Texte intégral
THOMAS SOTTO
L'invité de RTL Matin c'est le patron de la diplomatie française, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël BARROT, qui est aussi vice-président du MoDem. Bonjour et bienvenue sur RTL Jean-Noël BARROT.
JEAN-NOËL BARROT
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
François BAYROU, le Premier ministre, va donc demander – on l'évoquait avec François – un vote de confiance à l'Assemblée, ce sera le 8 septembre. Est-ce que vous avez commencé à faire vos cartons ?
JEAN-NOËL BARROT
Non, je saluais cet acte de courage et de lucidité. François LENGLET parlait à l'instant de la responsabilité des dirigeants politiques. Voilà que le Premier ministre de la France, François BAYROU, propose au Parlement de prendre ses responsabilités, de dire si oui ou non la France est au bord du surendettement. Il donne rendez-vous aux responsables politiques pour qu'ils prennent leurs responsabilités devant les Français.
THOMAS SOTTO
C'est du courage ou c'est de la responsabilité ou c'est " courage, fuyons " d'offrir comme ça un revolver chargé à son opposition ?
JEAN-NOËL BARROT
Non, je ne crois pas. Je crois que le constat a été très bien établi et je crois que la question qui sera posée le 8 septembre est très simple : est-ce que, oui ou non, nous refusons que le pays sombre dans le surendettement ? Est-ce que, oui ou non, nous refusons de livrer notre pays aux griffes des marchés financiers et des agences de notation ? Est-ce que, oui ou non, nous refusons de transmettre une France écrasée par la dette à nos enfants ?
THOMAS SOTTO
Mais on a la réponse Jean-Noël BARROT. Tous les partis politiques d'opposition ont dit, depuis hier soir, qu'ils ne voteraient pas la confiance, qu'ils voteraient contre. Donc on connaît le résultat.
JEAN-NOËL BARROT
Peut-être devraient-ils écouter la question. La question qui est posée c'est est-ce que la situation est grave et est-ce que la dimension de l'effort proposé par le Premier ministre et le Gouvernement, 44 milliards d'Euros, est acceptable ? Je crois que la réponse est oui et je crois que c'est de la responsabilité des dirigeants politiques, tous partis confondus, de s'y résoudre.
THOMAS SOTTO
Vous en voulez aux Socialistes, aux RN, à LFI de s'être prononcés aussi vite hier ou pas ?
JEAN-NOËL BARROT
À nouveau, je crois qu'ils doivent bien écouter la question parce que s'ils devaient voter contre ce constat d'un danger, d'un risque très élevé pour notre pays, eh bien ils risqueraient de nous plonger collectivement dans l'instabilité et dans la crise. Et je crois qu'ils en seraient redevables devant les Français.
THOMAS SOTTO
Est-ce que ce pays est ingouvernable avec cette assemblée ?
JEAN-NOËL BARROT
Non, je crois que les Français sont tout à fait lucides sur les défis qui sont devant nous, qu'ils sont tout à fait prêts aux efforts nécessaires à condition qu'ils soient justement répartis. Je crois qu'il appartient aux dirigeants politiques, à l'Assemblée nationale d'écouter les Français.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il ne faut pas les écouter et leur redonner la parole ? Est-ce qu'on pourra s'en sortir sans retourner aux urnes d'une manière ou d'une autre ?
JEAN-NOËL BARROT
Les grandes échéances viendront. Nous avons là une question qui est très simple : est-ce que nous pouvons nous en sortir sans mettre un coup de frein à la dépense ? Et un coup de frein qui est limité. On parle de 44 milliards d'Euros sur 1 700 milliards d'Euros de dépenses publiques. C'est un remède pour éviter d'en venir à des cures d'austérité, comme d'autres pays autour de nous en ont subi et que nous ne voulons pas. Et puis je crois qu'il y a quelque chose aussi qui est très profondément choquant aujourd'hui pour les Français. C'est que nous sommes des pays qui utilisent l'Euro, celui qui, aujourd'hui, emprunte le plus cher. Non seulement ça confisque le fruit du travail des Français, la richesse nationale, qui est aujourd'hui engouffrée dans le remboursement de la dette, mais en plus c'est une injustice criante vis-à-vis des générations futures, puisqu'on leur renvoie une dette qui deviendra asphyxiante.
