Texte intégral
ORIANE MANCINI
Bonjour Sophie PRIMAS.
SOPHIE PRIMAS
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes porte-parole du Gouvernement. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND du groupe La Dépêche. Bonjour Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane. Bonjour Sophie PRIMAS.
SOPHIE PRIMAS
Bonjour Christelle BERTRAND.
ORIANE MANCINI
On va revenir sur les propos hier de Gérald DARMANIN, de François BAYROU. Mais d'abord Gérald DARMANIN qui juge que les comparutions immédiates après les violences qui ont eu lieu après le match du PSG, ces condamnations ne sont pas à la hauteur de la violence que connaît le pays. Est-ce qu'un garde des Sceaux peut dire ça ?
SOPHIE PRIMAS
Oui. Il peut dire ça car il a pris la précaution de dire que naturellement les juges ont fait leur travail mais que probablement c'est la loi qui est en cause, la loi qui n'est plus adaptée à la violence extrême que l'on connaît, à cette violence de rue qui est quasi systématique maintenant, qui est de plus en plus violente et qui touche des enfants, enfin des jeunes, de plus en plus jeunes. Et donc il a raison de dire que probablement il faut repenser la loi que nous avons aujourd'hui et qui est insuffisante. Je crois que tous les Français ont été choqués de voir à la fois ces violences, la force de ces violences et la faiblesse de ces condamnations.
ORIANE MANCINI
De quelle manière ? François BAYROU, hier devant les députés, il a dit qu'il voulait des peines minimales comme il existe des peines maximales. Est-ce que ça veut dire que le Gouvernement va proposer des mesures dans ce sens dans les prochains jours ?
SOPHIE PRIMAS
Gérald DARMANIN a été assez clair. Il travaille aujourd'hui sur un projet de loi qui remettra des sanctions qui sont plus importantes et plus adaptées à la réalité de la violence.
ORIANE MANCINI
Il sera présenté quand ?
SOPHIE PRIMAS
Alors je n'ai pas pour l'instant la date à la fois de sa présentation au Conseil des ministres et à la fois de l'agenda parlementaire qui, vous savez, est très touffu. Je n'ai pas cette date-là.
ORIANE MANCINI
Ce sera avant l'été ?
SOPHIE PRIMAS
Non. Avant l'été, je ne pense pas. Ça me paraît impossible avant l'été compte tenu de l'actualité législative que nous avons devant nous. Mais je pense qu'il faut bien travailler ce texte et il faut le faire parce qu'il est très important. Il faut adapter aujourd'hui notre loi et nos codes à la réalité et à l'évolution de la violence.
ORIANE MANCINI
Il y a déjà un texte qui avait été voté il n'y a pas longtemps à l'initiative d'Horizons. Il a été voté à l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas s'emparer de ce texte ? Est-ce que vous demandez qu'il soit inscrit rapidement à l'ordre du jour du Sénat déjà ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, je pense que c'est à Gérald DARMANIN aujourd'hui et au Premier ministre d'organiser la façon dont les choses vont se passer. Si on peut s'appuyer sur ce texte, pourquoi pas ? Il y a aujourd'hui une réflexion qui est en cours de la part du garde des Sceaux. C'est à lui de mener ce chantier.
ORIANE MANCINI
Mais vous ne demandez pas au Sénat de l'inscrire rapidement ?
SOPHIE PRIMAS
On verra. Pour l'instant, on en est au début du process.
ORIANE MANCINI
On va parler de sursis.
CHRISTELLE BERTRAND
Le Gouvernement dit qu'il veut supprimer les peines de sursis pour ce type de fait. Comment on fait la différence ? Donc on parle des affrontements avec les forces de l'ordre. Là, ça concernait les événements après le PSG. Mais est-ce que ça concerne aussi ce qui peut se passer autour des manifestations ? Par exemple, les manifestations contre les retraites, autour des méga bassines. Qu'est-ce que c'est que ce type de fait dont parle le Gouvernement ?
SOPHIE PRIMAS
Mais vous savez, en France, nous sommes un peuple réactif, un peuple éruptif et donc la liberté de manifester, il faut la préserver naturellement. Mais la liberté de manifester, ce n'est pas la liberté de tout casser. Je crois qu'il y a un écart entre aujourd'hui cette liberté que nous avons, nous, peuple français, de nous exprimer, y compris dans la rue, en disant que nous ne sommes pas d'accord, pas contents, de nous regrouper à plusieurs pour manifester, et cette violence qui vient à casser le bien public, le bien privé, qui vient s'attaquer aux forces de l'ordre, qui courageusement font résistance et protègent nos biens publics…
CHRISTELLE BERTRAND
Pour qu'on comprenne bien, la suppression de sursis, ça pourrait concerner quels faits exactement ?
