Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : " Terres rares et matériaux critiques : quel potentiel dans les territoires français et quelle stratégie pour renforcer notre approvisionnement ? "
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Madame la ministre déléguée, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l'hémicycle.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, vous avez cité les dix-sept éléments métalliques qui constituent les terres rares.
Ces ressources indispensables se situant dans des gisements très localisés, leur exploitation pose un certain nombre de questions d'ordre géopolitique. La situation quasi monopolistique dans laquelle nous sommes entraîne en effet des risques de dépendance.
J'aurai l'occasion de m'exprimer sur la stratégie française en la matière, mais vous avez posé également des questions sur le chemin à parcourir au niveau européen. Si la France est active et à l'initiative, elle ne peut engager ni poursuivre seule une telle dynamique, qui doit donc être impulsée à l'échelle européenne.
Nous voulons aller beaucoup plus loin, en introduisant notamment des critères de contenu local sur le modèle de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain. Ces critères sont la condition de la viabilité à long terme de la filière française des métaux stratégiques et terres rares.
Nous voulons également aller plus loin que la mise en place d'une certaine préférence européenne. Cette évolution est indispensable si nous voulons soutenir nos filières industrielles et nos emplois, en réduisant notre dépendance aux importations de métaux recyclés dans des produits clés pour notre avenir et notre transition écologique, comme les batteries électriques.
Notre réponse doit être à la hauteur des enjeux. L'Europe ne doit pas être un simple marché intérieur de consommateurs ; elle doit redevenir une puissance industrielle de producteurs.
Nous voulons faire de l'Europe – c'est l'engagement de la France, qui pousse en ce sens – une zone économique prospère et souveraine, où l'on produit, l'on recycle et l'on exporte des biens, des services et des métaux. C'est tout l'enjeu de notre stratégie nationale.
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure du développement écrasant de l'intelligence artificielle, le besoin en matières premières critiques n'a jamais été aussi important.
Un article récent d'un journal allemand confirme qu'aucune autre technologie ne consomme autant de ressources que l'intelligence artificielle. Et de préciser que certains craignent l'avènement d'une " guerre froide " autour des matériaux quand d'autres prévoient d'exploiter des mines sur la lune.
Dans cette compétition annoncée, la Commission européenne a dévoilé une liste de quarante-sept projets stratégiques pour mieux exploiter ses terres rares et matériaux critiques, sécuriser ses approvisionnements et garantir son indépendance. Elle a ainsi fixé comme objectif à l'horizon de 2030 qu'au moins 10% de matières stratégiques soient extraites, 40% transformées et 25% recyclées sur son territoire.
Cette prise de conscience s'est accélérée dans le contexte de course aux terres rares qui fait rage entre les grandes puissances mondiales.
Le défi qui nous attend à l'échelle européenne est donc colossal : nous réapproprier la production des ressources, les transformer, et renforcer notre outil de recyclage des métaux rares dans une optique aussi bien environnementale que stratégique.
Notre savoir-faire technologique progresse et la France peut se féliciter de compter parmi les nations les plus avancées en la matière.
Notre continent présente quant à lui de nombreux atouts : le Groenland posséderait à lui seul plus de 12% des ressources mondiales et d'autres gisements significatifs ont été découverts ces dernières années en Suède et en Norvège. Deux sites français d'extraction de lithium sont par ailleurs identifiés dans les projets stratégiques.
L'Europe, en devenant un acteur majeur de la production mondiale, pourra prétendre à plus d'indépendance et de souveraineté.
Cette dynamique soulèvera, nous le savons, de multiples enjeux environnementaux, industriels et stratégiques.
L'exploration et l'exploitation minière sont des activités par nature très polluantes. Elles produisent des zones d'accumulation de déchets, en plus de détruire les milieux naturels et leur biodiversité.
L'extraction, le traitement et la séparation des terres rares requièrent en outre une consommation de plus en plus forte en énergie, en eau et en produits chimiques.
Enfin, les gisements les plus riches n'en contiennent qu'environ 5%, ce qui implique de traiter d'immenses volumes de roche pour n'obtenir qu'une faible quantité de matière exploitable.
Ainsi, l'enjeu écologique doit être au cœur de notre stratégie d'exploitation minière et d'optimisation des procédés de traitement.
Face à des concurrents aux méthodes moins vertueuses, notre pays a la possibilité de devenir un leader de l'exploitation responsable des matières premières critiques.
Il recèle déjà des outils de pointe, comme la première usine française de recyclage, Caremag, située à Lacq, dont l'ambition est de produire d'ici à 2027 pas moins de 15% des besoins mondiaux en terres rares.
Notre technologie s'appuie sur un savoir-faire minier et métallurgique qui répond depuis longtemps aux exigences environnementales.
Je pense notamment à l'usine Imerys de Beyrède-Jumet-Camous, dans les Hautes-Pyrénées, leader européen pour la production d'alumine-zircone, dont l'expertise plus que centenaire lui permet de réduire ses externalités négatives et de valoriser ou recycler 99 % de ses déchets de production et qui, malgré cela, est menacée par la concurrence chinoise.
Les enjeux environnementaux et industriels ne peuvent être pensés que de concert et il en est de même des défis technologiques et stratégiques.
L'industrie de l'armement est d'ailleurs une grande consommatrice de ces métaux, dont l'exploitation permettra à la France de renforcer sa souveraineté technologique et stratégique.
Nous devons donc participer pleinement à la construction d'une Europe des terres rares. Notre pays, qui compte neuf sites sélectionnés dans le programme européen et répartis sur l'ensemble du territoire, peut s'imposer comme l'un des leaders dans cette aventure collective.
Nous devons nous préparer à la révolution technologique et environnementale en gestation. Notre paradigme économique doit évoluer vers une relance des industries minières et métallurgiques. La création de l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi) ainsi que l'élaboration d'une feuille de route technologique en sont les premières étapes.
Afin de ne pas être le colosse aux pieds d'argile de cette course aux terres rares, la France, avec ses partenaires européens, doit préparer un nouvel Airbus des matières premières critiques pour que, de leur extraction jusqu'à leur recyclage, l'Union européenne soit non seulement indépendante, mais aussi leader des industries de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Maryse Carrère, vous avez souligné la nécessité d'agir en Européens sur un certain nombre de dispositifs.
Je rappelle que le gouvernement français a fortement contribué au Critical Raw Materials Act du 11 avril 2024 porté par la Commission européenne. Ce règlement a fixé le cap de la réduction de la dépendance de l'Europe en matières premières critiques, dont vous avez souligné le risque, avec des objectifs ambitieux – 10% d'extraction locale, 25% de recyclage et 40% de raffinage – sur l'ensemble de la chaîne de valeur.
Plusieurs outils ont été annoncés, parmi lesquels la mise en place d'une plateforme d'approvisionnement en métaux stratégiques. La France soutient cette initiative tout en demandant à la Commission européenne d'apporter des garanties supplémentaires sur le plan opérationnel. Il s'agit en effet de combiner l'ensemble des enjeux environnementaux, économiques et stratégiques.
Ce dispositif sera utile et efficace s'il permet d'assurer sur le long terme des achats groupés à des prix préférentiels, mais également de constituer des stocks stratégiques ou encore de financer des projets industriels d'envergure pour atteindre les ambitions que nous nous sommes fixées au niveau européen.
Vous avez fait état, madame la sénatrice, du nombre de projets français labellisés, neuf sur les vingt et un qui avaient été déposés. C'est un taux de succès important qui mérite d'être souligné.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes plus que jamais à un tournant décisif.
En effet, la situation géopolitique et les bouleversements technologiques dans les domaines de l'énergie, de la mobilité, de la défense, du numérique ou encore de l'intelligence artificielle nous obligent à une adaptation urgente et – n'ayons pas peur des mots – existentielle.
Cette transition, pour être crédible, repose toutefois sur des fondations matérielles très concrètes : des batteries, des éoliennes, des circuits électriques, des supercalculateurs, des capteurs, des aimants de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants.
Toutes ces technologies – je dis bien " toutes " – sont extrêmement consommatrices en terres rares et en matériaux critiques.
C'est l'ensemble des dix-sept éléments chimiques et matériaux critiques rappelés précédemment qu'il nous faut aujourd'hui sécuriser, afin de ne pas couper nos industries dans leur élan et de réussir notre transition énergétique, numérique et industrielle.
Ces éléments sont devenus le pétrole du XXIe siècle. Sans eux, pas de souveraineté énergétique, pas de puissance numérique, pas d'industrie civile et de défense moderne.
Mes chers collègues, la course aux matières premières est en marche et les grandes puissances l'ont parfaitement compris.
