Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin. Vous êtes le ministre de la Justice. Vous écrivez aujourd'hui aux Députés, aux syndicats, aux chefs de parti, pour les consulter sur votre révolution pénale. Une grande réforme de la justice qui pourrait donc être discutée dès septembre, avec notamment, la simplification des peines, la suppression des aménagements de peine obligatoires, la fin du sursis, les peines minimales. Vous appelez donc à cette révolution, et on va y revenir dans un instant. Mais vous avez sans doute entendu les propos de la mère d'Elias, Stéphanie, qui était à ce micro mardi matin. La mort d'Elias aurait-elle pu être évitée ?
GERALD DARMANIN
En tout cas, tout n'a pas été fait, de ce que j'en sais, pour que notre code des mineurs, notre code pénal, notre fonctionnement de la justice et de la police puissent garantir la sécurité la plus importante. Elle n'est jamais totale à tous les parents de France. J'ai reçu la maman et le papa d'Elias. Je les ai trouvés d'une très grande dignité. Ils veulent connaître ce qui s'est passé et les dysfonctionnements. Pour la première fois, dans une affaire en cours, j'ai demandé à l'inspection de la justice le pouvoir, c'était sa demande, à la maman d'Elias, rendre des conclusions publiques sur ce qui s'est passé. Ça arrivera au mois de septembre. J'ai accédé à sa demande tout à fait légitime. Et comprendre que les deux personnes, les deux gamins, les deux assassins, deux enfants, exactement, qui étaient déjà connu six fois et douze fois des services de police…
APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir, parce que c'est précisément de ça dont il s'agit. Est-ce que vous utiliseriez, vous, vous venez de le dire, dans les propos de la mère d'Elias, dysfonctionnements ? Est-ce qu'il y a des dysfonctionnements ?
GERALD DARMANIN
Il y en a notamment un, moi, qui m'a beaucoup choqué. C'est le fait que ces deux assassins potentiels, ces deux gamins, qui étaient déjà très connus de services de police, n'avaient pas le droit de se rencontrer. C'était la mesure d'assistance éducative qui était prononcée. Ils étaient ensemble. D'abord, ils n'habitaient pas très loin de l'autre, mais surtout, ils étaient ensemble. Et si jamais un policier les avait rencontré avant qu'ils rencontrent Elias, il ne se serait rien passé. C'est-à-dire qu'on aurait constaté qu'ils avaient…
APOLLINE DE MALHERBE
Moi, je vais vous dire, ça a été le cas. Ça a été le cas. Ils ont été rencontrés. Ils ont été rencontrés, pas une fois, pas deux fois. Ils ont été rencontrés toutes les semaines.
GERALD DARMANIN
Non, mais par ailleurs, il y a d'autres dysfonctionnements. Par exemple, cette mesure prononcée par la justice n'était pas dans les policiers, dans ce qu'on appelle le FPR, le fichier des personnes recherchées. Donc, quand même, il y aurait eu un coup. Il n'est pas certain que les policiers ou les gens auraient constaté qu'ils violaient leurs mesures d'assistance éducative. Mais imaginons que le policier le connaisse, et il aurait rencontré ces deux gamins, il l'aurait dit : " Mais vous n'avez pas le droit d'être ensemble ". Eh bien, il n'y a pas de sanction qui est prévu aujourd'hui, dans le code des mineurs, quand on viole cette mesure d'assistance éducative, genre : " Tu n'as pas le droit d'être avec ton copain avec qui t'as déjà fait des... ".
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, en fait, tu n'as pas le droit, mais si tu le fais, il ne t'arrivera rien ?
GERALD DARMANIN
En fait, c'est une mesure prononcée par l'autorité, nous, l'État, la justice. Et puis, il n'y a pas de conséquences quand on viole cette autorité. On a des enfants, beaucoup d'entre nous, quel que soit leur âge, si on leur dit quelque chose et qu'ils ne le font pas, et qu'il ne se passe rien, nous ne faisons pas une bonne éducation. Moi, je suis favorable à ce que ce soit l'éducation avant la répression pour mineur. Chacun le comprend. Un mineur n'est pas un majeur. Mais lorsque les mesures d'éducation soient violées, et qu'il n'y a aucune conséquence par la justice. Évidemment, tout ça est incompréhensible. Et ça crée des drames que connaissent terriblement les parents d'Elias.
