Texte intégral
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le maire,
Maître,
Mesdames et messieurs les élus locaux,
Monsieur le Directeur général de la gendarmerie nationale,
Mon général,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
Chère famille
Il y a sept ans, le 23 mars 2018, le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME mourrait de la main d'un terroriste islamiste. Il y a sept ans, un lâche prenait trois vies, et un officier donnait la sienne.
"Prends-moi à sa place". Ces mots, lancés comme une supplique de l'héroïsme à la barbarie, ces mots, encore aujourd'hui, nous transpercent le cœur. Mais sans que nous puissions percer le secret qui les rendirent possibles. Car il y a, dans le geste d'Arnaud BELTRAME, bien plus qu1un acte admirable: il y a un mystère insondable. Le mystère du sacrifice.
Quelles forces invisibles furent à l'œuvre dans la vie d1 Arnaud BELTRAME pour faire jaillir ce don sublime ? Ces forces, elles se découvrent dans les fils qui ont tissé la trame de son existence. Des fils tendus par une même exigence : " tirer vers le haut ".
" Tirer vers le haut " : des mots que répètent tous ceux qui l'ont connu. Le colonel Luzet, l'ami des premières années passées au se Régiment d'artillerie et à l1Ecole militaire interarmes. L'adjudant chef Siegwart, qui servit sous ses ordres dans la Garde républicaine. Le colonel Gay, qui l'accueillit au sein du groupement de gendarmerie départemental de l'Aude. Tous nous disent qu'Arnaud BELTRAME était habité d'une volonté inflexible de tirer ses frères d1armes vers le haut, pour qu'ils puissent accrocher leur regard à la plus haute étoile. Parce que tous avaient fait le serment d'apprendre et de s'élever, pour servir et commander, alors ils se devaient de tout donner. C'était la promesse des chefs. C'était le devoir des officiers.
Arnaud BELTRAME en était un. Et il emprunta sans hésiter les sentiers de l'adversité. Ils l'emmenèrent loin, jusqu'en Irak, où il fut engagé en 2005 comme chef du détachement de gendarmerie. Il y laissa le souvenir profond d1un homme prêt à tout pour remplir son devoir. Jusqu'à y consacrer sa vie, sans regret mais avec gravité, parce qu'elle était celle du gardien des choses sacrées. Oui, tout ce en quoi croyait Arnaud BELTRAME lui commandait de voir dans toute vie humaine un trésor inestimable. Pour lequel tout devait être sacrifié. L'existence du lieutenant-colonel BELTRAME n'était pas seulement faite d'une exigence. Elle s'organisait toute entière autour d'une transcendance. Aguerrir son corps, affermir son esprit, pour être prêt. Prêt lorsque le moment viendrait, si jamais celui-ci devait un jour venir. Prêt à avancer, quand tout porterait à reculer. Prêt à faire le sacrifice suprême, pour sauver l'essentiel.
Cet essentiel, c'était bien évidemment la vie des hommes. C'était aussi la vie d'un peuple. Le sien. Le nôtre. Protéger les Français et servir la France. C'était ce feu qui brulait au plus profond de lui. Et qu'il s'était fait le serment de conserver. Oui, Arnaud BELTRAME savait qu1il était le dépositaire d'une étincelle dont peuvent jaillir les plus grands feux. Ces feux qui, tant de fois dans notre histoire, ont éclairé le courage des hommes quand tout semblait consumé. Ce feu qui brillait dans le regard de Jeanne devant Orléans, des volontaires à Valmy, des derniers braves du bois des Caures à Verdun, des marins de l'île de Sein. Ce feu qui poussa Arnaud BELTRAME à ne pas reculer, à avancer, face au terrorisme islamiste.
En prenant la place d'un otage, il illumina les ténèbres. Et la flamme qui l'animait ne s'est pas éteinte avec lui. Elle nous a été transmise, ravivée de son exemple. Et elle nous réchauffe d'une nouvelle espérance. C'est l'espérance du bien. Malraux a écrit que le sacrifice était " le seul domaine aussi fort que celui du mal" . Ce jour-là, Arnaud BELTRAME a donné une puissance concrète à cette vérité : au mal radical, il a opposé la radicalité du bien. A la barbarie d'un homme, il a opposé la bonté d'une âme.
Une âme assoiffée, mais non desséchée. Une âme habitée, et non pas désertée. Habitée par une foi en l'homme, et en ce que nous sommes. A l'heure de sa mort, un officier français nous a dit de ne jamais désespérer de la France. Que même fragilisée, que même fracturée, que même blessée, notre nation est toujours capable d'enfanter des héros. Que ces héros peuvent être autour de nous. Qu'ils peuvent être chacun de nous. Car ce n'est pas la mort qui fait le héros, c'est la vie qui leur en donne l'occasion.
Madame, Monsieur, votre fils et votre frère était déjà un héros de son vivant. Comme le sont tous nos policiers, nos gendarmes, nos sapeurs-pompiers. Face à une France qui s'ensauvage, ils opposent la France qui s'engage. Face aux assauts du chacun pour soi, ils sont les remparts du don de soi. Et par la force de leur engagement, la pureté de leur dévouement, ils empêchent que la France ne se défasse, qu'elle entre dans un autre âge, un autre monde. "Le monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s'en font gloire et orgueil. Le monde de ceux qui ne se dévouent plus, qui ne se sacrifient à rien. Et qui s'en vantent", comme l'écrivait Péguy.
Arnaud BELTRAME s'est sacrifié parce qu'il croyait. Il croyait qu'une vie ne se termine jamais vraiment. Qu'elle continue à résonner dans l'éternité. Il croyait que le sens de l'existence est d'aimer, de donner. Il a aimé son prochain, il a aimé sa patrie. Alors, il a donné sa vie. Et ce don est une leçon. En opposant la beauté de l'acte à l'absolu nihilisme, il nous a enseigné que nos cœurs n'étaient pas vides. Que le relativisme et le consumérisme ne constituaient pas la fin de notre histoire. Que nous n'étions pas condamnés à laisser l'islamisme écrire, à notre place, un récit qui n'est pas le nôtre. En fin de compte, Arnaud BELTRAME nous a rappelé que les conditions d'existence d'un peuple ne sont pas seulement matérielles, mais qu'elles sont aussi, et surtout, immatérielles.
A l'heure où se dévoile la menace que font peser nos ennemis sur notre démocratie, il est urgent de nous inspirer de l'exemple d'Arnaud BELTRAME. Et de croire. De croire en nous. De croire en notre nation. De croire en la France. Et de renouer le fil de notre histoire, de retisser les liens invisibles de notre fraternité que sont le sentiment national, la transmission de la culture et la fierté d'appartenir à une grande nation.
C'est cette espérance française que nous rappellera la statue de ce héros que nous inaugurons en ce jour. Elle appellera tous ceux qui, pour la voir, relèveront la tête, pour rester droit et fort dans la tempête. Et de là où il est, Arnaud BELTRAME aura la joie du devoir accompli, celui qu'il s'était imposé à lui-même toute sa vie: tirer les autres vers le haut.
Vive le colonel Arnaud BELTRAME, Vive la gendarmerie nationale, Vive la République, Vive la France.
Source : https://www.brysurmarne.fr, le 10 juin 2025