Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Philippe BAPTISTE.
PHILIPPE BAPTISTE
Bonjour.
ANTOINE COMTE
Est-ce que quand vous avez accepté mon invitation pour venir donc dans le 7h45 de France Info TV ce matin, vous vous êtes dit : "C'est peut-être ma ou en tout cas l'une de mes dernières interviews en tant que ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de François BAYROU" ?
PHILIPPE BAPTISTE
Non. Est-ce que je me suis dit ça ? Non. Enfin je veux dire, le sujet, à mon avis, n'est pas là. Enfin le sujet n'est pas un sujet personnel ou individuel. La question simplement, enfin ce qui s'est passé hier, c'est un moment fort de vie politique. Je crois que c'est un moment où le Premier ministre, François BAYROU, a eu le courage de mettre sur la table de manière extrêmement claire la situation budgétaire du pays. Avec un constat qui est fort, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a pas de prise de conscience. Enfin on a l'impression que, quelque part, les messages qui sont aujourd'hui portés par le Gouvernement ne sont pas véritablement entendus. On a un véritable problème budgétaire aujourd'hui. On est à quelques centimètres d'une vraie crise budgétaire parce qu'on vit au-dessus de nos moyens. C'est-à-dire que, globalement, on dépense beaucoup trop par rapport à ce que le pays gagne, entre guillemets. Mais cette situation, elle n'est pas tolérable pour une famille et de la même manière, elle n'est pas tolérable pour un pays parce qu'aujourd'hui, en fait on paie nos retraites en allant emprunter de l'argent aux États-Unis dans des fonds de pension. Vous voyez bien qu'au bout d'un moment, ce système-là, il ne peut pas marcher. Donc il faut qu'à un moment donné, on soit capable de mettre en adéquation à la fois ce qu'on gagne, nos recettes, notre produit intérieur brut, et puis ce qu'on dépense pour notre modèle social qui est extraordinairement généreux. Et je crois que tout le monde veut le préserver, à commencer par le Premier ministre et le président de la République. Mais pour ça, ça veut dire qu'il faut qu'on soit capable de faire des efforts et de réduire notre déficit.
ANTOINE COMTE
Alors Philippe BAPTISTE, vous parlez de décisions courageuses de la part du Premier ministre. Est-ce que le courage n'aurait pas été, justement, de tenter de soumettre au vote ce budget, quitte à s'exposer à une motion de censure ? Là, on a l'impression que c'est un peu une fuite en avance, un peu sauve qui peut.
PHILIPPE BAPTISTE
Non, pas du tout. Je crois qu'aujourd'hui, il y a un problème de... La question qui est posée, c'est déjà la question du constat. Est-ce que ce constat, c'est un constat qui est véritablement partagé par tous ? Et je pense que c'est une question qui va se poser individuellement, à chaque député, au moment où il va voter ou non, justement, ce qu'on appelle la confiance. La question, elle est là, simplement, c'est est-ce qu'à un moment donné, ce constat, il est partagé ? Après, je pense que le Premier ministre a été extrêmement clair sur le fait qu'il y a un objectif général, il faut réduire le déficit. On est à 6 % de déficit, il faut l'amener à 3 dans quelques années. La première étape, ici, là, c'est de passer à 5,4. Je rappelle quand même que le budget tel qu'il a été préparé pour le moment, c'est un budget qui augmente par rapport à l'année précédente. C'est-à-dire que quand on dit que c'est un budget de rigueur, etc. où on baisse les... Ce n'est pas vrai. Le budget augmente. Il augmente moins que ce qu'on pourrait espérer. Ça permet de réduire un peu, un tout petit peu, le montant du déficit, mais qui continue à augmenter. Je veux dire, il faut qu'on en prenne conscience. Je veux dire, on peut ne pas continuer comme ça. Donc je pense que oui, c'est très courageux comme décision. Et quelque part, il faut que ce constat soit partagé et qu'on dépasse simplement après... Parce que moi, j'ai entendu, évidemment, tout le débat politique pendant l'été, où telle mesure était contestée, telle autre était contestée, et à chaque fois, pour des raisons qu'on peut entendre. Mais à la fin, je veux dire, globalement, qui, aujourd'hui, est capable de proposer globalement une solution ? Aujourd'hui, le Gouvernement en a proposé une. Maintenant, évidemment, s'il y a d'autres solutions qui sont proposées et qui sont mises sur la table, je crois que le Premier ministre a été très clair en disant qu'il était à l'écoute de ça. Mais aujourd'hui, il faut qu'il y ait un électrochoc quelque part, et quelque part, les forces politiques de Gouvernement proposent des choses.