APOLLINE DE MALHERBE
La question des conséquences. Souvent…
GERALD DARMANIN
Alors, je veux juste vous dire que ça, ça a déjà été corrigé, quelques jours après la mort terrible d'Elias, dans la loi que portait Gabriel ATTAL, je l'ai fait modifier.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la justice des mineurs.
GERALD DARMANIN
Exactement. Alors, j'ai mis beaucoup d'autres mesures qui rajoutent les très bonnes mesures de Gabriel ATTAL. Notamment la mesure de si on viole la mesure de sanction éducative, alors, il y a sanction, évidemment. Un couvre-feu, juste après les cours généralisés, comme en Espagne, et bien d'autres mesures, comme la comparution immédiate des mineurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, il y a la question de l'application, et il y a la question de la lucidité. Quand, effectivement, la maman d'Elias regarde ce pedigree, c'est quinze comparutions, c'est quinze faits minimum pour chacun des deux jeunes qui étaient connus depuis 2021. La mort d'Elias, c'est 2024. Ils étaient même tellement connus de la police que : " Quand les hommes ont vu Elias à terre, ils ont immédiatement pensé à eux. " ça, c'est ce que dit Laurent NUNEZ. Et à cela, on lui répond qu'il y a un manque de moyens. Écoutez la mère d'Elias.
STEPHANIE, MERE D'ELIAS
Lorsque nous sommes avec avocats, et que nous voyons successivement tous les délits, tous vols avec violence, réitérés depuis 2021, et qu'en 2023 et 2024, la décision des juges des affaires familiales est une mesure de non-regroupement, alors que tout simplement, si vous prenez un téléphone, une carte, vous notez leurs adresses, ils habitent... L'adresse n'est pas la même, mais ils habitent dans la même résidence. Les juges nous expliquent en permanence qu'ils n'ont pas de moyens. Lorsqu'ils prennent cette décision, ce n'est pas un manque de moyens, c'est un manque de lucidité.
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, l'interdiction est absurde, puisqu'effectivement, ils habitent quasiment côte à côte, dans la résidence, mais en plus, vous nous dites, ce matin, qu'elles n'étaient, de toute façon, sans aucune conséquence, et même pas appliquée. En fait, il n'y a rien qui va ?
GERALD DARMANIN
Il y a beaucoup de jeunes qui sont sauvés grâce au travail de l'État, des magistrats, des agents de la PJJ.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils étaient suivis par la PJJ.
GERALD DARMANIN
Oui. Et d'ailleurs, la PJJ avait fait des rapports qui est tout à fait conforme à la dangerosité, et manifestement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais à quoi ça sert, des rapports, si rien ne se passe ?
