Interview de M. Patrick Mignola, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement, à France Info le 26 août 2025, sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur la politique budgétaire par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale le 8 septembre.

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Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

HADRIEN BECT
Bonjour Patrick MIGNOLA.

PATRICK MIGNOLA
Bonjour.

HADRIEN BECT
Vous êtes un proche, un proche parmi les proches de François BAYROU. Est-ce que ça vous a surpris qu'il décide lui-même de la date de son départ ?

PATRICK MIGNOLA
Il ne s'agit pas de savoir si François BAYROU va durer ou pas durer.

PAUL BARCELONNE
Quand même c'est la question depuis ce matin.

PATRICK MIGNOLA
… Parce que tout le monde veut transformer ça en une question politique, alors qu'au fond, on a posé une question budgétaire, une question économique. Le sujet, ce n'est pas notre sort, ce n'est pas de savoir si François BAYROU va durer quelques semaines de plus. On lui a tellement fait le procès depuis qu'il arrive à Matignon de n'être là que pour durer. On lui a fait un procès en immobilisme, alors finalement on n'a jamais fait passer autant de textes au Parlement, même si ce Parlement est particulier. Et aujourd'hui, il a simplement constaté qu'après avoir fait un cadrage budgétaire le 15 juillet dernier, les oppositions ne voulaient pas entrer dans le débat. Elles attendaient tranquillement le 15 octobre en nous menaçant de censure.

HADRIEN BECT
Elles attendaient peut-être tout simplement le début des débats.

PATRICK MIGNOLA
Pour autant, nous on avait fait des propositions qui étaient discutables, négociables. Et personne n'avait l'intention de rentrer dans la négociation. Donc on leur dit aujourd'hui, écoutez, dans 15 jours, on fera non pas un vote de confiance. Je rappelle que constitutionnellement, c'est l'engagement de la responsabilité du Gouvernement. On entend bien que les oppositions évidemment ne vont pas voter une confiance à François BAYROU ou à la confiance au Gouvernement. Nous engageons la responsabilité du Gouvernement sur la situation budgétaire, la situation financière, en considérant qu'elle est grave et qu'elle est urgente. Si nous sommes d'accord sur le fait que la situation est grave et qu'elle est urgente alors il est d'autant plus urgent de rentrer dans la négociation. Et c'est ça qu'on veut provoquer, c'est cet électrochoc-là. On met notre tête sur le billot, et alors ? La France mérite ça.

HADRIEN BECT
Mais sauf que, pardon Patrick MIGNOLA, mais la question qui est posée, la question du constat n'est pas celle qui est posée par la question de confiance. Le constat, visiblement, à peu près tout le monde, quelques exceptions près, est d'accord sur le constat que oui, il y a de la dette, que oui, ce n'est pas simple, et que oui, il faudra tenter de régler ce problème. La question de confiance, c'est ce que nous disait ce matin, par exemple, Arthur DELAPORTE, qui est invité de France Info, il disait que poser la question de confiance sur un constat, ce n'est pas adapté.

PATRICK MIGNOLA
Non, je crois que c'est une façon, pour monsieur DELAPORTE, et globalement pour les oppositions, de droite et de gauche, qui apparemment seraient empressées à remélanger leur voix pour faire tomber le Gouvernement, c'est au fond un abus de langage, c'est une facilité. En fait, ils veulent transformer l'appel à la responsabilité que nous faisons en un vote de confiance pour ou contre BAYROU. Mais en l'occurrence, il ne s'agit pas de la personne de François BAYROU, il ne s'agit même pas de la composition de ce Gouvernement. On n'est pas en train de faire un délit de faciès sur le Premier ministre. Le sujet, c'est le sujet budgétaire. Et les oppositions, qui ne veulent pas discuter, je rappelle que nous, dès le 7 avril, nous avions fait un comité d'alerte sur la situation des finances publiques de la France, et les oppositions essayent d'échapper au débat, ne veulent pas prendre leur responsabilité, ne rentrent pas dans la négociation que nous souhaitons et que nous avons annoncée dès le départ, quelles que soient les mesures. Et aujourd'hui, ils transforment ce que nous avons annoncé hier… Je crois qu'il y a un pas courageux, mais on n'est pas là pour juger de ce qu'on fait. En tout cas, un pas important, un pas fondamental. On a dit que le sujet principal de la vie politique française d'aujourd'hui, c'est que nous serons impuissants si nous ne savons pas rééquilibrer nos finances publiques. Ils disent : "Mais au fond, c'est un vote de confiance". Je rappelle ce que c'est. 49-1 dans notre constitution… Le 49.3, tout le monde connaît. Le 49-1, c'est le Gouvernement engage sa responsabilité sur une politique, et en l'occurrence, sur la politique budgétaire. Et on ne dit pas : "vous devez adhérer à ce Gouvernement" ; on dit "nous devons partager notre contrainte."

