Texte intégral
Madame le Président, chère Micheline,
Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,
Chers collègues, chers amis,
Je tiens à vous témoigner ma profonde reconnaissance pour votre invitation à m'exprimer devant votre délégation. C'est avec une émotion sincère que je retrouve cette maison à laquelle je demeure très attaché, et dont j'ai eu l'honneur de partager les travaux sur de nombreux sujets relatifs aux Outre-mer.
Permettez-moi de structurer mon propos autour de trois axes : les enjeux et perspectives de la coopération régionale ; les actions concrètes conduites dans les trois bassins océaniques ; et, enfin, quelques éléments de réponse aux propositions formulées dans votre rapport sur l'océan Indien.
Comme l'a rappelé le Président de la République en début d'année, l'insertion des Outre-mer dans leur environnement régional constitue une priorité stratégique. Je salue à cet égard l'attention constante que votre délégation accorde à cette ambition essentielle.
Les Outre-mer partagent avec leur voisinage des liens historiques, culturels et sociaux profonds. Il apparaît désormais nécessaire que cette proximité s'exprime davantage dans les échanges économiques. Il convient, en ce sens, de consolider la relation naturelle qu'entretiennent les territoires ultramarins avec leur environnement géographique immédiat, sans pour autant affaiblir les liens structurants qui les unissent à l'Hexagone.
Cette dynamique suppose un travail déterminé pour lever les obstacles entravant la circulation des biens et des services, fluidifier les échanges et créer un environnement propice à l'investissement privé. Cette orientation permettra également de renforcer la solidarité régionale et de mieux répondre à la problématique de la vie chère. L'amélioration de la connectivité aérienne et maritime s'impose par ailleurs comme un chantier prioritaire : tant que les territoires demeureront difficilement accessibles entre eux, toute ambition de coopération régionale restera stérile.
Dans cette perspective, j'ai souhaité consolider notre stratégie dite "Trois Océans", en m'appuyant sur des ambassadeurs de coopération régionale désignés pour chaque zone, en associant étroitement les représentants des collectivités territoriales aux travaux, notamment à travers les conférences de coopération régionale organisées chaque année. Je rappelle ici le fondement juridique posé par la loi d'orientation pour l'Outre-mer du 13 décembre 2000, renforcée par la loi du 5 décembre 2016, qui a permis des avancées significatives, notamment dans les départements et régions d'Outre-mer.
Les collectivités ultramarines peuvent et doivent devenir des vecteurs d'influence pour la France dans leurs zones respectives. À cet égard, le développement de la coopération décentralisée offre un levier encore trop peu exploité.
Je me suis rendu en février dernier à la Barbade et à la Martinique afin d'accompagner l'adhésion de cette dernière à la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cette avancée majeure devrait, je l'espère, être suivie par la Guadeloupe et la Guyane.
Nos priorités dans cette zone concernent la sécurité régionale, avec un accent mis sur la lutte contre les trafics, la criminalité transfrontalière, l'orpaillage illégal et les flux migratoires qui déstabilisent notamment Haïti.
L'action sanitaire figure également parmi nos priorités. Grâce au soutien de l'Agence française de développement (AFD) et à la Caribbean Public Health Agency (CARPHA), des réseaux de veille épidémiologique ont été mis en place, notamment pour répondre aux épisodes de dengue, de zika ou encore à la pandémie de Covid-19.
L'adaptation au changement climatique constitue un enjeu transversal : cyclones, séismes, montée des eaux, et prolifération des algues sargasses nécessitent une approche coordonnée. La préparation de la Conférence des Nations unies sur l'Océan (UNOC 3), coorganisée par la France et le Costa Rica à Nice, ainsi que le Forum mondial des îles que je présiderai s'inscrivent dans cette dynamique.
La France intervient également en matière de sécurité civile, en mobilisant des moyens en soutien aux Etats voisins, comme lors de l'éruption de la Soufrière à Saint-Vincent ou du cyclone Irma. Cette solidarité renforce notre présence dans un espace marqué par une forte concurrence d'influences - latino-américaine, nord-américaine, caribéenne, chinoise, africaine et orientale.
Enfin, les partenariats universitaires et scientifiques, tels que ceux avec l'Université des Antilles, le Campus caribéen des arts, la Caribbean Maritime University ou encore Sciences Po, favorisent les échanges académiques et la recherche appliquée, et participent au rayonnement de la francophonie dans la région.
