Texte intégral
Journaliste
Monsieur le Président, vous avez salué une soixantaine de chefs de gouvernement présents à Nice. Il y a quand même un grand absent, ce sont les États-Unis. Est-ce que vous le déplorez, ce soir ?
Emmanuel MACRON
Alors, les États-Unis, finalement, ont décidé d'être représentés à un niveau, qu'on appelle technique et de travail, mais il y a le chef du bureau de la Maison-Blanche en charge de l'environnement.
Journaliste
Aucun ministre. Donald Trump disait vrai.
Emmanuel MACRON
C'est tout à fait vrai, mais ce n'est pas une surprise. On sait la position de l'administration américaine sur ces sujets. Est-ce que ça doit nous empêcher de bouger ? Non. Je suis, je vous le dis toujours, très stoïcien en la matière. J'estime que nous, on doit faire ce qui est en notre en haute capacité et entraîner le maximum de monde. La 1re puissance maritime n'est pas là. La 2e puissance maritime au monde, c'est la France, grâce à nos territoires ultramarins, et en particulier la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, nos Antilles, la Réunion, Mayotte. Et il y a eu des décisions très fortes qui ont été prises par le gouvernement polynésien. Et puis tout le reste du monde est là. On a la Chine qui est présente au niveau très haut gouvernemental, et on a tous les pays qui comptent pour ce combat.
Journaliste
Vous lui dites quoi à Donald Trump, ce soir ?
Emmanuel MACRON
J'ai dit la même chose qu'en 2017. Ça ne nous arrêtera pas. Et donc, moi, je respecte. Le peuple américain a élu le président Trump. D'abord, je pense que c'est bien qu'il y ait une présence et c'est mieux que la chaise vide. Et ensuite, on va continuer à avancer. Ça ne nous a pas empêché de signer un traité pour protéger la Haute-Mer. Vous savez, ça fait 15 ans qu'on attendait de signer un traité pour protéger la Haute-Mer. On l'a signé il y a quelques mois. J'annoncerai demain le fait qu'il va enfin pouvoir rentrer en vigueur parce qu'on s'est mobilisés, qu'on a assez de ratifications. Donc ça ne bloque pas le travail.
Journaliste
La barre des 60 est atteinte, ça y est ?
Emmanuel MACRON
Elle sera dépassée.
Journaliste
C'est-à-dire ? Vous pouvez préciser ?
Emmanuel MACRON
Je vais le dire demain. Vous avez des instruments de ratification finaux qui ont été déposés, des engagements fermes auprès de l'ONU et de la présidence qui seront déposés. Et donc les deux, nous permettrons de dire qu'à l'horizon de l'Assemblée générale des Nations Unies, ça rentrera en vigueur. Donc ça, c'est une mobilisation très forte.
Journaliste
Est-ce que vous soutenez la proposition de Pierre Cazeneuve qui consiste à interdire les bouteilles d'eau de moins de 50 centilitres en France ?
Emmanuel MACRON
Les parlementaires travaillent et il y a beaucoup de choses qui ont été faites. La France a été aux avant-postes pour interdire le plastique à usage unique. On l'a fait, ça a été une vraie révolution. On a passé avec la loi d'AGEC, qui était le fruit de la Convention citoyenne. C'est ça. On a passé aussi des choses pour améliorer les systèmes de consignes. Il faut maintenant le mettre en œuvre. On n'y est pas encore. On a des chiffres de consignes qui varient selon les régions et qui ne sont pas forcément très bons. Et après, je pense que c'est le travail du gouvernement et des parlementaires de continuer d'avancer. Ce qui est vrai, c'est qu'on doit, en tout cas, à chaque fois qu'on interdit quelque chose, avoir des solutions alternatives et on doit réussir partout où il y en a à enlever le plastique à usage unique et surtout à recycler le plus rapidement possible.
Journaliste
Ça ne marche pas très bien le recyclage.
Emmanuel MACRON
Mais parce qu'on n'a pas mis en place encore les systèmes de consignes. Pardon de le dire aussi bêtement que ça, mais il y a des pays qui l'ont fait en 2 ans et ils ont réussi à arriver au résultat. La loi est passée. Moi, je trouve ce qui est formidable dans la période que nous sommes en train de vivre, c'est que beaucoup de gens qui m'ont expliqué qu'on n'avait rien fait sur le climat découvrent au fond qu'il y a beaucoup de choses qui ont été faites au moment où ils sont en train de les détricoter. Mais tous ceux, y compris d'ailleurs l'extrême gauche, qui a voté la suppression de ZFE. Non, encore, il est plutôt cohérent. Et il a plutôt été toujours derrière. Mais je pense que depuis 8 ans, on a une action d'écologie concrète. Alors pour les uns, ça ne va pas assez vite. Pour les autres, ça va trop vite. Et j'essaie, moi, que le pays avance dans une même direction. Mais on a multiplié par plus de 4 la baisse des émissions de CO2 par an. Quand j'ai été élu en 2017, on réduisait d'1 % par an les émissions de CO2. L'année dernière, on les a baissées de plus de 4,5 %. Ce n'est pas tombé du ciel. C'est qu'on a changé les pratiques, c'est qu'on a investi sur l'énergie renouvelable et le nucléaire, c'est qu'on a commencé à changer les pratiques dans nos entreprises, c'est qu'on a accompagné des ménages pour changer leur véhicule ou pour changer leur logement. Et c'est la même chose.
Journaliste
Les logements, ça ne sera plus bientôt possible, MaPrimeRénov'...