SOPHIE PRIMAS
On en est vraiment au début de la réflexion et je ne peux pas aller dans les détails de cette loi que je ne connais pas et des intentions de Gérald DARMANIN.
ORIANE MANCINI
Est-ce que déjà le Gouvernement, il est favorable à la suppression de sursis ? Parce qu'hier, François BAYROU a parlé de peines minimales, mais il n'a pas parlé de suppression de sursis.
SOPHIE PRIMAS
Là aussi, je redis, nous en sommes au début du process. Vous avez entendu le Premier ministre hier à l'Assemblée nationale dire qu'il était pour des peines minimales. Il n'a pas dit le reste. Donc il y aura un dialogue entre le garde des Sceaux et le Premier ministre. Ensuite, il y aura un projet de loi qui sera présenté, une session parlementaire qui aura le droit d'affiner cette loi. Nous en sommes au début du process, donc je ne peux pas vous dire ce qu'il y aura exactement dedans à cette heure.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous seriez favorable au retour des peines planchers ? Elles avaient été instaurées quand la droite était au pouvoir, puis supprimées quand la gauche est revenue au pouvoir. Il faut les remettre ?
SOPHIE PRIMAS
C'est une piste sur laquelle Gérald DARMANIN va travailler, évidemment.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors la suppression du sursis, ça veut dire plus de personnes en prison. Est-ce que nos prisons aujourd'hui peuvent absorber ce nombre de personnes supplémentaires, comme on le fait puisqu'elles sont déjà, on le sait, extrêmement remplies ?
SOPHIE PRIMAS
Alors la philosophie générale à la fois du garde des Sceaux, mais aussi du ministre de l'Intérieur, qui l'a répété plusieurs fois, et bien sûr du Premier ministre, c'est de dire que les courtes peines doivent être appliquées, qu'elles doivent être sanctionnées avec des peines minimales, vous l'avez dit tout à l'heure, et qu'elles doivent être appliquées. Et pour cela, le garde des Sceaux s'est lancé dans un nouveau type de prison, la construction de prisons modulaires, qui sont beaucoup plus rapides à construire, qui sont aussi beaucoup plus faciles à accepter de la part des territoires. Et donc cette combinaison, en fait, à la fois de la volonté de faire exécuter les courtes peines, qui, vous avez raison, rajoutent des prisonniers dans les prisons, mais aussi des solutions qui sont plus rapides et plus faciles à mettre en œuvre et les premières seront construites dès l'automne de l'année prochaine.
ORIANE MANCINI
Pour faire face à la surpopulation carcérale, Emmanuel MACRON, le 13 mai dernier, il avait parlé d'envoyer des détenus à l'étranger, de louer des places de prison à l'étranger. On en est où de cette idée ?
SOPHIE PRIMAS
Alors on n'a pas avancé sur cette idée à ma connaissance. En tout cas, il y a des pourparlers avec certains pays. Ce qui est important, c'est de savoir que 25 % des prisonniers aujourd'hui sont des prisonniers d'origine étrangère, de nationalité étrangère. Parmi eux, peut-être que certains peuvent faire leur peine ailleurs qu'en France. C'est une des pistes pour régler ce problème de surpopulation. Il y en a aussi d'autres. Donc là aussi, le garde des Sceaux est en train de travailler sur toutes les solutions. Il n'y en a pas qu'une. Les prisons modulaires en sont une autre. Effectivement, le cas des prisonniers étrangers en est une autre également. Donc nous sommes en train de travailler sur l'ensemble de ces solutions.
ORIANE MANCINI
On va parler de Bruno RETAILLEAU justement Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Dernière question sur les événements qui ont pu avoir lieu autour de cette victoire du PSG. Les auteurs des débordements ont été qualifiés de barbares par Bruno RETAILLEAU. Est-ce que vous reprendriez ce terme ?
