Interview de M. François Bayrou, Premier ministre, à RTL le 5 septembre 2025, sur la dette publique et l'engagement de la responsabilité du Gouvernement.

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Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Le Premier ministre François BAYROU est avec nous jusqu'à 8h30. À mes côtés pour l'interroger Marc-Olivier FOGIEL. Bonjour Marc-Olivier.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Bonjour Thomas, bonjour à toutes et à tous.

THOMAS SOTTO
Et bonjour et bienvenue donc monsieur le Premier ministre.

FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Merci d'avoir accepté notre invitation et d'être là ce matin sur RTL, parce que vous vous faites un peu rare ces jours-ci. On vous voit peu, on vous entend peu. C'est évidemment un clin d'œil car les Français ont remarqué votre hyperactivité médiatique. Ils ont remarqué que vous vous battez.
Les Français justement, François BAYROU, mais aussi vos opposants politiques et même une partie de ceux qui sont censés vous soutenir à l'Assemblée disent et répètent en boucle "BAYROU, c'est fini". Ils ont déjà tourné la page. Vous l'avez dit hier soir au 20h de France 2, vous êtes là pour convaincre. Mais quand on vous écoute, François BAYROU, on a l'impression que vous avez renoncé à convaincre les politiques, que vous vous adressez maintenant aux Français, que vous les prenez à témoin du désastre annoncé, que le match est plié. C'est ça ? Vous en êtes là ?

FRANÇOIS BAYROU
Bonjour d'abord. Qu'est-ce qui est important ? C'est le monde politique avec ses habitudes et ses manières d'être qui semble en effet avoir décidé à l'avance ou bien ce sont les Français.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Oui mais il a votre sort entre les mains, le monde politique.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, il a le sort du Gouvernement entre ses mains.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc là vous parlez aux Français ?

FRANÇOIS BAYROU
Et donc ce qui est essentiel pour moi, c'est que grandisse dans l'esprit des Français, s'installe dans leur esprit, l'idée que nous sommes comme pays, comme nation devant un problème que nous ne pouvons pas écarter, éluder, qu'on écarte depuis des décennies…

THOMAS SOTTO
Mais ça, ils le savent. Pardon monsieur le Premier ministre, ils le savent, les sondages le prouvent. Ils savent que la dette est un problème. Et ce n'est pas un référendum lundi.

FRANÇOIS BAYROU
Excusez-moi, vous dites qu'ils le savent, moi je pense que s'ils le savaient, le monde politique ne serait pas dans ce sentiment de vouloir abattre le Gouvernement.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais en gros monsieur le Premier ministre, vous faites donc une tournée d'adieu sous les applaudissements pour que les Français comprennent à votre départ que la situation est très grave. Mais c'est ça la réalité.

FRANÇOIS BAYROU
Vous présentez les choses comme si la politique et le spectacle, c'était la même chose.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Pas du tout. Vous avez entendu tout à l'heure les papiers du service politique de RTL qui disaient que vous faisiez semblant d'y croire. Le théâtre, manifestement, vous y participez aussi en faisant semblant.

FRANÇOIS BAYROU
Monsieur FOGIEL, est-ce qu'on peut s'écouter jusqu'au bout de nos phrases ?

MARC-OLIVIER FOGIEL
Absolument.

FRANÇOIS BAYROU
Je vous écouterai, je vous le promets, je m'y engage et il faut qu'on puisse s'entendre dans tous les sens, dans les deux sens. La politique, ce n'est pas du spectacle, ce n'est pas une tournée "d'adieu" comme vous dites. Je suis un responsable politique, je l'étais avant d'être Premier ministre et je le resterai après. La question est beaucoup plus simple, c'est : est-ce que notre pays a mesuré la gravité de la situation devant laquelle il se trouve ? Et la situation est de deux piliers, si j'ose dire. Premier pilier, la France est un pays qui ne produit pas assez, qui ne produit plus assez. Si on regarde la différence entre la production de la France… Et la production, c'est ce qui va faire des salaires et de l'activité et des emplois. Si on regarde la différence entre la production des Français et la production de nos voisins, de nos voisins allemands, de nos voisins néerlandais, alors on s'aperçoit qu'avec les Allemands, il y a 16 %, ils produisent 16 %, par habitant, de plus que nous. Et les Néerlandais, les Pays-Bas, ils produisent 35 % de plus que nous. Imaginez-vous ce que ça serait si nous avions 16 % de plus de salaire ?

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous le dites depuis 10 jours monsieur le Premier ministre.

THOMAS SOTTO
Pardon monsieur le Premier ministre, mais on n'en est plus là dans le calendrier, parce que vous avez choisi d'accélérer ce calendrier. Pardonnez la familiarité de ma question, mais c'est un mot qu'on entend beaucoup, y compris dans votre famille politique, en demandant ce vote de clarification. Est-ce que vous avez fait une connerie ? Beaucoup de gens disent ça dans votre entourage, dans le socle commun, c'est le mot qui revient. Est-ce que c'est une erreur ? Est-ce que c'est une faute politique parce que précisément, vous sacrifiez ce pour quoi vous vous battez ?

