Déclaration de M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer, sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et le projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte, sur le rapport des commissions mixtes paritaires, à l'Assemblée nationale le 9 juillet 2025.

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Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport des commissions mixtes paritaires, du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1681 rectifié) et du projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte (n° 1682).

(…)

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer
L'acte que l'Assemblée nationale s'apprête, je l'espère, à accomplir aujourd'hui est crucial. Et pour ne pas tomber dans l'emphase, disons-le simplement : il est historique. Depuis plus de six mois, j'ai eu l'occasion de le rappeler ici, à cette tribune, en tant que ministre des outre-mer, j'ai – nous avons – fait de la situation à Mayotte, meurtrie par le cyclone Chido, une priorité absolue.

J'ai déjà évoqué devant vous, à de nombreuses reprises, l'engagement total du Gouvernement dans la gestion de crise, dans le lancement de la reconstruction – vous l'avez souligné, cher Philippe Vigier – et, désormais, dans la refondation de Mayotte.

Non seulement l'État n'a pas abandonné ce territoire, mais il a refusé de se limiter à une réponse immédiate. Il a choisi d'aller plus loin, de franchir une étape décisive pour l'archipel : une étape vers une protection renforcée des Mahorais, vers l'égalité réelle, vers un développement concret, puissant du territoire, au service de la population.

Cet engagement, nous le devons à Mayotte et à ses habitants, liés de manière indéfectible à la France. Tant de fois, ils ont manifesté leur attachement à notre pays – à leur pays –, depuis les référendums actant leur maintien dans la République jusqu'à celui relatif à la départementalisation.

Nous le leur devons, car, malgré tout le chemin parcouru, malgré les nombreux plans et les améliorations notables, nos compatriotes mahorais expriment encore souvent un sentiment d'abandon, de doute, de scepticisme face à de nouveaux engagements. Et cela, le cyclone l'a révélé de manière criante. Ce qui se joue à Mayotte dépasse la réalité de l'archipel : il s'agit de restaurer la crédibilité de la parole publique ; il s'agit de rebâtir le lien de confiance entre les habitants de ce territoire et l'État.

À l'heure où des ingérences étrangères cherchent à déstabiliser la République, il est plus que jamais nécessaire d'agir et de concrétiser la promesse républicaine à Mayotte. En présentant ces projets de loi à la fin du mois d'avril 2025, le Gouvernement proposait au Parlement un dispositif important et ambitieux.

Je pense aux nombreuses mesures contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, rapportées notamment par votre rapporteur pour avis Frantz Gumbs ; aux articles renforçant le contrôle des armes ; au principe de l'accélération de la convergence sociale par ordonnance, en vue d'une effectivité au plus tard en 2031. Depuis la départementalisation, c'est la première fois qu'un gouvernement inscrit la convergence sociale dans la loi ; c'est un effort inédit, massif, à la hauteur de l'impératif de justice et d'égalité.

Je pense aussi à la mise en place d'une zone franche globale, dont nous avons parlé avec Charles de Courson, autre rapporteur pour avis ; aux mesures d'accompagnement de la jeunesse mahoraise ; aux dispositifs visant à renforcer l'attractivité du territoire pour les fonctionnaires – un défi qui reste à relever ; à la transformation du département en département-région, collectivité qu'il va falloir accompagner en termes d'ingénierie et de logistique, et à la révision du mode de scrutin. Je pense enfin, évidemment, aux engagements nouveaux que comporte le rapport annexé et aux investissements qu'il prévoit.

Même si elle a été jugée insuffisante par certains au regard de leurs exigences, nous avons mené une concertation étroite, réelle, avec le conseil départemental, les maires et les forces vives mahoraises, tandis qu'ici, vos collègues Estelle Youssouffa et Anchya Bamana se sont pleinement impliquées dans le débat – nous connaissons leur engagement exigeant.