Les États-Unis ont récemment signé un accord stratégique avec l'Ukraine afin de sécuriser l'accès à ses gisements de lithium, de titane et de terres rares.
Le Groenland, territoire immense, riche en ressources minières, suscite de plus en plus d'appétit. On se souvient que le président Trump a même évoqué récemment son rachat, preuve du caractère hautement stratégique que prennent désormais ses ressources.
Côté européen, la prise de conscience s'est accélérée, mais force est de constater que nous sommes dans une situation de dépendance quasi totale.
Ainsi, 90% du raffinage mondial des terres rares est contrôlé par un seul pays, la Chine, qui détient un quasi-monopole sur certaines étapes clés de la chaîne de valeur.
Cette concentration n'est pas uniquement économique ; elle est aussi politique. Elle est utilisée comme levier d'influence et parfois comme arme géopolitique.
Continuer dans cette voie, c'est exposer notre souveraineté industrielle, technologique et écologique à des risques majeurs.
Si nous voulons que la France et, plus largement, l'Europe restent des puissances crédibles sur la scène internationale, nous devons retrouver la maîtrise de nos approvisionnements.
Pour y parvenir, les investissements publics et privés doivent être massivement mobilisés – vous l'avez rappelé, madame la ministre –, et accompagnés d'une politique offensive d'autonomie stratégique.
Des initiatives structurantes ont été engagées, mais elles doivent être amplifiées et accélérées.
Au niveau national, tout d'abord, plusieurs signaux encourageants ont été envoyés. Je pense particulièrement aux deux appels à projets ciblés sur les métaux critiques, lancés par Bpifrance dans le cadre du plan France 2030. Ils visent à soutenir l'ensemble de la chaîne de valeur : exploration, extraction, transformation, recyclage et substitution.
Si des dizaines de projets industriels ont émergé, les besoins sont encore loin d'être couverts. On estime par exemple que la demande mondiale en lithium sera multipliée par quatre en 2040. Pour les terres rares utilisées notamment pour les aimants permanents, indispensables aux moteurs électriques et aux éoliennes, elle pourrait être multipliée par sept.
Sur le plan européen, ensuite, la Commission européenne a adopté en 2023 un projet de règlement devenu le Critical Raw Materials Act, qui fixe des objectifs clairs à l'horizon de 2030 : au moins 10% de l'approvisionnement en matières critiques doivent provenir de l'extraction européenne, 15% du recyclage et 40% de la transformation.
La stratégie européenne s'est affirmée avec la sélection récente de quarante-sept projets stratégiques concernant les matières critiques dans treize États membres, dont la France.
Toutefois, pour faire face à l'ampleur des défis, nous devons aller bien plus loin, en adoptant une stratégie multidimensionnelle.
La première priorité consiste à mieux utiliser ce que nous avons déjà, c'est-à-dire mobiliser les bonnes industries, et pour les bonnes raisons.
Il faut également rationaliser la conception. En effet, beaucoup de nos procédés industriels utilisent des métaux rares sans nécessairement optimiser leur usage. Les industriels doivent être accompagnés pour concevoir des produits plus sobres by design, dès la conception.
Le deuxième levier est sans doute le plus sensible. Il s'agit de la réouverture des capacités minières et métallurgiques sur notre territoire.
Soyons clairs : nous ne pourrons pas sortir des énergies fossiles et garantir notre autonomie stratégique sans accepter un minimum d'extraction en France.
Il faut en finir avec cette hypocrisie qui consiste à rejeter toute activité extractive en Europe, tout en externalisant la pollution, les atteintes aux droits humains et les dégâts environnementaux dans d'autres pays, notamment en Afrique et en Asie.
C'est une question non pas d'idéologie, mais de cohérence et de justice environnementale. L'Europe doit montrer l'exemple d'une extraction responsable.
Il faudra, pour cela, mener à bien une bataille culturelle et résoudre un certain nombre de paradoxes. Comment expliquer avec pédagogie, par exemple, que certaines mines sont indispensables pour produire localement des technologies dites vertes et que certaines usines de raffinage sont des maillons clés de notre souveraineté industrielle ?
Un autre moyen d'action est le développement du recyclage. Aujourd'hui, moins de 1% des terres rares sont recyclées dans le monde, et ce pour une raison simple : le cours des métaux est trop bas et l'industrie du recyclage est à la fois énergivore et coûteuse en main-d'œuvre, donc non rentable.
N'attendons pas pour autant une crise des marchés et une politique de rétention de la Chine qui viserait à nous déstabiliser pour réagir.
Nous devons justement faire de l'Europe et de la France des leaders du recyclage des matériaux stratégiques, batteries de véhicule électrique, équipements électroniques ou encore aimants.
Cela suppose évidemment de nouvelles filières industrielles, de nouvelles compétences et des infrastructures adaptées, mais aussi des centres de tri spécialisés, des usines de séparation et des laboratoires de décontamination.
Et lorsque nous avons des capacités industrielles, comme pour le traitement des panneaux photovoltaïques usagés, il nous faut passer d'une logique de gestion des déchets à une logique d'approvisionnement en ressources critiques, en adaptant les indicateurs de performance, qui sont trop souvent basés sur le volume plutôt que sur la rareté des métaux.
Certains disaient, à juste titre, que nous avons moins un problème de ressources rares qu'un problème de poubelles pleines. Il est l'heure de répondre à cet enjeu et d'arrêter d'exporter nos déchets électroniques vers l'Asie ou l'Afrique au mépris de la convention de Bâle de 1989.
Le quatrième levier est la diversification de nos approvisionnements. Il est évident que nous ne pourrons pas produire 100 % de nos besoins en France ou même en Europe. Il nous faut donc diversifier nos partenaires, en nouant des accords durables, équitables et sécurisés avec des pays amis – c'est ce qu'on appelle le friendshoring. Je pense notamment au Canada, à l'Australie ou au Chili, ainsi qu'à nos partenaires asiatiques et africains. Il est de notre devoir de faire notre possible pour éviter une relation de dépendance exclusive avec la Chine.
Ces partenariats commencent par une logique d'importation, mais ils doivent aller au-delà. Ils doivent intégrer des dimensions de formation, de transfert de technologies et de développement durable. L'Union européenne a tout intérêt à se doter d'une véritable diplomatie des matériaux stratégiques, comme elle a su le faire avec l'énergie.
Enfin, le dernier levier que je tiens à évoquer avec vous est celui de la recherche scientifique. Il faut investir massivement dans la recherche pour trouver des substituts à ces terres rares, pour découvrir de nouveaux usages de certains matériaux ou encore pour développer la chimie verte et les procédés de transformation à faible impact.
La France dispose d'excellents laboratoires publics, d'écoles d'ingénieurs de très haut niveau et de start-up innovantes. Il faut leur donner les moyens d'inventer les technologies de demain, car la véritable souveraineté, ce n'est pas seulement d'extraire ce que d'autres possèdent, c'est aussi d'inventer ce que d'autres n'ont pas encore imaginé.
En conclusion, mes chers collègues, ce qui se joue aujourd'hui autour des terres rares et des matières critiques, c'est bien plus qu'un simple débat économique ou industriel. C'est un enjeu de souveraineté, de crédibilité et, au fond, de civilisation. Faisons en sorte que la France soit non pas spectatrice, mais actrice de cette nouvelle révolution industrielle et numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, on ne peut que partager vos propos concernant la situation actuelle tant au niveau français qu'au niveau européen : course aux matières premières, bataille culturelle, enjeu de souveraineté.
Concernant le Groenland, rappelons que l'Union européenne a signé un protocole d'accord le 30 novembre 2023 avec le gouvernement de ce territoire en vue d'un partenariat stratégique visant à développer des chaînes de valeur durables pour les matières premières.
Pour ce qui est de l'Ukraine, il est en effet important que la France et l'Europe ne soient pas discriminées en ce qui concerne les investissements dans ce pays. Nous devrons d'ailleurs nous assurer de la conformité de la mise en œuvre du fonds avec le droit de l'Union européenne. Il apparaît, à première vue, que les entités européennes pourront continuer à investir en Ukraine sans être discriminées. Nous nous attacherons à renforcer les liens économiques entre ce pays et l'Union européenne.
En ce qui concerne le recyclage, je rappelle qu'un appel à projets, intitulé « Solutions innovantes pour l'amélioration de la recyclabilité, du recyclage et de la réincorporation des matériaux » et doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros, a été lancé. Il vise à encourager, pour le recyclage de métaux critiques, les projets de recherche et de développement et à financer un premier démonstrateur industriel.
La question du financement étant évidemment essentielle, un fonds d'investissement consacré aux métaux critiques a été lancé en 2023 : il permet de soutenir, tant en France qu'à l'international, des projets portant sur toute la chaîne de valeur de ces métaux, de l'extraction à la transformation et au recyclage.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier nos collègues du groupe RDSE de nous permettre de débattre d'un sujet fondamental.