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, vous vous trompez sur toute la ligne. Et ceux qui disent ça, évidemment, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Qu'est-ce qui était en train de se produire ? C'est que je viens de décrire la question de la production sur la deuxième question, qui est la question de l'endettement du pays, qui est une voie d'eau dans la coque du navire et l'eau monte dans la cale…

THOMAS SOTTO
Ces 6 mois, vous en avez déjà parlé.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, enfin, je ne suis pas sûr… Si vous interrompez chaque fois celui qui essaie de décrire une situation en disant "vous l'avez déjà dit", si je l'avais déjà dit, tout le monde en serait persuadé.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Sauf que, monsieur le Premier ministre, cette situation que vous décrivez, qu'on a bien entendu et qu'on va vous laisser décrire bien entendu, concrètement – lundi, probablement – vous ne serez plus là pour la régler, cette situation. C'est en ça que la question de Thomas est évidemment légitime. C'est que, d'une certaine manière, est-ce une connerie de partir dans cette situation-là, certes en la décrivant si bien, mais en même temps, presque en l'aggravant et en la laissant à votre successeur, qui va forcément faire des concessions, et donc pas la régler ?

FRANÇOIS BAYROU
Je disais, vous vous trompez sur toute la ligne.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Alors, allez-y.

FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi ? Comme vous savez, j'ai donné en plusieurs étapes au pays une photographie de la situation, qui est une photographie alarmante d'une situation alarmante. Et en avril, et puis au mois de juillet, on a proposé un plan, la dimension d'un plan. Et qu'est-ce qui s'est passé pendant l'été ? Pendant tout l'été, le débat s'est focalisé non pas du tout sur la situation, sa gravité et son urgence…

THOMAS SOTTO
On a parlé des jours fériés.

FRANÇOIS BAYROU
Mais le débat s'est focalisé, comme vous dites, sur des mesures. Et il n'y avait plus que ça. Et dès l'instant…

THOMAS SOTTO
Et pourquoi ne pas avoir déminé cette question dont on sentait qu'elle était bloquante ?

FRANÇOIS BAYROU
J'ai déminé cette question tous les jours en indiquant que, bien entendu, j'étais prêt. Dès l'instant qu'on me ferait des propositions, à condition qu'on s'accorde sur le but à atteindre.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc ça veut dire que c'est un faux procès que vous font les oppositions et même vos partenaires. Nicolas SARKOZY qui dit que vous n'avez pas suffisamment consulté les forces politiques. Les deux présidents de l'Assemblée, Yaël BRAUN-PIVET qui dit qu'il aurait peut-être fallu davantage dialoguer cet été. Et Gérard LARCHER qui dit qu'il est dans une forme de solitude. Donc c'est un faux procès qu'on vous fait ?

FRANÇOIS BAYROU
C'est un faux procès. Mais les procès en politique, vous le savez bien, c'est quotidien. Toute la journée, on vous fait des procès. Simplement, il faut savoir que si vous avez un cap et si vous êtes capable de suivre ce cap et si vous êtes capable de défendre ce cap. Et c'est ce que je fais. Pourquoi ? Quel est le fond de cette affaire ? Le fond de cette affaire, c'est que vous ne pouvez pas conduire une politique qui est une politique exigeante. Pas impossible, pas de sacrifice, pas d'austérité. On n'en est pas là. On y sera, je crains, dans quelques temps. Mais on n'en est pas là. Simplement, cette politique-là, elle demande des efforts à chacun. Et ces efforts à chacun, on ne peut pas les conduire s'il n'y a pas la prise de conscience par le pays que ceci est vital pour notre avenir.

THOMAS SOTTO
Mais Monsieur BAYROU, les Français semblent prendre conscience. Il y a un sondage, Toluna Harris Interactive pour RTL, qui disait cette semaine que 56 % d'entre eux sont favorables à la réduction des déficits. Mais peut-être qu'ils ne vous comprennent pas. Est-ce que votre problème aujourd'hui n'est pas d'être devenu le pompier pyromane ? Celui qui veut éteindre le feu qu'il a contribué à allumer. Valérie PECRESSE, qui était là il y a quelques jours, disait ici même : "François BAYROU, je le mets dans le sac de ceux qui ont cramé la caisse".

FRANÇOIS BAYROU
Oui, vous voyez, ça me rappelle un autre sondage. Hier, on a demandé aux Français, est-ce que la classe politique est à la hauteur de la situation ? Est-ce que les partis politiques sont à la hauteur de la situation ?

THOMAS SOTTO
Les résultats sont cataclysmiques.

FRANÇOIS BAYROU
Et 85 %... Et donc, moi, je mets dans le sac tous ceux qui interviennent sur les aspects secondaires.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Non mais elle s'appuie quand même sur des faits, puisque vous avez soutenu Ségolène ROYAL, puis François HOLLANDE…

FRANÇOIS BAYROU
Je n'ai pas soutenu Ségolène ROYAL.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous avez voté pour eux…

FRANÇOIS BAYROU
Non mais non, vous répétez ce que Nicolas SARKOZY dit. On peut faire ce choix.

