Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Laurent MARCANGELI.
LAURENT MARCANGELI
Bonjour.
ALIX BOUILHAGUET
Vous êtes ministre de la Fonction publique. À quatre jours du vote de confiance : surprise décidée par François BAYROU. Est-ce que vous avez déjà fait vos bagages ?
LAURENT MARCANGELI
Non. Non, je n'ai pas fait mes bagages, parce que je suis à mon affaire jusqu'à la fin. J'ai reçu des organisations syndicales. J'ai maintenu mon agenda. J'ai fait, la semaine dernière, un déplacement à Amiens, dans la Somme. Et je serai ministre jusqu'à la dernière minute.
ALIX BOUILHAGUET
Ministre jusqu'à la dernière minute. Mais aujourd'hui, c'est vrai que les Français sont en colère. D'après un sondage Elabe, 82% d'entre eux jugent la séquence politique actuelle comme un spectacle navrant. Ils considèrent que la classe politique n'est pas à la hauteur de la situation. À qui la faute ? À Emmanuel MACRON ou à François BAYROU qui a semblé se torpiller lui-même ?
LAURENT MARCANGELI
Moi, je ne vais nommer personne. Je suis engagé dans la vie publique depuis longtemps. J'ai exercé de nombreux mandats : locaux, nationaux. Je pense que tout le monde est responsable. Tout le monde. Personne ne peut…
ALIX BOUILHAGUET
Non, mais Laurent MARCANGELI, est-ce que vous avez compris la démarche du Premier ministre ? Demander la confiance des Députés. C'est parce qu'il pense l'obtenir pour prendre date ? Est-ce qu'il soigne sa sortie ?
LAURENT MARCANGELI
Je soutiens le Premier ministre jusqu'à la fin. Je suis membre de ce Gouvernement. Je suis solidaire. Je suis solidaire du Gouvernement et du Premier ministre. Un ministre, lorsqu'il n'est pas solidaire, il prend ses responsabilités : il s'en va. Donc, ce combat, je le mène avec François BAYROU. Il a ma confiance, comme je pense avoir la sienne depuis le mois de décembre.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, vous avez compris sa démarche, de demander la confiance, alors qu'il n'a pas passé un coup de fil, cet été, pour essayer d'avoir des accords ?
LAURENT MARCANGELI
Je soutiens le Premier ministre. Je soutiendrais le Premier ministre jusqu'à la fin, sinon, je ne serais pas membre de ce Gouvernement, et vous ne me recevrez pas en qualité de ministre.
ALIX BOUILHAGUET
Mardi, Emmanuel MACRON lui indique un cap, c'est-à-dire élargir la majorité, se tourner notamment vers les socialistes. Le lendemain, on s'attendait à ce que François BAYROU lâche du lest à sa gauche. Qu'est-ce qu'il a fait ? Il s'est tourné du côté du Rassemblement national en plaidant pour une restriction des soins pris en charge par l'aide médicale d'Etat pour les étrangers sans papiers. Il n'y croit plus, non plus, lui-même, François BAYROU.
LAURENT MARCANGELI
Ecoutez. Ça, c'est... Le discours aura lieu lundi. Il y aura un discours dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Et ensuite, il y aura l'ensemble des forces politiques qui vont répondre. Je pense que vous vous trompez de question depuis tout à l'heure, madame BOUILHAGUET. Je vais vous expliquer pourquoi. Le problème, ce n'est pas ça. Le problème, c'est l'endettement historique du pays. Ce sont les dettes qu'on va léguer aux générations futures. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, si François BAYROU est renversé par l'Assemblée nationale, avec son Gouvernement, le problème va demeurer. Et que le futur Gouvernement, qu'il soit de gauche, qu'il soit Rassemblement national, qu'il soit de droite ou je ne sais quoi encore, eh bien, il va avoir cette difficulté. Et on est en train d'être dans un déni. Et les oppositions dans ce pays feraient mieux de s'intéresser à la situation de nos finances publiques.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a quand même des contre-projets, des contre-budgets. Les socialistes... Alors, effectivement, c'est une version plus light, hein, ces 22 milliards d'Euros d'économies par rapport aux 44 milliards de François BAYROU. Donc, c'est vrai que ce n'est pas la même ampleur. Mais est-ce qu'on ne peut pas se dire aussi : " Il faut faire des efforts " ? Est-ce qu'on peut les lisser ? C'est-à-dire, est-ce qu'au lieu d'en faire 44, on pourrait en faire 33 ?
