Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " Les résultats de la politique d'éloignement des personnes sous obligation de quitter le territoire français. "
Ce débat a été demandé par le groupe UDR dans le cadre de sa séance thématique. Conformément à l'organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d'abord les rapporteurs, qui ont établi une note mise en ligne sur le site de l'Assemblée nationale ; nous entendrons ensuite les orateurs des groupes, puis le gouvernement ; nous procéderons enfin à une séance de questions-réponses.
(…)
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Les questions ont été nombreuses : je vais essayer de les regrouper et je commencerai par aborder un certain nombre d'entre elles dans un propos liminaire.
Tout d'abord, je voudrais rectifier une erreur : l'OQTF ne sanctionne pas un trouble à l'ordre public, mais un séjour irrégulier –? ce sont les termes de la loi européenne.
Les statistiques sont d'un usage problématique, comme l'a fort bien indiqué l'une des rapporteures. On dit qu'une OQTF sur dix est exécutée, mais il convient d'y ajouter les interdictions du territoire français, qui doivent également être exécutées, et d'en retrancher, par exemple, les OQTF que le juge abroge, celles qui ne sont pas notifiées, celles qui le sont à l'encontre d'une personne connue sous un alias –? certains étrangers en situation irrégulière utilisent plusieurs noms – et celles qu'on ne peut pas notifier parce que les gens ont disparu dans la nature. Le taux réel, comme vous l'avez indiqué, madame la rapporteure, est d'un peu plus de 21%. Eurostat vient de publier ses dernières statistiques : au premier trimestre de cette année, la France est passée devant l'Allemagne en valeur absolue du nombre d'exécutions de mesures d'éloignement –? résultat important, même si je conviens qu'on ne peut s'en satisfaire.
Il faut également comprendre que tout n'est pas à notre main. C'est la directive " retour " qui nous oblige à prendre des OQTF. J'en veux pour preuve les événements survenus en Allemagne : le rabbin qui a été attaqué à deux reprises l'a été, la seconde fois, par un Palestinien qui n'était pas sous l'équivalent allemand de l'OQTF mais qui bénéficiait d'une Duldung –? une mesure de tolérance, sans expulsion ni pour autant acceptation sur le territoire. Pour cette dernière raison –? parce qu'elle ne prenait pas, de manière systématique, des mesures d'éloignement du territoire – l'Allemagne a été condamnée en 2021 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Ce n'est donc pas le gouvernement français qui veut prendre beaucoup d'OQTF –? ce serait bien plus facile d'en prendre moins ! –, mais c'est le droit européen, droit auquel nous nous sommes toujours conformés, qui nous oblige à prendre systématiquement des OQTF pour sanctionner le délit de séjour irrégulier.
Si la décision de prendre des OQTF n'est pas à notre main, leur exécution ne l'est pas non plus, pour deux raisons.
À cause de cette folle directive " retour " de 2008, tout d'abord : depuis mon arrivée au gouvernement, je n'ai de cesse de tenter de convaincre mes collègues européens –? et je suis sûr d'être sur le point d'y parvenir – de la nécessité de la réviser. Cette directive, par exemple, donne à l'étranger en situation irrégulière un délai de départ volontaire ; mais vous pensez bien que l'individu concerné en profite pour s'évanouir dans la nature. Ce n'est pas la France qui a voulu cela, mais cette fameuse directive européenne. Heureusement, j'y reviendrai tout à l'heure, les choses vont changer de ce côté-là, ce qui ne sera pas sans conséquences importantes. Il y a là un succès, certes partiel et perfectible, qui nous permettra d'avancer. Nous devons donc prendre des OQTF sous la contrainte du droit européen, sans même parler de la jurisprudence de la CJUE du 21 septembre 2023 qui nous oblige à alourdir, pour les étrangers en situation irrégulière, les procédures à nos frontières –? encore quelque chose qu'il faudra changer.
La nécessité d'obtenir des laissez-passer consulaires, ensuite, fait également que l'exécution des OQTF ne dépend pas de nous, mais du bon vouloir des pays des ressortissants en situation irrégulière –? nous aurons sans doute à revenir sur les difficultés que nous rencontrons à ce sujet avec le régime algérien.
Tel est le cadre très contraignant qui s'impose à nous. Le droit de l'immigration –? je le savais certes avant d'être ministre – est un des plus complexes. S'il a été en partie élaboré par des députés et des sénateurs, il a été considérablement modifié par les jurisprudences des cours suprêmes – notre Conseil constitutionnel, la CJUE ou encore la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Derrière les statistiques, il y a des crimes commis par des étrangers qui n'avaient absolument rien à faire sur le sol français. S'il convient de ne pas les instrumentaliser, il est clair que notre capacité à éloigner les plus dangereux des étrangers en situation irrégulière est pour nous un enjeu fondamental. C'est ce dont témoigne notre politique relative aux CRA, politique sur laquelle vous m'avez interrogé. Nous y plaçons en priorité les individus les plus dangereux, en dépit des grandes complications que cela entraîne pour ceux qui les surveillent ou pour la police aux frontières –? visitez des CRA, et vous verrez la tension qui y règne. Cette politique, essentielle, nous permet cependant de faire monter à 40%, pour les individus placés dans les CRA, le taux d'exécution des OQTF. Nous entendons ainsi éviter que des individus dangereux soient remis dans la nature.
Je reparlerai tout à l'heure de la proposition de loi de Mme Eustache-Brinio, qui nous permettra d'éviter que se reproduisent des cas comme celui de Philippine. Ce n'est cependant pas le gouvernement qui a décidé de libérer ce ressortissant marocain sous OQTF, monsieur Odoul ; c'est un juge des libertés et de la détention, considérant que la perspective d'éloignement était très incertaine en l'absence de laissez-passer consulaire. Vingt-quatre heures après la remise en liberté, pourtant, le laissez-passer consulaire marocain est arrivé.
Nous sommes confrontés à un contexte compliqué et il est hors de question de s'en satisfaire. Il n'y a pas de fatalité. Certes, tout ne dépend pas que de nous ; il n'empêche qu'entre octobre 2024 et avril 2025, les éloignements forcés ont augmenté de 14 %, tandis que les expulsions préfectorales ou ministérielles ont plus que doublé en moyenne mensuelle. Même si la situation est loin d'être parfaite, même si nous faisons face à de nombreuses contraintes juridiques et jurisprudentielles, nous devons avancer.
Notre stratégie repose sur trois piliers, que je m'efforce de renforcer depuis que je suis ministre de l'intérieur. Il n'existe pas de panacée, nous devons adopter une vision globale. Ma stratégie repose d'abord sur la dimension internationale. C'est pourquoi nous avons intensifié nos efforts diplomatiques, notamment avec le Maroc : nous avons pratiquement doublé le nombre de laissez-passer consulaires, avec une hausse de 93,5 % par rapport à l'année précédente, et les retours forcés depuis les CRA ont progressé de plus de 55 %.