SOPHIE PRIMAS
Je le reprends. Moi, j'ai regardé dans le dictionnaire la définition de barbare. C'est celui qui n'est pas civilisé. Moi, je pense que quand il y a des personnes qui s'attaquent aux forces de l'ordre, qui sont là pour protéger la population, pour permettre à la fête d'être belle, pour protéger le bien public, ce ne sont pas des actes de civilisation. Donc oui, je reprends ce terme.
ORIANE MANCINI
On va continuer à parler de Bruno RETAILLEAU et du meurtre dans le Var, du meurtre d'un Tunisien dans le Var, Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Lors d'une vidéo, le meurtrier a fait référence à Marine LE PEN au Rassemblement national. Est-ce que vous faites un lien entre le profil de ce tueur et le Rassemblement national et local ?
SOPHIE PRIMAS
Je ne me permettrais pas de faire ce lien. Néanmoins, c'est un acte de racisme puissant qui a été fait là. Vous savez que le ministre de l'Intérieur s'est rendu hier à l'ambassade de Tunisie pour discuter effectivement avec l'ambassadeur de Tunisie en France. On sait que l'émotion à Tunis a été très forte. Et c'est normal, c'est vraiment normal. C'est un acte de racisme qui doit être condamné avec la plus grande fermeté, naturellement. Et après, je laisse le reste aux commentateurs.
CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce que vous voyez dans cet acte les conséquences dramatiques d'un discours anti-immigrés qui a pu se développer depuis un certain temps ?
SOPHIE PRIMAS
Moi, je pense qu'il ne faut pas utiliser cet acte de racisme pur, qui est un acte terrible. Je pense à la famille, évidemment, de la victime.
CHRISTELLE BERTRAND
On ne sait pas qu'il est alimenté par certains discours.
SOPHIE PRIMAS
Pour faire un amalgame général, je pense que ce n'est pas très digne de faire ça. Il faut combattre le racisme, quel qu'il soit, partout, de quelque nature qu'il soit. Et c'est ce à quoi s'attaque Bruno RETAILLEAU.
ORIANE MANCINI
Olivier FAURE, le premier secrétaire du PS, a fustigé Bruno RETAILLEAU. Hier, il a parlé de banalisation du racisme et Bruno RETAILLEAU, je le cite, cherche à créer une forme de racisme d'atmosphère.
SOPHIE PRIMAS
Non mais je laisse Olivier FAURE à ses déclarations. Moi, je trouve vraiment pas très digne d'utiliser ce drame qui concerne ce Tunisien pour faire de la politique politicienne. Bruno RETAILLEAU, il essaie de ramener les valeurs républicaines au cœur de notre Nation. Et dans ces valeurs républicaines, il y a la lutte contre le racisme, quel qu'il soit.
CHRISTELLE BERTRAND
Et alors comment on fait pour remonter le racisme d'un côté, l'antisémitisme de l'autre ? Comment le Gouvernement peut combattre ?
SOPHIE PRIMAS
C'est toute la difficulté, effectivement, de ce moment. Nous, notre objectif, c'est de réunir la population. Moi, je suis frappée par la parcellisation de notre société aujourd'hui. On n'est pas Français, on n'est pas sur ce territoire. On est catégorisé dans des origines, dans des religions. Je pense que tout notre travail aujourd'hui, qui est un travail d'éducation, qui est un travail de formation, et d'ailleurs, Aurore BERGE a lancé un programme justement pour lutter contre les discriminations, pour refaire Nation. Je pense qu'on a un travail éducatif à faire qui est immense devant nous. Et c'est ce à quoi nous nous attelons.
ORIANE MANCINI
Alors Sophie PRIMAS, vous êtes porte-parole du Gouvernement, mais vous êtes aussi au LR. Est-ce que vous aussi, comme Bruno RETAILLEAU, vous dites que vous ne défendrez pas la proportionnelle et que vous quitteriez le Gouvernement si vous deviez le faire ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, alors, je ne pense pas que Bruno RETAILLEAU ait dit exactement ça, premièrement.
ORIANE MANCINI
Il a dit que toutes les options sont ouvertes.
SOPHIE PRIMAS
Voilà, ce qui ne veut pas dire que je quitterais le Gouvernement, ce qui n'est pas exactement ça.
ORIANE MANCINI
Mais il a dit : "je ne défendrais pas ça cette réforme."