THOMAS SOTTO
Et je vous repose ma question. Est-ce qu'on pourra s'en sortir de la crise politique dans laquelle finalement on est plongé depuis la dissolution, et qui va s'amplifier sans doute le 8 septembre ? Est-ce qu'on pourra s'en sortir sans une nouvelle dissolution par exemple ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu'il est tout à fait possible que le 8 septembre, les responsables politiques à l'Assemblée nationale disent " Oui, la situation est grave, il nous faut faire des efforts, le Gouvernement a raison de nous y inviter, ensuite s'ouvrira... "
THOMAS SOTTO
Pardon Jean-Noël BARROT mais est-ce que vous croyez à ce que vous dites ce matin ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois que c'est ce qu'attendent les Français.
THOMAS SOTTO
Oui, mais entre tous les responsables politiques - et ce ne sont pas des seconds couteaux - tous les leaders qui ont dit hier, dès que François BAYROU a fini sa conférence de presse, " la confiance, c'est non ". Donc je veux bien qu'on continue à faire semblant de croire que…
JEAN-NOËL BARROT
Mais est-ce bien responsable que de dire cela ? Alors que nous le voyons, nous l'avons vu d'ailleurs, quelques minutes après les réactions de ces responsables politiques, ce sont justement les créanciers de la France, les marchés financiers, comme le disait François LENGLET, qui ont immédiatement réagi très négativement à ces déclarations. Pourquoi ? Parce qu'elles sont irresponsables. Ecoutez la question, ai-je envie de dire aux dirigeants politiques et à l'Assemblée nationale, la question est simple, la situation est-elle grave ? La dimension de l'effort proposé est-elle juste ?
THOMAS SOTTO
Monsieur le ministre des Affaires étrangères, sommes-nous, la France est-elle fâchée avec les États-Unis ?
JEAN-NOËL BARROT
Vous avez sans doute en tête la discussion que nous avons eue avec les représentants américains en France, qui avaient fait des déclarations qui, il est vrai, étaient injustifiables.
THOMAS SOTTO
L'ambassadeur Charles KUSHNER a tenu des propos en critiquant l'absence d'action suffisante contre l'antisémitisme d'Emmanuel MACRON. Il a été convoqué au Quai d'Orsay, il n'est pas venu hier, vous le confirmez ?
JEAN-NOËL BARROT
Il n'est pas venu.
THOMAS SOTTO
Il n'est pas venu, c'est un problème ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est son numéro 2, le numéro 2 de l'ambassade américaine qui est venu, auquel nous avons dit que ces déclarations étaient injustifiables et injustifiées. Injustifiables parce qu'il n'appartient pas aux représentants d'un pays étranger de venir donner des leçons de Gouvernement à la France dans son pays.
THOMAS SOTTO
C'était une ingérence américaine ?
JEAN-NOËL BARROT
Et c'est injustifié parce que peu de pays dans le monde sont aussi radicalement, farouchement opposés à l'antisémitisme, et ce depuis la Révolution française.
THOMAS SOTTO
Pardon, mais est-ce que les propos de l'ambassadeur KUSHNER constituent une ingérence américaine dans les affaires françaises ?
JEAN-NOËL BARROT
Je vous l'ai dit, ce sont des propos injustifiables et injustifiés.
THOMAS SOTTO
Bon, et le fait qu'il ne soit pas venu, il vous dit " cause toujours " en fait, non ?
JEAN-NOËL BARROT
Non, vous savez, j'aurai l'occasion de m'entretenir à nouveau avec lui dans les prochains jours, j'aurai l'occasion de lui passer ses messages et de lui dire…
THOMAS SOTTO
Vous allez le reconvoquer ?
JEAN-NOËL BARROT
Je vais le rencontrer comme c'était prévu. Il y a à peu près un an, quand j'ai pris mes fonctions, le premier jour, j'ai présidé un événement international sur la lutte contre l'antisémitisme. Parce que l'antisémitisme, la France le combat non seulement à l'intérieur, dans ses rues, sur les réseaux sociaux, mais elle le combat aussi sur la scène internationale.