LAURENT MARCANGELI
On ne vote pas le budget.
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce qu'on ne peut pas revoir ça aussi ?
LAURENT MARCANGELI
On ne vote pas le budget lundi. Lundi, on pose une question : est-ce que l'endettement du pays est suffisamment important pour qu'on s'y intéresse ?
ALIX BOUILHAGUET
Non, mais vous savez très bien que ce n'est pas cette question-là, à laquelle les Députés vont répondre.
LAURENT MARCANGELI
C'est ce que je dis. Et la fin des négociations auraient eu lieu. Les ministres concernés étaient prêts à négocier avec l'ensemble des forces politiques.
ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU n'a pas passé un coup de fil cet été.
LAURENT MARCANGELI
Les ministres étaient prêts. Nous n'étions pas encore en phase de préparation du budget. Mais on ne va pas commencer à dire n'importe quoi aux Françaises et aux Français. Le budget, il est négocié à l'automne. Il est négocié avec les forces présentes au parlement.
ALIX BOUILHAGUET
Mais il l'a présenté mi-juillet, dans tous ses détails.
LAURENT MARCANGELI
Avez-vous déjà vu un budget présenté qui arrive à la fin de l'automne budgétaire tel qu'il a été présenté par le Premier ministre ? Même quand vous avez des majorités absolues, ça ne se passe pas comme ça. Donc, aujourd'hui, en réalité, les oppositions veulent se débarrasser de BAYROU, parce que François BAYROU porte un message. Vous savez, c'est comme au temps du Moyen-âge : le messager porte un mauvais message, on le tue. Malheureusement, le message, il reste.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, vous pensez que François BAYROU peut survivre au 8 septembre ?
LAURENT MARCANGELI
Moi, je me battrai à ses côtés jusqu'au 8 septembre. Je lui dois bien ça. Il m'a fait confiance et il a aussi ma confiance.
ALIX BOUILHAGUET
Quand vous voyez ça, vous voyez les crispations qui sont engendrées par ce budget, dans le cadre d'une campagne présidentielle pour 2027, on sait qu'Edouard PHILIPPE, vous êtes proche de lui, affiche une ligne économique stricte, on va dire. Quand on voit donc les difficultés pour passer un budget et quand on voit l'hostilité de l'opinion publique, quand on voit aussi le blocage, d'ailleurs, il va y avoir un blocage du pays pour le 10 septembre, est-ce qu'on peut gagner une présidentielle en promettant du sang et des larmes ?
LAURENT MARCANGELI
Vous parlez d'une ligne stricte. Moi, je vais vous parler d'une ligne qui s'appelle, tout simplement, une ligne responsable. On ne peut pas continuer d'infantiliser les Françaises et les Français en leur disant qu'on peut dépenser plus que ce qu'on a. Vous savez qu'aujourd'hui, nous sommes en voie d'avoir les intérêts de la dette comme premier budget de la nation. Ça veut dire qu'en réalité, on n'emprunte pas pour investir sur l'avenir, on n'emprunte pas pour construire des hôpitaux, on emprunte pour payer l'électricité, payer les factures. Et je ne pense pas que la France puisse se permettre de faire ça. Et avec Edouard PHILIPPE, depuis 2021, nous avons créé un parti politique. Et le jour où nous l'avons créé, nous avons dit qu'il faut de l'ordre dans les comptes et dans la rue.
ALIX BOUILHAGUET
Mais donc, vous pensez toujours, et il pense toujours, lui, qu'on peut gagner une présidentielle en évoquant une éventuelle retraite à 67 ans, avec la capitalisation, avec une règle constitutionnelle de discipline budgétaire ? On peut gagner, on peut séduire les Français ?
LAURENT MARCANGELI
À chaque jour suffit sa peine, madame BOUILHAGUET. Nous allons vivre des moments difficiles. Je pense que l'élection présidentielle est encore loin. Edouard PHILIPPE aura son discours, aura cette adresse à la nation au moment où il sera candidat, comme je le souhaite. Et nous verrons ce qu'il dira. Mais en tout cas, ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il n'a pas envie de mentir aux Françaises et aux Français.
ALIX BOUILHAGUET
La suite. Donc, bon, on peut quand même partir du principe que François BAYROU risque fortement d'être renversé lundi. Il y a aussi une possibilité de dissolution. C'est une petite musique qu'on entend. Emmanuel MACRON a récemment écarté cette hypothèse. Au contraire, pour Edouard PHILIPPE, elle est même assez inéluctable. En quoi une dissolution peut clarifier les choses ?