Toujours avec le Maroc, nous développons une initiative importante : comme l'un d'entre vous l'a souligné, le premier obstacle aux éloignements réside dans la destruction de leur pièce d'identité par des individus dont il faut pourtant renseigner l'identité. Le Maroc nous a proposé une mission conjointe, que j'ai acceptée et discutée avec mon collègue marocain. Cette mission nous permettra d'identifier les profils les plus dangereux, en nous appuyant sur l'expertise marocaine en matière de dialectes et d'autres indices permettant d'identifier les individus concernés.
Par ailleurs, je suis pleinement favorable au rétablissement du délit de séjour irrégulier, non pour infliger des amendes qui ne seront jamais payées, mais parce qu'il nous permettra de renforcer nos capacités d'investigation, notamment grâce à la fouille des téléphones. C'est essentiel pour détecter des images qui peuvent révéler des indices liés au terrorisme –? nous l'avons déjà observé – ou nous renseigner sur le pays d'origine, de transit ou de séjour. Ce délit est donc une pièce maîtresse de notre stratégie. Nous allons plaider pour son rétablissement dans le cadre de la réforme de la directive « retour », qui va devenir un règlement –? j'y reviendrai.
À l'international également, nous avons multiplié les accords avec les pays tiers : Vietnam, Ouzbékistan et Kazakhstan, récemment, et bientôt, l'Égypte et l'Afrique des Grands Lacs. Pourquoi est-ce important ? En cas d'accord avec un pays tiers, vous pouvez prendre une décision d'éloignement forcé sans le consentement de l'individu, à condition que vous puissiez précisément documenter le fait que, sans que ce soit son pays d'origine, il a pu y séjourner ou y transiter. C'est pourquoi cet étage diplomatique est fondamental.
Le deuxième étage, c'est l'échelon européen. La directive " retour " –? que j'ai toujours qualifiée de « directive anti-retour » – pose de nombreuses difficultés, notamment en raison du délai de départ volontaire qu'elle impose. Conçue au début des années 2000, elle est donc datée et nous n'avons pas réussi à la réformer.
La plupart de mes collègues partagent le même constat –? et ils ne sont pas tous de droite, puisque certains sont sociaux-démocrates. C'est pourquoi, le 11 mars, la Commission a présenté un projet de règlement. Il est perfectible –? et nous allons nous attacher à l'améliorer – mais, dans 80 % des cas, il supprimera le délai de départ volontaire. De plus, il prévoit la criminalisation, la pénalisation, du séjour irrégulier.
Comme il s'agit d'un règlement, son application sera quasi directe en droit interne. Cela modifiera profondément notre approche. Comme d'autres ministres de l'intérieur avant moi, j'ai adressé de nombreuses demandes à la Commission pour rétablir le contrôle aux frontières internes. Nous obtenons ce que nous demandons, mais nous devons composer avec des jurisprudences et des contraintes juridiques, et le système est peu efficace. Ce nouveau règlement améliorera notre efficacité ; c'est fondamental.
Toujours sur le plan européen, plusieurs d'entre vous m'ont interrogé : pourquoi ne pouvons-nous pas faire pression sur certains pays qui ne respectent pas nos accords ? Cette question est légitime. Il y a quelques semaines, la France a expérimenté une restriction temporaire de la délivrance des visas pour certains pays du Maghreb. Les résultats ont été limités, probablement parce que nous avons visé un peu large.
Nous devons donc passer par l'outil européen. En effet, trois leviers permettront d'exercer une pression sur les pays récalcitrants.
Premier levier : les visas. Si tous les pays européens restreignent leur délivrance, le risque de rétorsion diminue fortement et l'efficacité est renforcée.
Deuxième levier : les tarifs douaniers et le système des préférences généralisées (SPG). Nous plaidons pour que l'Europe considère le commerce comme un levier stratégique, en conditionnant certains avantages douaniers à l'octroi de laissez-passer consulaires.
Troisième levier : l'Europe est le premier financeur du développement et de l'aide humanitaire. Il est essentiel d'utiliser ces dizaines de milliards d'euros comme instrument de pression.
Ce cadre européen est protecteur de notre diplomatie et il sera plus efficace pour faire pression sur les États qui ne respectent ni les accords signés, ni le droit international, ni parfois même le droit tout court.
J'en arrive enfin au niveau national, sur lequel vous avez été nombreux à m'interroger. Le 28 octobre, j'ai publié une circulaire qui rappelle aux préfets leur rôle de pilotage dans l'identification des étrangers à éloigner, les plus dangereux devant être placés en CRA.
Elle leur demande aussi de faire systématiquement appel des décisions de remise en liberté des étrangers sous OQTF. C'est la raison pour laquelle il faudra que l'Assemblée nationale examine avec bienveillance la proposition de loi Eustache-Brinio.
Il ne s'agit pas seulement d'augmenter la durée maximale de rétention de 90 à 210 jours, mais aussi de faire en sorte que l'appel des décisions de remise en liberté des étrangers sous OQTF soit suspensif, même quand il est demandé par le préfet –? cela aurait tout changé pour la jeune Philippine.
En l'état du droit, seul le procureur peut faire appel. Désormais, je souhaite que les préfets le fassent systématiquement et que l'appel soit suspensif dès que l'individu est réputé dangereux. En l'espèce, il avait déjà été condamné pour un crime sexuel –? un viol. On connaissait donc sa dangerosité et le risque de réitération. Si le procureur ne fait pas appel, il faut donc que les préfets le fassent systématiquement et que cet appel soit automatiquement suspensif. C'est un outil capital.
Vous avez eu raison de souligner que la politique des centres de rétention est essentielle. Nous atteindrons bientôt les 3 000 places prévues par la Lopmi, avec des ouvertures à venir à Dunkerque, Dijon ou Bordeaux. Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner les dates et les lieux précis.
Mais nous ne devons pas nous en contenter. J'ai mis sur la table trois propositions. Tout d'abord, comme lors des Jeux olympiques ou pour Notre-Dame, des motifs d'intérêt général doivent nous permettre d'aller plus vite et d'être exonérés de certaines règles, mais cela nécessite une loi.
Ensuite, il nous faut analyser les capacités d'extension des CRA existants : il est plus facile d'agrandir un centre que d'en créer un nouveau. Cela engendre des économies d'échelle et facilite l'acceptation du projet par les élus et la population.
Enfin, si l'on voulait faire du chiffre, il faudrait pouvoir retenir dans des CRA plus légers –? si vous me permettez l'expression – les profils moins dangereux. Créer des CRA modulaires, moins chers, permettrait de développer notre capacité d'accueil.
Je reviens sur la proposition de loi Eustache-Brinio. Elle vise à augmenter la durée maximale de rétention de 90 à 210 jours. Monsieur Pauget, vous plaidez plutôt pour dix-huit mois –? le règlement " retour " permettra d'aller jusqu'à vingt-quatre mois, alors que l'actuelle directive permet de faire six, puis douze mois. Mais il faut faire attention : un allongement trop important des durées de rétention risquerait d'engorger les CRA, alors qu'un certain niveau de rotation est nécessaire.
