Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la protection des océans, à Nice le 10 juin 2025.

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Circonstance : Conférence des Nations unies sur l'Océan

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,


La terre est une exception à la surface des mers. Oui, notre planète est un océan.

Nous avons essayé de le diviser artificiellement. Nous avons cru pouvoir nous l'approprier. Nous nous sommes comportés comme des maîtres et des possesseurs. Mais tout cela en vain, car l'océan est un et indivisible.

Comme le poumon qui oxygène le coeur, l'océan est indétachable de la vie terrestre. Il unit les peuples. Universelle est son origine. Universelle est sa destination. C'est notre maison commune, celle de l'humanité.

L'océan nourrit des milliards de personnes, par la pêche, l'irrigation, le tourisme, le commerce. Il est notre plus grand puits de carbone, un trésor de biodiversité, notre allié le plus sûr pour lutter contre le dérèglement climatique.

Alors oui, Monsieur le Président, nous en sommes les gardiens et les serviteurs. Et notre responsabilité, c'est de le protéger pour qu'il puisse nous protéger.

Mais par nos propres excès, nous mettons l'océan à rude épreuve. Il suffoque. Il se dérègle. Il est gagné par la fièvre.

Et alors que l'océan est en danger de mort, voici que nous sommes condamnés à l'action collective. Car face à l'immensité de l'océan, nous sommes tous égaux, tous responsables, tous concernés, tous dans le même bateau.

Il n'y a pas, d'un côté, les États maritimes et, de l'autre, les États continentaux, les pays riches et les pays en développement, un prétendu "Sud global" opposé à un prétendu "Occident collectif". Ces distinctions sont artificielles.

S'il y a bien une ligne de fracture, elle ne longe pas le trait de côte. La vraie ligne de fracture, c'est celle qui sépare ceux qui agissent pour l'océan, qui protègent nos biens communs, qui préparent l'avenir de nos enfants ; et les autres, qui refusent de s'engager, qui attendent et qui regardent ailleurs.

Cette ligne de fracture, c'est la même que celle qui sépare les défenseurs du multilatéralisme et les autres. Car la protection des océans nécessite une action concertée, une véritable "diplomatie bleue" fondée sur la science, le droit et la coopération.

Alors, au moment où le multilatéralisme est contesté, au moment où les institutions qui en sont les gardiennes sont fragilisées, entrons en résistance ! Résistance aux sirènes du cynisme. Résistance aux tentations mercantiles. Résistance à l'obscurantisme.

Ici même, à Nice, nous avons remporté une première victoire, une immense victoire : 100.000 personnes réunies autour de l'océan. C'est une mobilisation historique, mais ce n'est qu'un début. De Nice, où nous nous tenons aujourd'hui, nous appelons l'humanité toute entière à se lever.

Car si l'humanité ne parvient pas à sauver l'océan, alors l'océan se révoltera contre l'humanité. Notre planète deviendra invivable. L'océan étouffera sous le plastique et les produits chimiques. Les poissons chargés de mercure seront incomestibles. La famine se répandra de pays en pays. La guerre éclatera pour l'accès à l'eau potable. Les cyclones balayeront nos villes, et les typhons dévasteront nos côtes. Des villes comme Jakarta, Lagos et Miami seront englouties, tandis que des îles entières du Pacifique seront rayées de la carte. Des millions de personnes seront arrachées à leur terre. Les tortues, les ibis, les raies, les requins rejoindront le cortège silencieux des espèces disparues. Les équilibres naturels tissés depuis la nuit des temps s'effondreront comme un château de cartes.

Continuer d'abîmer l'océan, c'est scier la branche sur laquelle nous sommes assis. C'est perdre une part essentielle de notre humanité.

Voilà pourquoi il est urgent d'agir.

C'est ce que nous faisons ici, lors de cette 3e Conférence des Nations unies sur l'océan, avec la protection des aires marines et de la haute mer - et je veux saluer avec vous le dépôt par l'Indonésie, il y a quelques minutes, de son instrument de ratification du Traité BBNJ -, avec la décarbonation du transport maritime, avec la lutte contre la pollution plastique, avec la promotion de la science et contre l'exploitation des grands fonds marins. Nous ne laisserons personne monnayer les abysses.


Monsieur le Président,

Aujourd'hui, à Nice, une espérance se lève : l'humanité prend conscience et décide d'agir. Le Plan d'action de Nice pour l'Océan nous engage pour les années et les décennies à venir.

Alors pour nous-mêmes, pour nos enfants, pour leurs enfants après eux, entrons en résistance et poursuivons ce combat !


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2025