Le bassin Pacifique revêt une importance stratégique pour la France, qui y compte 600.000 ressortissants et des zones économiques exclusives (ZEE) calédoniennes, polynésiennes et wallisiennes couvrant les deux tiers de sa ZEE nationale.
Les forces armées stationnées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie contribuent à la stabilité régionale et aux interventions humanitaires en cas de catastrophe naturelle. Lors d'un déplacement à Perth, j'ai réuni les ambassadeurs de la région ainsi que les élus locaux pour faire un point de situation sur les perspectives de coopération. Nous poursuivons notre engagement dans les principales organisations régionales : la Communauté du Pacifique, le Forum des îles du Pacifique, le Programme régional océanien pour l'environnement, et l'Association des Etats riverains de l'océan Indien (Indian Ocean Rim Association - IORA), dans le cadre de notre stratégie pour l'Indopacifique. J'ai veillé à ce que nos collectivités soient pleinement associées à la révision en cours de cette stratégie.
Nous soutenons également des projets d'amélioration de la connectivité, qu'elle soit aérienne, maritime ou numérique. Le programme régional de mobilité lancé en 2024 favorise par ailleurs les échanges académiques et scientifiques entre les Etats insulaires du Pacifique et les collectivités françaises.
Nous entendons structurer et consolider cette dynamique prometteuse.
La région de l'océan Indien constitue un espace éminemment stratégique, tant par sa démographie - plus d'un million de ressortissants français y résident - que par son rôle dans les échanges mondiaux : un tiers du commerce mondial d'hydrocarbures y transite, et le canal du Mozambique a vu son trafic croître de 50% en lien avec la crise sécuritaire en mer Rouge.
L'intégration de Mayotte à la COI constitue une priorité de notre diplomatie régionale. Ce point a été réaffirmé par le Président de la République et par moi-même lors du dernier Sommet des chefs d'Etat à Madagascar. Si les résistances demeurent vives du côté comorien, nous sommes déterminés à poursuivre le dialogue, et je me tiens prêt à me rendre à Moroni pour avancer sur ce dossier.
La France s'engage avec fierté au sein de la COI pour faire face aux problématiques régionales : pollutions marines, trafic de drogue, pêche illégale ou sauvetage maritime. Notre pays contribue activement à la sécurité maritime dans cette zone, notamment à travers une architecture régionale structurée autour de deux centres dédiés à la fusion des informations et à la coordination opérationnelle. La Réunion joue un rôle moteur à cet égard, et le projet de création de l'Académie de l'océan Indien, annoncé par le Président de la République, renforcera encore notre capacité à faire face aux défis sécuritaires communs.
Sur le plan agricole, des initiatives avec Madagascar visent à structurer un espace d'échanges agroalimentaires au sein de la COI. Le programme Varuna, soutenu par l'AFD, accompagne la préservation de la biodiversité et du parc naturel marin.
Nous soutenons également des coopérations bilatérales, notamment avec le Kenya, où un accord a été conclu entre la Chambre de commerce et d'industrie du Kenya et l'ADIM de Mayotte. Je m'y rendrai prochainement avec une délégation d'entreprises kenyanes. Par ailleurs, je soutiens pleinement le programme Interreg porté par le conseil départemental de Mayotte, axé sur le canal du Mozambique.
Je souhaite saluer la qualité du rapport produit par votre délégation, dont l'approche méthodique et pragmatique alimente utilement les politiques publiques. Je ne saurais prétendre à l'exhaustivité, au regard du travail minutieux que vous avez mené. Néanmoins, permettez-moi d'y apporter quelques éléments de réponse en trois volets : la structure administrative du MEAE, les orientations de politique étrangère, et la mobilisation européenne.
Je souscris pleinement à l'objectif d'un renforcement du dispositif de coopération régionale de l'océan Indien. Nous avons créé un poste de conseiller politique dédié à la coopération régionale, qui prendra prochainement ses fonctions à Maurice. Par ailleurs, les postes de conseillers diplomatiques des préfets sont aujourd'hui pourvus dans les trois bassins. Une convention signée en avril avec le conseil départemental de Mayotte permettra d'affecter des agents départementaux dans nos ambassades, selon un modèle déjà en place pour les collectivités françaises d'Amérique.
