Texte intégral
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter les principales orientations de la diplomatie féministe de la France, et d'y contribuer activement puisque la diplomatie parlementaire est complémentaire de celle menée par le Quai d'Orsay. À ce titre, la délégation qui s'est rendue à New York il y a quelques mois témoigne de l'importance de votre engagement pour faire entendre la voix de la France et défendre la diplomatie féministe.
J'évoquerai, pour commencer, l'environnement international, qui rend notre diplomatie féministe plus nécessaire que jamais, avant d'exposer notre stratégie pour la structurer et la défendre plus efficacement et de vous présenter les prochaines initiatives de la France, qui illustrent notre mobilisation.
L'environnement dans lequel nous agissons menace des acquis en matière de droits des femmes et des filles, ainsi que d'égalité de genre. Les crises se multiplient et leurs conséquences sur les femmes et les filles s'aggravent. Sur tous les théâtres de crise - humanitaire, climatique ou sanitaire -, les femmes voient leurs droits bafoués, quand elles ne sont pas la cible d'atrocités. Elles sont les premières victimes des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Leurs libertés, leurs droits, leur dignité, leur participation aux processus de paix sont remis en cause. C'est pourquoi notre diplomatie agit, partout où les crises ébranlent le tissu social, que ce soit à Gaza, en République démocratique du Congo, à Haïti ou encore au Soudan.
En Afghanistan, la politique de ségrégation à l'encontre des femmes et des filles heurte particulièrement notre conscience. Depuis le mois de mai 2021, la France a accordé une protection aux femmes et aux filles afghanes : elle a ainsi accueilli plus de 17000 ressortissants afghans, parmi lesquels des Afghanes militantes, journalistes ou artistes menacées. La France a aussi demandé au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de considérer les crimes commis à l'égard des femmes et des filles dans ses enquêtes en Afghanistan. Le procureur nous a entendus : des mandats d'arrêt à l'encontre de plusieurs dirigeants talibans ont été requis.
En Ukraine, la guerre d'agression menée par la Russie a entraîné le déplacement de 2,7 millions de femmes. La France s'est particulièrement mobilisée pour les victimes de violences sexuelles ; elle a agi à travers le Fonds mondial pour les survivant(e)s de violences sexuelles liées aux conflits et la Fondation Mukwege, qui a permis l'établissement d'un fonds d'indemnisation d'urgence. En 2024, notre appui financier à ONU-Femmes a également permis de soutenir la formation professionnelle de 12 000 Ukrainiennes, afin de leur permettre de sortir de la précarité.
Au Proche-Orient, les contributions de la France à l'Unicef, en 2024, ont permis de créer, à Gaza, des services de santé sexuelle et reproductive. L'année dernière, nous avons aussi apporté un soutien de 200 000 euros pour accompagner les victimes de crimes sexuels perpétrés par le Hamas lors des attaques du 7 octobre.
Plus généralement, nous avons contribué cette année à hauteur de 4,5 millions au Fonds des femmes pour la paix et l'action humanitaire, le plus important fonds spécial des Nations unies soutenant les femmes et les organisations de la société civile dans un contexte de crise et de conflit.
À l'heure actuelle, les alliances qui cherchent à remettre en cause les acquis de ces dernières décennies montent en puissance. Nous assistons à une offensive déterminée, dans un environnement international propice aux voix les plus réactionnaires. Face à ces pressions, des pays historiquement engagés en faveur de l'égalité basculent dans l'opposition ou le silence. C'est le cas sur notre propre continent : après la Suède, les Pays-Bas ont annoncé il y a quelques mois à New York leur retrait du Groupe des diplomaties féministes.
