Texte intégral
Emmanuel MACRON
Bonjour, heureux de vous retrouver. Merci beaucoup d'être là. Avant de quitter la Norvège pour retrouver l'OTAN, je voulais vous dire quelques mots ici avec le ministre depuis cette magnifique frégate Normandie, qui est en train de poursuivre ses missions, pour dire d'abord l'importance de la visite d'État que nous venons d'effectuer en Norvège, qui est un partenaire de plus en plus stratégique et de plus en plus important pour la France.
Cette visite nous a permis de conclure plusieurs accords, en particulier sur la capture et le stockage de carbone, ce qui, dans notre stratégie de neutralité carbone, est évidemment une technologie indispensable et avec, ici, des investissements et des innovations auxquelles nous participons.
Ensuite, nous avons signé hier un partenariat stratégique très robuste qui couvre à peu près tous les champs possibles de la coopération, de la stratégie énergétique et climatique, en passant par l'intelligence artificielle, le quantique, nos stratégies industrielles et, évidemment, les approches stratégiques et de défense.
Au moment où Le Grand Nord redevient un théâtre d'influence, d'interférence, de contestation entre puissances, la Norvège joue un rôle tout particulier. En effet, 10 jours après le déplacement que j'ai pu faire au Groenland avec la première ministre du Danemark, je souhaitais être là pour redire la volonté de la France d'être aux côtés de ses grands alliés européens pour maintenir leur souveraineté, leur indépendance, et pour participer aux opérations de sécurité collective dans la région.
Notre marine y joue tout son rôle, et la présence ici de la Normandie et de son équipage, et je les en remercie, je les remercie de leur accueil d'une part, mais aussi toutes les opérations depuis plusieurs semaines qu'ils conduisent et qu'ils vont continuer de conduire dans la région. La France est un partenaire de confiance et, je crois, un partenaire qui contribue à la stabilité de cette région. Voilà ce que je voulais vous dire avant de retrouver le sommet de l'OTAN à La Haye dans quelques heures.
Journaliste
Monsieur le Président, justement, comment est-ce que vous qualifiez ces événements de ces dernières heures ? Ce cessez-le-feu annoncé par Donald Trump très rapidement violé ces dernières minutes, comment est-ce que vous qualifiez ces événements, cette escalade ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, la situation, on le voit bien, reste volatile et instable. Je pense que c'est une très bonne chose que le président Trump ait appelé à la cessation du feu. Vous savez, c'est ce que nous plaidons depuis le début. Et donc je pense qu'il y a eu des déclarations importantes et tout à fait positives pour appeler chacun à revenir à la table des discussions et à ce que le feu cesse.
Mais les dernières minutes ont montré que la situation demeurait très fragile, donc il faut la suivre avec beaucoup de vigilance. Il faut que chacun mette le maximum de poids pour que le feu cesse, que les discussions reprennent. Il en va de la stabilité de la région, des vies qui sont en jeu, mais également du sérieux avec lequel on peut collectivement reprendre le suivi du dossier nucléaire iranien.
Je le rappelle, notre objectif à tous, c'est que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire, c'est donc qu'on puisse reprendre le contrôle et la transparence sur le suivi de leur programme civil. Et c'est aussi qu'on retrouve de la stabilité dans la région. C'est pourquoi, au-delà de ce qui se passe sur l'Iran, je redis ici la nécessité d'obtenir un cessez-le-feu à Gaza et de reprendre l'aide humanitaire à Gaza. C'est absolument prioritaire.
Journaliste
Est-ce que vous avez échangé avec le président Trump ou est-ce que vous allez le voir dans les prochaines heures en face à face lors du sommet de l'OTAN ?
Emmanuel MACRON
J'ai eu l'occasion d'échanger ces derniers jours. Je n'ai pas échangé ces dernières heures depuis que je suis ici en Norvège avec lui, y compris parce que je le fais rarement depuis l'étranger. Je le verrai tout à l'heure, normalement en fin d'après-midi. J'aurai comme toujours l'occasion d'échanger avec d'autres et en tête-à-tête avec lui à l'occasion de ce sommet.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que le fait que l'Iran soit prêt à accepter un cessez-le-feu, est-ce que ça veut dire que les frappes américaines ont fonctionné ?