La plateforme de coopération régionale de la France dans l'océan Indien (PCFOI) a été réactivée, avec des réunions en mars et en juin. Cette instance constitue un pilier essentiel de notre politique de coopération régionale.
Soyez assurés de notre attachement à associer systématiquement les élus mahorais aux démarches diplomatiques. Le président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, a ainsi participé au Sommet de la COI. Cette dynamique représente une priorité de notre stratégie. Concernant votre proposition d'une meilleure intégration de Mayotte dans son environnement économique, nous avons engagé une stratégie commerciale régionale en ce sens, avec une finalisation prévue cet été.
En matière migratoire, le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte prévoit des mesures concrètes, tandis qu'un dialogue étroit s'organise avec les Comores pour lutter contre les départs irréguliers.
Quant au croisement des lignes budgétaires entre l'aide au développement et les crédits ultramarins, il constitue une nécessité. Nous travaillons activement avec le ministère des Outre-mer en ce sens.
Nous enregistrons toutefois un point de divergence, mineur mais réel, s'agissant de la représentation française au sein de la COI. Le rôle de La Réunion dans ce cadre s'avère central, et nous lui réservons une attention particulière. Toutefois, la représentation nationale au sein de cette instance ne saurait être déléguée exclusivement aux collectivités réunionnaises. Confier un mandat permanent de représentation à La Réunion contredirait l'objectif poursuivi d'associer pleinement Mayotte à l'ensemble des programmes de cette organisation.
Une représentation portée par l'Etat garantirait ainsi un équilibre entre nos deux territoires, chacune pleinement légitime dans cette enceinte. Par ailleurs, nombre de thématiques traitées relèvent de compétences régaliennes, et ne peuvent dès lors être assumées par les seules collectivités territoriales.
Je ne doute pas du succès d'une telle complémentarité entre l'Etat et les collectivités.
Plusieurs des recommandations formulées par votre délégation appellent une mobilisation accrue au niveau européen. Nous partageons la même analyse quant à la position stratégique des territoires ultramarins : ils constituent, à bien des égards, des avant-postes de l'Union européenne dans leurs bassins géographiques respectifs. Il nous revient ainsi d'exploiter cet atout structurel et de veiller à ce que les Outre-mer en tirent tous les bénéfices.
S'agissant de votre proposition relative à l'élaboration d'une politique européenne de voisinage spécifiquement conçue pour les régions ultrapériphériques (RUP), il me semble que les fondations en sont d'ores et déjà posées, à travers les dispositifs d'adaptation existants, notamment les programmes Interreg. Toutefois, je partage votre conviction : il s'agit là d'un point de départ, et non d'un aboutissement. Des instruments analogues à la politique de voisinage appliquée aux frontières continentales de l'Union pourraient en effet être envisagés, afin de renforcer l'intégration régionale des territoires ultramarins.
Nos partenaires européens, souvent moins exposés à ces enjeux, doivent être sensibilisés avec constance. Cette pédagogie diplomatique constitue un impératif, et je m'y emploie systématiquement lors de chaque séquence de travail européenne. À cet égard, il semblerait opportun que votre délégation présente les conclusions de ce rapport devant le Parlement européen. Je crois savoir que cette démarche est déjà engagée - preuve, s'il en fallait, de la parfaite convergence de nos intentions.
Par ailleurs, vous soulignez avec justesse les contraintes juridiques et réglementaires qui freinent la coopération régionale, en particulier en matière d'approvisionnement et de gestion des déchets. Le Président de la République a d'ailleurs mis en lumière ces difficultés lors de son déplacement d'avril dernier. La France continuera de défendre, dans le respect des traités européens, une évolution du cadre réglementaire permettant une meilleure prise en compte des spécificités ultramarines, afin d'améliorer concrètement les conditions de vie et le pouvoir d'achat de nos compatriotes, sans jamais compromettre les exigences en matière de santé publique.
Madame la Présidente, j'espère avoir exposé de manière claire les grandes lignes de notre action en matière de coopération régionale, ainsi que les principales réponses aux propositions émises par votre délégation au sujet de la zone océan Indien. Je souhaite remercier à nouveau l'ensemble des contributeurs pour la qualité du travail accompli.
Vous pouvez compter sur mon engagement pour prolonger et mettre en oeuvre les orientations que nous partageons. À cet effet, j'ai d'ailleurs procédé à la désignation, au sein de mon ministère, d'une conseillère spécifiquement chargée du suivi de la coopération régionale.