En France même, certains remettent en cause le caractère prioritaire de notre engagement en faveur des droits humains, des droits des femmes et des filles et de l'égalité de genre. Il y a quelques mois, une députée française a parlé au Parlement européen de woke power pour qualifier notre politique de solidarité internationale. Tout le sens de notre engagement repose sur la dignité de la personne humaine et l'égalité entre les femmes et les hommes, car telle est la conception française des droits de l'homme. Une conception qui nous engage à mener le combat pour l'égalité et contre les violences sexistes et sexuelles et à défendre le droit fondamental à l'éducation, alors que 122 millions de filles dans le monde ne sont toujours pas scolarisées. C'est pourquoi la moitié de notre contribution au Partenariat mondial pour l'éducation est dédiée à l'éducation des filles.
Notre diplomatie féministe s'adapte aussi aux nouveaux défis qui se posent à nous. Je pense à la loi de mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui a fait de la France un Etat pionnier en matière de régulation des contenus haineux et des violences en ligne, ainsi que de l'accès des mineurs à la pornographie. Je pense aussi au Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, grâce auquel nous avons obtenu qu'une déclaration intègre, pour la première fois, l'égalité de genre dans le développement de l'intelligence artificielle.
Notre méthode - j'y inclus l'action que vous menez - est désormais connue et reconnue, non seulement par nos partenaires internationaux mais aussi par les acteurs de la société civile.
La France est l'un des premiers bailleurs mondiaux pour les organisations féministes dans les pays du Sud. Elle a soutenu plus de 1.400 associations dans soixante-quinze pays et mobilisé plus de 254 millions d'euros entre 2020 et 2024, à travers le Fonds de soutien aux organisations féministes. C'est un record, alors même que ces organisations reçoivent moins de 1% du total mondial de l'aide publique au développement (APD). Les associations que nous soutenons sur le terrain, au Sénégal, au Népal, au Bénin ou encore en Colombie, fournissent des services très concrets et souvent indispensables aux femmes.
Pour structurer notre engagement et l'inscrire dans le temps long, j'ai lancé la stratégie internationale de la France pour une diplomatie féministe 2025-2030. Elaborée avec le concours de plus de 200 acteurs - ministères, réseau diplomatique, opérateurs, société civile et vous-mêmes -, elle fixe un cap : placer les droits des femmes et des filles, ainsi que l'égalité de genre, au coeur de notre politique étrangère. Elle est notre feuille de route pour les cinq prochaines années et mobilise l'ensemble de notre arsenal diplomatique.
Notre diplomatie féministe est au service de nos ressortissantes, de nos partenaires internationaux et de nos agentes.
Où qu'elles soient dans le monde, nos compatriotes françaises à l'étranger qui sont victimes de violences doivent pouvoir compter sur une protection efficace et immédiate. Nos postes consulaires sont en première ligne pour leur porter assistance, les orienter et les accompagner dans leurs démarches. Ils apportent leur aide pour pallier la complexité juridique et administrative locale, ainsi que les situations d'isolement ou de dépendance économique. Concrètement, le ministère a traité, depuis 2022, 471 cas de violences conjugales, 119 affaires de viol et 34 cas de mariage forcé. J'ai également demandé que chaque poste diplomatique désigne un référent chargé de l'accueil de nos ressortissantes victimes de violences et qu'une formation spécifique soit dispensée à cet effet. Notre action permet ainsi de proposer à chaque victime des solutions concrètes et adaptées à sa situation.
Notre diplomatie féministe est également au coeur de nos dialogues bilatéraux. Pour défendre nos valeurs, nous cherchons sans cesse de nouveaux alliés. Nous adoptons des cadres de coopération bilatéraux en faveur de la diplomatie féministe, comme avec la Colombie, le Chili et la Bolivie. Avec la Colombie, nous sommes en première ligne en faveur des droits et de la santé sexuels et reproductifs. Nous travaillons avec la Corée du Sud et le Royaume-Uni pour avancer dans la lutte contre les violences basées sur le genre en ligne, notamment les deepfake pornographiques. Nous intégrons des actions conjointes de diplomatie féministe dans les feuilles de route qui nous lient à la Tanzanie, au Brésil ou à l'Arménie, par exemple.