THOMAS SOTTO
Mais parfois les Juifs en France n'ont pas ce sentiment. Vous avez peut-être entendu hier matin la soeur d'Ilan HALIMI qui était l'invité de Marc-Olivier FOGIEL, ici même sur RTL. Ilan HALIMI, rappelons-le, massacré par le gang des barbares parce qu'il était juif, il y a 19 ans. Elle a reproché, elle aussi, Emmanuel MACRON d'alimenter le feu antisémite - ce sont ses mots - et de ne rien faire. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
JEAN-NOËL BARROT
Qu'il y a une explosion des actes antisémites, que nous le déplorons, et que nous les condamnons. Mais ça ne veut pas dire pour autant que la France ne fait rien. Et, puisqu'on parle des États-Unis, je veux rappeler simplement que nous avons, en France, la législation la plus répressive contre l'antisémitisme, que ce soit dans la rue ou en ligne.
THOMAS SOTTO
Qui n'est pas suffisante visiblement.
JEAN-NOËL BARROT
J'y ai moi-même contribué avec une loi qui a été adoptée en 2023 qui permet de bannir des réseaux sociaux quelqu'un qui se serait rendu coupable d'appel à la haine ou d'antisémitisme.
THOMAS SOTTO
L'incident est clos avec les Américains ou pas ? Ou pas tout à fait ? J'ai l'impression que ce n'est pas tout à fait quand même.
JEAN-NOËL BARROT
J'ai le sentiment que le message est passé.
THOMAS SOTTO
Jean-Noël BARROT, dans ce contexte de tensions avec les États-Unis, de tensions avec Israël aussi, la reconnaissance de l'État palestinien par la France reste-t-elle d'actualité ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr.
THOMAS SOTTO
C'est une certitude ? Ce sera fait ?
JEAN-NOËL BARROT
Absolument.
THOMAS SOTTO
Quand ?
JEAN-NOËL BARROT
Au mois de septembre, le 22, c'est-à-dire en amont.
THOMAS SOTTO
L'Assemblée Générale des Nations Unies ?
JEAN-NOËL BARROT
L'Assemblée Générale des Nations Unies, comme le Président de la République l'a annoncé.
THOMAS SOTTO
Vous ne reviendrez pas là-dessus ?
JEAN-NOËL BARROT
Mais pourquoi ? Figurez-vous ce que nous avons réussi à obtenir grâce à cette dynamique internationale que nous avons créée. À New York, juste avant la coupure du mois d'août, nous avons obtenu, pour la première fois, que la communauté internationale condamne le Hamas et ses crimes, appelle à son désarmement. Nous avons obtenu que des pays qui, jusqu'à présent, ont été aux côtés, si je puis dire, du Hamas, comme le Qatar ou la Turquie, appellent à son désarmement et affichent leur intention d'avoir des relations normales avec Israël, de s'insérer aux côtés d'Israël et de cet État…
THOMAS SOTTO
Mais est-ce qu'aujourd'hui vous n'êtes pas…
JEAN-NOËL BARROT
C'est inédit, ça n'était jamais arrivé jusqu'à présent.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'aujourd'hui, le Gouvernement français n'est pas trop indulgent, pour ne pas dire faible, avec celui de Benyamin NETANYAHOU ? Il y a eu, hier, ce bombardement d'un hôpital à Gaza. Une première frappe, suivie d'une deuxième au moment où les secours sont sur place. Huit minutes après, Benyamin NETANYAHOU parle d'un accident. C'est quoi pour vous ? C'est une bavure ? C'est un crime délibéré ?
JEAN-NOËL BARROT
Pardonnez-moi, mais je suis un peu étonné par votre question, puisque la dynamique que la France a enclenchée, qui a permis d'obtenir enfin cette condamnation unanime de la communauté internationale contre le Hamas pour les crimes qu'il a commis, y compris à l'encontre de ressortissants français. La France qui a entraîné dans son sillage le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, dans cette dynamique de reconnaissance. Et vous me dites que nous sommes indulgents avec le Gouvernement d'Israël qui n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer cette attitude de la France.