GERALD DARMANIN
On verra ce que dira l'inspection. Mais manifestement, la PJJ a très bien fait son travail. Ce qui est sûr, c'est que lorsqu'il y a la mort d'un enfant, et on est père et mère de famille, c'est un rame. Et dans le cas d'Elias, la société, l'autorité de l'État doit se mettre en cause. Moi, je ne suis pas de ceux qui disent : " Circulez, il n'y a rien à voir. " Je suis pour les peines minimales, même pour les mineurs. Et dans ce cas précis, puisqu'ils ont été connus 12 et 6 fois, sans être jugés, je pense qu'une peine minimale aurait été intéressante pour l'éducation, parce que la répression, c'est aussi une forme d'éducation. La deuxième des choses, c'est qu'il y a manifestement un manque de bon sens. On verra ce que dira exactement le rapport d'inspection. Bien sûr, ce que nous explique la maman d'Elias tombe sous le coup du bon sens. Mais il y a aussi un manque de moyens, et je l'ai dit à la maman d'Elias. Un juge pour enfant, il n'y en a pas beaucoup en France. Et il y a à peu près 450 dossiers par juge. Donc, il essaie de prioriser. Et dans les 450 dossiers, parfois, on se trompe. Parfois, on n'a pas assez d'éléments. Parfois, on termine à 22 h, 23 h, et on va commencer très tôt le lendemain matin. Et on n'a pas le bien de pouvoir juger, jauger, d'avoir toutes les actions. Donc, il faut absolument augmenter aussi le nombre de magistrats. C'est ce que j'ai fait. Arrivant à la Place Vendôme, j'ai dit qu'il y avait deux priorités : la lutte contre la drogue et la protection des mineurs. J'ai augmenté de 50, le nombre de juges pour enfants, et je ferai, l'année prochaine, une augmentation similaire. Il faut aussi augmenter le nombre de magistrats pour enfants. Il y a 12 000 gamins qui sont suivis. Ils sont suivis parce qu'ils sont des mineurs potentiellement délinquants. Et il n'y en a que 600 à 700 qui sont, soit dans les prisons pour mineurs, soit dans des centres éducatifs fermés. Nous voyons bien qu'il y a une différence extrêmement importante entre les gamins qui sont très accompagnés par la justice, et puis ceux qui sont à l'extérieur, dans des familles totalement décomposées. Ce n'est pas une excuse. Il faut que nous soyons extrêmement réactifs, beaucoup plus ferme, la maman d'Elias a raison de le dire. Mais les magistrats pour enfants, pour une très grande partie d'entre eux, font un travail absolument formidable.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a la question du bon sens, il a y a la question de la fermeté, de la sanction et de l'application réelle. Et puis, il y a la question de la récidive. Hier matin, je recevais François MOLENS, ancien procureur de la république près la cour de cassation. Et il a avoué dans une forme de désarroi, en tout cas, c'est ce que ça m'a laissé comme impression, une forme d'impuissance face à la question de la récidive. Écoutez.
FRANÇOIS MOLINS, ANCIEN PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION
On ne sait pas prévenir, dans notre pays, la réitération et la récidive. Et même en envoyant des gens en prison.
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, pardon, mais quand on reprend les faits, ça veut dire, on a tous sur les yeux…
FRANÇOIS MOLINS
On est dans un pays dans lequel vous avez 30% des sortants de prison qui réitèrent la première année, et 60 % dans les 5…
APOLLINE DE MALHERBE
On ne sait pas faire. Le taux de réitération observé dans les 5 années de la première condamnation est supérieur à 50 % pour les mineurs primo-délinquants
GERALD DARMANIN
C'est 70 %, sans doute, pour les gens qui sortent de prison et qui sont majeurs. Donc oui, c'est un échec, je l'ai dit, quasiment, dès mon arrivée place Vendôme. Et du coup, je propose de changer. C'est ça la révolution pénale : changer la façon de faire. Au lieu d'être très dur, parce que la justice peut être très dure avec des gens qui sont multirécidivistes et les envoyer en prison quand on les connaît depuis cinq fois, dix fois, quinze fois, il faut être très dur au premier fait. C'est pour ça que je veux mettre en place une peine minimale. Une partie des magistrats, des syndicats de magistrats sont contre. J'ai entendu l'expression, d'ailleurs, de Monsieur MOLINS.
APOLLINE DE MALHERBE
Monsieur MOLINIS est totalement contre la peine minimale. Il estime que ça va contre l'individualisation de la peine.