ANTOINE COMTE
Philippe BAPTISTE, on a du mal à voir comment François BAYROU peut quand même s'en sortir. Quand on voit les réactions des oppositions tout de suite après sa conférence de presse hier. Le Rassemblent national et Marine LE PEN qui disent qu'ils ne voteront pas la confiance. De même pour la France insoumise. Et l'ensemble de la gauche, même le Parti socialiste qui avait sauvé, désolé pour l'expression, mais François BAYROU, il y a quelques mois, l'a dit par la voix d'Olivier FAURE, premier secrétaire du PS, on ne soutiendra pas François BAYROU, on ne votera pas la confiance du Gouvernement.
PHILIPPE BAPTISTE
Il y a des forces qui veulent le chaos, c'est le cas de LFI, et qui assument, quelque part, de vouloir le chaos pour pouvoir, après, faire autre chose. Je ne sais pas quoi. D'ailleurs, personne ne le sait. Mais ça, OK, je mets ça de côté. Mais à côté, moi, il me semble que derrière, la question, elle va se poser à chaque député individuellement. C'est une question fondamentale, une question de responsabilité face à un budget qui arrive dans pas très longtemps. Et donc la question, c'est qu'est-ce que je veux faire pour mon pays, et comment est-ce que je veux contribuer à la construction d'une solution budgétaire ? Peut-être qu'il faut la faire évoluer par rapport à ce qui a été mis sur la table ces dernières semaines et pendant l'été par le Gouvernement. Et je pense que ça, de nouveau, ça a été extrêmement clair.
ANTOINE COMTE
Donc vous avez encore de l'espoir ? Vous pensez que pendant les 15 jours…
PHILIPPE BAPTISTE
Oui, mais moi, je pense qu'il y a un travail de conviction qui doit être mené, qui doit être porté, qui doit être porté par tout le monde.
ANTOINE COMTE
Comment il va être mené ce travail ?
PHILIPPE BAPTISTE
Mais je pense qu'il faut qu'on ouvre la porte, qu'on ouvre la discussion.
ANTOINE COMTE
Avec qui ? Le Parti socialiste par exemple ?
PHILIPPE BAPTISTE
Avec tous les députés. Je pense qu'il y a les instituts, enfin il y a évidemment les appareils. Mais au-delà des appareils, il y a aussi simplement la responsabilité de chaque député individuellement, parce que c'est lui, quelque part, qui, en âme et conscience, va à un moment donné décider de ce qui va se passer derrière. Est-ce que ce constat, il est partagé ou pas ? Est-ce que oui ou non, on est d'accord pour se dire que là, on n'est pas très loin d'une falaise budgétaire abyssale ?
ANTOINE COMTE
Philippe BAPTISTE, si je comprends bien, vous appelez chaque député, les 577 députés finalement, à sortir de leur logique de groupe politique, d'appartenance politique, et de se dire : "Je vote individuellement pour savoir si je partage ou pas le constat du Premier ministre". Ça semble compliqué quand même comme méthode
PHILIPPE BAPTISTE
Non, c'est simplement, je dis juste qu'à la fin, c'est chaque député qui va se prononcer. Il y a évidemment des logiques d'appareil, il y a des logiques de groupe qui n'échappent personne, et qui ne m'échappent pas.