HADRIEN BECT
Mais c'est le principe de la question. Pardon, on va peut-être avancer, mais c'est quand même le principe de cette question. En tout cas, c'est comme ça que l'ont comprise les députés, Paul BARCELONNE.

PATRICK MIGNOLA
Non, c'est comme ça que des oppositions de mauvaise foi voudraient le comprendre. Nous avons 15 jours pour leur convaincre de devenir à nouveau de bonne foi, parce que le sujet ce n'est pas le Gouvernement, c'est les Français.

HADRIEN BECT
Vous y croyez vraiment ?

PATRICK MIGNOLA
Absolument. Et nous pensons même que c'est la seule solution. C'est la seule solution.

PAUL BARCELONNE
Mais comment vous allez vous y prendre simplement Patrick MIGNOLA ? Vous nous dites, depuis le mois d'avril, personne ne veut entendre, on a fait des comités d'alerte. Il y a eu une conférence de presse le 15 juillet, personne ne veut rien entendre. Pourquoi cette fois-ci vous réussiriez alors que François BAYROU a mis sa tête sur le billot et s'est peut-être tiré une balle dans le pied ? On dit depuis ce matin que ce pari est perdu d'avance. Pourquoi cette fois-ci ça marcherait ? Et avec qui ?

PATRICK MIGNOLA
Alors je reviens un instant. Pourquoi en ne le faisant pas ça marcherait mieux ? Moi je vais vous dire comment ça se passerait. Comme tous les ans en matière budgétaire, quels que soient les gouvernements et quelles que soient leurs couleurs, on arrive et on dit…

PAUL BARCELONNE
49.3.

PATRICK MIGNOLA
Cette année la situation est difficile, il faut qu'on fasse 50 milliards d'économies. Je veux dire, tout le monde défend sa catégorie, prend sa posture politicienne, essaie de défendre ce qu'il croit être son intérêt politique ou électoral à l'avenir, et tout ça termine après de longues, d'innombrables négociations, d'enlisements divers, à au lieu de faire 50 milliards d'économies, on va en faire 20. Et c'est exactement ce que je disais…

PAUL BARCELONNE
Et ça suffit à dire que…

PATRICK MIGNOLA
Non mais, entendez ce que je dis. On ne peut pas faire comme toujours et comme avant. Pourquoi il y a de la dette en France ? C'est parce que quand chaque année, un Gouvernement vient en donnant un cadre budgétaire, tout le monde rediscute le cadre, pour que l'effort soit moindre. En l'occurrence, nous avons besoin d'un effort, un effort juste. Et c'est pour ça que les partenaires sociaux et les parlementaires sont appelés à en discuter, mais un effort important, un effort comme nous n'en avons jamais fait depuis 30 ans. Aujourd'hui, les Français sont imputés d'une partie du budget, de l'argent public qui pourrait leur bénéficier, simplement pour payer les intérêts de la dette.

PAUL BARCELONNE
Sauf qu'en faisant ça, vous créez vous-même le chaos, et l'instabilité, et la crise économique potentielle un peu plus d'un an après la dissolution.

PATRICK MIGNOLA
Vous n'allez pas nous accuser de l'irresponsabilité des oppositions.

PAUL BARCELONNE
Je ne vous accuse pas, je vous pose la question.

PATRICK MIGNOLA
Il ne faut quand même pas retourner les choses. Nous tendons la main aux oppositions en disant "est-ce qu'on est capable de partager le constat ?"

PAUL BARCELONNE
Vous l'avez suffisamment entendu ou pas cette fois, Patrick MIGNOLA ?

