Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Conseillers départementaux, les élus de Versailles,
Messieurs les Présidents, les directrices et directeurs du Quai d'Orsay,
Pardonnez-moi pour mon léger retard. On appelle ça le "quart d'heure brésilien". Le président Lula avait beaucoup de choses à dire au Président de la République. Je suis néanmoins très heureux de vous retrouver dans ce lieu somptueux.
Jamais, dans notre histoire récente, ce qui se passe au-delà de nos frontières n'a eu autant d'impact sur nos vies quotidiennes et sur notre avenir. Par conséquent, jamais, sans doute, n'a-t-il été aussi urgent, aussi essentiel de rapprocher les Françaises et les Français de leur diplomatie, de les rapprocher des femmes et des hommes qui la font - un certain nombre d'entre eux sont présents dans cette salle -, de les rapprocher du patrimoine de la diplomatie française, de les rapprocher de la mémoire de la diplomatie française.
"La mémoire prend vie quand elle rencontre le citoyen, et les lieux de mémoire tranchent par leur existence et leur poids d'évidence", disait Pierre Nora, qui nous a quittés le 2 juin 2025 et pour lequel je veux avoir une pensée aujourd'hui.
L'esprit qui a présidé à cette initiative, c'est celui-ci : rapprocher, par les lieux et par la mémoire, les Françaises et les Français du travail diplomatique, leur faire connaître les nombreux succès, les quelques échecs, peut-être, de la diplomatie française, pour qu'ils se l'approprient et qu'ils en deviennent eux aussi, d'une manière ou d'une autre, les acteurs. Ouvrons les yeux sur les lieux qui nous entourent. Ils nous précèdent et leur message est intact. Ils ont beaucoup à nous dire.
Il y a sans doute peu de lieux en France aussi bien placés que celui-ci pour en témoigner, puisque c'est la Bibliothèque municipale de Versailles, Monsieur le Directeur, qui nous accueille - qui est donc propriété de la mairie de Versailles. Et non, je n'ai pas encore tout à fait l'intention de délocaliser le Quai d'Orsay à Versailles, mais c'est vrai qu'en traversant cette succession de salles, de médaillons hommage aux capitales européennes, la tentation est grande.
Je l'avais annoncé à l'occasion de la 30e Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs en janvier dernier, et aujourd'hui, nous y sommes. L'objectif de cette initiative qui commence aujourd'hui, c'est de donner envie aux Françaises et aux Français de découvrir l'histoire de la diplomatie par sa géographie, qui ne se limite donc pas au Quai d'Orsay, au site de Nantes dont nous fêtons cette année le 60e anniversaire, ni aux postes diplomatiques - ambassades et consulats - qui forment notre réseau, l'un des tous principaux réseaux diplomatiques du monde.
Dans les mois qui viennent, nous allons mettre à l'honneur des sites qui ont été le cadre d'événements diplomatiques majeurs partout en France. Nos concitoyens pourront ainsi mesurer combien notre Histoire s'est écrite tout près de chez eux, au coin de la rue, dans des mairies, des ministères, des salons, des châteaux, des théâtres, des ports, des lieux de sciences et de culture. Dans toutes les régions de France se sont jouées des rencontres décisives, des négociations délicates, parfois secrètes, des signatures de traités, des conférences internationales.
Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec sa direction des archives, a engagé un travail de fond pour identifier, documenter et faire connaître ces lieux emblématiques. Chacun se verra remettre une plaque et une notice historique rédigée avec soin, validée scientifiquement et accessible à tous. Ce label sera déployé progressivement, année après année - c'est une initiative qui s'inscrit sur le temps long -, concernera des sites ouverts ou non au public, situés sur l'ensemble du territoire, en métropole comme dans nos Outre-mer.
Je sais pouvoir compter sur l'engagement des élus municipaux, départementaux, régionaux, députés et sénateurs pour nous accompagner dans cette démarche. Votre appui sera très précieux pour le ministère, car qui mieux que vous connaissez les lieux chargés d'histoire où la France s'est construite ?
Nous voulons que cette initiative soit une occasion de renforcer toujours davantage cette diplomatie des territoires, enracinée et vivante, proche des citoyens, fidèle à l'Histoire et tournée vers l'avenir.
Aussi, je suis très fier aujourd'hui de décerner le premier label "Patrimoine de la diplomatie" à la bibliothèque Choiseul de Versailles, qui fut l'ancien Hôtel des affaires étrangères et de la marine, comme François de Mazières l'a rappelé.
Il s'agit du plus ancien bâtiment de France dédié à la diplomatie. Construit entre 1761 et 1762 par l'ingénieur Jean-Baptiste Berthier à la demande du duc de Choiseul, ce bâtiment est une prouesse de fonctionnalité et d'efficacité. Les travaux ont été exemplaires et le budget respecté - 629.948 livres, et pas une de plus. Déjà, les budgets du ministère étaient bien tenus. À la fin de la guerre de sept ans, Louis XV souhaitait rapprocher ses administrations du château et de la cour, et repenser ses alliances militaires et diplomatiques. C'est pourquoi Choiseul, successivement ministre des affaires étrangères ,de la marine et de la guerre, décida de créer à côté de l'Hôtel de la guerre un bâtiment rassemblant en un seul lieu les bureaux et les archives de deux ministères clés, la marine et les affaires étrangères. Il souhaitait ainsi centraliser les services de ces ministères en une sorte de cité administrative inédite en Europe.