SOPHIE PRIMAS
Je voudrais simplement dire que la proportionnelle, c'est un sujet qui est important pour le Premier ministre. On connaît son engagement sur cette idée de proportionnelle depuis des années. Et donc je trouve légitime de sa part qu'il pose la question en ce moment à l'ensemble des groupes politiques. Donc la méthode, c'est quoi ? Le Premier ministre s'est engagé à recevoir l'ensemble des groupes politiques, ce qu'il a fait. Il a reçu lundi, vous le savez, les Républicains. Il a reçu hier les Écologistes. Et puis c'est lui qui avisera de ce qu'il veut faire. Est-ce qu'il veut mettre ce dossier sur la table du Parlement ? Sous quelle forme ? Nous n'en savons pas. Quand ? Nous ne savons pas. C'est lui qui a la main aujourd'hui. Et c'est lui qui décidera s'il doit le faire, s'il ne doit pas le faire.
ORIANE MANCINI
... sur la forme, ça veut dire que ça ne sera pas inscrit pendant la session extraordinaire ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, le Premier ministre est maître de son agenda. Et donc pour l'instant, cette question n'est pas tranchée. En tout cas, elle n'est pas tranchée au sein du Gouvernement. Et vous avez raison. Les LR sont contre la proportionnelle, mais ce n'est pas une découverte.
ORIANE MANCINI
Non, ce n'est pas une découverte. Mais alors, ça veut dire que Bruno RETAILLEAU, il ne défendra pas le texte en tant que ministre de l'Intérieur, mais il ne quittera pas forcément le Gouvernement si cette réforme est présentée.
SOPHIE PRIMAS
Mais vous savez, c'est la singularité de ce Gouvernement d'avoir des personnalités qui sont issues de partis politiques qui sont différents et qui ont chacun leur liberté d'expression et qui, à un moment, font le travail que leur demande le Premier ministre.
ORIANE MANCINI
Donc les LR ne sont pas prêts à quitter le Gouvernement.
SOPHIE PRIMAS
Nous verrons. Nous ne savons pas aujourd'hui. Si le texte va être présenté, nous ne savons pas quelle forme il aura. Ne faisons pas de science-fiction, de politique-fiction. Voilà.
ORIANE MANCINI
Non, parce que quand au lendemain, le soir même d'ailleurs de son élection, Bruno RETAILLEAU, il a dit que le vote, les 75 % qu'il avait reçus, ça validait sa participation au Gouvernement. Est-ce que du coup, les adhérents LR comprendraient que vous quittiez le Gouvernement aussi rapidement ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, nous sommes LR, je parle avec ma casquette LR, effectivement très opposés à la proportionnelle. Est-ce que c'est une raison pour quitter le Gouvernement ? Nous verrons puisque nous n'avons pas le texte. Donc nous verrons la forme du texte et nous verrons si le Premier ministre met ce texte sur la table.
CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous espérez que François BAYROU ne le présente pas à l'Assemblée nationale ?
SOPHIE PRIMAS
Eh bien écoutez, c'est sa décision.
ORIANE MANCINI
Est-ce que c'est aussi ouvrir la porte à un départ du Gouvernement, puisqu'il a quand même dit que toutes les options sont ouvertes, est-ce que c'est aussi le moyen pour Bruno RETAILLEAU d'éviter le procès en inaction qu'est en train de faire le Rassemblement national ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, il reste deux ans avant la fin du mandat d'Emmanuel MACRON. La France est dans une situation budgétaire extrêmement sensible, extrêmement difficile. Elle est dans une situation politique très difficile. Et nous avons le devoir, nous, de nous intéresser à l'intérêt général. Donc je mets de côté les procès en inaction du RN qui ne sont pas très crédibles vis-à-vis de Bruno RETAILLEAU. Nous, nous sommes attelés au travail. Dans la diversité de nos opinions parfois, nous cherchons la voie commune pour avoir une majorité à l'Assemblée nationale, au Sénat et pour faire avancer tout ce que nous pouvons faire avancer. Nous sommes dans la préparation du budget. Et croyez-moi, nous sommes vraiment sur cet axe-là.
ORIANE MANCINI
On va y venir. Juste pour finir sur la proportionnelle, il y a une proposition de loi qui a été déposée à l'Assemblée nationale par les députés LR qui est co-signée d'ailleurs par Laurent WAUQUIEZ pour constitutionnaliser le scrutin majoritaire aux législatives. Est-ce que vous la soutenez ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, moi je ne suis pas ici pour faire des polémiques, il y a une réflexion générale.