Emmanuel MACRON
Il est trop tôt pour le dire. En tout cas, le fait que les États-Unis d'Amérique, après avoir mené ces frappes contre les centrales nucléaires, aient appelé à un cessez-le-feu est une très bonne chose.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que vous redoutez un enrichissement clandestin, en quelque sorte, de l'uranium iranien, en dehors de tout regard international et de tout regard de l'AIEA désormais, et peut-être une fuite en avant de l'Iran dans cet enrichissement clandestin ?
Emmanuel MACRON
C'est évidemment un risque qui existe, que nous redoutons depuis que le JCPOA a été fragilisé et contre lequel nous avons toujours cherché à lutter, et cela, depuis maintenant 7 ans, que le cadre du JCPOA a été fragilisé. Et ce risque est accru, en effet, avec ce qui s'est passé récemment.
J'ai eu l'occasion d'échanger avec le Directeur général de l'AIEA, Monsieur Grossi, je le verrai à mon retour. Je pense que c'est un des risques principaux pour la région et la Communauté internationale. C'est pourquoi il nous faut garder le contact, ce que j'ai veillé à faire pendant tous ces jours et ces semaines. Il nous faut absolument éviter que l'Iran aille sur ce chemin. Ce serait un chemin irresponsable, à la fois pour la sécurité régionale, pour la prolifération nucléaire internationale, mais également pour les dirigeants eux-mêmes. Je pense qu'il y a un autre chemin possible, mais ce que vous évoquez est un véritable risque.
Journaliste
Votre ministre des Affaires étrangères hier a estimé que l'Iran était une menace existentielle pour la France, est-ce que vous reprendriez ses mots ? Est-ce que si c'est le cas, la diplomatie, à un moment donné, peut ne plus suffire ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, aujourd'hui, en tout cas, nous considérons que pour faire face au risque qui est en fait le cumul du risque des capacités balistiques de l'Iran et de la possibilité de passer les seuils d'enrichissement et d'avoir à la fois un engin nucléaire et de le vectoriser, pardon de rentrer dans la technique, mais c'est ça dont il s'agit, c'est un risque réel. C'est un risque réel pour la région, pour Israël et pour tous les pays qui seraient à portée de tels missiles, ce qui serait le cas de la France.
Et donc, ce risque est là, c'est un risque potentiel. C'est pour ça que nous considérons depuis le début que la discussion exigeante avec l'Iran est la bonne voie. Nous allons continuer de suivre ce chemin. À chaque jour suffit sa peine et je me garderai bien de faire de la politique fiction sur ce sujet.
Journaliste
Est-ce que la voix des Européens porte depuis le début de ce conflit, vous diriez ?
Emmanuel MACRON
Je pense que la voix des Européens est constante. J'ai bien conscience que quand les armes frappent, quand on ne participe pas à ces frappes, on peut avoir le sentiment d'être marginalisé, ce que j'entends parfois dans les commentaires des uns et des autres. Moi, je pense que quand on a décidé de ne pas frapper, mais qu'on est constant sur ses positions, stratégiquement et à long terme, on gagne.
Je veux simplement dire que la France, et avec elle les grands pays européens, sont constants depuis 10 ans sur la question iranienne. Nous avons participé à la fin de la négociation sur le JCPOA, nous avons défendu une grande exigence à l'égard d'un enrichissement possible par les Iraniens. Nous avons été les plus exigeants, c'est la France qui a porté le mécanisme du snapback. Ensuite, nous n'avons jamais quitté le cadre de cet accord. Et quand d'autres ont changé, l'ont fragilisé, nous, nous n'avons jamais cédé.
Je rappelle qu'ensuite, en 2018-2019, c'est la France qui s'est activée pour reprendre une discussion qui puisse toucher la question de balistique et des activités régionales et réengager un dialogue direct entre l'Iran et les États-Unis. C'est la France qui reste fidèle à ce cadre et à son exigence. Je crois que c'est une garantie de confiance, de lisibilité, ce qui a de la valeur dans ce monde.
