Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, à France 2 le 16 juillet 2025, sur le plan d'économies budgétaires proposé par le gouvernement.

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Média : France 2

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Amélie DE MONTCHALIN,

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour,

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bienvenue dans les 4V. On va essayer d'être le plus clair possible pour nos téléspectateurs au lendemain de cette présentation du budget par François BAYROU. Juste une question d'ensemble avant de rentrer dans le détail. Quand on dit 43,8 milliards d'euros à économiser, est-ce que c'est bien un budget d'austérité vu le contexte budgétaire et économique ? Le mot a un sens.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Je crois que c'est un budget de souveraineté et c'est un budget de liberté pour nous, Français, face à une situation où le risque, c'est que nous ne choisissions pas nous-mêmes comment nous reprenons en main notre destin, comment nous reprenons en main nos finances publiques.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et il n'est pas question d'austérité ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense que le Premier ministre a très bien montré hier le risque. Le risque, c'est que nous soyons écrasés par notre dette et le risque, c'est que nous ne soyons plus capables d'avoir les marges de manoeuvre pour financer les priorités. Et dans les priorités des Français, il y a la sécurité. Il y a nos armées, il y a ce qui se passe dans nos gendarmeries. Il y a aussi des priorités sur la transition écologique. On voit des cyclones, des inondations partout. Comment on se protège ? Il y a aussi l'avenir de nos enfants. Comment on forme mieux nos professeurs ? Il y a aussi, évidemment, le financement du modèle social. Les Français vont être rassurés sur le fait qu'aujourd'hui et demain, ils pourront être bien soignés. Mais ce que nous voyons, c'est que le modèle qui est le nôtre aujourd'hui, il n'est pas soutenable. Il nous met en danger. Et donc, c'est d'abord un budget, comme je dis, de souveraineté. Comment on choisit par nous-mêmes et comment on ne se laisse pas aller à un risque qui soit celui où, parce qu'on n'ose pas dire les choses, parce qu'on n'ose pas dire les choses avec authenticité, sincérité aux Français. Nous laissions filer ce déficit. Nous laissions filer cette dette. Et un jour, ce soit d'autres que nous qui décidions pour nous-mêmes.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors, rentrons dans le détail. 3 000 suppressions de postes d'abord pour l'État en 2026. Non remplacement d'un fonctionnaire sur trois à partir de 2027. Quels métiers seront touchés très concrètement ? On touche à l'enseignement, aux soignants ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, il y a plusieurs choses. D'abord, ce n'est pas, vous voyez, un houkaze. Ce n'est pas une décision arbitraire. C'est le fruit de 8 ans de modernisation de nos services publics. Je vous donne un exemple, les services des impôts, dont je suis la ministre. Évidemment, quand on fait le prélèvement à la source, ça permet de nous réorganiser. Là, encore la semaine dernière, vous voyez, j'ai relocalisé des agents publics partout en France pour qu'ils soient plus proches des Français.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, on peut supprimer des postes quand on réforme certaines administrations.

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. Et donc, on va le faire dans toutes les administrations.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Elles seront toutes touchées.

AMELIE DE MONTCHALIN
Toutes les administrations, eh bien évidemment, se réorganisent, se modernisent, se mettent plus proches des Français. Et donc, vous avez dans tous les ministères des réorganisations. Après, vous avez des ministères qui recrutent plus de militaires, plus de policiers, plus de surveillants dans les prisons, mais aussi plus d'enseignants. Parce que vous savez qu'on va les former plus tôt. C'est une grande réforme pour que les enfants de notre pays soient face à des enseignants qui soient mieux formés.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous nous confirmez qu'il n'y aura pas de revalorisation salariale en 2026, même justement pour ces enseignants, pour ces soignants, pour ces policiers.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ce qu'on appelle une année de stabilité. Donc, on n'a pas de nouvelles hausses de salaire. On a eu des très fortes hausses en 2024. Cette année, en 2025 et en 2026, c'est une année de stabilité des salaires. En revanche, les salaires vont quand même augmenter un peu à l'ancienneté, parce qu'il est important que la fidélisation de notre fonction publique se poursuive. J'ai été, vous savez, ministre de la Fonction publique. Et ce que je veux dire, aujourd'hui, à tous les Français et à tous les agents publics, c'est ce que nous voulons. C'est que les services publics marchent mieux, qu'ils soient bien financés, que les agents publics aient des outils modernes pour accompagner les Français.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On parle des niches fiscales également sociales qui seront supprimées. Est-ce qu'on peut citer, ce matin, quelques niches fiscales qui seront concrètement supprimées ? Par exemple, les aides à domicile, elles seront touchées ou pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
J'ai toujours dit, et je le redis aussi là, le sujet des niches fiscales, c'est que ça a été créé, parfois il y a très longtemps, pour soutenir un secteur, soutenir une activité, accompagner les entreprises. La question qu'on doit en permanent se poser, il y en a 474 quand même aujourd'hui, dans notre pays, ça représente plus de 85 milliards d'euros, c'est est-ce que c'est toujours utile ? Est-ce que c'est toujours adapté ?