LAURENT MARCANGELI
Edouard PHILIPPE a voulu dire que si, d'aventure, ce Gouvernement tombait et qu'un autre tombait après lui, malheureusement, il craignait que la dissolution soit inéluctable. Écoutez-moi, je ne vais pas être dans la politique fiction. Je vais vivre ces jours en tant que ministre qui va essayer de se battre aux côtés du Premier ministre. Et nous verrons, à partir de lundi, comment les choses se passent. Et puis, pour la dissolution, je vais couper court. Ça n'appartient qu'à une seule personne dans notre pays : c'est le Président de la République.
ALIX BOUILHAGUET
Mais imaginons que le Rassemblement national décide de faire tomber, avec la gauche, systématiquement chaque Gouvernement qui arrive. Est-ce qu'Emmanuel MACRON aura le choix d'un retour du Gouvernement ?
LAURENT MARCANGELI
Ça n'appartient qu'à Emmanuel MACRON, Président de la République. C'est la Constitution qui le dit. Et il est, à ce niveau-là, le seul à pouvoir répondre. Donc, toutes les personnes qui parlent pour le Président de la République, quelles que soient leurs qualités, leur éminence, en disant : " Il faut dissoudre, il ne faut pas dissoudre ", pour moi, tout ça, ça ne sert pas à grand-chose. De toute manière, il n'y a qu'une seule personne qui peut appuyer sur ce bouton.
ALIX BOUILHAGUET
Lorsqu'Edouard PHILIPPE a été reçu à déjeuner, c'était mardi, par le chef de l'État, avec Bruno RETAILLEAU notamment, et François BAYROU, le chef de l'État a dit : " Voilà, maintenant, il faut élargir la majorité, se tourner vers les socialistes ". Qu'est-ce qu'il voulait dire à travers ça ? Est-ce que c'est déjà l'après BAYROU ? Est-ce que se dessine le profil, on va dire, d'un nouveau Premier ministre qui serait socialiste compatible ?
LAURENT MARCANGELI
Madame BOUILHAGUET, vous m'avez reçu il y a un an, à peu près jour pour jour. J'étais Président du groupe Horizon et indépendant à l'Assemblée nationale. Et que disions-nous avec Edouard PHILIPPE ? Qu'il fallait un pacte de stabilité qui allait de la droite républicaine à la gauche sociale-démocrate responsable. Je n'ai pas changé d'avis. Et je continue de penser que même si ce n'est pas pour participer au Gouvernement, il faut un accord minimaliste pour permettre à la France de ne pas tomber dans la spirale de l'instabilité, qui est tout aussi mortifère que l'endettement public que nous connaissons.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, il y aura forcément une question de casting. Qui peut incarner ça ? Est-ce-que c'est un Bernard CAZENEUVE ? Est-ce que c'est un Gérald DARMANIN, qui se positionne ces derniers temps en disant que le contre-budget socialiste n'est pas si mal que ça ?
LAURENT MARCANGELI
Au risque de vous surprendre. Un, jusqu'à l'heure, il y a un Premier ministre qui est en place. Et deux, surtout, ça n'appartient aussi qu'à une seule personne de nommer le Premier ministre. C'est le chef de l'État.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a eu beaucoup de remous autour d'éventuelles dissolutions. Il y a eu aussi des appels à la démission du chef de l'État. Depuis le départ, on entend les insoumis qui portent ce sujet-là, mais on a entendu aussi des personnalités de droite. On a entendu Valérie PECRESSE. On a entendu Jean-François COPE. Est-ce que ça vous a étonné que des personnalités de droite, qui ont été au Gouvernement, tout d'un coup, demandent la démission du chef de l'État ?
LAURENT MARCANGELI
Valérie PECRESSE et Jean-François COPE sont des amis. Je les connais depuis longtemps, mais je ne partage pas leur opinion. Je vais vous expliquer pourquoi. Nos institutions sont fragiles aujourd'hui, fragilisées par la composition de l'Assemblée. On sent une opinion publique remontée. Il y a aussi les réseaux sociaux et la nouvelle manière de communiquer qui rend les choses très instable et très fragile. Je ne pense pas qu'on va aller mieux avec une démission d'un Président de la République dans ces conditions-là. Emmanuel MACRON, il a été élu en 2022 pour un mandat de cinq ans. Et il doit aller à son terme pour le pays, pour ses institutions, parce que ça créerait un précédent qui, à mon avis, serait dangereux pour notre avenir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 septembre 2025