MARC-OLIVIER FOGIEL
On se rappelle aussi de 2007 et 2012.

FRANÇOIS BAYROU
En 2007, je n'ai pas soutenu Ségolène ROYAL et je n'ai pas voté pour elle. Je n'ai pas voté non plus pour Nicolas SARKOZY, pour des raisons qui sont à…

MARC-OLIVIER FOGIEL
Alors on va prendre 2017, vous avez accompagné Emmanuel MACRON, évidemment, jusqu'à l'Elysée, et la dette s'est alourdie. On sait pour quelles conditions, puisqu'il y a eu des crises, mais en même temps…

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, vous ne décrivez pas la réalité. Alors on va le faire ensemble. Quand Emmanuel MACRON a été élu, pendant les deux premières années du mandat, il a, au contraire, baissé les déficits, baissé les dépenses publiques.

THOMAS SOTTO
Il y en a eu huit… C'est difficile de ne prendre que les deux premières années. Il y avait 2 281 milliards de dettes quand il est arrivé ; il y en a plus de 3 300, presque 3 350 aujourd'hui.

FRANÇOIS BAYROU
Est-ce qu'on peut réfléchir ensemble ? Qu'est-ce qui s'est passé en 2020 ?

THOMAS SOTTO
Oui, on connaît les crises, on connaît le Covid, on connaît la guerre en Ukraine, on connaît les problèmes de l'énergie.

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, le Covid, le monde entier s'est arrêté. Et la France a dit, "nous allons sauver les entreprises, c'est-à-dire sauver les emplois, c'est-à-dire sauver les familles".

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais ça veut dire que vous, en responsabilité – vous ne l'étiez pas à l'époque, mais vous n'étiez pas loin – vous auriez fait les mêmes choix pour alourdir cette dette, pour sauver les entreprises ?

FRANÇOIS BAYROU
Sur le Covid, certainement, oui.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Et sur le reste ?

FRANÇOIS BAYROU
Certainement, oui.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous auriez fait la même chose ?

FRANÇOIS BAYROU
Et après est arrivée la guerre en Ukraine, et après est arrivée l'explosion du prix de l'énergie à cause de la guerre en Ukraine, et après est arrivée la crise de l'inflation, et après est arrivé ce qui est en train de se produire avec les États-Unis et TRUMP.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Et donc, vous auriez fait la même chose ?

FRANÇOIS BAYROU
Non, j'aurais certainement essayé, une fois qu'on a fait le quoi qu'il en coûte, vous vous souvenez, on a sauvé toutes les entreprises françaises.

THOMAS SOTTO
Et personne ne l'a contesté à l'époque et les gens s'en sont réjouis à l'époque.

FRANÇOIS BAYROU
Non seulement personne ne l'a contesté mais les responsables politiques que vous indiquiez, alors ils sont tous montés à la tribune pour demander plus. C'est d'ailleurs le cas parce que la réalité de ce qu'un Gouvernement décide en matière de dette du pays, c'est pour les Français qui en bénéficient directement qu'il le décide, en particulier, comme vous savez, une très grande partie de la dette, ce sont les retraites.

THOMAS SOTTO
Monsieur le Premier ministre, revenons à la situation actuelle et ce qu'il va se passer d'ici lundi. Il y a une question que beaucoup se posent. Vous avez appelé à des solidarités entre générations. On vous a même reproché de stigmatiser les boomers. Mais pourquoi cette solidarité ne devrait-elle pas s'appliquer aux riches ? Pourquoi ne pas faire payer les très riches ? Pourquoi ne devrait-il pas être solidaire eux aussi ?

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, j'ai annoncé, si vous vous en souvenez, le 15 juillet, en effet, que nous allions prendre une décision fiscale, qui est une décision de participation des plus aisés, des plus fortunés à la dépense commune. Et cette participation, j'ai indiqué que nous allions en fixer le cadre. Je vous donne le cadre. Il faut une participation des plus hauts revenus et il faut une participation des plus hauts patrimoines. Il faut que les deux s'accordent dans une…

THOMAS SOTTO
Mais pas jusqu'à la taxe ZUCMAN, qui prévoit 2 % d'imposition sur les patrimoines de plus de 100 millions ?

FRANÇOIS BAYROU
Alors, arrêtons-nous sur cette idée. J'ai commencé en disant que le premier problème de la France, c'est qu'on ne produit pas assez. C'est que tous les autres autour de nous, en Europe même, arrivent à produire exactement les sommes qui nous manquent pour avoir des salaires convenables et pour avoir des rentrées pour l'État qui soient à la hauteur.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc ça serait contre-productif, cette taxe, c'est ça ?