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous l'avez fait cette évaluation ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc, les parlementaires, la Cour des comptes, nous-mêmes allons évidemment travailler très en détail pour avoir des gestes justes. J'ai toujours dit, par exemple, que sur les services à la personne, ce qui fonctionne et donc, qui n'a pas besoin d'être réformé par définition, c'est ce qui concerne les gardes d'enfants, le soutien aux personnes âgées et dépendantes, le soutien aux personnes handicapées. Sur ce sujet-là, nous ne changerons pas. En revanche, il est utile qu'avec les parlementaires, on puisse travailler là aussi de manière précise. C'est de l'argent public, il faut qu'il soit bien utilisé.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Les retraités, l'abattement de 10% sur les retraites qui va devenir donc forfaitaire avec un plafond de 2 000 euros, en fait, c'est un tabou qui est en train de tomber tout neuf. Les retraités qui étaient jusque-là relativement épargnés vont également être mis à contribution ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, on est dans un effort de la nation. Il n'y a pas de catégorie qui soit ni un bouc émissaire ni inversement, protégée de ce que toute la nation doit faire pour elle-même. Et donc, j'avais lancé ce débat il y a quelques semaines, de voir comment nous pouvions avoir, là aussi, une répartition juste de l'effort. Ce que nous proposons, c'est que les retraités les plus aisés fassent effectivement, au fond, une forme de solidarité envers les retraités de la classe moyenne et plus modeste, et que donc, l'abattement qui était de 10% jusqu'à 4 400 euros devienne un abattement de 2 000 euros par personne. Quand vous êtes un couple, ça veut dire 4 000 euros, comparé à 4 400 euros, vous voyez que c'est une réforme de justice et de simplicité et qui bénéficiera aux retraités de la classe moyenne et modeste.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Une contribution également sur les plus hauts revenus, ça veut dire quoi ? C'est une nouvelle tranche d'impôts pour ceux qui sont très favorisés ? Comment ça va se concrétiser ?

AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, ce n'est pas une nouvelle tranche d'impôts, ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. On cherche d'abord à faire en sorte que les montages, parfois avec des holdings, parfois des montages complexes, n'évitent pas l'impôt, ne contournent pas l'impôt, et donc, il y a eu l'année dernière, le Gouvernement de Michel BARNIER avait proposé une mesure, une contribution sur les hauts revenus, le Premier ministre souhaite la maintenir, c'est un arbitrage de sa part.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, elle est reconduite, la même que l'année dernière.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et il a annoncé aussi que nous allons continuer à travailler sur toute la sur-optimisation, notamment des holdings, parce que c'est ça qu'on veut, s'assurer que les Français payent l'impôt qui existe.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et une partie de la gauche demande également de vous toucher, pourquoi pas, au dividende, au stock option, c'est une option qui est sur la table.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, tous les débats vont être sur la table. Par définition, on est le 15 juillet, et vous savez que le budget n'est présenté qu'en octobre. Mais j'ai plusieurs boussoles à dire. Un, on ne va pas toucher au Livret A, à l'assurance vie, à l'épargne des Français qui nous regardent, qui, pour l'immense majorité d'entre eux, ils ne sont pas, à mon avis, ceux sur lesquels nous devrions faire poser des efforts. Ils vont en faire, par ailleurs, beaucoup d'autres. Deuxième chose, c'est que nous devons rester un pays attractif. Nous devons continuer à ce que nos entreprises puissent investir. Je le répète, un pays avec une croissance plus forte, c'est aussi un pays qui finance mieux ses services publics, qui finance mieux sa protection sociale. Donc, s'il y a des ajustements, on peut les regarder. Par définition, le débat parlementaire, il va commencer au mois de septembre. Mais là aussi, il y a les choses claires devant nous. Soutenir les entreprises, soutenir l'attractivité, et ne pas toucher à l'épingle des Français.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Amélie DE MONTCHALIN, venons-en à ces jours fériés qu'il propose d'être supprimé. Lundi de Pâques, 8 mai, a dit le Premier ministre. Tôlé dans toutes les oppositions. Est-ce que c'est une mesure définitive qui peut encore être bougée, peut-être un jour et pas les deux ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà, il faut aussi dire la vérité. C'était l'objectif du Premier ministre hier. Nous travaillons 1 607 heures par an dans notre pays. C'est ça qui est la loi, la règle. Et à la fin, quand on regarde le nombre d'heures travaillées par habitant, c'est 100 heures de moins par an en France par rapport à l'Allemagne. Donc, on a quand même devant nous, on voit bien, un enjeu de travailler plus nombreux et de travailler tous un peu plus. Pourquoi ? Pas parce qu'on veut donner des leçons, mais parce que précisément un pays qui produit plus de richesses, un pays plus prospère, c'est aussi un pays qui finance mieux ses services publics et qui finance donc mieux ce que les Français attendent de lui.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais cette histoire de jour férié, on a l'impression que c'est presque un hochet pour couper un peu les oppositions, le débat public, les journalistes, pour ne pas parler du reste. C'est une vraie question qui est sur la table, c'est essentiel ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que le Premier ministre a dit, hier, avec beaucoup de sincérité, c'est qu'on doit faire d'abord des économies. 30 milliards d'euros d'économies. C'est qu'on doit avoir un système fiscal plus juste, plus lisible, plus efficace, à peu près 10 milliards. Et c'est aussi qu'on doit travailler plus parce qu'au fond, c'est ce contrat-là qu'on veut faire avec les Français. On réduit nos déficits. On travaille tous un peu plus et plus nombreux. Et avec ça, on se redonne des marges de manoeuvre pour financer nos priorités. Et donc, ces jours, ces heures de travail en plus, moi, je voudrais qu'on ait ce débat-là. Est-ce que vous savez, pendant des années, et je crois que beaucoup de mes femmes politiques, de droite et de gauche, considéraient qu'il y avait une fierté dans le travail, que c'était une manière de s'émanciper, et que c'était une manière aussi de contribuer à la production de richesses, à l'activité, et donc derrière, depuis 1945, à notre système social. C'est ça qu'on veut poser comme débat. Je pense que c'est un débat que les Français comprennent. Après, quand les impositions en sont à savoir si c'est le 8 mai ou le 15 août, je pense que le débat qui est derrière, c'est est-ce qu'on accepte de contribuer tous un peu plus par le travail à ce qu'est notre modèle social. Vous savez, au fond, c'est travailler plus pour protéger plus. C'est en ça que je résumerais la proposition qui est la nôtre.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Deux courtes questions pour terminer. À l'instant, l'Agence France Presse a consulté un document, annonce 29 milliards d'euros d'augmentation des dépenses publiques. 29 milliards d'euros, c'est un chiffre que vous confirmez ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, ce que je confirme, c'est qu'effectivement, et c'est pour ça que vous me posez la question de savoir au fond ce qu'était ce budget. Ce budget, c'est un budget, au fond, de ralentissement de nos dépenses pour qu'on se remette en face de notre croissance et de nos recettes. Les dépenses publiques, elles auraient dû augmenter de 60 milliards. Ce qu'on propose aux Français, c'est qu'elles n'augmentent que de 30 milliards. Ce qui montre bien qu'on fait des choix, qu'on finance la défense, qu'on finance des nouvelles priorités. On finance malheureusement aussi beaucoup plus la charge de la dette qui va augmenter de près de 8 milliards d'euros l'année prochaine. C'est très important qu'on comprenne bien que c'est ça notre défi parce que, voyez-moi, je ne veux pas que mon pays, dans quelques années, dépense le plus d'argent de son budget pour payer les intérêts de la dette.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Dernière question, vous parliez du livret A. Son taux de rémunération devrait baisser à 1,7% au 1er août contre 2,4% actuellement. Si vous le confirmez, ce sera annoncé quand ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas à moi de le confirmer. En revanche, ce qu'on peut dire aux Français, c'est que l'inflation est, aujourd'hui, de moins de 1 %. Le taux du livret A est là pour préserver le pouvoir d'achat des Français. Même avec le taux dont vous parlez, on est au-dessus de l'inflation. Là aussi, ça permet que l'épargne des Français continue de générer des revenus dans un monde où l'inflation, qui a été un grand risque, qui a été source de beaucoup d'incertitudes, elle a beaucoup reculé. Certains prix ont baissé, pas tous, mais c'est ça qu'on cherche à faire protéger les Français.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2025