Les terres rares, ces dix-sept métaux stratégiques, cristallisent l'ambivalence des transitions contemporaines. Indispensables aux smartphones, éoliennes, véhicules électriques, panneaux solaires et systèmes d'armement de pointe, elles incarnent un dilemme fondamental : concilier décarbonation de l'économie, autonomie industrielle et préservation des écosystèmes.
Ce défi, à la croisée de la géopolitique, de l'écologie et de l'économie, révèle les contradictions d'un modèle de transition fondé sur une exploitation minière intensive, souvent externalisée vers des zones à faible protection sociale et environnementale.
Ce modèle économique a également eu pour conséquence, dans des pays comme la France, une diminution du soutien à la recherche publique, non seulement dans les domaines miniers, mais aussi dans le domaine de la métallurgie, ainsi qu'une perte de savoir-faire et de compétences sur ces sujets.
Ce paradoxe interroge la viabilité d'une stratégie axée sur la substitution technologique plutôt que sur la sobriété matérielle.
Si les réserves mondiales de terres rares sont géologiquement dispersées, la Chine contrôle 86 % de la production mondiale et près de 90 % des capacités de raffinage.
En 2010, la réduction drastique des quotas d'exportation chinois a provoqué une flambée des prix, rappelant la vulnérabilité des économies occidentales. L'Union européenne, qui importe 98% de ses terres rares de Chine, voit sa transition verte menacée : en effet, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, ses besoins devront être multipliés par vingt-six.
Les secteurs clés restent structurellement dépendants de ces métaux critiques. Face à ce risque systémique, l'Union européenne a adopté, en avril 2024, un règlement sur les matières premières critiques, fixant des objectifs contraignants d'ici à 2030. Des partenariats stratégiques ont été noués avec l'Australie, le Canada et plusieurs pays africains. Toutefois, ces initiatives peinent à contrebalancer l'hégémonie chinoise.
Or, si l'indépendance stratégique est essentielle, l'extraction des terres rares, majoritairement effectuée à ciel ouvert, génère des dégradations majeures en termes écologiques et entraîne des violations des droits humains.
Pis encore, le partenariat entre l'Union européenne et le Rwanda, censé promouvoir des chaînes d'approvisionnement durables, fait de l'Europe la complice de recel de crimes de guerre. C'est pourquoi nous n'avons de cesse d'appeler à l'abrogation d'urgence de cet accord, vu comme une légitimation de fait de la fraude et du pillage de la République démocratique du Congo (RDC).
Le " capitalisme extractiviste " reproduit des logiques coloniales, alimentant des conflits locaux et privant les États producteurs de toute valeur ajoutée industrielle.
Or nous ne pouvons pas fermer les yeux face à cette contradiction majeure : promouvoir le Green Deal européen et continuer l'importation massive de terres rares extraites dans des conditions non durables, externalisant ainsi notre empreinte écologique.
En effet, le règlement Reach, bien que strict sur les substances chimiques, ne s'applique pas aux procédés miniers extraterritoriaux.
Face à ces enjeux, l'Union européenne mise sur la relocalisation partielle de la production, avec quarante-sept projets miniers stratégiques dans treize États membres. Mais réduire la dépendance en développant des capacités nationales suppose une maîtrise publique de l'ensemble de la chaîne de valeur des terres rares, de l'extraction à l'exploitation et au recyclage.
Cela devrait par exemple se faire, en France, sous l'égide d'organismes publics comme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), avec des garanties environnementales et sociétales de haut niveau. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
Il est également à noter que moins de 1% des terres rares sont recyclées dans le monde en raison de leur dispersion dans les produits et de l'absence de filières structurées. C'est pourquoi il ne faut plus se contenter d'apprécier les produits finis en termes écologiques ; il est nécessaire d'examiner si les processus d'extraction de leurs composants et ceux de leur fabrication industrielle ainsi que de leur recyclage sont respectueux ou non de l'environnement.
Pour sortir de cette impasse, il faut responsabiliser les fabricants sur la gestion des déchets en fin de vie, incluant la collecte et le recyclage des terres rares dans leurs produits.
Investir massivement dans l'économie circulaire en faisant du recyclage une priorité industrielle s'impose. Impliquer les citoyens dans les choix miniers via des conventions régionales sur le climat est également une nécessité.
Il nous faut aussi, et surtout, repenser la maîtrise de la demande comme pilier de la transition, et non comme une contrainte. La voie de la sobriété et de la justice climatique est non pas une contrainte, mais une condition sine qua non pour une transition réellement durable.
Par ailleurs, madame la ministre, la France ne devrait-elle pas être partie prenante, y compris aux niveaux européen et international, du développement de la recherche en matière minière et de la mise en place d'un cadre légal qui obligerait les entreprises à respecter des règles pour le moins comparables à celles qui sont en vigueur dans l'Union européenne, en ce qui concerne tant l'extraction que le recyclage ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marianne Margaté, vous avez évoqué la nécessité de concilier plusieurs enjeux, rappelé l'importance des importations en Europe de certains métaux en provenance de Chine et mis en avant l'objectif de souveraineté, à même de faire progresser la transition écologique.
Il est nécessaire d'intervenir sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Cependant, la question de la sobriété – vous en avez parlé – se pose. Nous devons donner la priorité, chaque fois que cela est possible, à l'évitement de la consommation de certaines ressources ou, à tout le moins, à la réduction de la pression qui pèse sur elles.
Certaines de ces orientations ont déjà été mises en œuvre dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui vise notamment à augmenter la durée de vie des produits, à favoriser leur réparabilité, avec la mise en place d'un indice de réparabilité, et à améliorer l'information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales.
En résumé, trois points clés ressortent : favoriser la substitution des matières premières critiques par des ressources plus abondantes ; limiter l'intensité en matière dans les produits, en travaillant sur des technologies alternatives et en prenant en compte le recyclage ; enfin, orienter la consommation vers des produits et services plus économes en ressources minérales.
En conclusion, il est très important de prendre en compte la question du partage des ressources avec les générations futures, donc l'exigence de sobriété que vous avez évoquée.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour la réplique.
Mme Marianne Margaté. Madame la ministre, je vous remercie pour ces éléments. Je veux saisir cette occasion pour insister sur un point particulier.
En 2023, une déclaration d'intention entre la France et la RDC a été signée concernant les métaux critiques. Pour le groupe CRCE-K, ce partenariat devrait permettre non seulement d'extraire, mais également d'accompagner la transformation des matières premières en RDC même afin que la richesse de ce pays serve à son développement et à la satisfaction des besoins fondamentaux de sa population.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les métaux sont devenus un enjeu géopolitique et de souveraineté économique et industrielle. La course à la maîtrise de ces ressources par les grandes puissances s'intensifie un peu plus chaque jour.
On utilise des matériaux critiques, métaux et terres rares, dans tous les secteurs. Dans une société où l'on n'en finit pas de produire toujours plus, la demande en métaux ne cesse d'augmenter : ainsi, la demande en matières premières critiques devrait être multipliée par quatre d'ici à 2040 selon l'Agence internationale de l'énergie.
Ce faisant, la transition énergétique et la digitalisation redessinent l'économie mondiale. La dépendance structurelle de la France et de l'Union européenne à ces importations révèle l'absence de stratégie cohérente d'approvisionnement.
Nous n'avons pas su établir de stratégie. Nous avons laissé un petit nombre d'acteurs – la Chine au premier rang – prendre le monopole de la chaîne de valeur des métaux. Au-delà de la maîtrise des matières premières, la Chine domine aussi le raffinage. Pour cela, elle se base sur des coûts de production réduits via des normes sociales et environnementales moins-disantes.
Clairement, nous sommes loin de la stratégie, que nous appelons de nos vœux, qui permettrait de réconcilier les enjeux économiques, écologiques et sociaux. Face aux enjeux de souveraineté industrielle, d'autonomie stratégique et de planification écologique, il était temps que la Commission européenne planifie des objectifs plus ambitieux.
Les écologistes sont clairs : la France et l'Union européenne doivent assumer de produire sur leur sol les matériaux critiques dont elles ont besoin pour assurer cette transition. C'est indispensable : la transition en a besoin.
À titre d'exemple, selon le BRGM, la consommation de terres rares va augmenter d'environ 8% par an. Tout cela implique l'ouverture de nouvelles mines et de sites de transformation et de recyclage de ces métaux. Cette extraction chez nous évite des extractions bien pires ailleurs.
