Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.
BRUCE TOUSSAINT
Votre invitée ce matin, Amélie De MONTCHALIN, ministre de l'Action et des Comptes publics
ADRIEN GINDRE
Bonjour Amélie De MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Sébastien LECORNU a donc finalement bien annoncé la suspension de la réforme des retraites hier comme le demandait le Parti Socialiste. Vous étiez favorable, vous, à ce recul, à ce reniement même, on peut dire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je suis favorable à ce qu'on donne un budget à la France et que nous nous mettions au fond en cohérence avec ce qu'est la situation politique d'aujourd'hui.
ADRIEN GINDRE
En contradiction avec tout ce que vous avez toujours défendu.
AMELIE DE MONTCHALIN
La situation politique d'aujourd'hui c'est que nous n'avons pas la majorité absolue et que le pire pour notre pays c'est que nous constations un blocage et que nous ne cherchions aucune solution. Le Premier ministre a été très clair, ce n'est pas suspendre pour suspendre, c'est suspendre jusqu'à la présidentielle, jusqu'au 1er janvier 2028 mais surtout se donner le temps de faire quelque chose pour trouver une solution sur ce sujet des retraites qui est devenu un sujet, on le voit, éminemment inflammable, éminemment anxiogène aussi pour les Français à la fois les jeunes qui payent les cotisations et les retraités aujourd'hui qui veulent savoir comment leurs retraites vont être payées.
ADRIEN GINDRE
Vous avez peut-être lu hier Bruno RETAILLEAU, ancien ministre de l'Intérieur, président des Républicains, censé être un soutien du Gouvernement en théorie, qui dit : " La gauche n'est pas au Gouvernement mais elle le dirige. Ce gouvernement est l'otage des socialistes ". Vous assumez d'être sous la tutelle du PS désormais ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je suis sous une seule tutelle en tant que ministre du Gouvernement, celle du Parlement. Le Parlement a été élu par les Français. Nous sommes dans une démocratie. La seule tutelle sous laquelle nous sommes, c'est celle de la démocratie. Le Parlement est divisé. Soit on constate les divisions, on constate le blocage et on en reste là, soit on se dit très clairement que nous avons besoin de trouver un compromis pour avancer.
Au fond ce que l'a dit le Premier ministre hier c'est qui dans ce pays, qui dans cette Assemblée, veut faire avancer le pays, veut faire avancer le débat pour que nous ayons un budget le 31 décembre. Eh bien nous allons avancer, vous savez comment ? Pas à pas. Le premier pas, c'est de dire " voilà, il y a un problème ". On ne le fait pas, comme l'a dit le Premier ministre d'ailleurs, ce sont ses mots… On ne fait pas n'importe quoi.
ADRIEN GINDRE
En faisant, Amélie De MONTCHALIN, des pas, on l'a vu hier, notamment en direction des socialistes. Olivier FAURE était sur le plateau du 20h du TF1. Pour lui ce n'est que le début. Il y a encore toute la discussion budgétaire à venir. On écoute.
OLIVIER FAURE, PREMIER SECRETAIRE DU PS (EXTRAIT 20H TF1)
Est-ce que ça veut dire que nous allons tout accepter ? Est-ce que ça veut dire que nous n'allons rien refuser de ce que le Gouvernement propose ? La réponse est non. Le débat ne fait que commencer.
JOURNALISTE
Vous acceptez que la taxe ZUCMAN ne verra jamais le jour ? En tout cas, pas avant 2027.
OLIVIER FAURE
Non, non. Je me battrai pour qu'elle puisse être votée dès à présent.
ADRIEN GINDRE
Ça va être la surenchère permanente, y compris sur la taxe ZUCMAN, qui va faire son retour.
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, à nouveau, on va revenir au fait, nous sommes un Parlement. Je crois que le Premier ministre l'a dit au moins dix fois dans sa déclaration hier. Le Gouvernement propose, le Parlement débat, les députés votent.
ADRIEN GINDRE
Donc après avoir accepté la suspension, vous pourriez accepter la taxe ZUCMAN demain ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Pas du tout. Ce que je vous dis c'est qu'il y aura un débat. Il y aura des arguments. Il y aura des faits. Moi, je présenterai les conséquences. Sur ce débat, il n'y a pas unanimité dans l'hémicycle, il n'y a pas juste le Gouvernement qui considère que c'est une taxe qui serait dommageable aux entreprises, dommageable à l'investissement. Mais derrière le débat de la taxe ZUCMAN, sur la fiscalité, est-ce que, oui ou non, on veut lutter contre la suroptimisation ? Dans le texte du Gouvernement, l'article 3. Et ce n'est pas caché au fin fond du projet de loi de finances. L'article 3… Ce sera donc le troisième débat qu'on aura. C'est la suroptimisation des holdings. Est-ce que, dans notre pays, on considère que des Français peuvent utiliser la fiscalité des entreprises pour, en fait, se créer un patrimoine personnel ? La réponse du gouvernement, ce qu'on propose, c'est non. Les chalets, les jets privés et l'épargne personnelle ne peuvent pas être dans un holding professionnel. En revanche, l'investissement dans les PME, l'investissement dans les jeunes start-ups, l'investissement dans l'industrie, l'investissement dans notre économie, vous savez, dans les holdings... Quand c'est ça qui est investi, évidemment, on va le protéger. Et ce débat-là, on l'aura de manière transparente, on l'aura de manière organisée.