(...)
Je vous remercie, Mesdames les Rapporteures.
Nous avons mis en place une coopération diversifiée avec le Suriname, afin d'apporter une réponse coordonnée aux différentes problématiques transfrontalières, auxquelles j'ajouterais la lutte contre les narcotrafics. Or, l'absence de ratification d'un protocole par le parlement surinamais constitue un obstacle majeur à toute négociation substantielle. Nous appelons à cette ratification avec insistance, sans toutefois tomber dans l'ingérence.
Je partage pleinement votre constat selon lequel nos territoires ultramarins constituent de véritables fers de lance diplomatiques, et nous devons intensifier les relations entre ceux-ci et leurs voisins. Des initiatives existent déjà, comme les programmes Interreg, qu'il convient désormais de développer. Les visites de terrain que vous effectuez, ainsi que les événements internationaux comme la prochaine Conférence des Nations unies sur l'Océan, représentent autant d'occasions de renforcer cette dynamique. Nous y travaillons activement.
À cet égard, je propose que des membres de votre délégation puissent m'accompagner lors de déplacements liés à ces thématiques, afin de porter ensemble ces enjeux sur le terrain.
S'agissant des règles européennes, le traité permet de faire valoir certaines exceptions. Ce travail, engagé ici depuis de nombreuses années, notamment à l'initiative du sénateur Michel Magras, se poursuit. Naturellement, toutes les contributions visant à lever les obstacles normatifs, tout en assurant la protection de nos concitoyens, recevront notre plein soutien.
L'apprentissage du français relève principalement du ministère de l'Education nationale, mais il s'agit effectivement d'un sujet fondamental dans le cadre de la francophonie. Celle-ci ne se limite pas à une langue ; elle véhicule également des valeurs, au rang desquelles figure le multilinguisme, que nous encourageons vivement. L'exemple du portugais semble particulièrement pertinent, compte tenu de notre environnement caribéen et de la proximité du Mozambique. Nous devrions effectivement promouvoir et encourager son apprentissage.
Parmi les initiatives récentes, je souligne la création prochaine du Collège international de la langue française à Villers-Cotterêts, destiné à former des professionnels dans les domaines de l'enseignement et de l'interprétariat. Par ailleurs, une intelligence artificielle dédiée à la langue française, issue des engagements du dernier sommet sur l'IA, permettra d'améliorer les outils de traduction vers et depuis le français, et d'apporter ainsi une innovation au service du multilinguisme. J'en profite pour réaffirmer notre attachement à la valorisation des langues régionales, notamment le créole, le shimaoré ou le kibushi. Ces sujets demeurent au coeur de nos préoccupations.
Sur l'aspect sanitaire, nous disposons d'opérateurs reconnus tels que l'AFD, l'Institut de recherche pour le développement (IRD), ou l'Institut Pasteur, dont l'expertise nous permet de mener des actions efficaces. Toutefois, je souhaite ici exprimer une vigilance particulière : la politique de développement, dont ces actions relèvent, fait l'objet de fortes contraintes budgétaires. Le récent vote du Parlement a réduit sensiblement ses moyens, et je me permets d'en alerter collectivement cette assemblée. Cette politique, portée historiquement par l'AFD depuis sa création par le général de Gaulle, demeure essentielle pour anticiper les crises, notamment sanitaires. La pandémie de Covid-19 a rappelé à quel point la capacité à prévenir et à agir en amont conditionne notre sécurité collective. Si demain une nouvelle épidémie survenait, amoindrir notre action en matière de développement reviendrait à affaiblir notre propre protection.
De ce fait, nous travaillons actuellement à l'affinement de cette politique stratégique afin qu'elle soit résolument orientée dans l'intérêt des Français.
(...)
R - La meilleure implication de nos territoires dans la diplomatie constitue effectivement un enjeu central. Vous soulignez la nécessité de mieux associer les élus : c'est une démarche que je m'efforce de mettre en oeuvre au quotidien. Dans quelque temps, nous pourrons tirer pleinement les enseignements de mes premiers mois de fonction et formuler des propositions structurées. L'adhésion de la Martinique à la CARICOM, par exemple, constitue l'aboutissement d'un processus engagé depuis les années 2000, renforcé par la loi dite "Letchimy". J'espère que la Guadeloupe et la Guyane pourront suivre cette voie, qui permet aux exécutifs locaux de dialoguer plus directement avec leur environnement régional.