PATRICK MIGNOLA
Moi, j'ai passé tout l'été à discuter avec les uns et les autres. François BAYROU a expliqué à tous les partenaires sociaux, à tous les acteurs économiques, c'est adressé directement aux Français. Et au fond, il fait là ce qu'il dit depuis 20 ans, mais dans un moment où la France est arrivée au bord d'une falaise. Je ne veux pas surdramatiser, mais enfin, si on n'arrive pas à faire un budget enfin mieux équilibré, qu'est-ce qu'il se passera ? Avec nous ou avec nos successeurs, puisque vous avez l'air d'annoncer que nous aurons des successeurs. Très bien.

HADRIEN BECT
Dans tous les cas, vous en aurez…

PATRICK MIGNOLA
La censure ou l'absence de vote en faveur de ce constat et de ce cadre budgétaire le 8 septembre prochain ne changera pas la situation, ne changera pas la dette. Et si on ne fait pas un budget avec les efforts à peu près de moins de 1 % que nous proposions, si nous ne faisons pas ça, mais demain ce seront les agents du FMI qui le feront, comme ça s'est passé en Italie, en Espagne et au Portugal. Et donc on a voulu provoquer cet électrochoc.

HADRIEN BECT
Dans la pratique, vous dites que vous y croyez encore, contre toute réalité arithmétique en tout cas de ce matin.

PATRICK MIGNOLA
Oui, parce que les réactions d'hier soir sont à mon avis des réactions un peu rapides, un peu abruptes.

PAUL BARCELONNE
Surtout celles de le RN ? Ce message-là, c'est au RN qu'il s'adresse ?

HADRIEN BECT
Racontez-nous ou expliquez-nous.

PATRICK MIGNOLA
Le LFI explique que quoi qu'il arrive, ils veulent la stratégie du bordel, personne ne s'étonne ; qu'immédiatement le PS lui embraye le pas, je trouve ça un peu…

PAUL BARCELONNE
Ça dit quoi de l'État de la gauche ? Ça dit quoi de leur état d'esprit ? C'est quoi que vous vouliez nous dire ?

PATRICK MIGNOLA
Je n'arrive pas à comprendre.

PAUL BARCELONNE
Ils sont à la solde de Mélenchon ?

PATRICK MIGNOLA
En fait, aujourd'hui, quelle est la stratégie entre ces deux gauches-là ? Il y a deux gauches dans le pays qui font semblant de s'entendre quand il y a des élections, alors qu'ils n'en font rien de commun. Et moi je suis sûr qu'au sein du Parti Socialiste, mais aussi au sein du Parti Communiste, chez les Ecologistes, il y a des possibilités de discussion et de responsabilité. Ce sont des partis du gouvernement, ce ne sont pas juste des partis pour faire tomber des gouvernements.

HADRIEN BECT
On a besoin de comprendre ce qui vous rend encore, je ne sais pas si on peut dire optimiste, mais en tout cas pas trop pessimiste. Qu'est-ce que vous allez faire ? Ils vont être employés à quoi ces 15 prochains jours ?

PATRICK MIGNOLA
D'abord, avec chaque groupe parlementaire, il faut discuter sur comment on rend cet effort juste. Et je pense qu'en matière de justice fiscale et de justice sociale, François BAYROU l'avait dit dès le 15 juillet…

HADRIEN BECT
Pour bien comprendre ce que vous nous dites, là, maintenant ce matin à 8h42, c'est que d'ici au 8 septembre, le Gouvernement est prêt à amender le projet de budget qu'il avait présenté, qu'il a déjà présenté.

PATRICK MIGNOLA
On est capable de donner des pistes, évidemment. Parce qu'on voit bien que le rééquilibrage entre l'effort sur les économies et l'effort sur la fiscalité peut être discuté.

PAUL BARCELONNE
Quelle piste ?

PATRICK MIGNOLA
Et ça, être capable de travailler sur ces efforts-là. L'effort entre celui de l'État, celui du champ social et celui des collectivités locales peut être discuté. En fait, depuis le 15 juillet, nous, on a envie de quoi ? On a donné un cadre qui est de dire que nous devons faire une quarantaine de milliards d'efforts parce que c'est la seule façon de revenir à l'équilibre. Ces 40 milliards, voilà les pistes selon lesquelles on pourrait...

PAUL BARCELONNE
Vous acceptez de revenir sur les jours fériés, par exemple ?

HADRIEN BECT
Voilà, il y a la question des jours fériés.