GERALD DARMANIN
Alors, c'est tout à fait faux, parce qu'il y a une peine maximale dans le code pénal. On est condamné jusqu'à 5 ans de prison et 75 000 Euros d'amendes, par exemple. Il n'est pas anormal d'avoir une peine minimale. Et entre temps, entre la peine minimale et la peine maximale, le magistrat sera libre d'individualiser la peine. Mais comme les peines-plancher à l'époque étaient tout à fait constitutionnelles, même si je ne les reprends pas, puisqu'elles ne touchaient que les récidivistes. Moi, je propose de toucher au premier fait. Mais vous voyez, il a une sorte d'incohérence à dire qu'on est totalement incompétents, manifestement, pour lutter contre la récidive. Et ce constat est tout à fait vrai. Elle devrait nous interpeller. Et puis dire qu'il ne faut rien faire. Donc, moi, je suis là pour faire des choses, et dire, les magistrats, ils appliquent loyalement la loi. Si la loi change, je n'ai aucun doute qu'ils appliqueront loyalement la loi. Donc, ce que je propose, partant de ce constat, je ne reste pas les bras ballants en disant : « Bah, voilà, on peut rien faire ». Je suis ministre de la Justice, je propose la révolution qui consiste à taper très fort dès les premiers faits. Mais chacun le sait aussi, que les gens qui sont délinquants et criminels importants ont commencé par des petits faits. Et comme on ne les a pas arrêtés, puisque ni la police, ni la justice, ni les parents, ni l'autorité, ni l'école, n'ont dit : " Bon, maintenant, ça suffit, stop, et tu seras sanctionné ". Ils ont fait des mauvaises fréquentations, ils ont fait des faits un peu plus graves, puis un peu plus graves, puis un peu plus graves. Et quand ils sont très récidivistes, là, on les condamne et on les envoie à prison. En prison, ils font quelques années de prison. Ils sortent, et qu'est-ce qu'ils font ? Ils récidivent parce qu'ils sont désocialisés.
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, vous voulez inverser ce qui existe actuellement ?
GERALD DARMANIN
Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Inverser ?
GERALD DARMANIN
Je veux faire l'inverse de ce qui existe actuellement, qui ne marche pas. Dès le premier fait, une peine minimale, évidemment, la personne est reconnue coupable, bien sûr, dès les premiers faits, dans les infractions comme les rodéos urbains, comme les vols de véhicules, comme les vols de portefeuille, comme les agressions physiques les plus lambda, que les Français malheureusement connaissent, et port d'arme, comme les couteaux par exemple, dès les premiers faits, il faut condamner fortement. Ce n'est pas forcément et systématiquement la prison. La peine minimale c'est une peine, ce n'est pas forcément et systématiquement la prison, mais ça peut être aussi la prison, ça peut être des peines de quinze jours, de trois semaines, d'un mois…
APOLLINE DE MALHERBE
De quelques jours même ?
GERALD DARMANIN
Aujourd'hui, c'est totalement interdit par notre code pénal.
APOLLINE DE MALHERBE
Aujourd'hui, si vous n'êtes pas condamné à un an, vous n'y allez pas. Et encore, plus d'un an, vous n'y allez pas systématiquement.
GERALD DARMANIN
Oui. On a un système un peu absurde où la personne arrive dans le tribunal. Le juge dit : " Vous êtes condamné à neuf mois de prison ". Le type se retourne vers son avocat et dit : " Je vais en prison ", et l'avocat lui dit : " Non, non, pas du tout ". Donc, ma maman qui vient du Nord, elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas pourquoi la personne qui a fait un méfait dans la rue, il est condamné à neuf mois de prison, elle le voit le lendemain matin dans les rues de Tourcoing. Elle ne comprend pas. Et elle a raison de ne pas comprendre. Donc si on est condamné en France à six mois de prison, on doit aller six mois en prison.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, le mot absurde que vous venez de dire, c'est le mot qui, moi, me frappe depuis le début de cette semaine, depuis que j'ai écouté la maman d'Elias. Absurde. On a l'impression d'un décalage entre des théories mais ça fait combien de temps qu'on est dans cette logique où on vous dit que vous allez en prison vous n'y allez pas ?