J'ai moi-même constaté la qualité des relations entre La Réunion et l'île Maurice. Il s'agit d'un exemple de coopération concrète qu'il importe d'améliorer et de valoriser. Notre objectif doit être clair : favoriser l'adhésion des outre-mer aux organisations régionales, dans le cadre d'une stratégie de bassins portée par le ministère des Outre-mer et articulée avec notre politique de développement. Le rythme d'avancement peut sembler insuffisant, mais la dynamique engagée est réelle et porte déjà ses premiers résultats.
Nous disposons, avec nos outre-mer, de joyaux stratégiques que nos compétiteurs ont parfaitement identifiés. Aussi, certains cherchent à les fragiliser, à travers des campagnes de désinformation ou des stratégies de déstabilisation dans chacun des bassins océaniques.
Je vous informerai à l'avance de mes prochains déplacements, afin que nous puissions conjuguer nos efforts. Car, au-delà du langage diplomatique, la voix des élus, votre légitimité et votre liberté de ton représentent des atouts essentiels. Nous avons besoin de cette complémentarité.
(...)
R - Vous avez rappelé à juste titre les trois niveaux de coopération auxquels Saint-Martin est désormais associée. La politique visant à améliorer l'insertion dans le bassin régional tend précisément à conférer des marges de manoeuvre plus directes aux collectivités vis-à-vis de leur environnement régional. Dès lors, une éventuelle intervention de l'Etat devra impérativement reposer sur une approche concertée. Si la délégation sollicite effectivement une contribution étatique plus importante, nous veillerons à nous appuyer sur les propositions émanant directement de la collectivité de Saint-Martin. Les mécanismes bilatéraux existants posent nécessairement l'enjeu de leur coordination, imposant un dialogue renforcé entre l'Etat et la collectivité. Concernant les relations spécifiques avec les Pays-Bas, je n'ai pas à ce stade d'éléments précis à vous apporter, mais je m'engage à revenir vers vous avec des informations complètes sur ce point.
Ensuite, je confirme que la promotion de la francophonie constitue l'une de nos priorités. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Organisation Internationale de la Francophonie et nos partenaires bilatéraux à l'étranger. Les Alliances françaises jouent un rôle central dans cette stratégie. Avec plus de 800 implantations dans le monde, elles forment le coeur battant de notre diplomatie culturelle, bien que le MEAE n'exerce pas de compétence directe sur ces structures. Je porterai ce sujet à l'attention des services concernés et vous tiendrai informés des développements.
Enfin, la Guyane occupe une place essentielle dans notre stratégie de coopération régionale dans cette zone géographique. La frontière qu'elle partage avec le Brésil et le Suriname représente une plateforme d'échanges quotidiens, marquée par une forte mobilité des populations. Cette situation justifie une coopération dense et multithématique : migrations, sécurité, santé, culture, éducation, populations autochtones, agriculture, etc.
Des structures spécifiques, comme les Conseils du fleuve Maroni et Oyapock, permettent d'intégrer les spécificités locales, tout comme les Commissions mixtes transfrontalières (CMT). Après une suspension liée à la pandémie, les réunions annuelles de la CMT franco-brésilienne ont repris depuis 2024. Nous avons également renforcé notre présence au Suriname, avec l'arrivée d'un attaché de sécurité intérieure et la création en cours d'une commission de gestion commune des bassins hydriques du Maroni et de l'Oyapock. La CMT franco-brésilienne, créée en 1996, demeure l'outil principal de coopération dans cette région. Elle permet aux acteurs locaux de faire remonter leurs besoins et de proposer des solutions concrètes. Nous continuerons à la soutenir activement.
Pour accompagner l'intégration régionale de la Guyane, une procédure d'adhésion à la CARICOM a été lancée en partenariat avec l'Etat. Forts de l'expérience martiniquaise, nous sommes déterminés à accélérer cette dynamique. L'ambassadeur prépare actuellement la 18e Conférence de coopération régionale Antilles-Guyane, prévue au second semestre 2025 en Martinique. Elle permettra de faire le point sur les priorités identifiées précédemment : sécurité, environnement, diplomatie territoriale, économie et échanges culturels. Ces travaux compléteront les coopérations transfrontalières déjà en place, notamment avec le Suriname et le Brésil.