FRANÇOIS BAYROU
Et donc, si vous dites ça, alors vous voyez que créer une fiscalité dérogatoire sur, je devrais dire, contre les entreprises, c'est évidemment contre les investisseurs, c'est évidemment contradictoire. J'ajoute une deuxième chose qui est très simple. Cette taxe est inconstitutionnelle. Tous les constitutionnalistes…

THOMAS SOTTO
Alors ça s'est discuté entre les constitutionnalistes.

FRANÇOIS BAYROU
Non, non. Ce débat-là, ça n'est pas discuté. On fait comme si les faits n'existaient pas. C'est ça le problème des débats que nous avons aujourd'hui. C'est vrai sur la dette, c'est vrai sur ce point. Il y a une décision du Conseil constitutionnel en 2011 qui dit que ce type de taxe qui va frapper au-delà d'un certain seuil de revenus…

THOMAS SOTTO
Le seuil confiscatoire… On ne va pas rentrer dans les détails.

FRANÇOIS BAYROU
Monsieur SOTTO, on s'arrête une seconde. Vous dites que c'est très discuté. Et après, dans votre phrase, vous indiquez qu'en effet, cette définition du seuil confiscatoire existe.

MARC-OLIVIER FOGIEL
En tout cas, pour vous, ce n'est pas possible pour ces raisons-là.

FRANÇOIS BAYROU
Mais ça n'est pas l'essentiel de ce que je dis. Ce n'est pas juridique. La question, elle est économique.

THOMAS SOTTO
Mais il n'empêche que ça nourrit, et ça on l'entend dans les reportages qu'on fait, on le voit dans les messages qu'on reçoit, un sentiment d'injustice chez les Français. Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi ce sont toujours ceux qui ont l'impression d'être en bas de l'échelle à qui on demande le plus d'efforts. C'est justifier ce sentiment d'injustice ? Vous répondez quoi à ça ?

FRANÇOIS BAYROU
Je pense qu'on doit faire des progrès sur ce point. Je pense que le sentiment que vous décrivez parmi les Français qui sont au travail ou les Français retraités, il existe. Vous avez tout à l'heure dit quelque chose qui est inexact sur les boomers. Moi, je n'ai jamais ciblé… Les boomers, qu'est-ce que c'est ? Ce sont les enfants du baby-boom ; ceux qui sont nés entre 45 et 65, on va dire, pour simplifier, ces 20 années-là… Est-ce qu'ils sont responsables ? Ils ne le sont pas. Est-ce que je propose qu'on les cible ? Jamais. Je propose une chose, c'est qu'ils soient à côté de moi pour faire baisser la dette qu'ils vont laisser aux enfants.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Justement, baisser la dette qu'ils vont laisser aux enfants. Vous avez encore trois jours pour convaincre. Manifestement, arithmétiquement, pour la classe politique, ça semble cuit. Même si le PS s'abstient, ça ne passe pas. Qu'est-ce que vous pouvez mettre sur la table en plus ? Là, vous avez parlé avec Thomas de la taxation des riches. En plus, pour essayer de faire bouger les lignes, ou alors c'est cuit… Là, il reste trois jours. À part venir – et on vous remercie de le faire encore ce matin sur RTL – faire de la pédagogie, qu'est-ce que vous mettez sur la table ?

FRANÇOIS BAYROU
Ce n'est pas de la pédagogie, c'est du combat.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Du combat… Qu'est-ce que vous mettez sur la table concrètement pour faire bouger les lignes politiques ? Puisque c'est là où ça se joue, lundi à l'Assemblée, à 14h.

FRANÇOIS BAYROU
J'ai été frappé... J'ai reçu, comme vous savez, tous les groupes politiques, et j'en recevrai encore ce matin. Et ce qui était extraordinairement frappant, c'est qu'ils sont en désaccord profond sur toutes les décisions à prendre.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais ils sont en accord profond sur le fait de vous faire sortir lundi.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, très bien.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Qu'est-ce que vous mettez sur la table ?

FRANÇOIS BAYROU
Il n'y a pire catastrophe dans la vie que la chute d'un Gouvernement.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Pas pour le pays, manifestement, puisque vous allez laisser une dette abyssale et avec des successeurs qui ne vont pas la régler, donc non.

FRANÇOIS BAYROU
Vous avez exactement raison dans cette formule. Les conséquences de, en effet, cette décision qui pourrait être prise lundi, les conséquences, c'est qu'on va désormais revenir en arrière sur cette exigence.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Et donc, qu'est-ce que vous mettez sur la table dans les trois jours qui viennent pour ne pas revenir en arrière ?

FRANÇOIS BAYROU
Je n'ai pas à mettre sur la table… J'ai suffisamment de confiance… On devrait avoir suffisamment de confiance dans les responsables politiques du pays pour que devant une évidence aussi aveuglante, elle n'est devenue – permettez-moi cette remarque – elle n'est devenue cette exigence aveuglante que parce que nous avons fait cette prise de rendez-vous, ce défi.

MARC-OLIVIER FOGIEL
D'accord, mais en attendant, monsieur le Premier ministre, il faut bien que ça passe.