Au cours des deux derniers mois, le Parlement s'est emparé de ce texte et en a progressivement renforcé l'ambition. Grâce à l'engagement des députés et des sénateurs, il est désormais, et j'en remercie l'ensemble d'entre vous, plus solide et plus puissant. À l'initiative unanime de vos rapporteurs, la décision d'abroger le titre de séjour territorialisé au 1er janvier 2030 a été prise. Je salue Philippe Gosselin, également rapporteur, qui est loin et que j'ai eu au téléphone. Je voudrais également avoir une pensée pour Olivier Marleix, que je connaissais bien, que je respectais et qui avait participé à nos débats.

À l'initiative du rapporteur général Philippe Vigier et d'Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure, de nombreuses mesures de convergence sociale ont été directement inscrites dans le texte. Le projet qui vous est soumis prévoit une première étape ambitieuse de rapprochement du niveau du smic net au 1er janvier 2026 et un accompagnement des entreprises, ainsi qu'un déploiement de la protection universelle maladie (Puma) et un allègement des démarches d'attribution de la complémentaire santé solidaire (C2S).

Toujours à l'initiative de Philippe Vigier, vous avez acté la transformation du port de Longoni en grand port maritime. À l'initiative du Gouvernement, les 3 milliards d'euros d'investissements prévus pour les six prochaines années ont été portés à 4 milliards.

Dans un contexte politique difficile, dans lequel il n'est pas toujours évident de trouver du sens, il faut mesurer l'engagement de ce Gouvernement pour Mayotte depuis plus de six mois : 500 millions d'euros de dépenses d'urgence engagés entre décembre et janvier ; des dizaines de millions d'euros pour accompagner les collectivités, aider la filière agricole, soutenir les entreprises – même si leurs attentes vont bien au-delà –, mais aussi les salariés, avec l'activité partielle, ou encore pour lancer un prêt à taux zéro afin d'aider les particuliers à reconstruire leur toit – cette dernière mesure devant poursuivre sa montée en puissance sur le terrain.

Je pense aussi à la mission interministérielle dédiée à la reconstruction et à la refondation, dirigée par le général Facon, à mes côtés ; aux militaires mobilisés pour reconstruire les écoles, les complexes sportifs, ou réparer les fuites d'eau ; aux deux projets de loi et à la proposition de loi de Philippe Gosselin visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité ; à la création, enfin, de l'établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction, dont le directeur général devrait être nommé dans les prochains jours.

Surtout, ce Gouvernement et cette majorité entérinent dans le projet de loi ordinaire des actions déterminantes et inscrivent les financements correspondants pour changer durablement le visage de Mayotte. Fin des coupures d'eau et des rotations scolaires – l'école étant, plus que jamais, la priorité des priorités –, développement de l'intermodalité, gestion durable des déchets, lutte contre l'insécurité, ou encore construction sur Grande-Terre d'un nouvel aéroport – si souvent annoncé, jamais réalisé, ce qui nous impose une obligation de résultat : ces investissements auront des incidences directes sur la vie quotidienne des Mahorais.

Le compromis que les parlementaires ont trouvé hier en commission mixte paritaire (CMP) consacre un engagement sans précédent de l'État pour Mayotte, dans lequel le Parlement a pris toute sa part.

Sur la convergence sociale, je l'ai dit, grâce à l'engagement de vos rapporteurs, il est inscrit directement dans le texte de loi une première hausse du smic net au 1er janvier 2026. Pour accompagner au mieux cette hausse, un dispositif ciblé a été préparé par le Gouvernement à la demande de vos rapporteurs. Il consiste à renforcer à Mayotte la réduction générale de cotisations sur les bas salaires. Concrètement, au 1er janvier 2026, d'une part, le point de sortie des allègements de cotisations sera augmenté à 1,6 smic, au lieu de 1,4 smic, et, d'autre part, le champ de la réduction générale de cotisations sera étendu aux contributions d'assurance chômage. Cette mesure consiste à avancer de dix ans ce qui était prévu en matière d'allégements de cotisations. Le crédit d'impôt pour la compétitivité (CICE) est maintenu dans cette période et la Lodeom sera déployée à compter du 1er janvier 2027. Notre proposition est donc plus favorable aux entreprises et mieux ciblée que celle qui aurait consisté à déployer la Lodeom plus tôt, même si je comprends les termes du débat. Elle est aussi plus sociale, car ce décalage aurait pu également conduire à reporter la hausse du smic.