ORIANE MANCINI
Pour vous, c'est une proposition de la polémique ça ?
SOPHIE PRIMAS
Non. Pas du tout. Mais je ne suis pas ici pour faire de la polémique. Je veux simplement dire qu'il y a une réflexion du Premier ministre qui est légitime, encore une fois, parce que c'est quelque chose auquel il croit depuis très longtemps. Il y a une position des Républicains qui a été affirmée dans la réunion avec le Premier ministre et qui est réaffirmée par Laurent WAUQUIEZ et le groupe des Républicains en déposant cette proposition de loi, laissons la discussion avancer, laissons la réflexion…
ORIANE MANCINI
Est-ce que Laurent WAUQUIEZ n'est pas en train de mettre la pression sur Bruno RETAILLEAU ?
SOPHIE PRIMAS
Non. Enfin la position, ils sont allés ensemble avec Mathieu DARNAUD, Laurent WAUQUIEZ et Bruno RETAILLEAU, ils ont dit leur position au Premier ministre qui est ferme, qui est connue également. Voilà. C'est au Premier ministre maintenant de réfléchir sur ce qu'il fera et sur ce qu'il pense être le mieux pour le pays.
CHRISTELLE BERTRAND
Ce n'est pas un dossier qui risque de fragiliser le fameux socle commun sur lequel s'appuie François BAYROU pour gouverner, comme vous le disiez tout à l'heure, constituer un budget ?
SOPHIE PRIMAS
Oui. Je ne pense pas que cette position sur la proportionnelle soit de nature à fragiliser le budget. Le budget sera présenté, les arbitrages du Premier ministre seront présentés à la mi-juillet. Je pense que c'est assez différent, il y a une question d'élection, il y a une question de budget. Nous, en tout cas, à la fois l'ensemble des ministres dans leur diversité de pensée, mais aussi les ministres Les Républicains, notre objectif c'est de trouver les voies d'un budget parce que c'est ça le plus important et ce sont les questions sur lesquelles les Français nous attendent. Les chefs d'entreprises, le monde économique a besoin d'un peu de stabilité gouvernementale. Et la stabilité gouvernementale s'exprimera aussi par la façon dont nous trouverons une voie sur le budget. Je crois que c'est ça vraiment notre but commun.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors justement concernant le budget, le Premier ministre a fait quelques propositions qui sont un peu orthogonales avec vos convictions chez Les Républicains, notamment la TVA sociale. Est-ce que vous pensez qu'elle a un avenir aujourd'hui ?
SOPHIE PRIMAS
Alors le Premier ministre n'a pas fait de propositions à ma connaissance puisqu'en fait tout aujourd'hui est soumis à réflexion. Donc à la fois Éric LOMBARD, Amélie DE MONTCHALIN sont en train de regarder l'ensemble du budget, de remettre en cause l'ensemble du fonctionnement. C'est pour ça que les directeurs d'administration centrale ont été sollicités pour re-réfléchir sur la façon dont fonctionne en fait l'État puisque nous sommes bien conscients que si chacun va devoir faire un effort, et bien l'administration et le Gouvernement lui-même doit faire un effort…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais visiblement ils n'ont pas trouvé de solution satisfaisante pour l'instant.
SOPHIE PRIMAS
On leur a demandé de continuer à réfléchir, d'être plus ambitieux dans les réformes. Donc c'est un processus difficile qui sera itératif, qui demandera vraiment des efforts de la part de tout le monde, du Gouvernement et de l'État par lui-même. Je rappelle que l'État, c'est 30 % des dépenses du budget. Donc il y aura l'État et il y aura aussi…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais la TVA sociale, vous vous y opposeriez ?
SOPHIE PRIMAS
La TVA sociale, vous savez, elle faisait partie du programme de François FILLON en 2017 et il y a deux objectifs en fait souvent sur la TVA sociale. La TVA sociale ne peut pas être mise pour réduire le déficit. La TVA sociale, c'est un transfert de charges sociales des salariés vers la consommation. Aujourd'hui, 80 % du déficit social est financé par le travail. Donc ça c'est une question qui est une question hors déficit mais qui est une question très intéressante…
ORIANE MANCINI
Mais il faut quelle TVA sociale pour vous ? Il faut baisser les cotisations salariales ou les cotisations patronales ?