Ensuite, quand je regarde les dernières années, pour tous les partenaires de la région, du Proche et Moyen-Orient, la France est aussi un partenaire de confiance. Quand ils sont attaqués, nous sommes là. Nous sommes là même quand ils ne le demandent pas. Et nous n'avons pas de double standard. Je crois aussi que c'est une spécificité de la voie de la France. C'est-à-dire que partout où la souveraineté, où l'intégrité territoriale, où le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sont attaqués, nous nous exprimons et nous prenons des décisions cohérentes, de l'Ukraine à Gaza, en allant jusqu'à la question iranienne. Je pense que c'est une bonne chose d'avoir de telles positions, parce que dans la durée, c'est ça qui paye.
Journaliste
Monsieur le Président, nous sommes presque sur le sol français. Vous avez forcément vu passer cet échec des négociations avec le conclave. Est-ce que vous appelez les partenaires sociaux à tout de même trouver un accord à faire bouger leur position ? Ils doivent être reçus par le Premier ministre aujourd'hui.
Emmanuel MACRON
Je pense que le Premier ministre a tout à fait raison de s'engager et d'insister sur l'importance d'un accord. Moi, je veux saluer tous les partenaires sociaux qui sont encore autour de la table et qui ont décidé que discuter, négocier était important. Au fond, vous voyez l'état du monde. Quand on vit de telles bascules, c'est-à-dire une guerre sur le sol européen qui dure depuis plus de 3 ans, qui bouleverse tous les équilibres, quand on voit des équilibres qui se sont ajoutés ces dernières semaines, ces dernières années, et encore une fois ces dernières semaines, quand on voit les défis qui sont les nôtres, quand vous voyez que, dans quelques heures, le débat qui sera celui de l'ensemble des alliés à l'OTAN, c'est d'aller vers un effort de 3,5 points de PIB sur la défense. On est aujourd'hui à 2,1. Et une perspective de 5 points de PIB, on ne peut pas considérer qu'on peut vivre dans un monde clos.
Donc, nous, Français, nous devons porter cette voie d'indépendance, nous la portons, mais nous devons en tirer les conséquences pour nous-mêmes. La discussion, la négociation qui est en cours, je crois, est celle de femmes et d'hommes responsables, conscients de l'état du monde et de la nécessité pour notre pays d'aller de l'avant. Je les encourage ardemment à savoir aller au-delà des désaccords qui persistent et à trouver ensemble une solution qui soit bonne pour le pays. Je leur suis très reconnaissant d'avoir en tout cas mené ces discussions avec beaucoup de courage et d'intégrité depuis le début.
Journaliste
Est-ce que vous appelez solennellement les oppositions à ne pas censurer ce Gouvernement ? On sait que la censure avait coûté 12 milliards d'euros à la France.
Emmanuel MACRON
Vous avez raison de rappeler le coût de la censure et de l'instabilité politique. Et donc mon souhait, c'est la stabilité. Je l'ai dit.
Journaliste
C'est un appel à la responsabilité ?
Emmanuel MACRON
Oui, mais il faut le faire de la manière la plus cohérente qui soit. Oui, c'est un appel à chacun à regarder l'état du monde et à rester stable, à avancer ensemble et à trouver des bonnes solutions pour le pays.
Il nous faut de la stabilité ambitieuse, de la stabilité institutionnelle, et de l'ambition, c'est-à-dire la stabilité ne doit pas nous coûter l'immobilisme. Nous devons avancer, nous devons continuer de mener les réformes pour le pays, pour continuer d'améliorer la création d'emplois, l'industrialisation, une plus grande force productive, qui est le seul moyen de continuer de financer un modèle social qu'on doit moderniser, rendre plus efficace, et de financer nos efforts à la fois militaires et stratégiques, et de décarbonation de notre économie.
Journaliste
Et ça passe par un Gouvernement qui reste en place le plus longtemps possible ?
Emmanuel MACRON
Ça passe par, en effet, de continuer à avancer et à trouver les bons accords et apporter des lois ambitieuses et des accords politiques et syndicaux ambitieux.
Merci à vous. Nous nous retrouvons à La Haye. Merci beaucoup, en tout cas. Et merci à nos marins. Merci à tous.