Interview de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, à RTL le 27 juin 2025, sur le conclave sur la réforme des retraites.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BÉGOT
Et tout de suite, l'invitée de RTL matin, Thomas, vos recevez aujourd'hui la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid PANOSYAN-BOUVET.

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenu sur RTL, Astrid PANOSYAN-BOUVET.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Il y a donc eu un travail remarquablement utile, un bilan incroyablement avancé, des progrès impressionnants. Il y a des avancées, pour ainsi dire, actées. Ce n'est pas du TRUMP, c'est du BAYROU hier qui parlait de l'accord sur les retraites, enfin, du non-accord, parce qu'on est d'accord, il n'y a pas d'accord signé sur les retraites ce matin. Il n'y a pas d'accord.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il n'y a pas d'accord immédiat, mais effectivement, il y a des progrès considérables qui ont été actés. Je pense qu'il faut les saluer. À la fois des progrès sur le fond, puis des progrès sur la méthode. Donc on peut en parler.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire que, en fait, la négociation continue. Le conclave, on n'appelle pas ça le conclave, mais on va continuer à discuter.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
On va continuer à discuter pendant une dizaine de jours, c'est ce que le Premier ministre a souhaité, sur les derniers points, sur les derniers kilomètres, en fait. Il y a des choses considérables qui ont été actées, quoi.

THOMAS SOTTO
On va en parler, mais on a besoin de comprendre qu'on sait très bien si on est sur un accouchement difficile au forceps ou si on est sur de l'acharnement thérapeutique avec ce conclave.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Vous savez, on ne donnait pas cher du conclave. Depuis le début, on s'en moque, le terme, la méthode. Mais ce qui nous séparait au début était beaucoup plus grand que ce qui nous sépare à la fin et c'est ça qui compte et les progrès qui ont été actés sont considérables aussi. De se dire que maintenant, il n'y a pas de… c'est inconditionnel, il faut qu'on retrouve l'équilibre en 2030. Qu'il y ait un accord de toutes les organisations syndicales autour de l'âge de départ qui avait été acté en 2023, c'est-à-dire 64 ans, c'est considérable. Et puis on va peut-être parler aussi des progrès pour les femmes, qui représentent 50 % des personnes qui travaillent dans notre pays.

THOMAS SOTTO
Mais qu'est-ce que vous dites aux socialistes qui parlent d'enfumage et qui maintiennent leur motion de censure à l'Assemblée ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je ne les comprends pas. Je ne comprends pas aujourd'hui les socialistes. Parce que socialiste, ça veut dire social-démocrate et respectueux du dialogue social jusqu'au bout. Ça veut aussi dire soucieux des progrès qui peuvent être arrachés notamment pour les travailleurs de ce pays. Et je pense qu'il y a des choses qui ont été faites.

THOMAS SOTTO
Donc ils se trompent, ils ont tort ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense qu'ils ont tort. Je pense qu'ils ont tort d'autant plus, d'autant plus. Et je sais que les socialistes étaient très soucieux de cela. Le Premier ministre a dit hier qu'il y aurait un texte, dans le cadre du PLFSS, au Parlement à l'automne.

THOMAS SOTTO
Oui, il a dit une démarche législative. C'est quoi ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il a parlé de…

THOMAS SOTTO
Ça sent l'embrouille. Pardon, mais ça sent l'embrouille.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, non, non, non. Alors on va reprendre exactement le verbatim du Premier ministre. Il a parlé, dans le cadre du PLFSS…

THOMAS SOTTO
Projet de loi de financement de la sécurité sociale, oui.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
… De l'automne, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui a lieu tous les automnes. Donc, à ce moment-là, et j'espère qu'on va commencer à parler du fond, Monsieur Thomas SOTTO…

THOMAS SOTTO
Oui, mais c'est aussi le fond…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, mais du fond… Là, on est en train de parler de la méthode. Et ce que les socialistes avaient des reproches, c'était que le Premier ministre ne voulait pas parler de texte. Là, il s'est engagé, hier, à la conférence de presse en disant, il y aura un texte présenté à l'automne, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme à chaque automne.

THOMAS SOTTO
Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous savez bien qu'intégrer quelques articles au PLFSS, qui, compte tenu de la composition de l'Assemblée, passera sûrement au 49.3 ou organiser sur les débats sur les retraites, en mettant tout par terre, ou tout sur la table, ce n'est pas complètement la même limonade. Vous le savez, ça ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ce qui compte, c'est qu'on a la même discussion aujourd'hui, sur des accords signés en novembre dernier, sur les seniors et l'assurance chômage. La semaine prochaine, je suis à l'Assemblée nationale pour précisément transposer ces textes dans la loi. La question, c'est, il y a des sujets d'accord, des points d'accord entre les partenaires sociaux. Aujourd'hui, comment est-ce qu'on les transpose dans la loi ? C'est ça la question. Ce n'est pas de savoir dans quel texte de loi. Le principal, vous savez, ce qui compte à la fin, c'est de savoir, pour les femmes qui ont eu un enfant, si leur salaire de référence pour la pension, ça va être 24 ans ou 23 ans et pas 25 ans.