Emmanuel MACRON
Non, je pense qu'il faut qu'il y ait un travail rapide pour qu'elle soit mise en place. Parce qu'il y a des ménages qui en ont besoin, en particulier des ménages modestes. Et que cette rénovation des logements, j'étais dans le bassin minier il y a quelques jours, on a rénové plus d'une dizaine de milliers de logements.
Journaliste
Mais les gens vous interrogent là-dessus.
Emmanuel MACRON
Mais les gens nous ont surtout remercié dans le bassin minier parce que ce sont des familles qui n'ont pas beaucoup d'argent, qui vivent dans des conditions très dures. Personne n'a envie de vivre dans des logements où il y a ce qu'on appelle de la précarité énergétique. Parce que très concrètement, ça veut dire que vous avez très chaud l'été et que vous avez très froid l'hiver et que vous dépensez beaucoup d'énergie pour un peu compenser. Donc c'est utile et ça crée de l'activité. Il y a des retours en activité, en emploi, en TVA. Donc c'est de la bonne dépense, c'est de la dépense d'investissement.
Simplement, il faut qu'on soit tous conscients que notre société vit une transition. On doit accompagner cette transition. Et donc c'est ça aussi le combat pour nos océans. Et ce que je veux vous faire comprendre avec cette mobilisation extraordinaire, c'est que tout ce dont on parle est lié. Et les océans, c'est au cœur de cette bataille pour le climat, Pourquoi ? Parce que les océans, ils capturent à peu près un quart du CO2 qu'on émet. Les océans, ils absorbent une bonne partie, majorité, de la chaleur qui est dégagée. Donc c'est un système de refroidissement naturel. Les océans, c'est un trésor de biodiversité. Et donc pour toutes ces raisons, si on recule sur l'océan, c'est-à-dire si on les pollue, si on fait de la pêche illégale et en trop grande quantité, si on ne préserve pas leur biodiversité, ça nous fait reculer sur la bataille biodiversité, ça nous fait reculer sur la bataille climat.
Journaliste
Et qui est obsédé par l'invasion du pays plutôt que la biodiversité, Bruno RETAILLEAU ?
Emmanuel MACRON
Regardons, soyons lucides avec nous-mêmes. Chaque jour, on court après des événements, des petites polémiques. Essayons collectivement d'avoir un débat où on progresse. C'est-à-dire de se dire, on vit dans une société qui a des défis. On a un défi démographique, écologique, technologique, d'unité du pays, parce qu'il y a en effet de la violence, mais qui vient aussi de divisions et tout ça, ce sont des problèmes de fond. Et moi, je trouve, dans nos débats publics, d'abord, on s'intéresse qu'est-ce qui va mal ? Et on a cette espèce de passion pour le drame permanent, et pas assez aux débats qui nous permettent collectivement de faire mieux. Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'on fasse collectivement mieux, c'est-à-dire qu'est-ce qui va nous permettre d'être mieux ensemble, de vivre mieux ensemble, qu'est-ce qui va nous permettre de mieux protéger notre biodiversité, de moins émettre de CO2, d'accompagner nos enfants pour qu'ils soient mieux éduqués. C'est ça, les débats qu'on doit avoir. Voilà.
Journaliste
Un peu de poésie, M. le Président. Quand avez-vous, pour la première fois, entendu battre le cœur de l'océan ?
Emmanuel MACRON
J'ai eu la chance de grandir dans une famille qui m'a vu en Picardie, entre la Picardie et les Hautes-Pyrénées. J'ai été dans la baie de Somme tout enfant. J'ai des souvenirs de mer. Ce n'est pas l'océan, mais c'est là. C'est l'estuaire de la Somme, avec un parc magnifique et le Marc-en-Terre, que je recommande à tout le monde. Et donc, j'ai connu cette mer salée et les marais. Non, ce n'était pas la Méditerranée. C'est cette mer, celle de mon enfance. Mais moi, j'ai besoin de voir la mer.
Je trouve que ce qui est extraordinaire, c'est à quel point il suffit de voir une carte, elle lie les peuples. Et ce qui est, je veux dire, au moment, je veux que vous touchiez ça du doigt, on est à un moment de notre géopolitique qui est très difficile. Vous avez commencé par m'interroger sur les États-Unis, à juste titre. C'est-à-dire qu'on a un discours ambiant climato-sceptique tenu aux États-Unis. On a des pays qui en profitent pour se détourner du combat climatique. Et on a, du coup, un débat ambiant, même dans notre pays, on le voit bien, où il y a une forme de recul. C'est un travail formidable qui a été fait par tous ceux qui ont préparé cette conférence, parce que c'est à la fois une remobilisation de la France, de tous ces territoires ultramarins. Moi, j'étais très fier d'être aux côtés des Polynésiens, des Calédoniens, des Réunionnais, des Antillais, des Guyanais.
Mais c'est aussi inédit. On n'a jamais rassemblé dans l'histoire de l'humanité autant de mondes pour les océans. C'est-à-dire qu'on a une centaine d'États qui sont représentés, on a une cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement, on a toutes les organisations internationales. Il n'y a jamais eu dans notre histoire ça. Et donc la France doit être très fière, et Nice peut être très fière d'accueillir une conférence de cette taille, de cette ampleur qui va permettre cette mobilisation. Parce que d'ores et déjà, on a eu des résultats grâce à cette conférence, je le disais. On n'aurait pas eu la signature et demain la ratification de cette protection de la haute mer sans cette conférence. On n'aurait pas réussi à monter cette coalition pour le moratoire sur l'exploitation des grands fonds marins. On n'aurait pas remobilisé la science internationale et le financement avec la mission Neptune. Et on n'aurait pas réussi à mobiliser autant contre la pêche illégale et non mesurée.