GERALD DARMANIN
Ça fait longtemps, puisque des Gouvernements de droite et de gauche ont mis ça en place, jusqu'à la majorité actuelle. Moi, j'ai souvent combattu. Pourquoi ils l'ont essayé de le faire les ministres de la Justice précédents ? On peut les comprendre. Ils ont essayé de dire : « Ben voilà, la prison n'est pas un endroit très sympathique ». C'est le moins qu'on puisse dire. Ce n'est pas Club Med. Ça, c'est tout à fait vrai. C'est très dur, la prison. Et donc plutôt que d'envoyer les gens en prison, à moins d'un de prison, on va faire des aménagements de peine. Le travail d'intérêt général, le bras électronique. Mais les magistrats, comme ils voient que la délinquance a augmenté et qu'ils voient parfois 10 fois, 15 fois, 20 fois une personne qui roule bourré au volant de son véhicule, au bout d'un moment, il met une peine très importante, par exemple, un an et demi de prison, pour être certain qu'il y ait du coup les mesures plus... Je ne dirais pas laxistes, mais plus modérées de dire : " Tout le monde ne doit pas aller en prison parce que c'est très mauvais la prison ". En fait on conduit à avoir beaucoup plus de gens en prison.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi. C'est de l'idéologie ?
GERALD DARMANIN
Non, je ne pense pas. Je pense qu'ils ont essayé quelque chose qui n'a pas marché. Donc ils ont juste changé ce qui n'est pas marché.
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi je vous dis ça Gérard DARMANIN ?
GERALD DARMANIN
Je vous dis ça parce que dans la surpopulation pénale que dénonce une partie d'ailleurs des syndicats de magistrats, et ils ont raison, il y a 82 000 détenus pour 60 000 places, c'est scandaleux. Une grande partie de cette surpopulation est due aux peines plus importantes que prononcent les magistrats. Il y a le même nombre de gens qui rentrent chaque année en prison depuis mon année de naissance. 1982. Mais il y a beaucoup plus de gens qui restent longtemps en prison. Parce que notre système est fait de telle sorte complexe et absurde, que les gens restent plus longtemps en prison, alors qu'ils sont récidivistes. Et nous ne condamnons pas fermement les premiers faits pour les empêcher d'aller en prison et de recommencer.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous êtes vraiment d'accord, vous et les juges ? Vous dites notamment cette phase de la prison femme réellement effectuée parfois dès les premiers délits. La procureure de la République de Paris, Laure BECCUAU, que je recevais ici même vendredi dernier, elle, elle dit : " Il ne faut plus penser la prison comme la peine de référence pour la petite délinquance ". Est-ce que le problème, il n'est pas celui-là ?
GERALD DARMANIN
Non mais moi, je n'ai pas à être d'accord avec les juges. Moi, je fais de la politique. J'ai été élu…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin les juges, ils ont quand même besoin d'être d'accord avec vous, non ?
GERALD DARMANIN
Les juges, les magistrats, qui sont des gens formidables et dont l'indépendance est garantie par la Constitution et dont je suis le garant, appliquent loyalement la loi. Ils ont le droit d'avoir des opinions personnelles. Je les respecte fortement. Madame BRUGERE que vous allez recevoir dans quelques instants ne pense pas pareil. Je pense que monsieur MOLINS par exemple. Et c'est normal et c'est logique. Mais moi, je fais de la politique. J'ai été élu par la population à plusieurs reprises. Je suis battu, je resterai chez moi et je donnerai plus mon avis. Mais pour l'instant, les gens de Tourcoing me font confiance... Je suis là pour modifier, pour proposer des modifications de la loi. Je ne suis pas seul, j'ai l'Assemblée nationale, le Sénat, je vais voir s'ils me suivent. Si l'Assemblée nationale et le Sénat modifient la loi comme je la propose, ben les magistrats, ils feront ce que la Constitution leur demande de faire. Ils appliqueront la loi loyalement. Les juges appliquent les lois, ils sont la bouche de la loi. Voilà. Donc après chacun peut avoir son avis personnel. Moi, je pense que lorsque les gens commettent des actes de délinquance, ils doivent aller en prison lorsque le magistrat considère qu'ils sont dangereux pour l'extérieur de la société.
APOLLINE DE MALHERBE
La prison, c'est pour les dangereux.