ANTOINE COMTE
Et qui seront suivies, vous le savez.
PHILIPPE BAPTISTE
J'ai aussi fait mon... dans mon coin. Qui peuvent être suivies ou pas. Je pense que quelque part, aujourd'hui, la question qui est posée, c'est est-ce que ce constat, il est partagé ou pas ? Je rappelle quand même un chiffre. Je ne vais pas vous donner 50 chiffres, mais un chiffre. Un enfant, quand il naît aujourd'hui, il a une dette de 50 000 Euros. Chaque personne en France…
ANTOINE COMTE
Chaque naissance.
PHILIPPE BAPTISTE
Chaque personne en France a une dette de 50 000 Euros. Et voyez bien que ce sont quand même des sommes qui sont considérables. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut arriver à stabiliser ce déficit, voire à le réduire sur le long terme. Et pourquoi c'est grave ? Parce qu'en fait, ce déficit, quand on va emprunter de l'argent sur les marchés ou à des fonds de pension américains, etc., on l'utilise pour payer nos retraites. C'est très bien, mais on ne l'utilise pas pour investir dans l'avenir. On ne l'utilise pas pour investir dans la recherche, dans les universités, dans l'avenir du pays. Et ça, c'est dramatique. Donc il faut qu'on arrive à se mobiliser pour réduire ce déficit, pour relancer notre croissance et pour construire notre industrie de demain.
ANTOINE COMTE
Est-ce que cette décision hier d'appeler un vote de confiance de la part de François BAYROU vous a surpris, vous, personnellement ? On sait que le Premier ministre a rencontré tous ses ministres juste avant cette conférence de presse, à peu près 30 minutes d'échange. Comment vous avez réagi ? Certains ont été abasourdis, nous dit-on. Comment vous avez réagi, personnellement ? Vous attendiez à ça ou pas ?
PHILIPPE BAPTISTE
Non, je pense que ce moment de vérité, quelque part, peut-être que d'aucuns l'attendaient plus tard, mais la question n'est pas là. C'est qu'on voit bien que quelque part... Moi, j'ai suivi le débat cet été, là, le débat politique de cet été, où ce qu'on entendait en fait c'étaient des contestations de telle ou telle mesure. Ça, ce n'est pas juste, les deux jours, ça ne va pas parce que c'est injuste, etc., tout ça. Ces questions-là, elles peuvent être légitimes prises individuellement. Mais après, à un moment donné, il faut quand même être capable de poser le constat global sur la table et d'être capable de traiter globalement cette question et pas simplement se concentrer sur telle ou telle mesure spécifique qui, évidemment, est douloureuse pour tout le monde. Et c'est ça, le mouvement qui est là aujourd'hui, c'est de dire simplement... Le mouvement politique courageux du Premier ministre aujourd'hui, c'est de dire qu'effectivement, aujourd'hui, on a un problème global sur la table. Ce problème, c'est un problème du déficit qui a été creusé par tous les Gouvernements de droite et de gauche depuis 20 ans. Et cette question, évidemment, comment on fait demain pour la traiter et comment on fait pour sortir de cette spirale qui est une spirale qui est dangereuse ? En fait on auberge aussi l'autonomie stratégique du pays parce que simplement, au bout d'un moment, on n'est pas capable de financer nos investissements.
ANTOINE COMTE
Alors Philippe BAPTISTE, c'est quoi finalement la suite ? Si François BAYROU n'a pas la confiance des députés, il doit s'en aller. On le sait. Et le Gouvernement tombe avec lui. Que doit faire Emmanuel MACRON ? Parce que maintenant, c'est Emmanuel MACRON qui pourrait être en première ligne. Nommer un nouveau Premier ministre très rapidement ? Il y a le nom de Sébastien LECORNU, le ministre des Armées, qui circule à nouveau, comme il circule d'ailleurs à chaque fois. Est-ce qu'il doit dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale et créer des législatives anticipées ? Qu'est-ce qui doit se passer maintenant ?