J'ai demandé aux préfets de travailler avec l'administration pénitentiaire pour anticiper les expulsions des détenus en situation irrégulière. Le garde des sceaux nous transmet d'ailleurs par anticipation, chaque semaine, les libérations afin que nous puissions préparer les laissez-passer consulaires avec les pays d'origine.
Il faut également développer la libération-expulsion. C'est assez peu connu –? le préfet du Val-d'Oise l'avait mis en place avec l'autorité judiciaire. Lorsqu'un détenu étranger en situation irrégulière est en prison et que son expulsion est programmée, on lui propose par exemple trois mois de remise de peine à condition qu'il retourne directement dans son pays d'origine. C'est une bonne formule –? tout le monde y gagne. Pourquoi s'en priver puisque le droit le permet ?
Monsieur Pauget, j'ai également noté vos préoccupations concernant certaines associations qui confondent rôle militant et délégation de service public –? elles peuvent être titulaires de marchés publics, notamment dans les CRA. Votre proposition nous permettrait de réaliser des économies et clarifierait les choses ; j'y suis favorable. Sur le régalien, il faut faire attention à ce que l'État ne délègue pas trop certaines de ses responsabilités. Députés et sénateurs travaillent sur le sujet.
Les services préfectoraux, notamment ceux en charge de l'immigration, sont sous forte pression. J'en ai visité plusieurs –? ils étaient très peu visités jusqu'à présent. Les fonctionnaires de ces services sont extrêmement méritants, car les dossiers qu'ils ont à traiter sont très volumineux et ne sont pas numérisés. L'État territorial est à l'os –? je le pense depuis longtemps. Dans les préfectures, les services les plus en souffrance sont ceux liés à l'immigration. C'est pourquoi j'ai tenu à affecter la centaine d'emplois que j'ai pu mobiliser à l'administration territoriale de l'État, et plus spécifiquement à ces services d'immigration, afin de fluidifier les procédures. L'Anef y contribuera également.
Pour conclure, nous voyons bien qu'il est difficile d'exécuter les OQTF et de procéder aux éloignements. C'est pourquoi il faut être très prudent sur les entrées. Une politique d'immigration ne se limite pas aux sorties –? voyez les contraintes auxquelles nous sommes confrontés. Il faut donc mieux gérer et piloter les entrées. Les visas de long séjour, qui dépendent de mon ministère, ont baissé de 7 % au cours des derniers mois.
Nous sommes de très loin le premier pays européen en termes de délivrance de visas, avec un écart d'un million par rapport à l'Allemagne, sans rapport avec notre poids démographique. Mais alors, qu'est-ce qui justifie cette différence ?
Je suis convaincu que le ministre de l'intérieur devrait aussi être celui des visas. C'est en partie le cas, mais il faut que nous pilotions correctement les entrées –? et aujourd'hui, ce n'est pas le cas, je le dis franchement. Une véritable politique de l'immigration repose sur le contrôle des entrées et des sorties.
Vous avez dû auditionner Didier Leschi, qui a écrit sur le sujet. Lorsqu'on compare la France aux autres pays européens s'agissant de l'aide médicale de l'État (AME) ou des titres de séjour accordés aux étrangers malades, on constate que nous sommes les mieux-disants. Pourtant, nous évoluons tous dans l'espace européen. Je plaide donc pour une révision systématique de nos dispositifs afin qu'aucun d'entre eux ne soit plus avantageux que la moyenne européenne.
Enfin, il ne faut pas se méprendre : les gens ne viennent pas d'eux-mêmes. Ils sont manipulés par des filières de trafiquants d'êtres humains, qui relèvent de la criminalité organisée. J'ai des chiffres précis sur ces réseaux. Ce sont ces filières qui orchestrent l'arrivée de ces personnes déracinées.
La plupart des femmes, dans leur exode, subissent le viol, et les hommes, parfois, l'esclavage. Ce sont ces filières qu'il faut atteindre et qui se livrent à une comparaison –? benchmarking, comme on dit en Vendée – des régimes les plus attractifs. Or, puisqu'une grande partie du droit européen s'applique en matière d'immigration, nous avons la responsabilité de veiller à ce qu'aucun des dispositifs français ne soit plus favorable que ceux en vigueur ailleurs en Europe.
Mme la présidente
Nous en venons aux questions, d'une durée de deux minutes chacune, comme les réponses, et sans droit de réplique.
La parole est à M. Matthieu Bloch pour deux questions.
M. Matthieu Bloch (UDR)
Si vous avez déjà répondu en partie à nos questions, monsieur le ministre, je tiens néanmoins à revenir sur les reconduites aux frontières, en particulier vers l'Algérie. Vous avez dit tout à l'heure que nos accords avec le Maroc s'étaient renforcés, ce pays coopérant efficacement. Ce n'est, hélas, pas le cas de son voisin, et vous avez en effet essuyé quelques revers dernièrement, l'Algérie ayant refusé de reprendre ses ressortissants dans le cadre d'OQTF. On se demande jusqu'à quand va durer notre impuissance vis-à-vis de ce pays alors que nous disposons des leviers nécessaires, qu'il s'agisse des visas, de la coopération au développement, de l'accès aux soins médicaux… Quand allons-nous cesser de nous faire humilier par l'État algérien, d'autant que de nombreuses OQTF concernent des ressortissants de ce pays ?
Ma seconde question concerne les CRA saturés, sous-dotés –? vous l'avez mentionné –, à peine fonctionnels. On compte à peine 2 000 places pour tout le territoire. La loi, à ce stade, n'est malheureusement plus qu'un rite vidé de sa substance. Or sans capacités de rétention suffisantes, il n'y a pas d'exécutions possibles, sans exécutions, pas d'autorité et, sans autorité, c'est la République elle-même qui vacille. Une république qui parle fort mais agit peu perd sa crédibilité.
Au-delà des places en CRA qu'il faut construire, une réflexion plus large doit s'ouvrir sur la création de zones temporaires de rétention situées à nos frontières extérieures ou hors du territoire national, en coopération avec nos partenaires européens. Des zones tampons sécurisées, administrativement coordonnées, où les personnes frappées d'une OQTF pourraient être maintenues dans l'attente de leur réadmission effective dans leur pays d'origine. Voilà qui suppose une vision diplomatique, logistique, opérationnelle et qui suppose que nous cessions de subir. Entendez-vous par conséquent, monsieur le ministre, lancer un plan d'augmentation massive des capacités de rétention sur le sol national et envisagez-vous d'engager la France dans une initiative européenne visant à créer de telles zones de rétention extraterritoriales, temporaires mais efficaces à l'échelle continentale ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Je ne cache pas nos difficultés diplomatiques avec l'Algérie. Elles ont culminé avec la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, et ce n'est pas dix mais quatorze fois que nous avons présenté aux autorités algériennes le terroriste islamiste auteur de l'attentat de Mulhouse, et, à deux reprises, mon prédécesseur Gérald Darmanin avait saisi à ce sujet l'ambassadeur d'Algérie en France. C'est pourquoi, donc, il y a eu ce bras de fer.
