Interview de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, à TF1 le 16 juillet 2025, sur la suppression de deux jours fériés, la réforme de l'assurance-chômage et les arrêts maladie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

CHRISTOPHE BEAUGRAND
On va continuer à parler de ce projet de budget avec notre invitée du matin, Astrid PANOSYAN-BOUVET, merci d'être avec nous. Vous êtes ministre chargée du Travail et de l'Emploi et vous êtes invitée Sehla BOUGRIOU. Bonjour Sehla.

SEHLA BOUGRIOU
Bonjour Christophe, bonjour à tous, bonjour Astrid PANOSYAN-BOUVET.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour.

SEHLA BOUGRIOU
On va évidemment revenir sur les annonces qui concernent votre portefeuille, mais d'abord un mot sur les réactions qu'ont suscitées les déclarations de François BAYROU. Le mot censure est sur toutes les lèvres. Moins de 24 heures après, que dites-vous aujourd'hui à l'opposition ? On est prêt à faire des concessions ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça veut dire que le Premier ministre a mis les pieds dans le plat, tout simplement, qu'il a rappelé certaines réalités évidentes, ce qui concernerait aussi un ménage. Quand un ménage a un revenu de cent euros et qu'il a une dette de 114 euros, ce qui est vraiment le cas aujourd'hui de la France multipliée par des milliards, la situation n'est pas tenable. Et ce que dit le Premier ministre aujourd'hui, c'est qu'on arrive maintenant à la dernière possibilité d'avoir encore des choix sans avoir à subir les choix de nos créanciers à ceux à qui nous devons de l'argent. Et ça, ça passe par un ralentissement de la dépense publique et par également un raffermissement de la dépense, comme pour les ménages d'ailleurs.

SEHLA BOUGRIOU
Et pas de concession dans l'immédiat.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Et puis également une augmentation de l'aide de la production et du travail comme pour un ménage et donc ça, c'est ensuite des premières orientations sur lesquelles on doit discuter avec les différents partis politiques. Mais je pense que ce rythme qui doit nous permettre à partir de 2029 de stabiliser simplement la dette, de stabiliser la dette, il est tout simplement non négociable. Parce que sinon, c'est la souveraineté du pays qui dépend.

SEHLA BOUGRIOU
Parmi les mesures qui ont fait beaucoup réagir, il y a évidemment la suppression de ces deux jours fériés. D'abord, vous, à titre personnel, considérez-vous qu'il y a eu tout de même une maladresse sur le choix de cette date, notamment celle du 8 mai, jour de victoire contre les nazis ? Et surtout, à l'heure où on demande aussi beaucoup d'efforts aux Français pour soutenir la paix européenne ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, sur la question de la date, c'est une question qui m'a fait réfléchir, effectivement. La France est un des seuls pays alliés qui célèbre aujourd'hui le 8 mai. Le 8 mai était un jour férié jusqu'en 1959, supprimé ensuite par le général de GAULLE.

SEHLA BOUGRIOU
Et remis en 1980.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
On ne peut pas effectivement soupçonner de quelques complaisances que ce soit. Mais un pays comme la Bretagne, qui de 1939 à 1945, sur tous les fronts, a été là, n'a pas le 8 mai. Donc je pense qu'il faut abandonner cette idée. Et sur la question des jours fériés, peut-être rappelez ce que ça veut dire, un jour férié. Un jour férié, c'est payé, mais qui n'est pas travaillé. Donc ça veut dire qu'un jour férié, on ne va pas au travail, mais on est quand même payé. Là, ce qu'on va demander aux Français, c'est pour deux jours fériés, d'aller travailler.

SEHLA BOUGRIOU
Sans être payé.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce qu'ils le sont déjà.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Il y aura une sensation de baisse de salaire pour ces Français-là.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ils le sont déjà. Et la contrepartie, c'est que la contrepartie de la richesse créée, de la production créée par cette journée-là, où on est au travail et pas chez soi, les entreprises devront s'acquitter d'une contribution. Donc tout le monde est mis à l'effort, parce que je vous rappelle l'exemple du ménage, ralentir la dépense, mais également augmenter le niveau de richesse et de quotité de travail, pour pouvoir stabiliser la dette. C'est absolument impératif.

SEHLA BOUGRIOU
Pour revenir sur cette date du 8 mai, vous dites, décalons la à un autre jour, le 15 août, par exemple, comme certains le proposaient.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le Premier ministre a dit qu'il était très ouvert là-dessus. Par contre, ce qu'il souhaite, effectivement, c'est que ce soit deux jours fériés, et que ce soit des heures d'affilée, parce qu'on a bien vu sur le lundi de Pentecôte comment ça s'est terminé, avec des minutes ci et là. L'idée, c'est aussi d'augmenter la production et la quotité de travail, le taux d'activité du payé et là, on arrive sur des sujets emploi-travail.

