Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, sur le développement des infrastructures de transport et les offres de mobilité, à Paris le 12 juin 2025.

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Circonstance : Journée Ambition France Transports

Texte intégral

Messieurs les ministres, chers collègues, cher Dominique, 
Madame l'ambassadrice de Suisse [Tania Savassini] 
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Mesdames et Messieurs les directeurs et agents des administrations,
Mesdames et Messieurs les professionnels des transports et les représentants des usagers,
Mesdames et Messieurs les investisseurs,

Je vous remercie sincèrement d'avoir répondu à notre invitation avec Eric Lombard, en lien avec Philippe Tabarot, pour participer à cette séquence au ministère de l'Economie et des Finances. Après le lancement de la conférence " Ambition France Transports " par le Premier ministre à Marseille, et les travaux menés depuis par les quatre groupes, nous nous retrouvons ici à la croisée des chemins.

A la croisée aussi des défis et des ambitions : cela été dit, développer les infrastructures de transport et les offres de mobilité, c'est oeuvrer pour la croissance économique, l'aménagement du territoire, la transition écologique, la cohésion sociale, l'émancipation de chacun.

Ce " pourquoi ", chacun le voit et le perçoit, et chacun pourrait encore l'enrichir abondamment, ce qui nous amènerait bien au- delà du temps dont nous disposons ensemble ce matin.

Je vous propose donc d'aller droit au but : le " comment ", sur lequel nous nous réunissons aujourd'hui. Comment investir pour l'avenir ?

Vous le savez, et Eric Lombard l'a rappelé, nos finances publiques sont exsangues : notre déficit public est le plus élevé de la zone euro, à –5,8% en 2024 contre une moyenne à –3,1%, dont l'Italie s'est déjà fortement rapprochée. Sept pays sont sous la limite des 3%, et cinq pays dégagent même des excédents.

Nous avons pourtant le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé de cette même zone euro : un niveau de 45,6% qui pèse sur les Français, les entreprises, et donc la croissance.

Les transports y ont certes contribué, pour 57 Md€ de recettes sectorielles tous modes confondus, mais en bénéficient également et à plus forte raison : 79 Md€ de dépenses publiques dédiées, au total des administrations publiques. En effet, je le rappelle souvent, les Français n'ont qu'un seul porte- monnaie.

Ces dépenses ont notamment permis de soutenir la transition écologique, et en particulier la décarbonation des transports : certaines ressources issues des modes carbonés permettent ainsi de solvabiliser les investissements décarbonés et collectifs, par exemple dans le ferroviaire.

Cependant, seul un tiers de ces dépenses publiques sont aujourd'hui dédiées à l'investissement. Le reste subventionne le fonctionnement.

Si nous élargissons à l'échelle de l'économie, nous constatons que le total des investissements publics et privés reste à un niveau élevé, de près de 3% du PIB, tout en relevant des fluctuations sensibles selon les années, par exemple récemment à la faveur des JO de Paris.

La France reste ainsi un des pays où les investissements dans les infrastructures de transport sont les plus importants, pour tous les modes : en 2021, nous avions même en valeur absolue l'investissement en faveur du rail le plus élevé de l'OCDE.

Aujourd'hui, nos finances publiques nous imposent de faire des choix exigeants, et d'assurer une gestion sérieuse.

Dit autrement, pour rendre nos ambitions soutenables et maintenir ce rang dans la durée, en visant le meilleur niveau de service pour nos concitoyens, nous devons assurer que chaque euro public ne vienne pas " à la place de " mais " en complément de " financements privés.

Voici donc le coeur de cette épineuse question : " comment " investir pour l'avenir ? Nous voyons désormais que l'État seul ne saurait résumer ni épuiser les possibilités de développement. Les présentations et les débats que vous allez avoir aujourd'hui, et qui seront j'espère aussi ouverts que possible, permettront d'esquisser des réponses à cette question.

Nous y parviendrons en revenant à l'essence de ce qui fait un investissement, au sens où l'entend un financier privé, un chargé de famille, une collectivité, ou l'Insee : investir, c'est se constituer un actif qui augmentera la croissance économique. C'est la raison pour laquelle nous y sommes résolument attachés et nous vous invitons à cette ambition.

A l'appui de critères rigoureux, je suis convaincue que nous pouvons mobiliser efficacement les moyens privés et les moyens publics, partager les coûts et les risques, et répartir de manière équitable les bénéfices. Augmenter l'offre de transports au service de tous, c'est créer une valeur économique qui dépasse la mise initiale et la solvabilise.

Investir, c'est avoir confiance en cet avenir. La confiance, comme nous l'avons constaté avec Eric Lombard depuis notre arrivée, repose sur une exigence de transparence et de performance. D'autant plus lorsqu'il y a un endettement derrière l'investissement. Sans confiance, il n'y a pas d'investissement privé.

Un financement privé n'est viable que si les projets sont bien dimensionnés, bien pilotés, bien évalués. Il nous faut ainsi passer d'une logique de dépenses à une logique d'impact. Ne plus penser en termes de crédits consommés, mais de résultats produits.

La confiance repose également sur la sécurité réglementaire, la lisibilité des appels d'offre, la fluidité des procédures administratives : tout cela est fondamental. Nous pouvons faire beaucoup mieux sur ce point.

Dans cette nouvelle dynamique, le rôle de l'État est double : facilitateur et stratège. Ce ne sont pas deux rôles opposés mais bien complémentaires : en étant facilitateur des acteurs économiques, afin qu'ils s'investissent pleinement dans le développement des transports, l'État s'affirme stratège. Ce sont ses priorités vers lesquelles il peut orienter ses financements sans hypothéquer sa souveraineté. Le cap de la décarbonation, l'objectif d'aménagement du territoire deviennent pérennes.

Comme le Premier ministre lors du lancement de cette conférence, et comme je pense la plupart des Français, je forme ainsi le voeu auprès de vous que nous trouvions ensemble ces solutions pour l'avenir. Grâce à vos groupes de travail, nous pourrons poser démocratiquement ces investissements futurs, et, grâce aux acteurs privés réunis aujourd'hui, les réaliser et les développer dans la durée.

Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 16 juin 2025