THOMAS SOTTO
Il n'est pas question de mettre une feuille blanche, de dire "On repart à zéro". L'objectif c'est le même, c'est 44 milliards et on se met tous autour de la table, toutes couleurs politiques confondues.

FRANÇOIS BAYROU
C'est exactement ce que j'ai dit, c'est ce que j'ai proposé à toutes les forces politiques. Pour l'instant, ça n'a pas eu l'air de marcher.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Dites-le avec le cœur, monsieur le Premier ministre ; vous avez un espoir pour lundi où vous faites semblant ?

FRANÇOIS BAYROU
Il n'y a pas à faire semblant.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Si…

FRANÇOIS BAYROU
Non, quand vous décidez qu'un combat est vital pour votre pays, vous entendez les mots que je dis ? Un combat vital pour votre pays. Quand vous décidez, quand vous voyez et quand vous choisissez de l'affronter, il n'y a pas à faire semblant.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc vous y croyez ?

FRANÇOIS BAYROU
Il y a à mener le combat et avec la certitude que de toute façon, en ayant ouvert cette voie…

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais donc vous ne dites pas "j'y crois" ?

FRANÇOIS BAYROU
Si je vous écoute matin, midi et soir…

MARC-OLIVIER FOGIEL
C'est vous qu'on écoute ce matin.

FRANÇOIS BAYROU
Précisément. Vous dites matin, midi et soir : "C'est décidé, tout est réglé. Les forces politiques ont décidé. Elles finissent par dire oui, en effet, il y a un problème, nous sommes d'accord pour l'affronter, mais il ne faut pas prendre de mesures trop fortes pour l'affronter". Ça veut dire qu'il faut ne rien faire qui change l'orientation du mouvement que nous sommes en train de vivre et de subir, et il faut continuer un peu plus, plusieurs années de plus, à faire monter la dette du pays que les plus jeunes vont payer. Vous parlez de cœur, vous savez ce qui m'a ému le plus ? C'est cette déclaration-là sur les jeunes générations. J'ai reçu nombre de messages de jeunes qui disent : "C'est la première fois qu'on parle de nous. C'est la première fois, notre génération, à nous, qui se vit comme une génération sacrifiée. Et d'une certaine manière, elle l'est. Quand j'avais 20 ans, il n'y avait pas de dette en France. Aujourd'hui, comme vous savez, chaque mois, nous prenons de l'activité du pays, des richesses créées par le pays et nous les envoyons à nos créanciers.

THOMAS SOTTO
Pour rembourser les intérêts de la dette. Ça fait depuis 1974 qu'il n'y a pas eu un budget à l'équipe, donc c'est une responsabilité collective. Monsieur le Premier ministre, vous restez avec nous, on vous retrouve juste après le journal de 8h.

(…)

MARC-OLIVIER FOGIEL
Il est 8h08 sur RTL, merci d'être resté avec nous Monsieur le Premier Ministre, François BAYROU. Avec Thomas SOTTO, on continue de vous interroger jusqu'à 8h30 sur cette stratégie que peu de gens ont comprise, que vous êtes là pour expliquer, qui pourrait conduire à une crise politique. Lundi à 14h, vous allez prononcer votre discours de politique générale, puis, il y aura le vote, et puis ce sera un peu le saut dans l'abîme. Existe-t-il selon vous une chance pour que le Président de la République vous renomme Premier Ministre si jamais vous n'avez pas la confiance, comme l'avait fait le Général DE GAULLE avec Georges POMPIDOU en 1962 ?

FRANÇOIS BAYROU
Le Général DE GAULLE l'a fait avec Georges POMPIDOU en 1962, après avoir provoqué des élections qui ont donné la victoire au camp du ministre sortant. Moi, je pense qu'il faut être simple, la Constitution dit que si l'engagement de responsabilité n'est pas approuvé par l'Assemblée nationale, le Gouvernement présente sa démission et on ne peut pas aller à l'encontre de cette vérité institutionnelle. Je présente ma démission, après, il faut que le Premier Ministre trouve une solution qui puisse affronter ça, ce qui au passage n'est pas si simple, ce qui, peut-être, montre que la décision que nous avons prise, que j'ai prise, je ne suis pas là pour me cacher derrière mon petit doigt, cette décision, elle est la recherche d'une nouvelle voie de Gouvernement. Je décris en deux phrases ce qui allait se passer, ce qui était en train de se passer. Le diagnostic, le constat qui avait provoqué le plan, qui avait entraîné le plan que j'avais proposé, ce constat avait complètement disparu.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Et c'est parce que vous dites Marine LE PEN, elle vous dit : "Mais arrêtez monsieur le Premier Ministre, on sait très bien ce constat-là, nous ce qu'on rejette c'est vos propositions", le constat, arrêtez de jouer sur les mots, tout le monde fait le même constat.

FRANÇOIS BAYROU
Excusez-moi, cette manière de parler n'est pas juste.