Ce bâtiment que vous avez visité est un chef-d'oeuvre d'ingéniosité. Pour limiter les risques d'incendie, les voûtes sont composées d'arcs en briques, les sols sont en terre cuite et les armatures en métal. Pour limiter les coûts et les fuites d'informations, Berthier fit même installer une imprimerie au rez-de-chaussée, afin d'y imprimer les traités, les rapports et tous les documents administratifs produits par ces services. Au premier étage, la galerie des affaires étrangères est à la fois le lieu de dépôt des archives et un lieu d'apparat exceptionnel pour recevoir diplomates et hôtes de marque. Il s'agit de cette enfilade de cinq pièces dont les décors sont admirables, des médaillons qui représentent notamment les grands diplomates de l'Histoire de France : Jeannin, Richelieu, Mazarin, Pomponne ou Torcy.
Cela a été rappelé, c'est dans la galerie des affaires étrangères que furent signés deux traités majeurs de notre histoire diplomatique. Des sujets très simples : en 1768, le rattachement de la Corse à la France ; en 1783, le Traité de Paris qui reconnaît l'indépendance des États-Unis d'Amérique. Je précise d'ailleurs que lorsque le secrétaire d'État américain Marco Rubio, en poste depuis quelques mois, est venu à Paris, il y a quelques semaines, je lui ai remis une copie du Traité de Paris à cette occasion.
À la Révolution, les ministères des affaires étrangères et de la marine sont transférés à Paris, mais c'est bien ici, à Versailles, que s'est affirmée une véritable diplomatie d'État, professionnelle et moderne, ne dépendant plus seulement du bon vouloir du roi.
Monsieur le Directeur,
J'ai le plaisir de vous annoncer que se tiendra ici même, à l'automne 2025, une grande exposition sur la diplomatie française aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui sera inaugurée le 18 septembre, pour les Journées européennes du patrimoine.
Mesdames et Messieurs,
Cette première labellisation en appellera beaucoup d'autres. Et le choix des prochains sites du patrimoine de la diplomatie ne sera pas l'affaire de quelques-uns. Elle sera l'affaire de tous.
Dès aujourd'hui, toutes les Françaises et les Français, citoyens, membres d'associations ou d'institutions ayant connaissance d'un site lié à notre histoire diplomatique, pourront proposer sa labellisation. La démarche est simple, elle s'effectue via une adresse mail, patrimoine.diplomatie@diplomatie.gouv.fr, que vous pourrez retrouver sur le site Internet du ministère. Pour être éligibles à la labellisation, les sites devront répondre à quelques caractéristiques : il s'agira d'un bâtiment encore visible aujourd'hui, situé sur le territoire français, en métropole ou dans nos Outre-mer ; il s'agira d'un lieu d'une rencontre diplomatique formelle ou informelle, comme une signature de traité ou une négociation ; il s'agira d'un site qui est entré dans l'Histoire et qui puisse être documenté par des sources. Chaque dossier sera examiné.
Je l'ai dit, les affaires étrangères étant l'affaire de toutes et de tous, je veux que chacun puisse se sentir impliqué dans cette démarche que nous lançons aujourd'hui. C'est une manière de répondre démocratiquement à l'appétence de nos compatriotes pour la diplomatie et pour le patrimoine. Beaucoup de Français sont curieux mais ne savent pas toujours vers qui se tourner. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a vocation à être un acteur du patrimoine, au travers de la mémoire diplomatique.
Alors, pour garantir la rigueur et l'exigence scientifique de cette initiative, un comité éditorial sera constitué. Il sera paritaire et composé de diplomates, d'universitaires et de représentants du ministère. Ses huit membres étudieront les demandes à la lumière de critères définis ensemble, puis ils valideront les notices explicatives. Cette dimension scientifique est fondamentale pour assurer le sérieux de notre démarche.
Qui dit labellisation, dit label. Nous avons phosphoré pour trouver la représentation graphique de cette initiative que nous lançons avec vous aujourd'hui. Nous allons donc passer au dévoilement de l'identité visuelle de notre label "Patrimoine de la diplomatie". J'appelle le maire de Versailles, le directeur de la bibliothèque et Julien Steimer, directeur général de l'administration du ministère, à qui nous devons cette idée originale. Vous verrez qu'il s'agit d'un logo qui exprime le dialogue et l'ouverture, par un jeu de guillemets entrelacés évoquant, me dit-on, une rose des vents.
Ce symbole nous rappelle que la diplomatie est un échange, une orientation, une construction collective.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2025