Mais notre rôle est aussi de rappeler quelques préalables, à notre sens, indispensables. Si l'extension et l'ouverture de certaines mines et d'usines de raffinage en Europe sont nécessaires, elles ne sauraient se dissocier d'un encadrement strict. L'extraction n'est jamais propre, elle génère de considérables volumes de déchets. Le traitement et la séparation des terres rares sont très coûteux en énergie, en eau et en produits chimiques.
C'est pourquoi s'assurer qu'aucun projet minier ne puisse se faire dans les zones classées sur le plan environnemental est une évidence. Tout comme l'absence d'exploitation des fonds marins : une telle exploitation mettrait en danger des habitats, des espèces, et in fine des populations humaines qui dépendent de leur bon état.
Le renforcement de la réglementation sociale et environnementale de l'activité minière, la mise en place de nouvelles normes et pratiques afin de réduire le plus possible les impacts sur les écosystèmes seront indispensables pour garantir la soutenabilité écologique des projets miniers et assurer leur acceptabilité sociale.
Sur ce dernier point, la démocratie citoyenne et le débat public doivent être au cœur des projets qui verront le jour.
L'autre enjeu fondamental est bien de rationaliser cette consommation, sans compromettre la satisfaction de nos besoins essentiels. Il n'est pas interdit de questionner l'utilité, au sens de l'intérêt général, de certains produits fabriqués qui correspondent souvent à des besoins créés de toutes pièces par les industriels. Dans un monde aux ressources finies, le gaspillage ne pourra pas durer éternellement.
C'est pourquoi, à notre sens, il manque à cette planification une vraie réflexion sur la pertinence à long terme des modes de consommation actuels, sur les usages des métaux stratégiques et sur le volume total de la demande en métaux permettant de répondre à nos besoins essentiels.
Là aussi, la sobriété nous semble être un levier essentiel pour répondre, en partie, à l'équation. Elle est pour nous consubstantielle à une transition juste et résiliente : sobriété dans la consommation et les usages pour limiter les besoins en matière et en électricité ; sobriété dans les dimensions – à titre d'exemple dans le secteur automobile, on peut fabriquer des batteries pour deux citadines avec la même quantité de lithium que pour un seul SUV. C'est un choix !
Il convient enfin de renforcer nos capacités de recyclage pour permettre de limiter nos importations et, bien sûr, les impacts environnementaux inhérents à la production de ces matériaux. Aujourd'hui, 1% des terres rares seulement sont recyclées.
Enfin, la recherche doit également inventer de nouvelles manières moins impactantes d'extraire les terres rares et explorer d'autres technologies pour réduire la dépendance à certains métaux.
Vous l'aurez compris, les écologistes sont cohérents – comme toujours ! (Sourires.) Relancer l'industrie minière est nécessaire pour assurer la transition, mais dans le cadre d'une vraie planification.
Madame la ministre, comment comptez-vous mieux concilier les enjeux de souveraineté et d'autonomie stratégique avec les impératifs écologiques que je viens d'évoquer ? Ces impératifs sont essentiels pour avoir demain une croissance soutenable, si tant est qu'on souhaite encore parler de croissance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la course aux matières premières et soulevé la question de notre dépendance et de la nécessité de produire davantage sur notre territoire.
La politique nationale des ressources et usages du sous-sol, que nous avons engagée, vise à sécuriser les approvisionnements français en ressources minérales et à réduire notre dépendance aux importations.
L'objectif est de soutenir la réindustrialisation de la France dans le cadre d'une autonomie stratégique minimale. Il s'agit, d'une part, de recenser les ressources de notre sous-sol, c'est-à-dire de participer à un inventaire minier avant, le cas échéant, de développer et d'exploiter ces ressources, d'autre part, de développer des partenariats internationaux.
Nous avons ainsi pour ambition d'exploiter les gisements à fort potentiel, lorsqu'ils contribuent à la souveraineté européenne ou française de nos filières stratégiques comme au développement des territoires avec les meilleurs standards environnementaux.
Vous avez évoqué la nécessité de relancer l'activité minière. Nous avons déjà engagé un certain nombre de projets en ce sens, en les assortissant de mesures destinées à en réduire les impacts environnementaux. Les réglementations européenne et française sont parmi les plus exigeantes au monde, si bien qu'il me semble que nous pouvons avancer de manière relativement vertueuse.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, j'ai participé, il y a quelques mois, à un déplacement, organisé par la commission des affaires économiques du Sénat, à Orléans auprès du BRGM.
Nous avons un peu eu le tournis, en découvrant que nous avions extrait autant de ressources minérales au XXe siècle qu'au cours de toute l'histoire de l'humanité et que, d'ici à 2030, nous en aurons encore extrait autant que toute l'humanité jusqu'à la fin du XXe siècle ! Cela est à la fois extraordinaire et inquiétant.
Assumons d'extraire sur notre sol ce dont nous avons besoin, mais pour que cela soit acceptable pour les populations, il faudra faire des choix.
Or choisir, c'est renoncer… Il faudra certainement renoncer à tout un tas de biens éphémères, souvent liés au numérique. L'empreinte du numérique est bien réelle. Il va falloir l'assumer et renoncer à certaines utilisations.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, " d'une dépendance l'autre " : telle est la phase actuelle de l'histoire de l'humanité qui nous fait passer du pétrole à l'électricité comme source majeure d'énergie.
Pour évaluer lucidement notre capacité collective à mener à bien la transition écologique et énergétique, il faut prendre pleinement conscience des problématiques diverses qu'elle pose. Il faut analyser le cycle de vie complet de l'ensemble des processus en jeu et en tirer des conséquences stratégiques aux plans national et international, sur le long voire le très long terme.
Le sujet de ce débat contribue à cette réflexion et je remercie ceux qui en ont pris l'initiative, les membres du groupe RDSE.
Au mitan des années 1970, et en partie du fait des deux chocs pétroliers, la France a laissé péricliter son industrie de production. Dans ce cadre, la question des ressources minières, qu'il s'agisse de production nationale ou de stratégie d'approvisionnement extérieur, a été plus que négligée.
Et nous nous réveillons aujourd'hui en constatant notre dépendance quasi totale à l'égard de quelques pays pour construire et faire fonctionner notre modèle économique, environnemental, social et de défense – sans évoquer le modèle politique, démocratique et libéral, qui est consubstantiel à ce dernier !
Aujourd'hui, et pour longtemps, du fait de ses ressources naturelles propres, mais aussi d'une stratégie de très long terme initiée il y a des décennies, dans les années 1970, la Chine est au monde décarboné en gestation ce que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) était – et est encore – au monde du fossile.
D'une dépendance l'autre, disais-je. Alors, que peut-on faire ? Qu'est-il permis d'espérer ?
Une remarque préalable : je pense que, dans le contexte structurel de dépendance très forte à l'égard des matières premières critiques qui est le nôtre, il n'y a pas grand sens à parler d'autonomie stratégique. En revanche, de plus ou moins grande dépendance, oui !
Sur le plan national, la France doit redonner au BRGM le rôle et les moyens qui furent les siens il y a quelques décennies, avant les années 1990.
Madame la ministre, que prévoyez-vous en matière de prospection et d'exploitation éventuelle des gisements de matières premières critiques (MPC) situés en Alsace, en Bretagne ou dans l'Allier, pour ne citer que ces potentialités ?
La question se pose aussi, me semble-t-il, pour l'hydrogène natif – il ne fait pas partie de ces MPC –, notamment dans les Pyrénées.
Quel est le grand projet national de recyclage ? Où seront localisées les usines nécessaires ?
Le concept de mine propre, qui, personnellement, me laisse pour le moins dubitatif, vous paraît-il, le cas échéant, un modèle à suivre ? Et si oui, dans quelles conditions pour les travailleurs, les populations et les territoires ?
Quelle est la position du Gouvernement à l'égard des travailleurs et des populations sanitairement victimes des mines en Chine, en Afrique – je pense à la RDC – et ailleurs dans le monde ? Des hommes, des femmes et des enfants y sont exploités jusqu'à la mort, nous rappelant le pire de ce que le XXe siècle a produit d'inhumanité. La France a-t-elle quelque chose à dire sur ces conditions d'exploitation parfaitement connues et leurs conséquences humaines et environnementales ?
Sur le plan européen, nous nous sommes dotés d'objectifs pour les MPC des États membres. Le règlement fixe des objectifs ambitieux en matière de progression de notre autonomie : au moins 10% de la consommation annuelle de matières premières stratégiques extraite dans l'Union européenne ; au moins 40% de cette consommation annuelle issue de la transformation ; au moins 25 % de cette consommation annuelle assurée par le recyclage ; moins de 65% de la consommation annuelle de l'Union européenne en provenance d'un seul pays tiers – il s'agit de moins dépendre uniquement de la Chine.