SEHLA BOUGRIOU
Sur la réforme de l'assurance-chômage, la dernière réforme, elle date de quelques mois. Pourquoi les syndicats accepteraient-ils aujourd'hui de renégocier avec vous, quand on voit l'échec cuisant qu'a donné le conclave sur les retraites ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, la négociation sur l'assurance-chômage, elle, elle a marché. Je pense qu'il faut simplement rappeler…

SEHLA BOUGRIOU
Les syndicats n'ont pas l'air très allants, là, pour…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Sur l'assurance-chômage. Rappelez plutôt quelque chose. C'est-à-dire que l'effort qu'on demande sur l'assurance-chômage, il est autant budgétaire qu'économique. Budgétaire parce que la trajectoire financière de l'assurance-chômage, elle continue à se dégrader, même après certains transferts qu'a pu faire l'État, et aussi parce qu'on a, structurellement, malgré une baisse du taux de chômage, un taux de chômage qui reste élevé de deux points par rapport à la moyenne de l'Union européenne, alors qu'on a encore 450 000 emplois non pourvus.

SEHLA BOUGRIOU
Sauf que les dernières réformes, en 2021 et en 2023, n'ont pas fait reculer le taux de chômage.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Justement, si, justement. Et ce qui est très intéressant, c'est de voir que malgré le ralentissement de la croissance économique, notre taux de chômage est stable.

SEHLA BOUGRIOU
Il faut comprendre le travail de Gabriel ATTAL…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Et donc, ce qui est extrêmement important, c'est de se rappeler que l'assurance-chômage, c'est à la fois un filet de sécurité quand on perd un emploi, et ça, c'est non négociable, mais c'est aussi d'inciter à l'emploi. Et c'est pour ça qu'on va inviter, je vais inviter, avec Catherine VAUTRIN, le Premier ministre, les partenaires sociaux à revoir l'assurance-chômage…

SEHLA BOUGRIOU
Quand ça ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je vais avoir des réunions bilatérales dès la fin de la semaine, pour pouvoir commencer à travailler sur ces sujets, sur la durée d'affiliation. La durée d'affiliation, c'est la durée qui nous permet d'avoir travaillé pour être indemnisé sur l'assurance-chômage, où on a un système qui est objectivement plus généreux que l'Allemagne, que l'Espagne, que le Portugal. Voir la durée d'indemnisation, et voir aussi la question des ruptures conventionnelles. Parce qu'il y a aujourd'hui des abus autour des ruptures conventionnelles, et quelqu'un qui est en rupture conventionnelle, c'est aussi son choix, alors que le licenciement, ce n'est pas son choix. Et donc, il faut regarder aussi les conditions d'indemnisation par rapport à la rupture conventionnelle.

SEHLA BOUGRIOU
Astrid PANOSYAN-BOUVET, je voudrais également vous entendre sur la question des arrêts maladie. François BAYROU, hier, expliquait qu'il voulait mettre fin à cette dérive. Qu'est-ce qui est mis sur la table aujourd'hui, concrètement ? Par exemple, est-ce qu'il est question du transfert aux entreprises, du financement des sept premiers jours d'arrêt de travail ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non mais, vous avez raison, madame, de parler de dérive. Il y a un phénomène aujourd'hui où on dit, je me mets en arrêt.

SEHLA BOUGRIOU
C'est François BAYROU qui en parle, pour être précis.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Et je me mets en arrêt. Mais, moi, je vais vous dire, c'est une dérive. Les arrêts maladie ont augmenté de 4 % en termes de dépenses en dix ans. À la fin de l'année dernière, on constatait 18 milliards d'euros de dépenses en arrêts maladie. C'est l'équivalent du budget de mon ministère emploi et travail. Donc, il y a vraiment nécessité à la fois de constater qu'on a un vieillissement de la population. Donc, c'est normal qu'on ait aussi une augmentation au tendanciel. Mais il y a une question du recours à tout niveau. Et donc, effectivement, il y a plusieurs choses qu'on va regarder. Et ça aussi, je vais le faire avec les partenaires sociaux. C'est comment est-ce qu'on revoit l'équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité d'entreprise et puis responsabilité de la collectivité. Et ça passe notamment peut-être par les retours de long congé maladie ou pour certains, hors naturellement, accidents du travail, maladies professionnelles. On ne passe pas par un médecin du travail dont on sait qu'ils ont des difficultés de trouver un rendez-vous, mais par un médecin de ville ou par un spécialiste.

SEHLA BOUGRIOU
Dernier mot très court. Vous admettez aujourd'hui que vous n'êtes pas en mesure de tenir pour ne pas augmenter les impôts. Vous savez que parmi les réactions qu'il y a eu, beaucoup expliquent qu'il y a des impôts déguisés et que des Français entreront dans l'impôt avec les pistes annoncées.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est, je trouve, un plan très équilibré, c'est-à-dire que l'essentiel est quand même fait à 80 % sur la réduction de la dépense publique avec des réformes structurelles, d'ailleurs qui concernent mon secteur, sur l'assurance-chômage, mais également sur un assouplissement du droit du travail, sur CDD, intérim, temps partiel, mais également une augmentation pour les revenus qui peuvent se le permettre. L'effort, il concerne tout le monde, de l'année blanche au revenu et c'est ce qui fait la force, je pense, de ce projet qui est aujourd'hui proposé par le Premier ministre.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Merci Astrid PANOSYAN-BOUVET, toujours ministre chargée du Travail et de l'Emploi. On verra si vous vous tenez à l'automne. Merci beaucoup en tout cas d'avoir été avec nous.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Merci.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Merci Sehla.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2025