PATRICK MIGNOLA
Dès le 15 juillet, on a dit, si vous faites mieux... Qu'est-ce qu'on a dit sur les jours fériés ? Que d'abord, dans ce pays, nous avons besoin de plus de production. Parce qu'on peut indéfiniment baisser la dépense publique. La moitié de la dépense publique, c'est la dépense sociale. Donc à chaque fois qu'on dit qu'il faut baisser la dépense publique, la moitié des mots portent sur la dépense sociale. On peut le faire indéfiniment. Mais on peut aussi considérer qu'il faut faire plus de richesses dans le pays. Et donc travailler plus. Alors, il y a énormément de Français, évidemment qu'on en est conscients, et François BAYROU le premier, qui travaillent énormément. Mais on a besoin de travailler tous plus. C'est-à-dire que les jeunes rentrent plus tôt sur le marché du travail, que l'emploi des seniors, enfin, on règle ce sujet. Et ça, c'est le sujet des partenaires sociaux.

HADRIEN BECT
Il y a aussi cette perception que ce budget est injuste parce que c'est le doublement des franchises médicales, parce que ce sont ces jours fériés, parce qu'il y a ce gel des barèmes de l'impôt. Donc ça, ce sont des choses que vous pourriez dire : "ça, en fait, on ne le fait pas" ?

PATRICK MIGNOLA
Alors, l'injustice qui est perçue, c'est un certain nombre de Français qui disent mais ce sont toujours les mêmes qui payent. Et ça, moi, je voudrais m'inscrire en faux. C'est un effort qui porte sur tous. On n'a pas ciblé telle ou telle catégorie. On a juste expliqué que là, au train où ça va, si nous continuons ainsi, si nous ne faisons aucun effort, de toute façon, nous allons sombrer.

HADRIEN BECT
On ne vous sent pas très prêt à bouger, quand même, ce matin.

PATRICK MIGNOLA
Si. Peut-être que je ne m'exprime pas suffisamment bien, Hadrien BECT, mais évidemment que tout est discutable et tout est négociable parce que ce budget, il doit être négociable et équitable. Et l'équité, elle se discute évidemment avec les partenaires sociaux. Mais il y a une condition préalable, c'est qu'on soit d'accord sur l'orientation. Et l'orientation, c'est que nous devons revenir à 3 % de déficit budgétaire en 2029. Sinon, nous ne saurons pas faire les efforts qui sont nécessaires pour les Français en matière de défense, en matière de transition écologique et en matière de protection sociale.

PAUL BARCELONNE
Si Hadrien vous dit qu'il sent que vous n'êtes pas beaucoup prêt à bouger ce matin, ou en tout cas vous pose la question, c'est parce que le débat a été personnifié sur la seule personne de François BAYROU. Êtes-vous pour ou contre son départ, hier en faisant ça, en jouant ce coup de poker dont on parle depuis un quart d'heure ?

PATRICK MIGNOLA
Alors justement, j'essaie vraiment de démonter cette idée qui est au fond une petite facilité dans laquelle les oppositions voudraient nous enfermer.

PATRICK MIGNOLA
Les oppositions qui ne veulent pas voir la réalité budgétaire, elles disent : "C'est un sujet de pour ou contre BAYROU". Au fond, c'est la confiance ou non faite à BAYROU. Mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, il est budgétaire. Le sujet n'est pas politique, le sujet est économique.

HADRIEN BECT
Patrick MIGNOLA, d'un mot…

PATRICK MIGNOLA
Revenons à ça. Est-ce que vous êtes capable d'entendre que la France a besoin d'un immense effort budgétaire ? Est-ce que vous en êtes capable ? S'ils n'en sont pas capables, effectivement, ils essayent de s'échapper en disant : "Oui. Mais il s'agit d'un vote de confiance au Gouvernement. Donc vous comprenez, on ne peut pas le faire".

HADRIEN BECT
Alors justement…

PATRICK MIGNOLA
Bon on va sortir des hypocrisies parce qu'à la fin, c'est l'intérêt des Français qu'il faut regarder.