En outre, nous associons étroitement les élus en amont de la CMT, comme ce fut le cas lors de la réunion préparatoire du 11 mars dernier avec la Collectivité territoriale de Guyane. Une évolution formelle de leur rôle nécessiterait une révision de l'accord intergouvernemental du 28 mai 1996. Je n'y suis pas opposé, mais cette démarche suppose l'accord des autorités brésiliennes. En attendant, nous pouvons et devons continuer à impliquer pleinement les élus dans la préparation des travaux.
Je me tiens à votre disposition pour poursuivre ces échanges en amont des prochaines échéances régionales. Mon ministère reste ouvert et mobilisé sur l'ensemble de ces sujets.
(...)
R - Le déplacement du Président de la République à Madagascar a permis de réaffirmer la qualité de nos relations bilatérales et notre volonté commune de renforcer la coopération avec ce partenaire essentiel dans l'océan Indien. Un mois plus tôt, j'y avais déjà signé plusieurs accords, notamment dans les domaines de la santé et de la nutrition, pour un montant de 5 millions d'euros.
Sur le plan économique, notre coopération bilatérale s'intensifie, atteignant chaque année environ un milliard d'euros. Nous souhaitons approfondir ces échanges, en particulier dans le domaine agricole, en misant sur la proximité géographique. L'expression de "grenier" peut prêter à discussion, mais elle renvoie à une réalité historique : Madagascar a longtemps approvisionné la région, comme en témoignent de nombreux récits transmis localement.
Le Président de la République a également engagé plusieurs accords structurants, parmi lesquels le projet de barrage hydroélectrique de Volobe, porté par EDF, destiné à améliorer l'accès à l'énergie et à l'eau.
En matière d'aide au développement, l'action de la France à Madagascar s'élève à environ 130 millions d'euros annuels. Le Président a également rappelé l'engagement de la France en faveur du dialogue mémoriel et des coopérations patrimoniales, à travers notamment la restitution annoncée des crânes Sakalava. Par ailleurs, la présence d'une importante communauté francophone à Madagascar a donné lieu à plusieurs séquences autour de la francophonie.
S'agissant de la Charte sociale européenne, je vous confirme que le ministre Jean-Noël Barrot a annoncé l'extension de son application aux territoires ultramarins. Nous avons officiellement notifié cette intention au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, Alain Berset. Le processus est désormais en cours, et je reste bien entendu disponible pour vous fournir toute précision complémentaire.
Enfin, concernant les sargasses, je partage entièrement votre analyse : il s'agit d'un phénomène transfrontalier qui nécessite une réponse concertée. Le Forum des îles, que je présiderai en marge du sommet UNOC 3, réunira les petits Etats insulaires et les territoires ultramarins autour de pratiques et solutions partagées face aux défis communs.
Je vous invite à participer à cet événement, qui constituera une étape importante vers une réponse régionale coordonnée.
(...)
R - S'agissant de la Chine, j'entends votre plaidoyer. Ce sujet dépasse en effet le périmètre de mon portefeuille, mais je tiens à vous assurer que la France adopte une posture beaucoup moins naïve qu'il n'y paraît. Nous sommes pleinement engagés dans la lutte contre la désinformation, et renforçons nos coopérations internationales en privilégiant nos intérêts face aux principaux compétiteurs, qu'il s'agisse de la Chine ou, par exemple, de l'Azerbaïdjan.
Concernant Haïti, je rappelle que la France reste l'un des seuls Etats membres de l'Union européenne à maintenir une présence diplomatique à Port-au-Prince. Nous apportons un soutien constant au processus de transition, même si celui-ci demeure complexe, notamment en l'absence d'un engagement américain clairement défini. Par ailleurs, nous restons ouverts à tout dialogue approfondi, tant sur le plan sécuritaire que sur les dimensions historique et mémorielle.
Je pourrai vous faire parvenir une réponse écrite plus détaillée, conformément à votre suggestion. En tout état de cause, je vous confirme que la France continue de se tenir aux côtés d'Haïti.
(...)
Merci beaucoup, Madame le Président, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs.
Nombre d'entre vous ont déjà été reçus au ministère dans le cadre de nos travaux sur l'aide au développement ou la francophonie. Les portes vous restent bien entendu ouvertes, en particulier sur ce sujet qui me tient à coeur : celui d'une meilleure intégration de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional.
Encore une fois, merci pour la qualité de nos échanges.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2025