Pour y parvenir, l'Union européenne dit vouloir intensifier ses relations commerciales dans le cadre d'un club des MPC regroupant tous les pays ayant des valeurs similaires aux nôtres. Elle dit aussi vouloir renforcer l'OMC à cette fin, étendre le réseau des accords de facilitation des investissements durables et des accords de libre-échange ou encore intensifier l'application de la législation pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales.
Les mesures que je viens de citer ont été fixées il y a deux ans. Je dois dire qu'elles me laissent songeur, en particulier en ce qui concerne l'OMC. Il me semble que le contexte géopolitique actuel, fait d'agressions de toutes natures marquées du sceau de la puissance, renvoie ce plan d'action à une simple déclaration d'intention.
Madame la ministre, quelle place pour la production française dans ce cadre ? Quelle parole, quelles propositions la France porte-t-elle aujourd'hui en Europe pour que la moindre dépendance aux MPC, indispensable pour notre avenir, ne soit pas qu'une chimère ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, vous avez évoqué la stratégie française en matière d'autonomie, en vous demandant ce qu'on devait faire.
Vous le savez, nous n'avons pas de terres rares, mais nous avons d'ores et déjà lancé des projets dans le secteur des industries de raffinage.
Je peux ainsi citer l'exemple du projet Carester, une usine de raffinage qui vise à séparer les terres rares lourdes. L'objectif est de couvrir entre 10 % et 12 % des besoins mondiaux d'ici à 2030, avec 15% de matières recyclées.
Je peux aussi citer le projet MagREEsource, une usine de production d'aimants permanents qui utilise un procédé de recyclage en boucle courte pour divers types d'aimants.
Par ailleurs, l'entreprise Solvay a inauguré, il y a quelques mois, une nouvelle ligne de production à La Rochelle dédiée aux terres rares pour aimants permanents.
Dans le cadre de France 2030, trente-quatre projets ont été déployés dans différents domaines de production. Ces projets devraient satisfaire 70% des besoins nationaux de l'industrie de transformation de l'aluminium d'ici à 2030, l'équivalent de 90% des besoins nationaux en fil de cuivre d'ici à 2028, ainsi que, à terme, 100% de nos besoins nationaux en terres rares lourdes et plus de 50% des besoins des usines françaises de production de batteries en graphite artificiel.
Vous le voyez, nos objectifs sont ambitieux, mais ils sont nécessaires pour limiter notre dépendance à ces ressources et renforcer notre autonomie.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Madame la ministre, je veux vous remercier pour ces éléments de réponse, mais je ne suis guère rassuré.
J'ai cité la réflexion stratégique mise en œuvre dans les années 1970 par la Chine. Deng Xiaoping avait alors posé les bases de la puissance chinoise actuelle, laquelle est en train de prendre le dessus sur celle de beaucoup de pays occidentaux.
En France, comme en Europe d'ailleurs, nous ne réfléchissons qu'à trop court terme. J'espère me tromper, mais je pense que nous allons le payer cher. En effet, je ne vois rien dans ce qui se dessine qui me permette de penser que la dépendance de notre pays et du continent européen sur ces sujets sera amoindrie, ce qui est préoccupant !
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la technologie a transformé notre monde à une vitesse vertigineuse. Au début du XXe siècle, la France comptait moins de 200 000 abonnés au téléphone. Aujourd'hui, on dénombre 84 millions de cartes SIM actives dans notre pays, soit plus que d'habitants.
Cette révolution concerne aussi nos armées à l'heure de la guerre numérique. Au-delà du seul domaine cyber, les missiles de précision, les essaims de drones, ou encore l'intégration de l'intelligence artificielle appellent toujours plus de données. N'oublions pas toutefois que les infrastructures – réseaux et cloud – s'appuient sur une myriade de centres de données, de câbles sous-marins, de microprocesseurs et de satellites, qui requièrent énormément d'énergie.
Le développement des énergies renouvelables nécessite également des métaux rares. Ces derniers sont souvent difficiles à extraire, car ils ne se trouvent presque jamais à l'état pur dans les sols. Or leur séparation des autres minéraux est un processus polluant, énergivore et très coûteux.
La Chine possède 48% des réserves connues, assume 69% de la production minière et 90% du raffinage des terres rares. Cette situation lui confère un atout maître et fait courir aux pays importateurs le risque d'une dépendance accrue.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont convaincus que le commerce international est profitable à tous les acteurs qui respectent les règles, mais que dépendre d'un seul pays exportateur constitue un risque systémique majeur. Nous saluons donc l'initiative du groupe du RDSE, qui, en proposant ce débat, nous permet d'ouvrir une réflexion sur les meilleurs moyens de préserver notre souveraineté, la question des terres rares et des matériaux critiques étant cruciale.
En effet, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la demande annuelle de terres rares, pour respecter nos engagements climatiques, augmentera de 62 % d'ici à 2040. C'est à travers ce prisme qu'il faut comprendre les prétentions de Donald Trump sur le territoire danois du Groenland. Je vous informe également – peut-être le savez-vous déjà – que le Groenland vient de menacer de confier l'exploitation de son sous-sol à la Chine.
Nous sommes donc à l'aube d'un conflit géopolitique sans précédent. Pour sécuriser les approvisionnements, le Critical Raw Materials Act (CRMA) impose que, d'ici à 2030, au moins 10% de la consommation européenne de métaux stratégiques soit extraite du territoire européen, qu'au moins 25% de ces métaux proviennent du recyclage et qu'au moins 40% d'entre eux soient raffinés en Europe.
Or la France dispose de peu de gisements : la Bretagne, le Massif central, la Guyane sont susceptibles de contenir des terres rares exploitables en quantité modeste. Il faut donc, dans le cadre de France 2030 et de Choose France, accélérer les démarches administratives et investir plusieurs milliards d'euros afin de sécuriser notre accès aux matériaux critiques, sachant que nombre d'initiatives et de solutions alternatives précieuses émergent dans nos territoires pour extraire les terres rares de manière plus durable.
Ainsi, le projet Ageli devrait permettre d'extraire jusqu'à 10 000 tonnes de lithium par an, et ce en puisant dans les réservoirs d'eau géothermale d'Alsace. Reconnu comme stratégique par la Commission européenne, ce projet bénéficie d'un accès facilité aux financements européens.
Je tiens aussi à saluer le travail des chercheurs de l'Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg, également dans ma région du Grand Est, qui ont mis au point un procédé magnétique de séparation des terres rares. Ce tri par magnétoélectrochimie rebat les cartes, car il fonctionne aussi bien sur des minerais extraits que sur des déchets d'aimants. Surtout, il est moins énergivore que les techniques conventionnelles. Avec le soutien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l'université de Strasbourg, la start-up Remedy a lancé l'industrialisation de cette technologie brevetée. Cela démontre qu'une stratégie nationale cohérente implique un soutien appuyé à la recherche, au développement et à l'industrialisation.
Le marché du recyclage est prometteur. Mes collègues ont évoqué des pistes. Pour ma part, je souhaite mettre en lumière un projet qui a vu le jour dans le département dont je suis élue, l'Aube. L'entreprise Artémise travaille avec l'université de technologie de Troyes pour extraire et recycler les terres et métaux rares contenus dans les lampes LED, tels que de l'yttrium, le gallium, le strontium ou encore l'indium. Trop souvent, en effet, ces lampes sont envoyées dans les flux de petits appareils en mélange (PAM) sans être valorisées.
Artémise a également lancé le projet Néolithic pour industrialiser le recyclage des petites batteries lithium-ion à l'horizon de 2027. Nous attendons, madame la ministre, un soutien ferme de l'État sur ces dossiers.
Ce sont toutes ces recherches et ces initiatives qui nous permettront de commencer à briser les chaînes de notre dépendance.
Cependant, si le recyclage est devenu un outil de souveraineté stratégique et un levier d'innovation industrielle, il demeure difficile à mettre en œuvre. Les indicateurs de performance sont obsolètes : fondés sur le tonnage, ils ne prennent pas en compte l'impact stratégique des matériaux récupérés.
Nous devons également, madame la ministre, mes chers collègues, passer d'une logique de gestion des déchets à une logique d'approvisionnement en ressources critiques. Pour conjuguer souveraineté technologique et transition écologique, l'Europe et la France doivent poursuivre leur stratégie alliant sobriété, innovation, diversification des sources et respect des normes environnementales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Vanina Paoli-Gagin, je répondrai d'abord à l'inquiétude que vous avez manifestée concernant le Groenland.
Je rappelle qu'il y a quelques jours la ministre de l'économie, du commerce et des ressources minérales du Groenland a indiqué que son pays souhaitait nouer des partenariats avec l'Europe et les États-Unis.