Nous ne sommes pas restés inactifs : nous avons suspendu l'accord de 2013 permettant l'exemption de visas pour le personnel diplomatique ; nous avons parfois renvoyé des personnalités de la nomenklatura algérienne ; enfin, nous avons bloqué la prise de poste en France de huit consuls –? c'est la première fois que cette information est rendue publique.
J'ajoute que, dans une quinzaine de jours, nous saurons quel sort sera réservé à Boualem Sansal. Ce sera une étape importante et vous comprendrez que je n'en dise pas plus aujourd'hui. Attendons cette échéance humanitaire.
Je me souviens qu'Éric Ciotti avait défendu, lors de l'examen de la Lopmi, l'amendement visant à créer 3 000 places en CRA. Je me suis exprimé tout à l'heure sur la possibilité de construire de nouveaux CRA. Une discussion est en cours au niveau européen sur les centres de retour. Il faut qu'ils fonctionnent. Je connais bien le ministre de l'intérieur italien, qui me rend compte, très régulièrement, de l'expérience menée par la péninsule avec l'Albanie. Elle n'est pour l'heure pas concluante puisque c'est le droit interne qui s'applique et qu'en vertu de ce droit les juges italiens l'ont rejetée. S'il s'agit simplement d'externaliser des gens pour une durée de 90 jours ou de 110 jours mais que les mêmes reviennent, l'effet n'est pas probant.
Toujours dans un cadre européen, nous sommes en train d'étudier très sérieusement d'autres solutions qui nous permettront d'être beaucoup plus efficaces. Je pense du reste au pacte européen sur la migration et l'asile, grâce auquel nous pourrons créer des zones de rétention, y compris pour les demandeurs d'asile, ce qui, pour la France, ne va pas sans problème, du fait du préambule de la Constitution de 1946 et de la protection des " combattants de la liberté " voulue par le général de Gaulle.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho (RN)
Avec 40 % d'OQTF exécutées pour des étrangers placés en CRA, ces centres apparaissent comme l'une des voies les moins défaillantes en matière de retour des étrangers en situation irrégulière. Pourtant, dans un récent rapport de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, Fernand Gontier, ancien directeur central de la police aux frontières, a dressé un état des lieux alarmant de ces centres. Si l'on en croit la Cour des comptes, seuls 5% des étrangers frappés d'une OQTF sont placés en CRA –? il s'agit des retenus les plus dangereux placés prioritairement.
Je m'inquiète que le gouvernement n'ait décidé d'accroître, d'ici à 2027, que d'un millier le nombre de places en CRA. En effet, selon le rapport de l'Observatoire, ce sont 15 000 places qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins. Par ailleurs, Fernand Gontier a montré que 10% à 15% des places étaient inutilisables et que la sécurité de ces CRA était largement insuffisante. Le rapporteur évoque des zones de vulnérabilité, notamment des espaces privés de caméra, afin " d'éviter de donner un caractère trop carcéral à ces bâtiments ".
Quelles mesures envisagez-vous pour sécuriser et rendre effectif l'accès en CRA et pour créer un plus grand nombre de places que celui prévu ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Vous avez raison : 40% des OQTF concernent des étrangers placés en CRA. Concernant ceux qui s'y trouvent pour cause de trouble à l'ordre public, il faut retenir et enfermer –? pardon de le dire comme je le pense – des individus qui doivent être éloignés et qui sont dangereux : c'est notre devoir pour la protection de la population française.
J'ai indiqué que le nombre de places en CRA devant être créées n'était pas suffisant mais celles dont nous disposons nous situent déjà au premier rang de tous les pays européens. Quand on se compare on peut se consoler, même si l'on peut faire mieux –? et j'ai dit comment. Travailler dans un CRA est difficile puisque l'on se trouve en contact avec des individus qui ont commis des délits, parfois des crimes, et qui peuvent avoir des profils relevant de la psychiatrie –? les CRA disposent d'équipes médicales que je rencontre régulièrement et auxquelles je rends hommage.
La deuxième cause de l'échec de l'éloignement est le manque de places dans les CRA. Je vous rejoins sur ce point et j'ai dit comment on pouvait étendre les capacités de ces centres. Au cours des prochaines années, nous allons créer environ 140 places, à chaque fois, à Dijon, Dunkerque –? financées ici par les fonds Sandhurst, donc par le Royaume-Uni –, Nantes, Béziers, Oissel, Périchet et Luynes. Nous devons commencer à travailler différemment, y compris sur des profils moins liés aux troubles à l'ordre public, et donc envisager des CRA plus « légers ».
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet (RN)
La France a prononcé près de 130 000 OQTF en 2024, dont 30 000 environ à l'encontre des seuls ressortissants algériens. Pourtant, seuls 10% des laissez-passer consulaires sont délivrés par Alger, si bien que moins de 3 000 éloignements sont effectifs chaque année vers ce pays. Autrement dit, ces individus dont nous ne voulons plus, l'Algérie n'en veut pas non plus. Et, à la fin, c'est elle qui gagne puisque c'est nous qui les gardons. Certains de ces indésirables nous remercient, d'ailleurs, en commettant des assassinats sur notre territoire.
Face à cette situation, le gouvernement a dégainé l'arme apparemment la plus lourde qu'il avait en sa possession : la fameuse réponse graduée. Or cette arme est un pétard mouillé qui ne sert à rien sinon à rendre la France docile et faible. Preuve de cette faiblesse, la France, en 2024, a accordé 250 000 visas aux Algériens, comme si de rien n'était.
Dès lors, monsieur le ministre, quand cesserez-vous ces circonvolutions et oserez-vous suspendre voire abroger les accords qui nous lient à l'Algérie ? Ces accords n'ont en effet plus lieu d'être : l'Algérie n'a plus besoin de la France et la France n'a pas besoin de l'Algérie pour se développer. Nous n'avons pas non plus besoin d'un président de la République, Emmanuel Macron, tolérant l'ingratitude d'un régime qui a la volonté de nous humilier. Nous n'avons pas besoin d'un président qui négocie, quémande, invoque sans cesse une époque révolue. Nous avons au contraire besoin de montrer que nous sommes un pays qui décide pour lui-même, qui sait couper les vivres et balayer des traités quand ils ne sont plus respectés. C'est dans cette fermeté que repose la crédibilité de la France.
Cette fermeté, aurez-vous l'audace de l'appliquer ? Je pense que vous répondrez par l'affirmative : dès lors, qu'attendez-vous ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
J'attends d'avoir les pleins pouvoirs. (Sourires.)
M. Romain Eskenazi
Non merci !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Plus sérieusement, la population d'origine algérienne au sein des CRA représente environ 40% du total, c'est la première population retenue. Vous connaissez la crise diplomatique avec l'Algérie et je vous ai donné les éléments de notre riposte graduée. Il faut encore patienter une quinzaine de jours, je l'ai dit, pour connaître la réponse d'Alger concernant notamment le sort de notre compatriote Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, octogénaire et malade –? comme son épouse. Il est évident que, demain, s'il n'y a pas de réaction de l'Algérie ou une réaction allant dans le mauvais sens, je serai favorable –? et je l'ai affirmé dès le départ – à l'abrogation d'accords d'un autre temps et qui ont déformé l'immigration algérienne dans un sens qui ne répond pas aux besoins de l'économie française –? il s'agit en effet d'une immigration de peuplement, familiale, plutôt que professionnelle.