SOPHIE PRIMAS
Pour le moment, la question de la TVA sociale, elle a été évoquée mais elle n'est pas du tout tranchée, elle n'est pas du tout décidée, elle fait partie des solutions comme d'autres solutions et elle sera tranchée au mois de juillet. Alors pour répondre à votre question, dans le cadre d'un transfert des charges sociales du monde salarié vers la consommation, je veux expliquer aux Français qu'en réalité aujourd'hui, 80 % je le disais de la sphère sociale est financé par les salariés, pas par la consommation. L'idée c'est de faire baisser les charges et de laisser un salaire net qui soit bien plus supérieur et donc qui redonne du pouvoir d'achat aussi aux Français.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors hier, Bercy a fait passer quelques messages disant que ce budget ne se bouclerait pas sans certaines hausses d'impôts. Vous vous y opposeriez ou vous comprenez que ce soit nécessaire ?
SOPHIE PRIMAS
En réalité, la marge que nous avons à franchir cette année qui est de 40 milliards, comme vous le savez, est évidemment un effort considérable. Cet effort a été porté dans le budget 2025 essentiellement par le fonctionnement de l'État lui-même. L'année prochaine, il demandera des efforts de tout le monde. Nous nous sommes opposés à une hausse d'impôts. Il faudra donc trouver l'équilibre parfait pour qu'à la fin, chacun soit emporté dans cet effort collectif, que l'effort soit effectivement collectif, ne greffe pas l'attractivité du pays, ne greffe pas le pouvoir d'achat des Français et en même temps soit efficace. C'est un équilibre qui est un équilibre très ambitieux à trouver.
ORIANE MANCINI
Autre sujet sur une question d'actualité Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Sans rapport avec les sujets que nous venons d'aborder, des sites pornographiques…
SOPHIE PRIMAS
Ah oui ! Sans rapport.
CHRISTELLE BERTRAND
Absolument. Ont décidé de s'auto-suspendre en France pour protester contre l'obligation de vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Est-ce que le Gouvernement doit les recevoir pour discuter, pour lever ce blocage ou pas ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, c'est un long processus qui a été commencé d'ailleurs quand Jean-Noël BARROT était ministre du Numérique qui a été repris par Clara CHAPPAZ, Aurore BERGE. Nous souhaitons protéger nos enfants. La moitié des garçons des 12-13 ans et un tiers des filles de 12-13 ans vont régulièrement sur les sites pornographiques. Donc vérifier scrupuleusement l'âge des personnes qui viennent sur ces sites-là me semble être une mesure absolument nécessaire. Alors ces sites ont décidé de se suspendre, de s'auto-suspendre, c'est leur décision.
CHRISTELLE BERTRAND
Ça veut dire que le Gouvernement ne les recevra pas pour étudier la faisabilité et discuter avec eux de ça ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, je ne sais pas quelles sont les intentions de Clara CHAPPAZ, mais notre intention en tout cas c'est de faire respecter la loi. Quoi qu'il en coûte pour ces sites, ça ne fait pas beaucoup de peine s'ils s'arrêtent.
ORIANE MANCINI
Il y a un texte qui est examiné en ce moment au Sénat qui vise à freiner la fast fashion. Les principales fédérations de commerce en France demandent au Gouvernement le déréférencement des plateformes comme SHEIN, comme TEMU, qui sont ces plateformes d'ultra fast fashion. Que va répondre le Gouvernement aux fédérations de commerce ?
SOPHIE PRIMAS
Le Gouvernement travaille beaucoup, d'ailleurs sur des propositions qui sont des propositions parlementaires, sur cette question d'ultra fast fashion. En réalité, il y a deux sites bien connus qui ont une part de marché qui est impressionnante sur le textile. Ça a des impacts sur notre commerce, sur nos sites et nos propres diffusions de textiles, on va dire européennes d'une façon générale. Et puis moi, je suis très frappée par le fait que ces sites diffusent quand même des produits qui sont ultra fast fashion, faits dans des conditions sociales très curieuses en tout cas, qui sont assez loin de nos modèles européens et avec des conséquences environnementales qui devraient toucher les jeunes, qui devraient vraiment toucher les jeunes et qui conduisent non pas à un accès et un pouvoir d'achat supplémentaire pour les Français mais à une ultra consommation. Alors moi, je suis plutôt quelqu'un de droite, je ne veux pas freiner la croissance, etc. Mais là on est dans vraiment un phénomène…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que du coup il faut les déréférencer ? Est-ce que vous allez répondre oui aux fédérations de commerce ?