Je précise par ailleurs que l'Union européenne a engagé des discussions stratégiques avec le Groenland sur les matières premières critiques, qui constituent un enjeu. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, l'Union européenne a signé un protocole d'accord, le 30 novembre 2023, avec le gouvernement du Groenland en vue de mettre en place un partenariat stratégique visant à développer des chaînes de valeur durables de ces matières premières. Ce protocole prévoit cinq axes de coopération : les projets miniers et industriels ; les normes internationales en matière environnementale, sociale et de gouvernance ; le déploiement des infrastructures ; le développement des compétences ; la recherche et l'innovation.
Vous avez raison de le souligner, les terres rares sont stratégiques, car elles sont indispensables à la fabrication d'un certain nombre d'éléments de notre vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle nous devons intervenir pour constituer une chaîne de valeur qui nous place dans une situation d'indépendance.
Bien entendu, tous les projets locaux, notamment ceux dont vous avez fait état, feront l'objet d'une attention particulière de l'État, compte tenu de l'importance du sujet. La stratégie nationale engagée vise de toute façon à identifier et à analyser tout ce qui peut contribuer à assurer notre souveraineté en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse.
J'ai appris l'information sur le Groenland voilà moins d'une heure. J'espère qu'il s'agit d'une fake news et que les coopérations et les accords avec l'Union européenne seront solides.
Enfin, nous devons vraiment encourager les projets locaux et les recherches susceptibles d'aboutir à l'industrialisation de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que notre approvisionnement minéral a été, aux XIXe et au XXe siècles, un moteur de notre compétition industrielle et militaire, il est largement passé ces dernières décennies au second rang de nos préoccupations stratégiques.
La situation, pourtant, a désormais radicalement changé, et c'est bien à une véritable ruée vers les métaux qu'il faut aujourd'hui nous préparer. En effet, à mesure que certains pays accélèrent leur développement économique et que les transitions énergétique et numérique prennent de plus en plus d'ampleur, l'accès aux ressources métalliques redevient un enjeu fondamental.
Selon certaines projections, pour répondre à l'accroissement de la demande mondiale, il faudra produire dans les trente ans à venir l'équivalent de tout ce qui a été extrait du sous-sol depuis les débuts de l'activité minière. Dans ce contexte, les métaux que l'on qualifie de rares jouent un rôle aussi nouveau que prépondérant.
Batteries électriques, éoliennes, équipements de défense, smartphones, calculateurs, et plus largement infrastructures digitales : les terres rares sont au cœur de la révolution technologique que nous vivons, à tel point qu'elles se révèlent désormais presque aussi essentielles à notre souveraineté et à notre avenir industriel que les ressources énergétiques qui irriguent notre tissu économique.
Par conséquent, et alors que la France a fait de sa réindustrialisation un objectif prioritaire, il est crucial de garantir à nos entreprises un accès aux métaux critiques qui soit assis sur des flux réguliers, des volumes suffisants et des prix maîtrisés.
Or, si cet accès n'est pas pour l'heure directement remis en cause, il n'est en rien garanti au regard de la situation internationale. En effet, la forte concentration de l'exploitation de ces ressources dans une poignée de pays fait peser des risques importants sur la sécurité de nos approvisionnements.
Ainsi, la Chine assure près de 70% de l'extraction mondiale des terres rares et contrôle plus de 85% de leur raffinage. Cette domination lui confère un levier géopolitique considérable qu'elle pourrait aisément mobiliser à notre détriment à l'occasion d'éventuelles tensions commerciales ou diplomatiques.
Par ailleurs, les pressions exercées par l'administration américaine sur le Groenland et sur l'Ukraine, de même que son implication dans le règlement du conflit au Kivu, illustrent à quel point les terres rares figurent désormais en tête des préoccupations géostratégiques de toutes les grandes puissances. Dans ces conditions, il est essentiel que notre pays cherche à se protéger des perturbations de marché et qu'il travaille à réduire ses dépendances.
Le premier levier dont nous disposons est naturellement notre propre potentiel géologique. Nous savons que celui-ci, comme d'ailleurs celui de nos partenaires européens, est particulièrement prometteur, peut-être même de rang mondial. Par exemple, en Bretagne, en Normandie et dans le Massif central, des études ont permis d'identifier de potentielles ressources en néodyme, en praséodyme, en tungstène, en lithium, en niobium, en tantale ou encore en zircon.
Cependant, la connaissance fine et détaillée de ce potentiel national fait encore assez largement défaut. Un inventaire des ressources a heureusement été lancé voilà deux ans afin de cartographier les gisements et d'identifier précisément les sites exploitables. À ce stade, ce travail indispensable ne se concentre pourtant que sur certaines zones spécifiques. Il semble donc essentiel de l'étendre au plus vite en lançant dès maintenant d'autres programmes de recherche et de prospection sur l'ensemble du territoire.
Notre objectif premier en matière de terres rares devrait être clair : développer autant que possible nos propres capacités d'extraction et de transformation. En effet, la valorisation des ressources nationales nous permettrait non seulement de renforcer notre autonomie stratégique, mais également de créer des emplois et de stimuler des territoires.
Au-delà de la relance de l'activité minière, c'est toute une chaîne de valeur, toute une filière nationale d'exploitation responsable que nous pourrions aujourd'hui mettre sur pied, depuis la recherche géologique, en amont, jusqu'à la transformation métallurgique, en aval.
Un tel changement de paradigme nécessitera d'abord de retrouver certaines compétences perdues au fil du temps, mais aussi d'adapter notre cadre réglementaire, par exemple pour faciliter l'obtention des permis d'exploitation minière, pour simplifier l'implantation de sites industriels de traitement et de raffinage, ou tout simplement pour encourager les investissements. Et bien sûr, il conviendra de définir des normes écologiques à la fois adaptées et rigoureuses, notamment en matière d'emprise au sol, de gestion des déchets et de l'eau, d'utilisation des intrants chimiques ou encore d'émissions de CO2.
Ce cadre réglementaire sera indispensable pour protéger la biodiversité et assurer l'acceptabilité de ces activités sur notre sol. Néanmoins, nous devrons nous montrer exigeants, mais aussi veiller à ce que ce cadre ne contribue pas, comme c'est trop souvent le cas dans notre pays, à la paralysie, puis à l'abandon pur et simple de chaque nouveau projet.
Mes chers collègues, développer notre capacité à localiser, extraire et raffiner les métaux rares sur notre territoire deviendra demain une exigence d'intérêt général majeure, un impératif auquel nous pourrons de moins en moins nous soustraire, mais un impératif qui, en toute hypothèse, sera loin d'être suffisant.
Soutenir la recherche sur le recyclage des terres rares afin de développer une véritable économie circulaire dans ce domaine devra devenir une autre de nos priorités.
À ce jour, le recyclage des métaux critiques, à l'inverse de celui des métaux classiques, reste balbutiant et se heurte à de nombreux obstacles. Entre procédés de récupération complexes, coûteux et absence quasi totale de filières de collecte et de tri, les pertes sont énormes. Toutes ne sont peut-être pas évitables, mais les marges de progression n'en restent pas moins très fortes.
Il apparaît donc incontournable d'investir aujourd'hui dans l'innovation en matière de retraitement avancé, dans l'écoconception des équipements électroniques ou des véhicules, ou encore dans la structuration de circuits de récupération des équipements, que ce soit pour leur recyclage ou leur réemploi.
Soyons néanmoins conscients qu'il ne sera pas possible d'atteindre une circularité parfaite, dans laquelle les métaux rares qui entreraient dans notre système économique n'en ressortiraient plus, pas plus qu'il ne sera possible d'atteindre une hypothétique autosuffisance minérale, assise sur les seules ressources françaises et européennes.
Dans tous les cas de figure, les importations demeureront un élément essentiel de notre approvisionnement. Dès lors, nous ne parviendrons à sécuriser davantage nos fournitures qu'en diversifiant les pays d'origine de nos importations. La Chine, pourtant dominante dans ce secteur, l'a d'ailleurs bien compris, et a pleinement intégré la question des métaux critiques aux diverses coopérations qu'elle conclut dans le cadre de ses nouvelles routes de la soie.
Madame la ministre, mes chers collègues, dans les années à venir, notre approvisionnement en terres rares conditionnera en bonne partie notre capacité à assurer notre souveraineté, à conforter notre prospérité et à tenir nos engagements climatiques.
Prospection, extraction, raffinage, recyclage : tels sont les piliers de la stratégie que la France et l'Europe doivent bâtir en matière de métaux critiques. Chacun d'entre eux devra être érigé au plus vite. Surtout, aucun ne devra manquer à l'inventaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Catherine Dumas, vous avez évoqué l'enjeu que représentent les terres rares, au même titre que la réindustrialisation, pour réduire notre dépendance. Je ne peux que partager votre constat : il s'agit d'un intérêt national majeur.