HADRIEN BECT
Justement, vous dites : "Il ne faut pas personnifier..." et après on va aller au fil info, mais il ne faut pas personnifier ce débat. À l'instant, Jean-Luc MELENCHON dit qu'en cas d'absence de confiance pour François BAYROU, Emmanuel MACRON devra partir et la France Insoumise va de nouveau lancer une procédure de destitution. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

PATRICK MIGNOLA
Rien d'étonnant. La stratégie de Jean-Luc MELENCHON est de faire tomber tous les gouvernements, les uns après les autres, parce qu'il est impatient. Au fond, il est impatient qu'il y ait une nouvelle élection présidentielle. Vous savez, moi, j'ai été dans la vie politique française pendant 25 ans, tantôt dans la majorité et tantôt dans l'opposition. Quand j'étais dans l'opposition, je n'essayais pas de précipiter l'élection suivante pour prendre la responsabilité. Ce que veut Jean-Luc MELENCHON, c'est de déstabiliser…

HADRIEN BECT
Mais elle ne va pas finir par se poser, pardon, Patrick MIGNOLA, cette question d'un possible départ d'Emmanuel MACRON ? Elle ne va pas se poser à nouveau si François BAYROU chute ?

PATRICK MIGNOLA
Là aussi, essayons de…

PAUL BERCELONNE
C'est lui qui va être le seul responsable.

PATRICK MIGNOLA
Essayons de dépersonnaliser. Si un président de la République démissionnait aujourd'hui, ça signifierait que tous les prochains présidents de la République, en cas d'élection intermédiaire perdue, ou en cas de crise politico-sociale et la vie d'un pays, c'est de passer de crise en crise, ou en tout cas de moments de difficulté. Parce que le courage politique, c'est aussi d'affronter la difficulté. Il faudrait qu'à chaque fois qu'on élit un président de la République, à la moindre crise intermédiaire, il soit contraint au départ. Moi, ce n'est pas ce que je veux pour mon pays.

HADRIEN BECT
Patrick MIGNOLA, vous restez avec nous. On se retrouve juste après le fil Info, 8h47. Et Marie MAHEUX.

(...)

PAUL BARCELONNE
Toujours avec le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Patrick MIGNOLA. Vous venez, sur France Info, d'écarter l'hypothèse clairement d'un départ d'Emmanuel MACRON en cas d'échec du vote de confiance le 8 septembre pour François BAYROU. En revanche, est-ce que vous écartez, avec la même fermeté, l'hypothèse d'une dissolution ? Ce matin, votre collègue ministre de la Justice, Gérald DARMANIN disait : "Non. Cette hypothèse revient sur la table". Nouvelle dissolution pour éviter le blocage des institutions. On y va tout droit ou pas ?

PATRICK MIGNOLA
En fait, ça fait partie des différents outils institutionnels qui sont à la main du président de la République. Mais vous voyez, ce que je trouve surprenant et pour pas dire choquant, c'est qu'on revient toujours à des sujets politiques. Nous, on s'échine depuis des mois à expliquer aux Français et à travers vous, souvent grâce aux médias, que nous sommes dans une situation qui est au fond pas politique.

PAUL BARCELONNE
Mais elle est aussi politique. Pardon Patrick MIGNOLA.

PATRICK MIGNOLA
Qui est une situation dangereuse. Non.

PAUL BARCELONNE
Depuis la dissolution le 9 juin, tout est devenu politique.

PATRICK MIGNOLA
Ce qui est politique, vous savez, pour les Français, c'est de savoir si on est capable de renforcer notre effort de défense, face aux risques qui sont évidents et que tout le monde voit. C'est de savoir si on est capable de mettre plus d'argent dans notre transition écologique. On vient de passer un été qui en a encore prouvé la nécessité. C'est de savoir si demain, on serait capable d'améliorer notre protection sociale et je pense, depuis le temps qu'on en parle, au sujet du cinquième risque, la situation des EHPAD, nos personnes âgées, la montée des risques d'autonomie.

HADRIEN BECT
Mais ça, c'est de la politique publique, Patrick MIGNOLA.

PATRICK MIGNOLA
Et donc ça, c'est de la politique publique et ça se fait avec de l'argent public.

HADRIEN BECT
Oui mais... pardonnez-moi de vous le dire.

PATRICK MIGNOLA
Et pour avoir de l'argent public, il faut que la France assainisse ses dépenses. Et donc avant de faire de la politique, il faut qu'on ait un préalable. C'est qu'enfin on se remette la tête à l'endroit sur le plan financier. Alors certains ne veulent pas l'entendre.