GERALD DARMANIN
Alors je pense que nous devrions d'abord catégoriser les personnes, ce que nous ne faisons pas. Par exemple, dans les prisons françaises, il y a 50% de gens qui sont là pour violences aux personnes et il y a 50% de gens, je caricature, qui sont là pour les violences aux biens. Et il y a des gens qui font des violences aux personnes qui sont dehors. On l'a vu notamment lors des manifestations qui se sont très mal passées dans le public un soir de la finale du PSG. Moi, je peux comprendre le magistrat qui dit : " Mais attendez, il y a déjà trop de monde dans les places de prison, je ne vais pas envoyer des gens alors qu'il y a déjà une surpopulation carcérale ". Peut-être que nous pourrions modifier les choses. Ceux qui doivent aller en prison en premier lieu, c'est les violences aux personnes. Quand on s'attaque à une femme, à un policier, à un juge, à un douanier, à son professeur, on doit aller en prison. Quand on fait des violences physiques, on doit être privé de sa liberté dans la société.
APOLLINE DE MALHERBE
Cela veut dire, quand je vous écoute, que tous ceux qui étaient effectivement dans ces violences urbaines, physiques des soirs du PSG doivent aller en prison. Violences, prison.
GERALD DARMANIN
Moi, je pense que quand on s'attaque à un policier, physiquement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous l'avez vu, il n'y en a quasiment aucun qui vont y aller.
GERALD DARMANIN
C'est pour ça que je vous propose la modification de la loi. Dès mon arrivée place Vendôme, j'ai pris une circulaire de politique pénale. Je demande au procureur de la République. Elle est connue, cette circulaire, je l'ai rendue publique. Elle fait trois pages. C'est moi qui l'ai écrit tout seul, quasiment en français, je crois de bon sens et correct. Je leur dis : " Je vous demande de prendre des réquisitions de prison ferme pour les personnes qui font violence contre les personnes et pour les trafics de drogue ". Voilà. Ça, ce sont mes deux priorités de politique pénale. Violences contre les personnes et trafic de drogue. Après, le parquet fait son travail, puis il y a le siège qui librement est en toute indépendance, décide. Mais il décide selon quoi ? Selon la loi. La loi aujourd'hui ne dit pas ce que je vous dis. Donc nous allons modifier la loi. Je vais proposer de modifier la loi pour que toute personne qui attaque une autre personne, et encore plus quand on s'attaque à un policier, à un enfant, à un professeur, à un médecin, on aille en prison, même quelques semaines. Alors aujourd'hui, c'est vrai, la loi empêche le magistrat de le faire. Donc nous allons modifier la loi.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans tout ça, vous voulez être Président.
GERALD DARMANIN
C'est-à-dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire vous voulez être président de la République. Vous commencez, vous avez lancé hier la course, vous l'avez dit.
GERALD DARMANIN
Je veux influencer le cours de la vie de mon pays. Bien sûr. Sinon je ne ferais pas de politique.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'est le moment, alors que vous êtes ministre de la Justice, de vous lancer ? Notamment hier soir, c'était sur la question des retraites, sur la manière dont il fallait peut-être mettre en place un fonds de capitalisation. Est-ce que c'est possible de faire cela en même temps ?
GERALD DARMANIN
Bien évidemment, puisque nous nous battons pour avoir des crédits budgétaires pour la justice. La justice a un petit budget, c'est à peine 11 milliards d'euros.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un problème d'ailleurs.
GERALD DARMANIN
Oui, c'est pour ça que je me bats. Et je sais qu'Amélie DE MONTCHALIN m'écoutera et respectera à l'Euro près la loi de programmation de la justice, c'est-à-dire je veux dire aux magistrats, aux agents de la PJ, aux agents de la pénitentiaire que j'ai obtenu un immense budget supplémentaire par rapport à mon prédécesseur Didier MIGAUD et j'espère que nous respecterons à l'Euro près les centaines d'emplois supplémentaires qu'avait prévus Éric DUPOND-MORETTI. Mais par ailleurs, si on veut financer ce budget de la Justice, le budget de l'Education nationale, le budget de la Défense, il faut que nous fassions des efforts sur le budget social.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous auriez de plus que Bruno RETAILLEAU ou Edouard PHILIPPE ?