Notre diplomatie féministe se renforce aussi au sein des enceintes multilatérales. À New York, la France préside cette année, aux côtés de la Colombie, le groupe des pays qui se sont dotés d'une diplomatie féministe. Nous avons réussi à rallier de nouveaux Etats, dont le Maroc et la Slovénie. À l'Assemblée générale des Nations unies, la résolution présentée par la France et les Pays-Bas sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des filles dans l'environnement numérique a été adoptée en novembre 2024 par 174 voix pour et zéro contre : un record. Au Conseil de l'Europe, nous multiplions les démarches pour que la Convention d'Istanbul sur la lutte contre les violences faites aux femmes soit signée, ratifiée et appliquée par un maximum d'Etats, afin de lui conférer une valeur universelle. Au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), la France a lancé, lors du Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Villers-Cotterêts en octobre 2024, l'Alliance féministe francophone dont l'objectif est de renforcer la voix des organisations féministes de langue française. Nous avons également lancé, aux côtés du Québec, le réseau francophone pour l'égalité et les droits des femmes.
S'ajoute à cela notre engagement aux côtés des collectivités territoriales. Dans le cadre des Assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée, prévues en octobre 2025, un groupe de travail sera spécifiquement dédié à la diplomatie féministe. Les élus et les territoires auront un rôle important à jouer.
Venons-en, enfin, à l'action que nous menons au sein même du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dans lequel la diplomatie féministe se décline également. Le ministère lutte fermement contre toutes les formes de discriminations, de harcèlement moral et de violences sexistes et sexuelles. Il oeuvre à l'éradication des stéréotypes de genre qui nuisent à la progression de carrière des femmes et à leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Cet engagement est reconnu par une double labellisation de l'Association française de normalisation (Afnor).
Pour aller plus loin, le ministère s'est doté d'un second plan d'action en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui vise à sensibiliser les agentes et les agents aux questions d'égalité et à assurer un meilleur traitement des cas de violences sexistes et sexuelles, y compris dans le cadre privé. Il a également pour objectif de poursuivre le rééquilibrage des viviers et de garantir l'égal accès aux postes d'encadrement - en 2024, parmi les ambassadeurs nommés pour la première fois, 52% sont des ambassadrices, ce qui est conforme à nos engagements -, de renforcer l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle et de mieux intégrer la santé des agentes dans la prévention et la prise en charge médicale des équipes.
Ce plan d'action interne s'appuie sur un réseau de 300 référentes et référents "égalité" répartis dans les différents postes à l'étranger et les directions d'administration centrale.
Enfin, la France accueillera, les 27 et 28 octobre 2025 à Paris, la 4e Conférence sur les politiques étrangères féministes. Quatre-vingts ans après la création des Nations unies, trente ans après l'adoption de la Déclaration de Pékin et son programme d'action, vingt-cinq ans après l'adoption de la résolution 1325 - résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité -, nous organiserons cet événement majeur pour accélérer la dynamique internationale en faveur des droits des femmes.
À la veille du Forum de Paris pour la paix, la conférence aura vocation à rassembler plus d'une cinquantaine d'États, les organisations internationales, la société civile, les acteurs de la recherche et de la philanthropie et, bien sûr, les parlementaires. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour nous aider à faire de ce rendez-vous un véritable succès politique et diplomatique.
Nous partirons des acquis des éditions précédentes - qui se sont tenues en Allemagne, aux Pays-Bas et au Mexique - pour poser les jalons d'une action cohérente et coordonnée. Nous montrerons que les droits des femmes sont, plus que jamais, un enjeu de diplomatie et de puissance dans un monde polarisé. Nous prouverons que la France, leader reconnu dans la défense de l'égalité de genre, est en mesure de rassembler une coalition d'États du Nord et du Sud qui réaffirmeront solennellement leur engagement indéfectible en faveur des droits des femmes, face aux coups de boutoir de "l'internationale réactionnaire", comme l'a appelée le président de la République.