Je regrette par ailleurs que malgré l'important travail des rapporteurs du Sénat, de Philippe Vigier et d'Agnès Firmin Le Bodo, pour ne citer qu'eux, l'article 19 du projet de loi n'ait pu être rétabli. Il s'agissait seulement, face au désordre foncier persistant sur l'archipel, d'étendre une procédure qui existe déjà et qui garantit l'ensemble des droits des propriétaires, pour accélérer notamment la construction du port et de l'aéroport. Nous en avons parlé avec le président de la commission des lois ; sans doute cette décision va-t-elle cependant dans le bon sens, puisqu'il fallait, sur ce point, écouter les quatre parlementaires mahorais. Le rejet de ce dispositif aura probablement des conséquences directes sur le rythme de construction de ces infrastructures, mais je reste optimiste, déterminé, et nous devrons, ensemble, avec les élus du territoire, trouver les bonnes procédures pour y remédier, fournir le soutien, l'ingénierie et la logistique nécessaires.

Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, mesdames et messieurs les députés, c'est qu'en votant ces textes, vous allez aider le Gouvernement à porter une ambition politique sans précédent pour Mayotte et participer de cet engagement massif et puissant. Surtout, vous allez aider les Mahorais.

Après cette adoption, je continuerai à consacrer toute mon énergie à Mayotte. L'essentiel sera la mise en œuvre, avec une stratégie planifiée, des mesures votées, dont le Parlement sera pleinement informé. C'est en tout cas une étape essentielle que nous franchissons. Nous le devons aux Mahorais ; ils l'attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs du groupe DR.)

(…)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d'État. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

M. Manuel Valls, ministre d'État
Je voulais seulement dire quelques mots à une représentation nationale nombreuse, alors que durant les débats, ses rangs étaient plus clairsemés.

M. Emeric Salmon
Pas chez nous ! Nous étions là !

M. Manuel Valls, ministre d'État
Je sais néanmoins l'intérêt que vous portez à ce territoire.

Je remercie à mon tour le rapporteur général et l'ensemble des rapporteurs pour leur engagement, ainsi que les députés qui ont participé aux débats, en particulier Mmes Anchya Bamana et Estelle Youssouffa, qui représentent Mayotte. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN, Dem, LIOT et UDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Vous pouvez les applaudir, elles assument un engagement difficile.

Ce texte donne des moyens supplémentaires en matière de sécurité, de lutte contre l'immigration illégale, de lutte contre l'habitat irrégulier. Surtout, il relance – pour la première fois depuis longtemps – la convergence sociale et économique qui doit aboutir à l'égalité réelle à Mayotte.

Ces textes permettront à ce territoire de se doter progressivement d'infrastructures solides – port et aéroport, mais pas seulement – et à donner la priorité aux écoles, aux transports et à la santé.

Enfin, nous avons une obligation de réussite, compte tenu des 4 milliards engagés. Comme ministre des outre-mer, je suis particulièrement fier d'avoir défendu ces textes. Vous avez raison, madame Youssouffa : Mayotte méritait bien trois textes, dont deux ont été à l'initiative du Gouvernement, comme l'a rappelé Florent Boudié.

Qu'on approuve ou qu'on critique ces textes, ils seront adoptés. Je ne doute pas qu'il en ira de même demain au Sénat. Certains essayeront de porter à leur crédit les avancées que ces textes introduisent, mais en tous cas, ils nous imposent une obligation de résultat.

Je suis également fier de répondre aux attentes des Mahorais, qui le méritent, puisqu'ils sont si français. Désormais, il faudra travailler vite pour redresser ce territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

Mme la présidente
La discussion générale est close.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 11 juillet 2025