Chacun doit garder ses nerfs : deux ou trois semaines, c'est peu de temps.
Le droit international, c'est la réciprocité. J'ai évoqué l'accord de 2013 sur les visas et sur les passeports diplomatiques. Il y a aussi l'accord de 1994, aux termes duquel l'Algérie doit réadmettre sur son sol les individus dont nous avons la preuve qu'ils sont algériens –? je pense à l'attentat de Mulhouse. Puis il y a l'accord de 1968. Voilà les trois accords qui marquent l'histoire de la relation entre la France et l'Algérie, histoire dont je sais, comme vous, qu'elle a été souvent orageuse, tumultueuse. Mais il faut, désormais, que chaque pays puisse défendre ses intérêts propres.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe (EPR)
Je tiens avant tout, monsieur le ministre d'État, à saluer votre engagement constant sur l'exécution des OQTF depuis votre prise de fonctions. Le constat n'en demeure pas moins préoccupant : 93% des OQTF ne sont pas exécutées, même si j'ai compris qu'il fallait revoir cette statistique en fonction des éléments que vous avez donnés tout à l'heure. Même lorsqu'il s'agit de personnes représentant une menace pour l'ordre public, et parmi les profils les plus dangereux, le taux de retours ne dépasse pourtant pas 35% à 40%.
L'une des principales causes de cette situation réside dans le refus persistant de certains pays d'origine de coopérer, notamment en ne délivrant pas les laissez-passer consulaires indispensables aux éloignements forcés.
En réponse, vous avez réaffirmé la semaine dernière, en commission des finances, votre volonté d'activer plusieurs leviers de pression : l'aide au développement, les droits de douane et enfin, les visas de réadmission. C'est sur ce dernier levier qu'un consensus semble se dessiner à l'échelle européenne.
Il consiste à conditionner la délivrance des visas à une coopération effective en matière de réadmission dans le pays d'origine. Les chiffres montrent la pertinence que pourrait avoir ce levier. En 2023, par exemple, 238 000 visas ont été délivrés à des ressortissants marocains alors que, dans le même temps, à peine 1 680 retours forcés ont pu être effectués vers le Maroc.
Ma question est triple : quelles mesures entendez-vous prendre pour rendre cette politique plus lisible et surtout plus efficace ? À quels résultats concrets espérez-vous parvenir à moyen terme si ce levier est pleinement activé, en particulier à l'égard des pays les moins coopératifs ? Un mécanisme européen et contraignant est-il réellement envisageable à court ou à moyen terme ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
La meilleure façon de faire pression sur les pays récalcitrants, c'est de s'inscrire dans un cadre européen, puisque l'Europe est la première puissance en termes d'aide au développement. C'est un levier qu'il faut utiliser car je ne vois pas pourquoi on continuerait à donner de l'argent à des États qui ne jouent pas le jeu.
L'Europe se fait fort de développer des accords commerciaux, et de conférer des tarifs douaniers très avantageux à un certain nombre de pays, fort bien. Mais je ne vois pas au nom de quoi on soutiendrait cette politique de la nation la plus favorisée –? comme on le disait à propos des États-Unis – au bénéfice de pays qui ne jouent pas le jeu.
Enfin, c'est la même chose pour les visas. Si l'Europe veut être une puissance, elle doit faire preuve de volonté. Sur le plan diplomatique, elle peut constituer une masse suffisante pour faire pression sur les pays qui ne veulent pas nous octroyer des laissez-passer consulaires quand on a documenté l'origine des personnes, car la première cause du non-éloignement, c'est la difficulté à établir quelle est la nation d'origine. Mais quand on peut s'appuyer sur une certitude, il faut exercer une pression.
La France a récemment mené une politique de restriction des visas à l'égard de trois pays du Maghreb qui n'a pas abouti, car elle a sans doute été trop courte.
Ensuite, il faut faire très attention à ajuster notre réponse : soit on cible la nomenklatura, soit on cible la population.
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal (LFI-NFP)
Deux fois plus que l'Allemagne, quatre fois plus que la Grèce, six fois plus que les Pays-Bas, soixante fois plus que le Danemark : ce n'est pas le nombre de boucliers de Brennus remportés par le Stade toulousain, mais bien le nombre absurde d'OQTF prononcées en 2024.
Absurdes, car la plupart des OQTF prononcées sont illégales, injustifiées, et donc retoquées par la justice. Récemment, nous avons vu le cas de Rayen Fakhfakh, étudiant en cinquième année de médecine, visé par une OQTF qu'il a finalement réussi à contester. Tout le monde n'a pas cette chance. Je pense notamment à cette famille kurde, en France depuis sept ans, et à leur fils en CM1 à l'école Michoun à Toulouse, menacée d'expulsion et d'arrachement à la vie construite ici, sans aucune raison valable.
Moi-même, j'assume et je suis fier de dire que je suis le parrain républicain d'une famille dont l'un des deux parents est sous OQTF. Pourtant, Houria, en CM1, Muhammad, en cinquième et Hourayra, en quatrième, ne demandent qu'à continuer de grandir dans le pays où ils passent leur enfance et où ils ont trouvé refuge.
Il y a des centaines de familles comme celle-là en France, placées sous la menace d'un retour dans un pays où ils se savent en danger. Derrière la chasse au nombre d'OQTF, monsieur Retailleau, il y a des humain, souvent absents de vos propos. Les nombreuses contestations devant les tribunaux administratifs montrent que les OQTF sont souvent prononcées sans raison, sur des cas où elles ne devraient pas s'appliquer, ou sans respect des procédures.
Pourquoi le gouvernement prononce-t-il des OQTF dont l'immense majorité est illégale ? Quand cesserez-vous ce harcèlement, qui coûte du temps et de l'argent à tout le pays et pèse surtout sur la vie de familles entières ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
La politique consiste à être en désaccord, et je suis en désaccord radical avec vous. Cela ne vous surprendra pas, et vous fera même plaisir.
D'abord, l'assertion selon laquelle une grande majorité d'OQTF est illégale et serait annulée est fausse. L'annulation par les tribunaux administratifs des OQTF prises par les préfets est de 18%. Si l'on connaît un peu l'arithmétique, cela ne représente pas une grande majorité mais une minorité. Et, croyez-moi, souvent, les tribunaux administratifs regardent ces contentieux avec beaucoup d'attention.
Ensuite, qui est le plus humain ? Je me méfie de la fausse générosité qui consiste à dire que les filières de trafiquants d'êtres humains ne posent pas de problème, laissant penser que l'on va accueillir toute la chair à canon convoyée, moyennant rançon, sur de frêles bateaux, qui peuvent sombrer en Méditerranée ou dans la Manche. C'est une fausse générosité de dire que l'on doit ouvrir les bras à toute la misère du monde, quand notre pays n'a plus la capacité d'accueil, en termes d'accès aux soins, à l'éducation, au logement.