THOMAS SOTTO
C'est ce qu'elle dit, en ce moment.

FRANÇOIS BAYROU
Oui mais c'est ce que dit Marine Le PEN.

THOMAS SOTTO
C'est ce que je dis, oui.

FRANÇOIS BAYROU
Et le parti socialiste dit le contraire exactement, ou plus exactement il prononce les mêmes phrases qui signifient exactement le contraire.

THOMAS SOTTO
Mais il dit aussi : "Il faut faire des économies, il présente aussi un projet de contre-budget", tout le monde a conscience de ça.

FRANÇOIS BAYROU
Non, ce n'est pas vrai, si tout le monde avait conscience de ça, depuis des décennies, qu'on est en train de creuser ce déficit-là, si tout le monde avait conscience de ça, alors on serait autour de la table pour trouver des solutions. Et ces solutions, elles ne peuvent pas être... Alors, que dit Marine LE PEN ?

THOMAS SOTTO
Vos interlocuteurs politiques disent : "On veut bien se mettre autour de la table, mais pour être autour de la table, il faut avoir quelqu'un qui est prêt à nous parler et à nous écouter". C'est ça qu'ils vous reprochent aujourd'hui ?

FRANÇOIS BAYROU
Oui, je répète, que dit Marine LE PEN ? Elle dit deux choses : "Il faut arrêter de payer la contribution que la France paye à l'Europe, en tout cas la descendre drastiquement", alors que nous recevons plus que nous ne payons.

THOMAS SOTTO
C'est inexact. Hier, François LENGLET a fait les comptes et a constaté que c'était inexact.

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, parce qu'il ne prend pas en compte, François LENGLET, les prêts de la Banque Européenne d'investissement que nous recevons par à peu près une dizaine de milliards par an.

THOMAS SOTTO
Il les prend en compte, mais il dit qu'il faudra les rembourser.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, quand on vous fait un prêt…

THOMAS SOTTO
Alors que les aides, il ne faut pas les rembourser. Il dit que l'erreur de la France, c'est de ne pas avoir négocié de rabais. Est-ce que ça, ça a été une faute ?

FRANÇOIS BAYROU
Nous avons négocié le rabais et obtenu le rabais pour cette année, près de deux milliards de rabais. Et d'ailleurs, Marine LE PEN l'a reconnue en disant : "Mais vous voyez, ils ont obtenu un rabais, donc, on pouvait l'obtenir.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc, ça peut être pire, évidemment, selon vous, avec elle, avec Jordan BARDELLA à votre place. Manifestement, c'est peut-être ce qui peut se passer.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, ce qui va se passer, c'est que le président de la République va nommer un Premier ministre qui va former un Gouvernement, en tout cas, essayer de le faire. Et c'est moins facile qu'on ne le croit. Je répète, je reprends le scénario qui était en train de se produire. À force d'ignorer la situation qui oblige à agir, à force d'ignorer le diagnostic pour définir une thérapeutique, il n'y avait plus que des débats sur les mesures. Et le débat sur les mesures prenait un tour qui, à mon sens, est insoutenable pour le pays. Parce qu'on était en train de faire croire aux Français que le pouvoir les ignorait, voulait les ponctionner, voulait les faire travailler, et que c'était eux contre nous, en tout cas les puissants contre le peuple.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Ce que vous dites en creux, en expliquant correctement aux auditeurs de RTL, c'est que de toute façon, vous alliez sortir par la censure, et donc, vous avez préféré mettre ce débat sur la table pour sortir en connaissance de cause pour les Français. Mais en fait, c'est ça que vous dites aux Français. J'allais sortir de toute façon avec la censure de mon budget.

FRANÇOIS BAYROU
Il allait y avoir ce mouvement-là, mais c'est pire que ça. Parce que ce mouvement-là allait s'appuyer, était en train de faire naître, chercher à faire naître un affrontement entre les Français et les responsables.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous vous sacrifiez pour ça ?

FRANÇOIS BAYROU
Oui, en tout cas, je mets le destin du Gouvernement.

MARC-OLIVIER FOGIEL
En vrai, ça veut dire ça. Vous vous sacrifiez pour ça. Vous laissez votre poste pour qu'il n'y ait pas une espèce de crise entre les élites et le peuple, et vous partez pour essayer d'apaiser, pour qu'il n'y ait pas ce faux procès qu'il y a fait.

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, ceci est absolument juste. Voilà, c'est ça.

THOMAS SOTTO
Mais ça ne règle pas le problème.

FRANÇOIS BAYROU
Et donc, en tout cas, ça fait progresser les problèmes. Parce que ce que les Français ressentent, c'est qu'il y a, au pouvoir, des gens qui refusent d'affronter la situation, qui veulent conserver leurs avantages et leurs privilèges, et qui passent leur temps à repousser la poussière sous le tapis. Ce n'est pas ce que je veux faire.