En effet, les terres rares sont stratégiques, car elles sont essentielles, notamment à la fabrication d'aimants permanents, qui sont utilisés aujourd'hui pour réduire le volume et le poids des moteurs électriques.
Vous avez rappelé la position dominante de la Chine sur ce marché, à des fins géopolitiques. Ainsi, le 21 décembre 2023, Pékin a interdit l'exportation de technologies liées à la fabrication d'aimants à base de terres rares, renforçant son contrôle technologique. Le 4 avril dernier, les autorités chinoises ont instauré des contrôles à l'exportation sur sept produits liés aux terres rares, moyennes et lourdes, exigeant des permis pour l'exportation de formes raffinées et transformées. C'est dire l'importance du sujet !
Vous avez évoqué l'inventaire des ressources dans notre pays. Je vous confirme que le Gouvernement a confié au Bureau de recherches géologiques et minières la mise à jour de l'inventaire des ressources minérales du sous-sol français dans cinq zones, qui sont de grands massifs où des ressources denses et importantes ont été identifiées.
À l'issue de cette phase d'inventaire et d'acquisition de données, des études d'exploration plus approfondies seront menées par des entreprises minières, dans le cadre de permis exclusifs de recherche, afin de déterminer quels sites pourront éventuellement être exploités.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse précise.
Je salue également l'initiative du groupe du RDSE, qui a permis que nous ayons ce débat. Je constate que l'ensemble des groupes de cet hémicycle partage le même constat, c'est très intéressant. Il appartient maintenant au Gouvernement de proposer des solutions ou des débuts de solution, et ce dans un contexte géopolitique bien perturbé.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand on parle aujourd'hui de transition écologique et énergétique, on pense naturellement à la sortie du pétrole, du charbon, du gaz. Cependant, il ne faut pas oublier qu'en quittant les énergies fossiles, nous risquons de tomber dans une nouvelle forme de dépendance, plus discrète, mais tout aussi stratégique : la dépendance aux matériaux critiques.
Lithium, cobalt, nickel, terres rares : ces métaux sont devenus essentiels à notre quotidien et à notre avenir. Ils alimentent les batteries de nos voitures électriques, nos éoliennes, les cellules de nos panneaux solaires, jusqu'aux composants de nos smartphones. Sans eux, il n'y aura ni transition énergétique, ni révolution numérique, ni industrie verte.
Comme le montre très bien Guillaume Pitron dans son ouvrage La guerre des métaux rares, cette nouvelle dépendance n'est pas sans conséquence. Aujourd'hui, l'écrasante majorité de ces matériaux provient de l'étranger, souvent de pays qui n'appliquent pas les mêmes standards environnementaux que la France. C'est particulièrement vrai de la Chine, qui contrôle 97% de la production mondiale de terres rares.
En clair, nous sortons d'une dépendance aux énergies fossiles pour entrer dans une dépendance aux métaux critiques. Et cette dépendance est à la fois écologique, économique et géopolitique.
Heureusement, l'Europe commence à réagir. Avec la législation européenne sur les matières premières critiques adoptée l'an dernier, nous avons désormais des objectifs clairs pour 2030 : atteindre une capacité d'extraction dans l'Union européenne couvrant au moins 10 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques des vingt-sept États membres ; une capacité de transformation et une capacité de recyclage couvrant respectivement au moins 40% et 25% de la consommation annuelle.
C'est une avancée importante, mais pour que ces chiffres deviennent réalité, chaque État membre doit s'engager. La France doit prendre toute sa part.
En effet, notre pays a des ressources, comme cela est souligné dans le rapport d'information de l'Assemblée nationale publié à la fin 2024 : notre pays dispose d'un potentiel de matériaux critiques importants, encore largement sous-exploité, notamment dans nos outre-mer. Ce potentiel peut être une chance, à condition d'être bien encadré. C'est pourquoi il est urgent de renforcer sur plusieurs points notre stratégie nationale en matière de métaux critiques.
D'abord, il faut relancer une production française, responsable et transparente. Il importe de commencer certaines extractions sur notre territoire, en respectant des normes environnementales strictes, en concertation avec les territoires concernés et les citoyens. Il y va de notre souveraineté.
Ensuite, nous devons diversifier nos approvisionnements. Sortir de la dépendance chinoise, c'est aussi renforcer nos alliances avec des pays fiables, partenaires de confiance comme le Canada ou les pays nordiques. L'Union européenne commence à structurer cette diplomatie des ressources. Elle doit être soutenue.
Enfin, il faut miser davantage sur le recyclage. Nos déchets électroniques, nos véhicules hors d'usage, nos batteries usées contiennent des métaux rares. Ce sont des gisements secondaires qu'il faut mieux exploiter. Là encore, la France peut devenir un leader industriel, avec des emplois à la clé.
Madame la ministre, je conclurai par quelques questions simples, mais essentielles.
Quelle est votre vision de l'avenir de l'exploitation minière en France ?
Quels investissements concrets sont-ils prévus pour améliorer notre capacité de recyclage et pour structurer une véritable filière industrielle autour des matériaux critiques ?
Enfin, comment la France compte-t-elle peser au sein de l'Europe pour faire émerger une stratégie collective ambitieuse et cohérente ?
Nous avons une occasion historique de concilier transition écologique, souveraineté industrielle et responsabilité sociale. Saisissons cette chance !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Fouassin, vous avez évoqué un certain nombre de sujets, dont deux sur lesquels je me suis déjà exprimée : la manière dont la France s'inscrit dans la stratégie européenne et l'enjeu du recyclage, dont l'importance est assez largement partagée sur ces travées.
Permettez-moi de décliner de nouveau la stratégie définie par la France en 2022. La délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques a été créée sous l'autorité du Premier ministre et d'un certain nombre d'autres ministres, en particulier le ministre de l'économie, pour coordonner l'action des différentes administrations impliquées dans la sécurisation de nos approvisionnements.
Sa mission s'articule autour de quatre axes : l'accélération et le soutien des projets sur l'intégralité de la chaîne de valeur, y compris le recyclage ; l'amélioration de la connaissance des filières des métaux stratégiques, car nous avons encore à apprendre – c'est tout l'enjeu de la recherche – ; le lancement d'un inventaire minier, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler ; l'élaboration d'une feuille de route pour la diplomatie des métaux.
Vous avez également évoqué le rôle des outre-mer. À ce sujet, je rappelle qu'une stratégie de pérennisation de l'activité minière a été mise en place en Guyane. Nous y réaffirmons notre volonté de développer une filière minière en Guyane ; de sortir du « tout or », car il existe d'autres métaux ; de favoriser l'appropriation par les exploitants artisanaux des meilleures pratiques et techniques existantes dans les gisements primaires ; enfin, d'encourager l'installation d'exploitants légaux sur certains sites d'orpaillage, quand ils sont illégaux actuellement.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour la réplique.
M. Stéphane Fouassin. Madame la ministre, je tiens à vous alerter sur l'avance prise par les États-Unis : ils ont déjà demandé l'autorisation d'exploiter les nodules polymétalliques dans les abysses. J'aimerais que la France et l'Europe se positionnent sur ce type d'exploitation avant qu'il ne soit trop tard.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Michaël Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'approvisionnement en matières premières critiques pose la question de la cohérence de nos ambitions en matière de transition écologique.
Ces ressources, actuellement indispensables pour le développement des énergies renouvelables, sont concentrées entre les mains de quelques acteurs. Cette dépendance nous expose à des mesures de restriction commerciale, que la Chine s'emploie d'ailleurs déjà à utiliser.
Sans nier cette réalité et la nécessité pour l'Europe d'accroître son autonomie stratégique, on peut raisonnablement douter du réel potentiel minier en France, sans doute dérisoire en quantité par rapport à la demande. En France, comme ailleurs, creuser de nouvelles mines de terres rares, c'est détruire à grande échelle des milieux naturels ; c'est déverser dans les sols quantité de produits chimiques polluant l'eau et les nappes phréatiques. C'est enfin exposer les ouvriers et les habitants à de graves dangers sanitaires.
Après épuisement des quelques gisements supposés en Bretagne ou en Guyane, après avoir extrait énormément de roches pour obtenir une part infime de terres rares, ou irons-nous chercher ces métaux, sinon dans nos mers et nos océans ?
Sur ce point, la France a pris sur la scène internationale une position courageuse et résolue contre l'exploitation minière des fonds marins, laquelle serait un véritable désastre écologique. Ne revenons pas sur cet engagement qui nous honore.
