitique. Si justement, on veut éviter le rapt, et la Renaissance a continué de peindre les mythes, et au fond, le grand risque qu'Europe court. Alors je ne sais pas si c'est Zeus transformé en taureau qui la ravira, ce que je sais, c'est que les risques se multiplient face à nous et que la communauté politique européenne est un espace qui nous permet de structurer, sur le plan géopolitique et militaire, sur le plan des sécurités et de la sûreté de nos pays, sur le plan économique et sur le plan démocratique, des réponses très concrètes par des coalitions d'action. Et donc, pour ça, je pense qu'il est temps, comme ça avait été proposé par Victor et comme Edi l'a suivi d'en effet de formaliser par un secrétariat léger une équipe de coordination de soutien pour suivre les projets concrets de la CPE, qui pourrait être assurée par la troïka des Présidences et le Président du Conseil européen, et du coup, à chaque fois, de pouvoir prévoir les deux Présidences à venir, ce qui permettrait d'avoir en permanence des troïkas et un suivi des projets que nous lançons dans ce cadre.
En tout cas, Edi, merci de nous permettre de nous retrouver à Tirana, et merci pour l'hospitalité et l'amour lyrique de notre Europe que tu portes.