Texte intégral
Monsieur le président de la République d'Irak,
Monsieur le président de la République de Colombie,
Monsieur le Premier ministre du Vietnam,
Mesdames et Messieurs les ministres.
Il est des lieux où la terre s'efface, où l'eau s'étreint, puissante, fragile et libre. C'est là que naissent les deltas. Là où les fleuves achèvent leur voyage, après avoir traversé les montagnes et parcouru les plaines. Ils jettent leurs dernières forces, comme une main tendue vers l'océan.
Les clapotis des deltas ont bercé nos rêves de "tohu-bohus plus triomphants". Leurs noms à eux-seuls sont des poèmes de Rimbaud : Mékong, Tigre, Euphrate, Magdalena, Gange, Amazone, Okavango, Nil, Mississippi, Betsiboka.
Les deltas sont des trésors pour l'humanité. Un demi-milliard de personnes y vivent. Ce sont des écosystèmes essentiels, à la fois pour le développement économique - ils concentrent 6% du PIB mondial grâce à la pêche, le tourisme, l'irrigation, le commerce - mais aussi pour la biodiversité et la lutte contre le changement climatique.
L'histoire des hommes et des nations s'est déployée autour des régions humides, depuis les premières cités de Mésopotamie jusqu'au delta du Rhin, qui a longtemps représenté un enjeu de rivalités militaires, avant de devenir un carrefour commercial majeur en Europe.
Plus près d'ici, les Bouches du Rhône s'ouvrent sur la plus grande zone humide de France : la Camargue, avec sa biodiversité exceptionnelle, ses lagunes sauvages où taureaux et flamants roses incarnent le délicat équilibre du vivant.
Pris entre l'eau douce et l'eau salée, les deltas sont des interfaces particulièrement exposées et vulnérables.
Ils dépendent des sédiments charriés par les fleuves, qui sont de plus en plus pollués. Or cette pollution se concentre à certains endroits : 1% des cours d'eau sont responsables de 80% de la pollution plastique des océans. Les deltas en sont les premières victimes.
Ils subissent aussi de plein fouet la multiplication des catastrophes naturelles liées au changement climatique : érosion, typhons, inondations, montée du niveau de la mer.
Au fond, l'océan et les fleuves sont confrontés aux mêmes défis. Préserver les deltas, c'est protéger l'océan, et réciproquement.
A l'occasion de la 3e Conférence des Nations Unies sur l'Océan, ce Sommet des deltas revêt une importance fondamentale.
La France, puissance océanique, abrite le delta du Rhône, l'embouchure de la Loire mais aussi l'estuaire de la Gironde, qui est le plus grand d'Europe. Au total, la France compte 55 zones humides inscrites sur la liste de la Convention de Ramsar, soit 4 millions d'hectares, en métropole et en outre-mer. C'est pourquoi nous sommes déterminés à renforcer la protection et la gestion durable de ces espaces.
À mon sens, deux priorités s'imposent : améliorer la gouvernance internationale des ressources en eau, et accroître nos efforts face au changement climatique pour aider les populations vulnérables.
Première priorité : la gouvernance.
En France, nous avons mis en place une politique de gouvernance à l'échelle des bassins versants. Nous réunissons toutes les parties prenantes autour de la table : populations, institutions, acteurs économiques. Cette approche fondée sur le dialogue prévaut aussi pour les eaux que nous partageons avec des pays frontaliers. Partout, nous soutenons la mise en place d'une gouvernance fondée sur la coopération. C'est un enjeu pour la paix. A ce titre, je souhaite que la Convention sur l'Eau, qui permet d'organiser la coopération entre Etats riverains, devienne un cadre universel.
La deuxième priorité, c'est l'adaptation au changement climatique.
Nous le voyons à notre niveau : dans le bassin du Mékong, où l'Agence française de développement (AFD) contribue à prévenir les inondations et assurer l'accès des populations à l'eau potable ; dans le delta du Zambèze, où nous agissons, avec la Croix Rouge française, pour préserver la biodiversité des mangroves et renforcer la résilience des communautés locales. Ces efforts sont aussi menés par le Fond français pour l'environnement mondial, avec lequel certains de vos pays travaillent.
Mais intervenir lorsque frappent les catastrophes naturelles ne suffit pas : il faut agir en amont, prévenir et anticiper. La mise en place de systèmes d'alerte précoce est indispensable. C'est pourquoi la France a lancé il y a 10 ans, lors de la COP21 à Paris, l'initiative sur les risques climatiques et les systèmes d'alerte précoce : "Climate Risk and Early Warning Systems". Elle a permis de déployer des systèmes d'alerte dans les pays insulaires, les pays les moins avancés et les plus vulnérables. Je veux réitérer l'appel à soutenir ce type d'initiatives qui permettent de sauver des vies.
Mesdames et Messieurs, faisons de ce Sommet un tournant : pour les deltas, pour l'océan et pour les générations qui viennent. Ensemble, passons à l'action, défendons la coopération et la solidarité internationale.
Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2025