THOMAS SOTTO
Parce que par ailleurs, il continue à faire ce qu'il veut. Il bombarde des hôpitaux, il ne laisse pas entrer les journalistes, il tire sur les civils, il affame Gaza.
JEAN-NOËL BARROT
Ce qui est totalement inacceptable. Et c'est pourquoi nous considérons, la France considère, que la pression doit s'accentuer sur le Gouvernement israélien. Un Gouvernement israélien dont l'attitude et les choix sont aujourd'hui dénoncés, y compris dans la société civile israélienne. Et c'est pourquoi, cette semaine, lorsque je retrouverai mes collègues ministres des Affaires étrangères, je proposerai une nouvelle fois que des mesures soient prises à l'encontre des intérêts israéliens, tant que les demandes que nous avons formulées ne seront pas respectées.
THOMAS SOTTO
Je voudrais qu'on se dise quelques mots - il nous reste moins de deux minutes - de la situation avec la Russie, de nos relations avec la Russie. Qui a raison, qui se trompe ? Emmanuel MACRON qui diabolise Vladimir POUTINE en disant qu'il est un prédateur et un ogre à nos portes, ou Donald TRUMP qui lui parle, le rencontre, voire le flatte ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est une question ?
THOMAS SOTTO
Oui.
JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu'il n'y a plus aucun doute sur l'intention qui est celle de Vladimir POUTINE de reconstituer l'empire colonial de l'Union française.
THOMAS SOTTO
Mais il ne faut toujours pas lui parler ? Lui reparler ?
JEAN-NOËL BARROT
Mais ça n'est pas la question. Vous pouvez tout à fait parler avec quelqu'un qui a des intentions qui sont contraires à vos intérêts. Ça n'est pas du tout la question. La question c'est de clarifier ce que sont les intentions de la Russie et de prendre des décisions en conséquence.
THOMAS SOTTO
C'est un pays ennemi, la Russie, aujourd'hui ou pas ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est un pays qui a décidé d'oeuvrer au démantèlement de tout ce que nous avons construit depuis 80 ans pour assurer la sécurité et la paix sur le continent Européen. L'Union Européenne, l'OTAN, voilà ce que sont les ennemis de Vladimir POUTINE. Si nous voulons préserver ces acquis qui nous ont garanti la paix et la sécurité, alors il faut accroître la pression sur la Russie de Vladimir POUTINE et bien sûr continuer à soutenir ardemment la résistance ukrainienne.
THOMAS SOTTO
Jean-Noël BARROT, un de nos ressortissants. Laurent VINATIER est en prison en Russie depuis plus d'un an, condamné à trois ans de prison et désormais accusé d'espionnage. Il a de nouveau été entendu par la justicière. Il risque désormais une peine de 20 ans. Laurent VINATIER est-il, comme il le dit lui-même, un otage du pouvoir russe ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous appelons à sa libération immédiate. Nous condamnons ces pratiques qui sont d'ailleurs tout à fait typiques de l'attitude du régime de Vladimir POUTINE, vis-à-vis de la liberté d'expression, vis-à-vis de la liberté de la presse…
THOMAS SOTTO
C'est un prisonnier politique aujourd'hui ou pas ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous appelons à sa libération immédiate.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il travaille pour le Quai d'Orsay ? Est-ce qu'il est un agent français, Laurent VINATIER ?
JEAN-NOËL BARROT
Absolument pas.
THOMAS SOTTO
Non ? Ce n'est pas une couverture, ce que lui semblent lui reprocher les Russes ?
JEAN-NOËL BARROT
Non. C'est une atteinte à la liberté d'expression, à la liberté de la presse.
THOMAS SOTTO
Il est la victime des relations exécrables entre nos deux pays ? Le dommage collatéral ?
JEAN-NOËL BARROT
Il est la victime de l'absence de liberté de la presse, de liberté d'expression, dans une Russie qui, vous l'aurez constaté ces dernières semaines, va jusqu'à éteindre les réseaux sociaux pour empêcher sa population de prendre conscience de la guerre que la Russie mène aujourd'hui contre l'Ukraine.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 septembre 2025