THOMAS SOTTO
Aujourd'hui, c'est 25, ça devrait être 24 avec un enfant et 23 avec deux enfants.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
23 voilà, pour ceux qui, effectivement, devaient aller jusqu'à 67 ans, parce qu'ils avaient des carrières hachées, des carrières incomplètes, ils vont peut-être repartir aujourd'hui six mois avant.

THOMAS SOTTO
Ça, ce n'est que pour les femmes ou c'est pour tout le monde ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, c'est pour tout le monde, sauf que, point important, ceux qui aujourd'hui travaillent jusqu'à 67 % pour pouvoir partir à la retraite à taux plein…

THOMAS SOTTO
67 ans, pas 67 %.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
67 ans pour pouvoir partir à taux plein, c'est 60 % des femmes, parce que c'est elles qui ont souvent des carrières hachées ou incomplètes.

THOMAS SOTTO
Ça va coûter combien ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Donc, on sera à l'équilibre. La condition sine qua non, c'est qu'il faut qu'on soit à l'équilibre. Là, aujourd'hui, on ne l'est pas. Aujourd'hui, dans le cours des comptes, on est à sept milliards de déficit en 2030. Donc, tout ça, ce sera financé.

THOMAS SOTTO
J'ai l'impression qu'on est, il y a cinq mois, et que vous venez de nous dire quels sont les objectifs du conclave. Ce n'est pas que je ne veux pas aller sur le fond, et on en parle du fond, mais sauf assoupissement de ma part sur le financement, François BAYROU n'en a pas parlé hier. Il a dit qu'il fallait que ça soit à l'équilibre, d'accord. Il a dit qu'on verra ça après, le 14 juillet, c'est ça ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce qu'il y aura des… Ce sur quoi, d'ailleurs, les partenaires sociaux se sont…

THOMAS SOTTO
Sur quoi ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Les efforts partagés, ça veut dire que c'est entre entreprises, salariés et retraités.

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il y aura une désindexation des pensions de retraite ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le Premier ministre l'a dit, ce sera un sujet qu'il présentera à partir du 14 juillet. Parce que vous voyez bien que quand on parle d'un sujet, c'est tout de suite une irritation, parce que l'effort de redressement des comptes publics de notre pays ne sera accepté que si l'effort est partagé. Donc, ce sujet précisément sur la désindexation, il sera traité par le Premier ministre au 14 juillet.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous êtes favorable ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que tout le monde doit participer à l'effort de redressement des comptes publics. Tout le monde doit participer. Salariés, actifs, entreprises comme retraités. Je pense qu'il faut arrêter de voir les retraités comme un bloc homogène. Il y a autant de salariés qui sont venus des patrimoines différents que les retraités.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi, concrètement ? C'est-à-dire que, par exemple, sur l'abattement de 10 % dont bénéficient les retraités…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je ne rentrerai pas sur ce sujet.

THOMAS SOTTO
Ah bah écoutez… C'est compliqué, parce que vous…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, non, non, je ne rentrerai pas sur ce sujet.

THOMAS SOTTO
On vous pose des questions précises et on reste dans le flou. Quand c'est flou, vous savez ce que ça veut dire.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je dis simplement que ce sont des sujets que le Premier ministre discutera le 14 juillet. Moi, je suis ici pour dire aujourd'hui qu'il y a des avancées courables sur, effectivement, les départs à 66 ans et demi pour ceux qui veulent pouvoir partir à taux plein, les femmes. L'acceptation des 64 ans. Il y a aujourd'hui des progrès considérables aussi qui ont été faits sur la pénibilité. Ça concerne un tiers des salariés aujourd'hui qui travaillent dans des postes pénibles aujourd'hui.

THOMAS SOTTO
Sur la pénibilité, le compte n'y est pas, dit la CFDT.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le compte n'y est pas. Le compte n'y est pas, mais il y a quand même des progrès considérables. En 2017, il y a une décision relativement injuste par la majorité présentielle, dont je fais partie, qui a décidé de sortir du compte pénibilité ce qu'on appelle les critères ergonomiques.