La stratégie européenne doit donc reposer davantage sur la diversification des fournisseurs, pour éviter tout risque de pression géopolitique. Elle doit promouvoir le recyclage et la transformation de ces matériaux sur le territoire européen, plutôt que l'exploitation d'hypothétiques gisements dont la rentabilité n'est même pas assurée.
La recherche et le développement doivent également nous permettre de limiter notre dépendance à ces métaux pour le déploiement des énergies d'avenir. Ne nous lançons pas corps et âme dans une industrie extrêmement polluante en produisant des stocks pour les besoins d'une technologie qui pourrait, demain, se révéler obsolète.
A fortiori, tout nouveau projet industriel et minier, sur notre territoire ou à l'étranger – à travers nos importations –, doit intégrer nos exigences de durabilité et de respect des droits humains sur toute la chaîne de valeur.
Nous ne pouvons plus ignorer l'agressivité à travers le monde des multinationales extractives, qui, pour satisfaire les besoins des pays les plus riches, dévastent des terres et des forêts, bien souvent au mépris des droits des populations locales et des communautés paysannes, premières victimes de ces mégaprojets miniers.
Contrôler l'impact social et environnemental de notre consommation est le principe même de la directive CSRD sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises et de la loi sur le devoir de vigilance, dont les ambitions sont pourtant aujourd'hui gravement remises en cause. J'aimerais d'ailleurs vous entendre, madame la ministre, sur l'avenir de ces règles européennes de transparence.
En ce qui concerne les terres rares, nous craignons une décision politique hâtive, élevant, par exemple, cette industrie polluante au rang d'activité d'intérêt public majeur et lui permettant de déroger au droit commun, aux procédures d'enquête publique et d'évaluation environnementale.
Aucun projet d'industrie lourde ne doit se faire sans une réglementation environnementale stricte, sans débat public, et en excluant les populations locales de décisions ayant un impact direct sur leur avenir.
Madame la ministre, comment comptez-vous concilier les enjeux d'autonomie stratégique dans l'approvisionnement des terres rares avec la protection de l'environnement et des populations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Michaël Weber, vous avez abordé un certain nombre de points et notamment souligné l'importance de la recherche – je ne peux qu'aller dans votre sens –, du recyclage et des enjeux environnementaux.
Le recyclage, je l'ai dit, est une priorité des stratégies française et européenne de sécurisation des approvisionnements en métaux stratégiques.
Parmi les textes européens structurants récemment adoptés sur le sujet, on peut citer le règlement relatif aux batteries, qui fixe des objectifs de collecte, de recyclage et de réintégration des matières premières recyclées dans les batteries, ainsi que des exigences de performance et de durabilité. Je rappelle également que, en France, un plan national de circularité des matières premières critiques est en cours d'élaboration pour renforcer cette dynamique dans les territoires.
En ce qui concerne les enjeux environnementaux, il est important de rappeler que la France dispose d'un droit environnemental et social, qu'il soit européen ou interne, qui est l'un des mieux-disants, pour ne pas dire le mieux-disant.
Par ailleurs, une directive relative aux émissions industrielles prévient et réduit les émissions de polluants provenant des activités industrielles, directive qui a été révisée en 2024 pour intégrer les émissions de polluants issus des mines. Aujourd'hui, un certain nombre de dispositifs et de processus ont été mis en œuvre pour que les mines et les carrières puissent être exploitées. Celles-ci doivent, comme tout projet, obtenir une autorisation environnementale : il s'agit de faire appel aux meilleures techniques, d'optimiser la consommation de l'eau, d'utiliser des technologies moins invasives, d'assurer une réhabilitation des sites exploités selon un plan défini par ailleurs, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et de gérer efficacement et de valoriser les stériles et résidus miniers.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Merci de vos propos, madame la ministre.
Je souscris à votre constat sur l'exemplarité du droit de l'environnement en France. Cela étant, la France a aussi un devoir en la matière au regard notamment de sa puissance sur les océans et les mers.
J'aurais d'ailleurs aimé que vous reveniez plus en détail sur la question de l'exploitation des terres rares en milieu marin, au sujet de laquelle subsiste une véritable inquiétude. Mais nous aurons probablement l'occasion dans les prochaines semaines de reparler de ce sujet, qui est à la fois stratégique et essentiel pour l'image de la France et pour sa contribution à la problématique environnementale.
- Conclusion du débat -
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen pour l'organisation de ce débat sur un sujet très intéressant, qui s'inscrit au cœur de la vie de nos concitoyens. J'ai pu apprécier tout l'intérêt que l'ensemble des intervenants portent à un certain nombre d'enjeux évoqués cet après-midi.
Lithium, titane, tantale, graphite, germanium, béryllium : les métaux et minéraux sont présents dans tous les objets du quotidien, de nos réveils à nos véhicules, en passant bien sûr par nos téléphones portables. Ils sont indispensables à notre travail, à nos loisirs, à notre défense, à la transition écologique et numérique et, pour le dire autrement, à notre avenir.
Plusieurs éléments essentiels ont déjà été mis en évidence. En réponse à vos questions, j'évoquerai pour ma part les grandes lignes de la feuille de route du Gouvernement concernant cet enjeu majeur.
Parmi les dernières actualités, la volonté des États-Unis d'annexer le Groenland, l'accord entre l'Ukraine et les États-Unis, et les restrictions chinoises sur les exportations de certains minerais démontrent le caractère stratégique de l'accès aux terres rares et aux matériaux critiques.
En réalité, ces ressources sont non pas des biens de consommation comme les autres, mais des leviers géopolitiques pour ceux qui les contrôlent. Dès lors, ce qui est en jeu, c'est notre souveraineté, terme qui a beaucoup été employé lors de ce débat.
La garantie de notre approvisionnement en métaux stratégiques est la condition de notre souveraineté industrielle, énergétique et numérique. J'irai même plus loin : elle est cruciale pour la survie de notre industrie et de nos emplois.
Pour mettre en œuvre cette priorité, le Gouvernement déploie une stratégie qui s'articule autour de quatre grands objectifs.
Le premier d'entre eux est de mieux connaître les ressources. C'est dans cet esprit qu'en 2023 le Président de la République a commandé au Bureau de recherches géologiques et minières un nouvel inventaire national des ressources minérales, outil indispensable pour poursuivre et adapter l'exploration scientifique de notre sous-sol.
Notre deuxième objectif est de relancer l'exploitation. Aujourd'hui, comme vous le savez, une seule mine est encore en exploitation dans notre pays, la mine de sel de Varangéville, en Meurthe-et-Moselle. C'est pourquoi l'État soutient le projet d'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier ; il accompagne par ailleurs certaines activités d'exploitation en outre-mer, et ce avec discernement. Plusieurs orateurs ont évoqué la Guyane : j'ai eu l'occasion de leur répondre au cours de nos échanges.
Le troisième objectif est de compléter nos approvisionnements via des partenariats stratégiques. La France a déjà signé une quinzaine d'accords avec des États partenaires dans le cadre d'une diplomatie des métaux active et volontariste. Ces partenariats se traduisent par le soutien gouvernemental à des activités économiques à l'étranger. Je pense à l'Indonésie, où l'entreprise française Eramet exploite la première mine de nickel au monde et en extrait 30 millions de tonnes par an. Je pense aussi à l'Argentine ou encore au Kazakhstan.
Enfin, notre quatrième objectif est de réindustrialiser notre pays. L'approvisionnement en métaux stratégiques n'a de sens que pour répondre aux besoins de nos filières industrielles en aval. Extraire des métaux sans les raffiner, ni les transformer, ni produire les batteries ou aimants permanents n'a que peu d'intérêt.
Pour répondre à cette ambition industrielle, nous devons attirer des investissements. C'est ce que nous faisons avec la société Carester, qui raffinera 10 % de la demande mondiale en terres rares en 2030, mais aussi avec la start-up MagREEsource qui produira des aimants permanents, ou encore avec la co-entreprise entre XTC et Orano spécialisée dans les poudres pour batteries.
Nous devons aussi mieux identifier nos facteurs de dépendance dans les filières stratégiques, à commencer par le secteur de la défense : c'est la mission confiée à l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles.
Comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, réindustrialiser, c'est aussi recycler. Les producteurs ont déjà la responsabilité de financer la collecte et le recyclage de leurs déchets via les filières à responsabilité élargie du producteur (REP). Nous devons faire en sorte de recycler sur notre sol : c'est fondamental pour l'environnement et pour notre souveraineté.
Au-delà de cette stratégie, il nous faut penser et agir à l'échelon européen, car nous avons besoin de l'Europe, d'une Europe puissante pour agir sur ces différents sujets.
Source https://www.senat.fr, le 6 juin 2025