PAUL BARCELONNE
Sauf que vous faites passer avec le vote de confiance la question politique avant la question de…

PATRICK MIGNOLA
Pas du tout. C'est l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur la situation financière du pays. Est-ce que nous sommes d'accord pour constater que la situation est grave ? Est-ce que nous considérons qu'elle est urgente ? Est-ce que, dans ce cas-là, le cadre d'effort est bien l'objectif de trouver 40 milliards d'Euros ? Si nous ne le faisons pas, mais on peut avoir tous les débats politiques du monde, ils feront place à toutes les déceptions du monde parce qu'évidemment, nous n'aurons pas la possibilité de les financer.

PAUL BARCELONNE
Ce que vous dites, c'est que vous avez commencé à faire le sale boulot pour ceux qui viendront derrière, notamment en 2027 ou pas ?

PATRICK MIGNOLA
Est-ce qu'on imagine une élection présidentielle en 2027 où tous les candidats feraient des promesses qui sont par avance infinançables ? Et il faut se représenter ça. C'est-à-dire on est à un an et demi de l'élection présidentielle. Tout le monde ne parle que de l'élection présidentielle.

PAUL BARCELONNE
Elle a commencé. Elle a commencé peut-être depuis hier soir.

PATRICK MIGNOLA
Mais il n'y a pas d'élection présidentielle s'il n'y a pas de finance saine. Dans une famille, on peut avoir tous les projets du monde. Si on n'a pas de sous, on n'a pas de sous. Vous avez raison. On fait certainement une partie du sale boulot qui de toute façon sera nécessaire si on veut être crédible dans les orientations de société qu'on voudra proposer à la société française en 2027.

HADRIEN BECT
Patrick MIGNOLA, nous aussi ce qu'on entend, et on l'a entendu ce matin encore sur France Info, ce sont des Français qui disent : "Mais nous, ces déficits, ce n'est pas de notre faute, ce n'est pas nous qui sommes au pouvoir. Ce sont les gouvernements successifs d'Emmanuel MACRON qui ont fait des centaines de milliards d'euros de dettes depuis sept ans."

PATRICK MIGNOLA
En général, les politiques font toujours un peu de démagogie et là je n'en ferai pas. En fait, tous les gouvernements successifs depuis 30 ans ont en effet échoué à rétablir un certain assainissement des finances publiques.

HADRIEN BECT
Mais vous comprenez qu'il n'y a pas forcément d'adhésion.

PATRICK MIGNOLA
Mais on se trompe quand on dit que nous n'en profitons pas. Moi je n'ai pas toujours été un homme politique. Et que je le sois ou non, je suis content que mes enfants aillent à l'école gratuitement. J'ai été content quand j'ai fait un infarctus que l'hôpital me soigne gratuitement. Je suis content qu'il y ait des services publics au quotidien, des routes, des bâtiments publics, qu'il y ait des services. Je suis content qu'on aide la police. Je suis content qu'on aide l'armée. Je suis content au fond que l'État soit là. Il y a 57 % de dépenses publiques dans le PIB de la France.

HADRIEN BECT
On ne va pas refaire le débat mais vous savez qu'il y a aussi une impression, un sentiment de dégradation des services publics et donc avec une dette qui augmente. Voilà. Je ne vous apprends rien.

PATRICK MIGNOLA
Et pourquoi ? Parce qu'en fait nous avons fait le choix dans notre pays, et je crois qu'il faut continuer à le faire, de faire en sorte d'avoir une protection sociale qui est un modèle unique au monde. Les Français sont socialement les plus protégés, les mieux protégés du monde. Et donc quand on met de l'argent dans le social, on ne le met pas forcément ailleurs. Et donc nous nous disons : "Il ne faut pas réduire la protection sociale, il ne faut pas réduire la protection des Français". Au contraire, je vous parlais tout à l'heure de la question des personnes âgées, il faut encore l'améliorer, cette protection sociale. Mais pour cela, il faut qu'on accepte de tous produire plus. Parce que si on n'accepte pas de tous produire plus, c'est-à-dire un peu d'effort en matière d'économie, je vous le disais tout à l'heure, la demande d'effort, c'est 1 % réparti à peu près sur tous les Français, et en effet on peut discuter de la meilleure façon de le répartir. Mais à côté de ça, on a besoin de tous produire plus. Depuis le début des années 2000, on a fait dans notre pays le choix de travailler un peu moins que les autres. Moi, je crois que ça vaut le coup qu'on travaille tous un peu plus dans la semaine et un peu plus dans la vie, et qu'on accepte de faire cet effort de production si c'est pour sauver ce modèle de protection sociale unique au monde.