Selon les enquêtes d'opinion, dans tous les pays d'Europe, une majorité de ceux qui votaient à gauche réclament des politiques migratoires fermes. Quant à ceux qui sont favorable à la créolisation et à la suppression des frontières, ils ont, bien sûr, suffisamment d'argent pour reconstituer des frontières autour de chez eux : ils habitent les beaux quartiers, préservés des désordres, mettent leurs enfants dans de bonnes écoles, où ils n'auront pas de soucis. C'est cela, la fausse générosité.
Un pays, ce sont des frontières, c'est un dedans et un dehors. C'est un corps politique. Il faut respecter les règles, et ne pas entrer par effraction, illégalement, sur le sol français ; comme dans une maison. C'est le bon sens, ce bon sens que nos compatriotes, dans leur grande majorité, réclament.
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal, pour une seconde question.
M. François Piquemal (LFI-NFP)
Les ministres de l'intérieur passent, et les discours restent. Depuis que je suis député, cela n'a pas beaucoup évolué : on répète que l'on ne va pas accueillir toute la misère du monde. Mais la France n'accueille pas toute la misère du monde. Vous le savez bien, monsieur Retailleau, vous êtes intelligent : la majorité des migrations se font au sein des pays du Sud ; ce sont les faits. Par ailleurs, selon Eurostat, nous sommes l'un des pays qui prononcent le plus d'OQTF en Europe.
Vous avez parlé tout à l'heure, à juste titre, du meurtre de Philippine par quelqu'un qui était sous OQTF. Mais avant d'être sous OQTF, cet homme était un violeur. On ne peut pas essentialiser une personne en la réduisant à sa seule OQTF, ou alors je peux vous citer les cas de Roland, à Poitiers, qui était sous OQTF et a sauvé une octogénaire des flammes, ou celui de Nouari, également sous OQTF, qui a sauvé Michel de la noyade, ou encore celui de Mohamed, sous OQTF aussi, qui a sauvé deux enfants des flammes.
L'OQTF n'a rien à voir avec la valeur de la personne, ni avec sa potentielle délinquance. C'est pourtant à cette généralité du type de celles qu'on entend sur CNews à laquelle vous vous êtes prêté en parlant du meurtre de Philippine.
Enfin, vous avez parlé, à raison, du fait que les gens ne migrent pas par plaisir. Contrairement à vous, je pense qu'ils ne font pas de benchmarking pour savoir dans quel aller.
Le chemin de la migration est semé de violences, vous en conviendrez. Notre pays doit-il pour autant ajouter de la violence à celle déjà subie, en menant cette politique inhumaine à l'égard de toutes ces personnes en situation irrégulière mais qui ne demandent qu'une chose : vivre dignement dans notre pays ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Je pense que je ne vous convaincrai pas. Vous n'étiez pas là lorsque j'ai abordé la question des OQTF et le meurtre de Philippine. Les OQTF ne sanctionnent pas un comportement représentant une menace à l'ordre public, mais un fait simple et clair : le séjour irrégulier. Le Marocain qui a violé et tué Philippine était un meurtrier. J'ai indiqué les conditions dans lesquelles il avait été libéré : il n'y a aucune essentialisation.
Les OQTF, c'est la loi. Je suis démocrate et républicain. Démocrate, cela signifie que l'on accepte la règle de la majorité, et républicain, que la loi doit être appliquée. En l'espèce, il s'agit d'une double loi, la loi française et la loi européenne.
Environ 500 000 étrangers entrent chaque année en France, soit comme demandeurs d'asile, soit de manière irrégulière, soit grâce à l'octroi d'un premier titre de séjour. C'est l'équivalent de la ville de Lyon. La majorité de nos compatriotes pense que, désormais, c'est trop et que l'on est incapables de bien les accueillir. Quand on ne peut pas bien accueillir, il vaut mieux dire stop, pour mieux accueillir, et moins.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Eskenazi.
M. Romain Eskenazi (SOC)
Le gouvernement affiche comme un gage de fermeté le chiffre de 130 000 OQTF prononcées chaque année. Mais derrière ce chiffre, qu'y a-t-il ? Mon collègue, M. Paul Christophe l'a démontré : la politique du tout-OQTF est inefficace, contre-productive et injuste.
Je vais vous parler de l'histoire de monsieur T., trois ans de labeur, employé polyvalent, apprécié de tous, exemplaire : emploi, logement, famille, lien social et –? faut-il le préciser ? – aucune infraction aux lois de la République. Ce n'est pas lui, mais son employeur qui est venu me demander d'appuyer sa demande de régularisation. À l'issue du rendez-vous que je lui ai obtenu à la préfecture, il a reçu… une OQTF, vécue comme un coup de poignard bureaucratique. Monsieur T. n'est pas une exception : 93% des personnes sous OQTF n'ont jamais troublé l'ordre public. Elles sont, pour la plupart, insérées, travailleuses, paisibles. Leur seul crime est de n'être pas nées ici.
Elles soignent nos anciens, construisent nos logements et tiennent les secteurs en tension à bout de bras. Pourtant, on les traite comme des indésirables, on les stigmatise. On laisse croire que toute personne sous OQTF serait une menace. L'intervention de M. Odoul a été, en ce sens, une démonstration éclairante de malhonnêteté intellectuelle. À force de tout amalgamer, on ne distingue plus entre les coupables et les innocents, on fabrique des boucs émissaires, ce qui est précisément antirépublicain, contrairement à ce qui a été avancé par nos collègues du Rassemblement national.
Cette politique de masse noie les cas légitimes dans un déluge de décisions absurdes. Les préfectures, débordées, sous-dotées, passent leur temps à courir après des fantômes, au lieu de viser les vraies menaces. On cible tout le monde, et donc on ne cible plus personne. L'outil devient inopérant, inapplicable.
Les régularisations ont chuté de 10% en un an alors que les besoins explosent dans le bâtiment, la restauration, la santé et la sécurité. Un État fort est un État juste, pas un État brutal. Le gouvernement confond volume et efficacité, communication et sécurité.
Ma question est simple : quand mettrez-vous fin à cette logique absurde, pour enfin mener une politique migratoire juste, humaine et efficace, qui régularise les travailleurs utiles à notre économie et expulse, avec discernement, les personnes qui constituent un vrai danger ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Je mène une politique migratoire juste, humaine, et je souhaite qu'elle soit efficace.
D'abord, vous dites que nous menons une politique du tout-OQTF. Plus que moi, sans doute, vous êtes favorable à un certain fédéralisme européen. Vous avez en tout cas acquiescé à différents traités ou à différentes étapes. Or, c'est justement l'Europe qui nous demande de prendre des OQTF. D'abord, la directive " retour " est européenne. Ensuite, la CJUE a condamné l'Allemagne en juin 2021 –? dans une jurisprudence importante en matière de droit de l'immigration – parce qu'elle ne prenait pas assez d'OQTF.