PHILIPPE BAPTISTE
Il ne vous a pas échappé que c'est une prérogative effectivement du président de la République. Et donc c'est au président de la République évidemment de se positionner et de prendre des décisions si jamais le Gouvernement devait, à un moment ou à un autre, tomber. Mais moi, je ne suis pas dans cette logique-là.
ANTOINE COMTE
Ce qui sera visiblement sans doute le cas quand on voit ce que disent les oppositions.
PHILIPPE BAPTISTE
Je pense qu'aujourd'hui, la question n'est pas tellement là. La question, c'est simplement de comprendre. Est-ce qu'on est certains... Il faut qu'à la fois nos concitoyens, il faut qu'on ait un travail de pédagogie vis-à-vis des citoyens, comprendre, que tout le monde comprenne effectivement qu'on est dans un système qui est un système qui ne peut pas continuer tel qu'il est aujourd'hui et qu'il faut à minimum réformer. Réformer pour le préserver, parce que le danger, il est là, et un travail de conviction vis-à-vis des groupes politiques et vis-à-vis des députés. Et c'est ça, dans les 15 prochains jours. Moi, je ne veux pas faire de la politique fiction, ce n'est pas mon travail. Moi, je suis là pour…
ANTOINE COMTE
Vous allez engager des négociations dans les 15 prochains jours.
PHILIPPE BAPTISTE
Moi, je ne suis pas un politique de profession. Je crois à ce que je fais et je crois à un langage de vérité. Et ce qui me plaît dans ce qu'on entend aujourd'hui, c'est ça.
ANTOINE COMTE
Philippe BAPTISTE, une question sur ce mouvement du 10 septembre qui appelle à paralyser, à bloquer la France, donc à partir de cette date du 10 septembre. Est-ce que François BAYROU, en prenant cette décision d'appeler un vote de confiance le 8 septembre, donc deux jours avant cet appel à la mobilisation, n'a pas été aussi mis en place pour court-circuiter ce mouvement, pour essayer, finalement, de mettre à mal ce mouvement qui semble prendre de l'ampleur et qui est récupéré, notamment par certains partis de gauche ?
PHILIPPE BAPTISTE
Alors ça, il ne m'a pas échappé qu'effectivement LFI est en train d'essayer de récupérer le mouvement ou de le prendre en otage, je ne sais pas. Enfin ça, c'est certain. Ce qui d'ailleurs pose un certain nombre de questions. Et le récupérer, pour quoi faire ? Personne ne sait non plus en dehors d'organiser le chaos. Ça, c'est sûr. Maintenant, moi, ma question, je pense que le fait d'avoir cette discussion le 8 au Parlement…
ANTOINE COMTE
Deux jours avant donc ce mouvement.
PHILIPPE BAPTISTE
Je pense qu'elle remet au cœur la question du Parlement. On vit dans une République avec un Parlement qui vote le budget.
ANTOINE COMTE
Mais là, vous ne répondez pas à ma question.
PHILIPPE BAPTISTE
C'est sa responsabilité. Mais ça veut dire que la discussion…
ANTOINE COMTE
Vous le craignez ce mouvement ou pas ?
PHILIPPE BAPTISTE
Mais non, mais la discussion, elle ne se fait pas dans la rue. La discussion, elle doit se faire au Parlement. Et je pense que c'est ça qui est fondamental. Je pense qu'aujourd'hui, personne ne sait exactement comment ce mouvement va évoluer, ce qu'il veut, etc. Quelles sont ses ambitions ? Ce qu'on voit, c'est très clairement des tentatives de récupération politique de la part de monsieur MÉLENCHON. Ça, c'est clair, on l'entend jour et nuit. Mais à part ça, aujourd'hui, il n'y a pas de proposition. On est dans une situation de crise budgétaire aujourd'hui. Est-ce que la réponse c'est tout bloquer ? Je ne crois pas.
ANTOINE COMTE
Merci Philippe BAPTISTE d'avoir répondu à mes questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 septembre 2025