Nous maintenons donc le cap en défendant nos valeurs, en respectant le droit international, pour un modèle de société juste et égalitaire, dans lequel la dignité et les libertés sont respectées et garanties pour toutes et tous.
(...)
Prisca Thevenot m'a interrogé sur la redevabilité et les indicateurs d'impact. Le premier niveau de redevabilité est celui de notre stratégie internationale. Dans sa version précédente, la redevabilité était fondée sur soixante-dix indicateurs. La nouvelle stratégie sera suivie à partir de quinze indicateurs, qui sont en cours d'élaboration.
Le deuxième niveau est celui de l'aide publique au développement, dont le principal opérateur est l'Agence française de développement. L'objectif fixé par la loi de programmation de 2021 à l'horizon 2027 est que 75% de l'aide publique au développement intègre une dimension de genre et que 20% de l'aide publique au développement soit dédiée au genre. Ces seuils, qui ne sont pas encore atteints, devraient se retrouver dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'AFD, qui est en cours d'élaboration.
Le troisième niveau est celui de la mesure d'impact générale, que nous sommes en train de mettre en place au sein du ministère. Elle ne concerne pas uniquement la diplomatie féministe et de l'égalité de genre, mais, plus généralement, les politiques que nous menons. Une équipe d'une trentaine de personnes, toutes volontaires et issues de l'ensemble des directions, réfléchit à l'établissement de quelques grands indicateurs permettant de mesurer l'impact de nos missions de service public pour les Français à l'étranger, de défense des intérêts de la France par les canaux bilatéraux, multilatéraux et européens et d'information des Français sur ce qui se passe dans le reste du monde et sur les positions de la France à l'étranger. Les objectifs d'égalité de genre seront pris en compte par ces indicateurs d'impact.
Madame Cathala, les femmes sont en effet, malheureusement, les premières victimes des crises humanitaires, en particulier celles du Soudan et de Gaza. Je rappelle que, dans ces deux cas, la France a été à l'initiative des premières conférences internationales de levée de fonds : pour le Soudan, la conférence, qui s'est tenue le 15 avril 2024, a permis de lever 2 milliards d'euros et la France a contribué, depuis le début de la guerre, à hauteur de 200 millions ; pour Gaza, elle s'est tenue le 9 novembre 2024 à Paris et a permis de lever 1 milliard. Depuis le 8 octobre 2023, la France a apporté 250 millions d'aide humanitaire et 1.200 tonnes de fret humanitaire.
Avec Gabrielle Cathala, Marie-Charlotte Garin et Marie-Noëlle Battistel m'ont interrogé sur les moyens. Il est vrai que les crédits du programme 209, Solidarité à l'égard des pays en développement, ont été très considérablement réduits l'année dernière. Je ne m'en suis pas félicité et, lors du débat budgétaire, j'ai même dû défendre le rejet d'amendements proposant des réductions supplémentaires des crédits de ce programme car je suis convaincu qu'ils concourent à la défense des intérêts de la France et des Français. Je les défends en appelant tous les opérateurs de cette politique, au premier rang desquels l'AFD, à rendre compte de manière encore plus précise et détaillée de l'impact de leurs actions, directement pour les bénéficiaires et indirectement pour les Françaises et les Français. Ces actions sont parfois critiquées sur certains bancs de l'hémicycle, mais elles contribuent à apporter des réponses aux préoccupations majeures des Français en matière de santé et de sécurité. Je pense notamment aux actions qui contribuent à créer des cultures de substitution à la culture du pavot ou à enrayer les risques pandémiques. C'est un peu la même chose pour l'égalité de genre. En cette période d'efforts budgétaires nécessaires, j'appelle donc ceux qui croient en ces actions à appeler l'attention de leurs collègues et, si nécessaire, du gouvernement sur la nécessité de préserver ces crédits.