Ensuite, ce qui est juste, c'est de s'occuper des 420 000 étrangers en situation régulière qui sont au chômage. Que fait-on de ceux-là ? Avant de régulariser ceux qui sont entrés sur le sol français par effraction, je préfère –? c'est le sens de la circulaire que j'ai cosignée avec Mme Astrid Panosyan-Bouvet – que l'on puisse réinsérer les étrangers qui ont respecté les règles républicaines, plutôt que de faire passer en coupe-file celles et ceux qui sont entrés par effraction sur le territoire. C'est le sens d'une politique juste et efficace.
Compte tenu de nos besoins économiques, on ne peut pas écarter, en les laissant au chômage, sans même les qualifier, tous ces étrangers qui sont entrés régulièrement sur le territoire national. Néanmoins, nous sommes en situation de chômage de masse, alors occupons-nous aussi des citoyens français, afin qu'ils trouvent un emploi.
À mes yeux, l'irrégularité est une faute. Si en tant que ministre de l'intérieur je laissais entendre aux étrangers qu'ils pourraient être régularisés et récompensés, malgré leur entrée par effraction, je créerais de fait un appel d'air ; croyez-vous que ce serait une politique efficace ? Une politique juste ? Non.
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Hervieu.
Mme Céline Hervieu (SOC)
Puisque nous parlons de la faisabilité de l'exécution des OQTF, je me permets de vous donner un conseil très simple : prononcez moins d'OQTF, vous améliorerez les statistiques. Je le dis aussi pour vous, monsieur le ministre, parce que leur exécution est difficile à réaliser, d'autant plus que la France, en multipliant par 3,5 en treize ans le nombre d'OQTF prononcées, détient un triste record. Les rapports se succédant à ce sujet, il y a manifestement un problème que vous devez résoudre.
Quand vous expliquez que les OQTF sanctionnent un délit d'irrégularité, je m'inquiète, parce que vous ne précisez pas que, bien souvent, ce sont les délais de la préfecture qui font que des gens parfaitement intégrés se retrouvent en situation irrégulière. Cela pose problème, d'autant plus que les contentieux liés aux étrangers constituent désormais 41% des décisions de justice administrative.
Qui est touché par ces OQTF ? Ce sont des Souleymane, livreur de repas dont l'histoire vraie est reprise par le merveilleux film L'Histoire de Souleymane – je ne sais pas si vous l'avez vu –, ce sont des Rayen Fakhfah, ce sont des gens qui travaillent, des étudiants, des bénévoles en association. Voilà à qui on notifie une OQTF. Cela arrive tous les jours dans nos circonscriptions.
Je suis bénévole dans un CRA pour France terre d'asile et je vois qui s'y trouve : des ouvriers sans-papiers, raflés pour travailler sur des chantiers pour Vinci, qui ne parlent pas français et qui ne comprennent rien à leurs droits ou bien des pères de famille qui prennent le bus sans ticket. Ne vous étonnez pas que les CRA soient débordés, si on y met n'importe qui. D'ailleurs, monsieur le ministre, laissez tranquilles les associations qui travaillent dans les CRA. On en a besoin.
Pour terminer, un mot sur Philippine. Respectez la mémoire de cette jeune fille. Elle a été victime d'un drame absolu. Arrêtons de manipuler ce drame pour des ambitions politiques. C'est d'autant plus grave que 75% des viols ont lieu dans le cadre familial et que vous n'arrivez pas à endiguer ce phénomène, alors même que vous êtes chargé de la protection des femmes. Arrêtez de parler de Philippine pour justifier vos orientations en matière de politique migratoire.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
C'est faux, ce ne sont pas les délais des préfectures qui créent des situations d'irrégularité. Ce sont d'abord les déboutés du droit d'asile, parce que celui-ci est détourné. Vous le savez parfaitement. Ensuite, parce que les gens viennent avec des visas pour des courts séjours, notamment des visas de tourisme, dont ils outrepassent la durée pour se maintenir illégalement, alors qu'ils sont entrés légalement.
Deuxième inexactitude, parmi les personnes détenues dans les CRA, 92 % le sont pour des troubles à l'ordre public. Ce ne sont pas des ouvriers. Vous ne ferez pas pleurer Margot avec vos inventions. Je ne sais pas dans quel CRA vous avez été,…
Mme Céline Hervieu
À Créteil !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
…mais absolument toutes les statistiques montrent que ce que vous racontez est faux. Si vous voulez me démontrer le contraire, faites-le chiffres à l'appui. Faites l'addition –? unité par unité, CRA par CRA –, vous verrez alors.
Troisièmement, je répondais à M. Odoul qui m'attaquait au sujet de Philippine. Vous avez rencontré sa famille ? Je l'ai rencontrée à plusieurs reprises ; la dernière fois, il y a quinze jours. Je n'ai aucune leçon à recevoir de quiconque en la matière. Je n'utilise pas le meurtre de Philippine pour quoi que ce soit. Sachez seulement que ses parents attachent beaucoup d'importance à ce que les durées de détention en CRA soient allongées. C'est parce que l'on m'a attaqué que j'ai parlé de Philippine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz (Dem)
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses, toujours précises et documentées. J'aimerais poser deux questions. La première –? je suis désolée d'y revenir – porte sur le nombre de places en CRA. Vous avez parlé de l'objectif de 3 000 places en CRA à l'horizon 2027, des projets en cours, des CRA " légers " ; quel serait le nombre idéal de places en CRA ? Lors des auditions, il a été question de 5 000 places ; êtes-vous d'accord avec ce chiffre ?
Par manque d'effectif, les 1 900 places en CRA ne sont pas toutes ouvertes. Il faut avoir ce problème à l'esprit. Il nous a aussi été remonté qu'il y a des problèmes d'effectif concernant les escortes, jusqu'à reporter l'expulsion, au risque de l'empêcher. Cela participe de l'embolisation des CRA. Que pouvez-vous faire pour renforcer les effectifs dans les CRA, notamment pour les escortes ?
Enfin, la loi « asile et immigration » prévoit la tenue d'audiences délocalisées, grâce à la visioconférence dans les CRA. Cette disposition devait libérer du temps d'encadrement pour les agents chargés de l'escorte des étrangers aux tribunaux. Un an et demi après la promulgation de la loi, dans quelle mesure ces visioconférences ont été instaurées ? Ont-elles donné lieu à des gains organisationnels ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
La Lopmi a fixé un objectif de 3 000 places mais, si demain les CRA étaient plus légers, en modulaire, on pourrait augmenter les capacités. On pourrait atteindre 5 000 places ; pas en une année, mais on pourrait en ajouter des centaines, voire mille, dans une durée raisonnable. On changerait de politique, en faisant plus de chiffre. Les CRA " légers " le permettraient. La capacité d'accueil des CRA est actuellement limitée à 140 places, mais en ajoutant une dizaine de places à chaque CRA, on obtiendrait un chiffre important.