THOMAS SOTTO
Vous évoquiez vous-même, dans la première partie de l'émission, ce sondage Elabe pour nos confrères de BFMTV. Plus de 8 Français sur 10 jugent que la situation politique est un spectacle navrant. Ils sont inquiets à 64 %. Ils sont exaspérés. Ils sont en colère.

FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, vous voyez qu'ils ont raison.

THOMAS SOTTO
Mais oui, mais en quoi votre décision est une réponse à cette colère ? Qu'est-ce qui va se passer lundi ou mardi si votre Gouvernement tombe ? Ça veut dire quoi ? Qu'Emmanuel MACRON va nommer un autre Premier ministre ? Est-ce que les mêmes causes produiront les mêmes effets ? Est-ce qu'on aura réglé le moindre des problèmes ?

FRANÇOIS BAYROU
Oui, on aura réglé un problème essentiel. Un dirigeant du PS me disait, hier, au moins, il y a une chose que vous avez obtenue. Il disait, tu... Vous avez une chose que vous avez obtenue. C'est que désormais, ce problème ne pourra plus jamais être ignoré.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Sauf qu'il y aurait une crise politique après la dissolution. Est-ce que, justement, la colère des Français, et c'est contre celle-là que vous vous battez, d'une certaine manière, vous l'alimentez quand même ? La dissolution l'a alimenté, et votre départ va conduire à une crise politique qui l'alimentera davantage ?

FRANÇOIS BAYROU
Non, j'y fais écho. Qu'est-ce qu'ils disent ? Je reprends les mots Thomas SOTTO que vous avez utilisés. Un spectacle navrant, des forces politiques qui ne sont pas à la hauteur du moment. Ils ont raison parce que, si nous étions... Si toutes les forces politiques étaient à la hauteur du moment, elles diraient : "Bon, l'urgence maintenant, c'est de s'asseoir autour de la table, et que nous essayons de dégager, parce qu'il y a du vrai dans..."

MARC-OLIVIER FOGIEL
Avec qui ? Avec qui, à partir de mardi ?

FRANÇOIS BAYROU
Tout le socle républicain.

MARC-OLIVIER FOGIEL

Et donc, un macroniste à la tête de ce socle républicain ?

FRANÇOIS BAYROU
D'abord, je n'ai jamais utilisé l'expression de macroniste de ma vie.

THOMAS SOTTO
Vous ne l'avez pas été, vous n'êtes plus, vous n'êtes pas ?

FRANÇOIS BAYROU
J'ai souvent dit au Président de la République, je faisais de la politique avant qu'Emmanuel MACRON ne soit élu Président de la République. Avant même qu'on ne connaisse son existence. Je défendais les mêmes idées. La campagne que j'ai conduite en 2007, c'était précisément sur ce sujet-là.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais est-ce que vous en ferez après qu'il soit parti ?

FRANÇOIS BAYROU
Après qu'il soit parti, je ne sais pas quand il partira. Mais je peux vous assurer, en tout cas, de la manière la plus forte, que je suis un citoyen engagé, un responsable politique engagé, à la tête d'un courant politique qui est un courant politique majeur de l'histoire du pays. Et cette responsabilité-là, elle ne s'interrompra pas, même si la responsabilité gouvernementale s'interrompt.

THOMAS SOTTO
Monsieur le Premier ministre.

FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi ? Parce que ce combat-là, qui l'a mené ? Faites le tour dans votre esprit. Qui sont les responsables politiques qui ont mené ce combat depuis des années ? Aucun.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc, vous continuerez à le mener ?

FRANÇOIS BAYROU
Je continuerai à le mener pour que le pays... Vous savez, je voyais ce matin, en feuilletant un album, la campagne présidentielle que j'ai conduite en 2012.

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'on aura une autre en 2020 ? Pardon de vous interrompre, mais parce que là, on tourne un peu autour du pont, monsieur le Premier ministre.

FRANÇOIS BAYROU
Non, je vous réponds après. Je voyais l'affiche que j'avais à l'époque. Et l'affiche que j'avais à l'époque, le slogan était très simple, c'était "Instruire et produire". Eh bien, ce combat, pour l'éducation nationale, il est vital et il est, aujourd'hui, dans la situation que vous savez. Et le combat sur la production, je viens de le décrire devant vous, ceci est absolument, non seulement d'actualité, mais une projection vers le futur.

THOMAS SOTTO
Alors, projection vers le futur. On vous écoute et on peut s'interroger. On se dit, et Marc-Olivier le disait, en gros, vous soignez votre sortie en avertissant les Français. Ça, c'est vrai, personne ne pourra vous reprocher de ne pas avoir prévenu du chaos, pour reprendre le mot que vous avez utilisé souvent, qui vient et qui nous attend. Est-ce que, dans votre tête, il y a un scénario qui dirait "Je vais peut-être quitter Matignon lundi, mais je serai là en 2027 pour défendre mes convictions". Est-ce que ça, ça existe dans votre tête ou est-ce que vous l'excluez ?

FRANÇOIS BAYROU
Alors, je serai là en 2027, mais ça ne veut pas dire candidat à l'élection.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais vous ne l'excluez pas.