SOPHIE PRIMAS
Alors déréférencer, ça demande des supports légaux qui sont au-delà des capacités même de la France. Il faut faire ça avec l'Union européenne. Donc nous sommes en train avec l'Union européenne et la France, c'est le leader vraiment là-dessus, de demander au-delà des 2 euros qui vont être demandés par l'Union européenne par colis, qui sont un premier frein, nous allons demander à l'Union européenne d'aller plus loin, notamment sur la durabilité des produits pour empêcher vraiment, soit pour améliorer leur modèle à eux, mais surtout pour empêcher et protéger nos consommateurs français. Vous savez, c'est un facteur de pollution énorme, puisqu'en fait ces produits-là ne se recyclent même pas. Donc aujourd'hui on a des ballots de textiles qui partent dont on ne sait même plus quoi faire et qui partent dans d'autres pays et qui viennent remplir les plages, les océans. Voilà. Ce n'est pas supportable.
ORIANE MANCINI
Autre texte examiné au Sénat, c'est la réforme du mode de scrutin pour les municipales à Paris-Lyon-Marseille, la loi PLM. Ça a été rejeté hier, clairement, par les sénateurs.
SOPHIE PRIMAS
Clairement par le Sénat.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'il faut abandonner ce texte?
SOPHIE PRIMAS
C'est une décision que prendra le Premier ministre. Le texte peut continuer son chemin. Le Premier ministre pourra convoquer une commission mixte paritaire s'il le souhaite.
ORIANE MANCINI
Vous, vous avez envie qu'il la convoque ?
SOPHIE PRIMAS
Écoutez, mon avis ici ne compte pas, parce que je suis porte-parole du Gouvernement, mais vous savez que je suis une ancienne sénatrice. Et donc c'est la décision du Premier ministre de faire perdurer ou pas ce texte-là dans la navette parlementaire.
ORIANE MANCINI
Vous pensez qu'il le fera? Il soutient ce texte, lui. Vous pensez qu'il le fera ?
SOPHIE PRIMAS
Il soutient en effet à titre personnel ce texte, mais je ne veux pas préempter sa décision. Encore une fois, c'est le Premier ministre qui prendra cette décision.
ORIANE MANCINI
Un mot sur les municipales, puisque vous étiez sénatrice des Yvelines. Est-ce qu'il y aura des alliances entre la Macronie et les LR dans les Yvelines ?
SOPHIE PRIMAS
Vous savez, je crois qu'on parle beaucoup d'alliances. Les élections municipales ne ressemblent à aucune autre élection. Une élection municipale, c'est l'histoire d'une femme ou d'un homme sur un territoire, de sa relation avec les habitants de sa ville, et aussi entourée d'une équipe. Un maire n'est pas seul dans cette aventure. Donc ça correspond à des logiques politiques qui sont différentes de ce que l'on connaît sur le... Je vais vous donner mon propre cas. Lorsque j'étais maire d'Aubergenville en 2014, les habitants d'Aubergenville m'ont fait l'honneur de m'élire à 80 %. Je vous promets que dans ma ville, il n'y a pas 80 % de LR. Donc c'est vraiment une autre logique. Et dans mon équipe municipale, il y avait…
ORIANE MANCINI
Mais il pourrait y avoir des listes communes.
SOPHIE PRIMAS
Donc est-ce qu'il y a des alliances ? Forcément qu'il y a des alliances, mais elles sont naturelles partout, sur tout l'échiquier politique. Parce que dans une équipe municipale, nous étions 33. Je n'avais pas 33 LR dans ma liste municipale. Et donc ces alliances, elles sont de fait dans la sensibilité des équipes.
CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous souhaitez qu'il y ait un maximum d'alliances ou pas ?
SOPHIE PRIMAS
Moi, ce que je souhaite, je ne sais pas si on appelle ça des alliances ou si on appelle ça des équipes…
CHRISTELLE BERTRAND
Des candidatures communes, en fait. Des listes communes.
SOPHIE PRIMAS
Des listes communes. Ce que je vois, c'est que quand il y a des bons maires, et quand il y a des dangers d'arrivée de l'extrême, il faut avoir la sagesse de se dire : "On reconduit les bons maires au-delà des alliances politiques."
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci d'avoir été notre invitée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2025