PAUL BARCELONNE
Est-ce que vous ne craignez pas quand même des conséquences économiques sur les marchés ? On a vu la réaction hier soir des marchés, le CAC 40 devrait ouvrir en baisse de quelques 1 % dans les prochaines minutes. Est-ce que vous ne craignez pas que les marchés se cabrent, que le FMI, le Fonds monétaire international, soit définitivement à nos portes, que les agences de notation sanctionnent le pays avec ce vote de confiance, et les conséquences politiques qui l'entraînent et dont on parle depuis une demi-heure ?

PATRICK MIGNOLA
Moi je suis sûr d'une chose, c'est que si le 8 septembre, l'Assemblée nationale vote sur cet engagement de responsabilité du gouvernement à faire un budget équilibré, je suis sûr que la situation financière et budgétaire sera meilleure.

PAUL BARCELONNE
Et si ça n'est pas le cas, quelle hypothèse quand même ? Pardonnez-moi, mais…

PATRICK MIGNOLA
Oui. Mais d'ailleurs, ce qui aurait été le cas, parce qu'au fond, nous ne faisons que dire l'urgence. On a avancé le calendrier d'un mois. Sinon, dans un mois, on avait exactement la même discussion, autour du texte budgétaire.

PAUL BARCELONNE
Vous voulez dire dans un mois, au début…

PATRICK MIGNOLA
Et si le budget tombait par la censure du Gouvernement à la mi-octobre, de toute façon, les effets étaient connus. Les agences de notation décotent la France, les taux d'intérêt augmentent. Ce sont donc les plus fragiles qui en souffrent, parce que c'est d'abord les découverts bancaires qui vont être payées extrêmement chères, et ce sont les entreprises, et donc, c'est l'emploi. Et dans ce cas-là, on arrive à une forme de défaut de paiement. Je ne décris pas un enfer, je décris exactement ce qui s'est passé en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Suède, il y a quelques années. Et dans ce cas, les agents du FMI arrivent. Ne nous dites pas que ce serait de notre faute si le 9 septembre, les agents du FMI arrivent. Les oppositions programmaient à l'avance l'arrivée des agents du FMI le 25 octobre. Nous disons : "Evitons cela".

HADRIEN BECT
Donc ça va être le cas le 9 septembre.

PATRICK MIGNOLA
Nous avons la possibilité d'éviter. On n'est pas capable de se mettre d'accord sur la situation financière du pays, sur un cadre budgétaire un peu sain, sur une compétence, un esprit de responsabilité collectivement partagé ? Enfin, évidemment que si.

HADRIEN BECT
Une toute dernière question à laquelle vous n'avez pas répondu quand Paul BARCELONNE vous l'a posée, sur l'hypothèse d'une dissolution. Il ne faut pas l'écarter, dit ce matin Gérald DARMANIN. Je vous repose la question. Est-ce que ce serait pertinent de dissoudre ?

PATRICK MIGNOLA
Alors ce n'est certainement pas à moi de juger de la pertinence, et moins encore en ma qualité de ministre des Relations avec le Parlement. Mais ça fait partie des outils qui sont à la disposition du président de la République.

PAUL BERCELONNE
Donc ça existe. Cette hypothèse existe.

PATRICK MIGNOLA
Moi, vous savez, je veux, et jusque au 8 septembre au soir, où j'espère bien que nous aurons gagné ce vote de responsabilité sur les finances publiques, je ne parlerai que de budget, je ne parlerai que d'économie, je parlerai de toutes les concessions et de toutes les discussions qu'il faut avoir. Mais je ne veux pas menacer, au fond. Parce que la menace de dissolution, la menace d'instabilité politique, la seule instabilité que je vois et qui est dangereuse pour les Français, c'est l'instabilité économique dans laquelle…

PAUL BERCELONNE
Et la suite c'est quoi ? Il faut appeler un Premier ministre de gauche capable de faire le pont ?

PATRICK MIGNOLA
Vous voyez, vous revenez à la politique. Je ne parlerai que de budget. Je suis désolé Paul BARCELONNE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 septembre 2025