FRANÇOIS BAYROU
Ça n'est pas dans mon objectif aujourd'hui.

THOMAS SOTTO
Mais c'est possible.

FRANÇOIS BAYROU
C'est toujours possible, mais ça n'est pas le sujet.

THOMAS SOTTO
En tout cas, ce n'est pas le plan, là.

FRANÇOIS BAYROU
Ça n'est pas mon plan. Je ne fais pas ça pour obtenir quelque chose qui serait une manière de préparer un autre acte. Je fais ça parce que le destin du pays est entre les mains de ceux qui nous écoutent et que le destin ne bougera pas du pays. On continuera à s'enfoncer s'il n'y a pas la prise de conscience nécessaire. Et ce que j'ai fait, en prenant ce risque, en effet, inédit, en prenant ce risque, c'est de montrer que c'est tellement important que je n'hésite pas à mettre en jeu les responsabilités qui sont les miennes.

THOMAS SOTTO
Monsieur le Premier ministre, c'est un risque qui n'est pas sans conséquences. Beaucoup disent qu'on ne pourra pas s'en sortir sans une dissolution. Ce n'est pas votre avis. Vous n'êtes pas favorable à une dissolution. Mais au final, est-ce que vous ne fragilisez pas le chef de l'État ? Est-ce que la démission du président de la République ne va pas devenir inéluctable ?

FRANÇOIS BAYROU
Vous savez, un jour, François MITTERRAND, à qui on posait cette question, il a dit avec la voix inimitable et les faits qu'il savait donner à ces phrases, il a dit "Vous savez, on ne peut rien contre la volonté d'un homme." Et je ne connais pas un responsable politique digne de ce nom qui n'ait pas le souci de maintenir nos institutions. Nos institutions, elles reposent sur un fait simple. Quand quelqu'un est élu, son devoir, sa mission et son honneur est d'aller au bout de son mandat.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais alors, il ira au bout mais fragilisé, avec qui à Matignon, manifestement sans vous, le connaisseur politique et de la situation préconise ?

FRANÇOIS BAYROU
Alors un, si j'avais une réponse à la question, je me garderais bien de vous le dire. Mais il se trouve que je n'ai pas la réponse à la question.

THOMAS SOTTO
Parce que c'est si compliqué que ça ?
Je pense que c'est extrêmement difficile.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous pouvez rester à Matignon assez longtemps, le temps qu'il trouve.

FRANÇOIS BAYROU
Oui, de toute façon. Il n'y a jamais d'interruption du Gouvernement en France. Et donc, oui, je remplirai ma mission avec tout ce que j'ai de conscience et de volonté de préserver les choses et je serai là pour aider mon pays. Je l'étais hier, je le suis aujourd'hui, je le serai demain.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Et peut-être même après-demain, on a compris d'ailleurs.

THOMAS SOTTO
Monsieur le Premier ministre, une dernière question d'actualité avant de retrouver Alex VIZOREK. Hier sur France 2, vous avez dit que vous étiez favorable au doublement des franchises médicales. 2 euros par boîte de médicaments, 4 euros sur la consultation des généralistes, le plafond annuel de ces franchises qui passerait à 100 euros. Vous avez dit : "Oui, j'y suis favorable". La vraie question, c'est est-ce qu'avant lundi, et donc, l'éventuelle chute de votre Gouvernement, vous allez, oui ou non, prendre les décrets d'application ?

FRANÇOIS BAYROU
Je ne fais jamais rien de manière dissimulée. Je ne fais pas les choses loin des yeux des Français. Mais je dis, la dernière partie de la phrase de la présentation que vous avez faite est la plus importante. Ces franchises sont limitées à 50 euros sur une année et on passe, vous ne voulez plus, à 100 euros. 100 euros, c'est 4 euros par mois.

THOMAS SOTTO
Vous allez signer le décret ou pas ?

FRANÇOIS BAYROU
Je ne ferai pas les choses de manière dissimulée et abrite.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire que vous ne le faites pas ?

FRANÇOIS BAYROU
Et donc, je soutiendrai cette idée et je suis sûr que les décisions vont être prises dans les semaines qui viennent.

THOMAS SOTTO
Voilà qui est clair, cela ne sera pas signé d'ici lundi. Merci beaucoup monsieur BAYROU d'être venu nous voir ce matin.

FRANÇOIS BAYROU
Je vous explique. Je dis les mots justes. Je suis contre les passages en force. Précisément, la décision que j'ai prise, c'est une décision pour qu'il n'y ait pas d'affrontement et pas de passage en force. On a besoin de regarder la situation en face et de prendre des décisions mais de le faire dans un climat de sérénité et de concitoyenneté. On est concitoyens, on a des problèmes à régler ensemble.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Vivre ensemble, c'est ce que quelqu'un disait il y a très longtemps.

FRANÇOIS BAYROU
Et il faut le faire. Eh bien, c'était un très bon slogan.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 septembre 2025