Cependant, dans un contexte où les crédits ont fortement baissé l'année dernière, les crédits concourant au FSOF, qui font de la France l'un des tout premiers bailleurs dans ce domaine, ont été préservés, avec 50 millions. C'est une des rares lignes qui a été préservée l'année dernière dans le programme 209. Les lignes que nous avons sanctuarisées l'année dernière doivent être, autant que possible, préservées, sinon elles finiront elles aussi par être mises à contribution.
Anne-Cécile Violland m'a interrogé sur l'évolution de la représentation des femmes dans l'encadrement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. L'année dernière, 36% des ambassadeurs étaient des femmes, et elles étaient même 52% des ambassadeurs nommés pour la première fois. Cette parité nous permet de cheminer progressivement vers une représentation paritaire des ambassadrices et des ambassadeurs. Il en va de même s'agissant de l'encadrement dans l'administration centrale - secrétaire générale, directrices et directeurs généraux et autres postes de direction - qui est assuré à 45% par des femmes. Nous atteignons donc progressivement la parité.
Madame Duby-Muller, nous avons mobilisé 50 millions depuis 2021pour le fonds Muskoka, qui est un fonds emblématique en matière de santé maternelle, néonatale et infantile en Afrique de l'Ouest et centrale. On nous demande de ne pas faire trop d'annonces pour le projet de loi de finances pour 2026, mais j'espère pouvoir vous confirmer à l'automne une nouvelle contribution de 10 millions.
Vous m'avez également interrogé sur la diffusion de la stratégie internationale. J'ai déjà précisé que le cadre de redevabilité était en cours d'élaboration et de perfectionnement. Après la mise en place d'un comité de pilotage à la rentrée et la consultation des parlementaires, nous serons en mesure de diffuser cette stratégie.
Madame Lingemann, Delphine O a été nommée ambassadrice, secrétaire générale de la Conférence mondiale de l'Organisation des Nations unies sur les femmes. Elle est très mobilisée pour faire de cette conférence un grand succès. Je n'ai malheureusement pas la réponse à votre question sur le concours voie Orient de l'INSP, mais je m'assurerai qu'elle vous soit communiquée.
Je vous remercie d'avoir mis en valeur le programme Tremplin, qui a été lancé en 2023 et qui mobilise chaque année vingt personnes du ministère. Il vise à étoffer le vivier des femmes dans l'encadrement supérieur - et à dépasser ainsi le taux de 45% que j'ai évoqué - mais aussi pour les postes de catégories A et B. Les lauréates de ce programme bénéficient d'un accompagnement personnalisé.
Madame Rixain, vous savez que la communauté internationale a fixé des conditions claires à la normalisation des relations avec le régime taliban dans la résolution 2593 du Conseil de sécurité. Aucune des cinq conditions posées par le Conseil n'est aujourd'hui respectée par les talibans, en particulier au regard du sort réservé aux femmes et aux filles. Elles sont effacées de la société et victimes de multiples violations de leurs droits les plus élémentaires. La politique de ségrégation à l'encontre des femmes et des filles heurte notre humanité. Le premier ministre l'a rappelé dans son discours de politique générale. Lors de la rentrée scolaire en Afghanistan, le 20 mars, plus de deux millions de jeunes filles étaient privées d'éducation pour la troisième année consécutive en raison de l'interdiction édictée par les talibans.
Nous avons condamné la loi talibane dite du vice et de la vertu, annoncée le 21 août 2024, qui est une nouvelle illustration de l'acharnement systématique contre les femmes et les filles. Nous avons aussi condamné, le 5 décembre dernier, dans les termes les plus fermes, l'interdiction faite par les talibans aux femmes afghanes d'accéder aux établissements d'enseignement médical.