En réalité, 10% des places ne sont pas ouvertes, à cause de dégradations et des travaux qu'elles engendrent, 5% le sont par manque d'effectif. Je discute souvent avec la directrice de la PAF des moyens pour rendre la profession plus attractive. Les professionnels, à qui j'ai rendu hommage, travaillent dans des conditions difficiles, à cause de la tension notamment. Ils font tout leur possible pour rendre le séjour des détenus en CRA le plus humain possible. Un travail est en cours pour savoir comment rendre leur job plus attractif.
Bien sûr qu'il faut utiliser la visioconférence, mais cela dépend de la volonté des juridictions. Nous avons eu l'occasion de discuter de ce problème au sujet de M. Amra, qui a été déplacé au tribunal pour assister à l'audience au lieu que le juge vienne en prison. Les nouveaux CRA sont systématiquement équipés de salles de visioconférence ; les anciens ne le sont pas, mais ils devraient l'être. Reste que cela dépend de la volonté des juridictions. Cela représente également beaucoup d'argent public. Il vaudrait mieux qu'une seule personne se déplace, plutôt qu'une personne accompagnée d'une escorte entière parce qu'elle est dangereuse. Vous avez raison.
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione (LIOT)
La France semble exercer, à cause de ses politiques sociales généreuses et ses infrastructures médicales, une attraction indéniable sur les populations qui n'ont presque rien. Les OQTF apparaissent comme une réponse insuffisante à l'arrivée massive de migrants en quête d'un avenir meilleur. Ne faudrait-il pas envoyer un message clair en forme de réponse aux rêves de migration afin de faire savoir qu'une France où tout serait gratuit et accessible n'est qu'un mirage vendu par des filières de migration mafieuses, pour leur propre bénéfice ?
Dans son rapport thématique de 2024, la Cour des comptes recommande de « simplifier le contentieux de l'éloignement en réduisant le nombre de procédures juridictionnelles et en les distinguant selon le degré réel d'urgence ». Comptez-vous mettre en œuvre cette recommandation ? Si oui, comment ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Pour tous nos dispositifs, nous devrions au moins être dans la moyenne européenne. Nous sommes le seul pays d'Europe dans lequel se côtoient des dispositifs tels que le titre de séjour pour étranger malade et l'AME (aide médicale de l'État). Cela nous distingue fortement des 26 autres pays européens. Quand on sait que 2 millions de Français n'ont pas de complémentaire santé et qu'un sondage de l'Ifop, paru à la fin de 2023, montre qu'un quart des Français renoncent à des soins ou à des équipements médicaux, faute de moyens, cela devient aussi un enjeu de justice et d'équité, au-delà d'être un simple facteur d'attractivité. Là aussi, plaçons-nous dans la moyenne européenne.
En Espagne, il y a une franchise pour les médicaments. En Suède, au Danemark ou en Allemagne, la réalisation de certains actes médicaux dépend d'une autorisation préalable. Pourquoi n'applique-t-on pas un tel dispositif en France ? L'excellent rapport sur l'AME de Claude Evin et Patrick Stefanini montrait qu'un tel dispositif finissait par enfermer les personnes en situation irrégulière dans la clandestinité. Je suis d'accord avec vous, mais encore faut-il avoir le courage politique d'y faire face – et une majorité pour le voter !
En ce qui concerne les recommandations de la Cour des comptes, je rappelle que la loi du 26 janvier 2024 a réalisé de gros progrès en matière de procédure. Elle pourrait encore être améliorée, mais ce n'est pas ce qui nous donnera le meilleur avantage pour l'éloignement. L'avantage décisif, ce sont les règles européennes en cours de modification qui nous le donneront. Grâce à la loi du 26 janvier 2024, nous sommes passés d'une douzaine de procédures à trois procédures. Je considère que le travail a été fait et que le constat fait par la Cour des comptes n'est plus valable.
Encore une fois, nous devons nous améliorer. À l'échelle nationale, nous avons des moyens de le faire, mais c'est surtout à l'échelle européenne que nous pourrons le faire, notamment avec la directive " retour " qui deviendra un règlement. C'en est au stade du trilogue, mais rapidement nous entrerons dans le vif du sujet.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Besse.
Mme Véronique Besse (NI)
Le maire de Béziers est poursuivi pour avoir refusé de célébrer le mariage entre une citoyenne française et un ressortissant algérien notifié d'une OQTF. Son tort ? Avoir refusé de cautionner un contournement manifeste de nos lois, car célébrer une telle union revenait à nier l'autorité de l'État, à faire un pas de plus vers le désordre, pire, à illustrer l'impuissance chronique de notre politique d'éloignement.
Mme Véronique Besse
Or les chiffres, qui ont été rappelés, sont accablants ; les personnes en situation irrégulière pourtant frappées d'une mesure d'éloignement restent sur notre sol, ce qui entraîne parfois des conséquences dramatiques, qui ont également été rappelées. La véritable question qui se pose est la suivante : un État incapable de faire appliquer ses propres lois est-il encore un État de droit, et cet État peut-il encore se prétendre garant de la sécurité de ses concitoyens ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Bien sûr que non, vous avez raison ! Ce que vous évoquez à propos du maire de Béziers s'est d'ailleurs reproduit dans un autre département il y a trois semaines : c'est arrivé à une femme maire, dans des conditions similaires –? c'était en Saône-et-Loire, je crois, en tout cas dans la région Bourgogne-Franche-Comté.
Mme Véronique Besse
En Saône-et-Loire, oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Les Français ne peuvent pas comprendre qu'il soit possible d'échapper ainsi au droit et qu'un maire soit condamné parce qu'il veut faire respecter sinon le droit, au moins le bon sens ! Une proposition de loi traitant de ce sujet a été votée par le Sénat récemment –? la proposition de loi visant à renforcer les prérogatives des officiers de l'état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés ; elle devrait prochainement être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour que cette situation prenne fin.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
J'invite l'Assemblée à l'examiner avec beaucoup de bienveillance, parce qu'elle contient des mesures attendues. Des questions d'ordre constitutionnel se posent, c'est vrai ! J'ai dit à plusieurs reprises que le droit de l'immigration était foisonnant : c'est un des droits les plus compliqués. Mais à l'avenir, si nous voulons reprendre le contrôle sur l'immigration, ce que souhaitent tous les États européens et même occidentaux, je pense que nous devrons recourir au référendum. Pour le moment, ce n'est pas possible, parce que l'article 11 de la Constitution ne le permet pas, mais il faudrait modifier la Constitution pour élargir les possibilités de recours au référendum.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État
En effet, même la proposition de loi dont je viens de parler comporte des risques d'inconstitutionnalité. Certains constitutionnalistes disent qu'il n'y a pas de problème et qu'il faut la voter, mais d'autres ne sont pas de cet avis. Quant au référendum, je vous rappelle qu'il s'impose depuis la jurisprudence énoncée par le Conseil constitutionnel après le référendum de 1962 : le Conseil constitutionnel a toujours considéré, à juste titre selon moi, qu'il est l'expression la plus directe de la souveraineté populaire et donc nationale.
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 juin 2025