THOMAS SOTTO
Parce que les entreprises n'arrivaient pas du tout à…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Les critères ergonomiques. Aujourd'hui, c'est réintégré sur la prévention qui va permettre de financer des aménagements de postes, qui va permettre de financer de la prévention. Le sujet aujourd'hui, c'est comment est-ce que ces critères ergonomiques, c'est-à-dire posture pénible, port de charge lourde, exposition à des vibrations, peuvent être pris en compte pour pouvoir partir de manière anticipée ? Là, il y a deux approches. Il y a une approche médicale et individuelle qui est proposée par le patronat. Donc le patronat propose quelque chose aujourd'hui. Il y a une approche plus collective de présomption de pénibilité par les syndicats et c'est là qu'il va falloir qu'on travaille.

THOMAS SOTTO
Et qu'il n'y a pas encore d'accord.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Précisément là-dessus. Et c'est là qu'il n'y a pas d'accord. Donc il y a des progrès considérables.

THOMAS SOTTO
C'est un point fondamental et un point clé, notamment pour la CFDT. Astrid PANOSYAN-BOUVET, l'âge légal, vous l'évoquiez, tous les participants conclaves ont accepté de ne pas y toucher. Ça, c'est vrai que c'est un progrès par rapport au départ. Mais jusqu'à quand ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je n'ai pas compris votre question, monsieur SOTTO.

THOMAS SOTTO
Les 64 ans, l'âge légal, jusqu'à quand ? "L'âge légal de départ va se poser de nouveau dans les années qui viennent", vous savez qui a dit ça ? C'est Catherine VAUTRIN, c'est votre ministre de…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, tout à fait. Non mais, vous savez, le régime par répartition, il est assis sur des équilibres démographiques. Et donc ça, on est forcément sur un organisme vivant. Mais c'est aussi la croissance économique, la productivité. Donc forcément qu'il faut des ajustements.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi ? C'est très important.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, justement, c'est très important.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire qu'on sera peut-être à 65 ans dans quelques années ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça veut dire qu'il faut qu'on arrête aussi avec cette représentation collective en France de la réforme des retraites qui est LA réforme.

THOMAS SOTTO
Pardon, mais François BAYROU ne parle que de ça depuis des mois.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que, justement, il va falloir aussi en sortir, il faut qu'on soit dans des ajustements permanents parce que les retraites, c'est un organisme vivant. Ça dépend, on l'a dit, de la démographie, du taux d'emploi, du taux de chômage, de la croissance économique, de la productivité. Ça ce sont des choses qui bougent, qui ne sont jamais stables. Ça veut dire qu'il faut de l'ajustement permanent.

THOMAS SOTTO
Les 64 ans, c'est la règle aujourd'hui. Demain, peut-être dans un an, deux ans, trois ans, cinq ans, ça sera 65. C'est le sens naturel des choses ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça veut dire que c'est le sens naturel des choses et c'est aussi pour ça qu'ont été discutées dans le cadre de ces négociations la gouvernance, parce qu'on voit bien que quand la gouvernance est confiée aux partenaires sociaux sur les régimes complémentaires comme l'AGIRC-ARRCO, il y a des décisions qui sont prises, mais qui sont prises de manière dépassionnée parce qu'on est plutôt sur des ajustements permanents plutôt que sur des grandes réformes.

THOMAS SOTTO
Astrid PANOSYAN-BOUVET, je vous donne quelques titres de la presse ce matin. Le Figaro : "BAYROU gagne encore du temps". La Voix du Nord : "Rendez-vous cet automne". L'Opinion : "Retraite, le chemin chaotique de François BAYROU". Et c'est vrai que, peut-être si on a mauvais esprit, on peut se dire que ça sent un peu la bidouille : "Je gagne du temps en organisant un conclave, puis j'annonce la douloureuse après que le Parlement a achevé sa session parlementaire, donc, après le 11 juillet, comme ça, je suis tranquille et je ne risque pas de censure jusqu'à l'automne". On en est là aujourd'hui ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi j'en suis à ce que des femmes auront des meilleures retraites, j'en suis à ce que des personnes qui devaient attendre jusqu'à 67 ans pour partir au plein pourront partir six mois avant, et six mois avant ça. J'en suis là. Et j'en suis aussi sur le fait que sur la pénibilité et la réparation pour ceux qui sont confrontés à des postures pénibles et des portes de charges lourdes, doivent pouvoir peut-être partir en départ anticipé, et c'est là-dessus qu'on doit travailler aujourd'hui. Est-ce que c'est de la réparation par de l'approche médicale, ou est-ce que c'est de l'approche collective ? C'est ce sur quoi je travaille.

THOMAS SOTTO
Et comme un rond est un rond, un carré est un carré, il n'y a pas d'accord là-dessus au moment où on se parle.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Sur ce point précis, et c'est là-dessus qu'il faut travailler.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup d'être venue nous voir ce matin sur RTL.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Merci beaucoup.

THOMAS SOTTO
Vous restez avec nous pour Philippe CAVERIVIÈRE ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, tout à fait.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 juillet 2025