Nous avons poursuivi notre politique d'aide humanitaire aux femmes et aux filles afghanes. Cette assistance repose sur le principe de délivrance par et pour les femmes. Nos projets visent avant tout à aider les femmes et les filles dans le domaine de la santé pour protéger leur intégrité physique et leur vie. Nous avons ainsi maintenu notre soutien à l'Institut médical français pour la mère et l'enfant de Kaboul. Depuis août 2021, l'aide globale de la France à l'Afghanistan se chiffre à plus de 170 millions. Cette aide est déclinée en tenant compte en priorité de son impact pour les femmes et les filles.
Je rappelle que 17 000 ressortissants afghans ont été protégés par la France depuis mai 2021, parmi lesquels des Afghanes militantes, journalistes ou encore artistes menacées. Enfin, le programme Femmes en danger, destiné en particulier aux femmes afghanes, a permis la réinstallation en France, en lien avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), de 300 femmes afghanes vulnérables en 2024.
S'agissant de la lutte contre l'impunité, la France s'engage, dans le cadre d'initiatives multilatérales, pour condamner les multiples violations dont sont victimes les femmes et les filles afghanes. Des démarches conjointes ont ainsi été entreprises pour demander au procureur de la CPI de considérer les crimes commis à l'égard des femmes et des filles dans ses enquêtes en Afghanistan. À la suite de ces démarches, le bureau du procureur a requis des mandats d'arrêt à l'encontre de plusieurs dirigeants talibans, leur responsabilité pénale étant engagée au titre du crime contre l'humanité de persécution liée au genre.
Nous nous investissons également dans les travaux relatifs au projet de convention sur les crimes contre l'humanité aux Nations unies. Le 22 novembre 2024, la sixième commission des Nations Unies a approuvé à l'unanimité la conférence plénipotentiaire des Nations unies sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité par l'adoption d'une résolution coparrainée par la France. Cette décision ouvre la voie à l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant. Son cadre juridique clair et universel pour définir, prévenir et punir les crimes contre l'humanité pourra s'appliquer au cas des femmes afghanes.
Monsieur Boyard, je voudrais apporter quelques éléments de clarification à mes propos introductifs sur l'aide humanitaire et sur les dispositifs spécifiques aux femmes palestiniennes de Gaza.
Nous avons pris des sanctions, aux niveaux national et européen, à l'encontre de colons extrémistes et violents. Nous avons condamné toutes les violations par Israël du droit international. Nous n'hésitons jamais à le faire et à le dire.
Le soutien aux Palestiniens s'est manifesté par la conférence internationale que nous avons accueillie à Paris le 9 novembre 2023 et par l'envoi à proximité du rivage de Gaza du porte-hélicoptères Dixmude pour soigner des Palestiniens blessés. Nous sommes le premier pays occidental à l'avoir fait. Il se manifeste aussi par le soutien budgétaire direct à l'Autorité palestinienne - nous sommes l'un des seuls pays à le faire - et par la condamnation des violations par le gouvernement israélien de ses obligations au titre du droit international.
Je ne suis pas sûr d'avoir retrouvé la résolution de l'ONU du 18 juin 2024 à laquelle vous faites référence. Celle adoptée par le Conseil de sécurité le 10 juin 2024 précise le cadre pour la cessation des hostilités à Gaza : cessez-le-feu, libération des otages du Hamas et accès sans entrave de l'aide humanitaire. Elle n'évoque pas certains des points que vous avez soulevés dans votre intervention. Je vous propose qu'on en reparle à l'issue de cette séance.
Madame Delpech, le président de la République a pris l'engagement de faire de l'égalité de genre une priorité de la présidence française du G7 en 2026. C'était déjà un engagement de la France au sommet du G7 de 2019, au cours duquel nous avions lancé le partenariat de Biarritz pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui appelait notamment à mettre fin aux violences faites aux filles et aux femmes et à favoriser l'accès des filles à l'éducation. Nous souhaitons que soit également intégrée en 2026 la dimension numérique de la protection des femmes, dans la lancée de la résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies au mois de décembre dernier.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2025