GERALD DARMANIN
Mais ce n'est pas comme ça qu'il faut voir les choses. Ce sont les idées qui comptent. Non. Le concours de beauté est assez peu intéressant. Bien sûr, il y a des gens qui me trouvent plus sympathique, je réponds au sondage avec qui vous voulez prendre une bière ou partir en camping…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais dites-nous pourquoi vous ?
GERALD DARMANIN
D'abord, je ne suis pas candidat en tant que tel. Je propose des idées. Je constate que les idées que je propose ne sont pas toujours reprises par d'autres La révolution pénale que je propose n'est pour l'instant pas reprise par d'autres. Le fait de dire je pense qu'il ne faut pas toucher les 64 ans pour partir en retraite, on ne doit pas modifier non plus les 64 ans, moi, je ne suis pas pour aller au-delà de 64 ans de retraite parce que les gens qui travaillent sont parfois très abîmés par la vie. Les femmes de ménage, les agents de sécurité privée, les gens qui travaillent dans la restauration, dans le BTP, c'est très dur pour eux. Par contre, il ne faut pas travailler plus pour les Français. Ils travaillent déjà beaucoup les Français. Il faut travailler tous. Il y a plein de gens qui ne bossent pas, mais il faut les forcer à aller travailler. C'est pour ça que personnellement, plutôt que de repousser l'âge de la retraite, je ferais une grande réforme de l'assurance chômage. Aujourd'hui, c'est 18 mois d'indemnisation qu'on est au chômage.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez réduire à six mois.
GERALD DARMANIN
Entre six et neuf mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Et après c'est fini.
GERALD DARMANIN
Dans le Nord, il y a 48 h, un restaurateur me dit : " Vous savez, le soir, monsieur le maire, on m'appelle encore monsieur le maire, je fermais à l'époque que vous n'étiez pas encore maire parce qu'il n'y avait pas assez de clients. Maintenant je ferme parce que je n'ai pas assez de serveurs ". Qu'est-ce que je peux répondre à ce monsieur, si ce n'est dire, mais il y a en même temps du chômage dans ma commune, il faut que ces gens aillent travailler. Donc il faut forcer les gens à aller travailler. Donc les Français, on ne va pas leur dire : " Chaque année vous devez travailler plus longtemps ". En retraite, 64 ans, c'est très bien, il ne faut pas revenir en arrière. Il faut dire à tout le monde de travailler.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous mettez vos idées sur la table. Bruno RETAILLEAU, Edouard PHILIPPE font pareil.
GERALD DARMANIN
Ben c'est très bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Et à la fin, comment on tranche ?
GERALD DARMANIN
Mais on verra bien. C'est dans deux ans.
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin ce n'est pas dans deux ans. Le moment où on tranche, c'est avant.
GERALD DARMANIN
Non. C'est dans deux ans. En 1995, quand j'étais plus petit, c'était BALLADUR qui devait gagner. C'était Jacques CHIRAC. Deux ans avant 2002, c'était Lionel JOSPIN. Ça a été Jacques CHIRAC. Deux ans avant 2007, Dominique DE VILLEPIN taillait des croupières à Nicolas SARKOZY. Deux ans avant 2012, on disait que c'était monsieur STRAUSS-KAHN qui serait élu. Donc aujourd'hui, on doit travailler pour la France. C'est pour ça que je remercie, sous l'autorité du Président, du Premier ministre, de faire des choses concrètes, notamment la matière pénale. Les prisons de haute sécurité pour narcotrafiquants dans un mois, elles existent. Et puis, bien sûr, donner son avis sur tous les autres sujets parce que je fais de la politique. Et après les Français trancheront naturellement et on se mettra tous derrière celle ou celui qui pourra gagner et j'espère changer notre pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Gérald DARMANIN d'avoir répondu à mes questions ce matin.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2025