ADRIEN GINDRE
Amélie De MONTCHALIN, je le dis encore, ceux qui sont censés être vos soutiens, Olivier DUSSOPT, ancien ministre qui avait porté la réforme des retraites, dit : " C'est une grosse erreur. Moi, je n'aurais pas voté ça au Parlement ". François-Xavier BELLAMY, vice-président des Républicains, Christelle MORANÇAIS, présidente de région Horizons, qui disent qu'il faut censurer le Gouvernement. Ce ne sont pas de dangereux extrémistes ?
AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, j'ai beaucoup de respect pour Olivier DUSSOPT, en particulier, mais aussi tous les députés, tous les ministres qui, depuis des années, depuis des décennies, sur ce sujet des retraites, ont dit la vérité aux Français. Ils ont dit la vérité de la démographie. Ce n'est pas une vérité d'apothicaire, ce n'est pas une vérité de boutiquier. Nous sommes plus nombreux et nous sommes, en moyenne, plus âgés. Nous avons, l'année prochaine, les 6 milliards d'Euros de plus que nous allons mettre dans les retraites l'année prochaine, ce n'est pas parce qu'on augmente les pensions, ce n'est pas parce que les retraités d'aujourd'hui auront plus de retraites. C'est parce que, je l'ai dit hier en commission des finances, pendant trois heures on a été auditionnés et là aussi on a fait toute la transparence. Mais parce qu'il y a plus de retraités dans notre pays et donc on doit payer plus de retraites. Donc, j'ai beaucoup de respect. Je considère qu'aujourd'hui, si on est dans la censure, en fait, ça coûte beaucoup, beaucoup plus cher au pays.
ADRIEN GINDRE
D'ailleurs, vous nous avez dit, si on suspend la réforme des retraites, qu'il y aura des conséquences. On a vu que ce n'est pas du tout ce qui s'est passé ces dernières heures. Il y a même eu une amélioration de l'écart de taux entre la France et l'Allemagne.
AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que vous avez entendu que le Premier ministre, là aussi, ce n'est pas un renoncement à cette campagne, c'est qu'on suspend et on suspend pour donner le temps de trouver des solutions, pour ouvrir une conférence sociale sur les retraites et le travail. On suspend en expliquant aux Français, comme l'a dit le Premier ministre, que ce que ça coûte, devra être financé.
ADRIEN GINDRE
Alors justement, sur le coût, parce qu'il y a un point qui nous a échappé il y a quelques jours, on disait que ça coûterait 3 milliards et demi. 500 millions en 2026, 3 milliards en 2027. Hier, le chiffre qui était donné par le Gouvernement, c'était 2,2 milliards, 400 millions en 2026, 1,8 milliard en 2027. Qu'est-ce qui s'est passé entre les deux calculs ? Comment est-ce que, par magie, on a réussi à réduire le coût ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, il y a le coût pour le système des retraites, ce sont les chiffres que le Premier ministre a dit hier à la Tribune. Et puis, il y a le coût pour l'économie en général. C'est assez logique, si vous avez plus de gens qui travaillent, ils payent aussi d'autres cotisations que les cotisations retraites. Ils payent aussi de l'impôt sur le revenu…
ADRIEN GINDRE
Donc, le chiffre total de 3,5 milliards, on croit toujours, en réalité.
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc, ce que nous sommes en train de dire, c'est quoi ? C'est, là aussi, dans un système où nous faisons, je crois, transparence, où nous sommes honnêtes. Vous savez, moi, je suis engagée depuis des mois pour dire la vérité, la vérité sur le déficit, la vérité sur la méthode. Et vous savez quoi ? Ça permet d'avancer, puisque ça permet même de tenir le déficit en 2025.
ADRIEN GINDRE
Mais vous savez déjà où vous offrez les économies pour compenser ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On a... - vous savez, c'est mon métier - plein de propositions. Il y a plein de manières de faire des économies. Mais, là aussi, on proposera, on pourra mettre sur la table un jeu d'options, et puis, on débattra et on votera. Notre pays, vous savez, a 57% de dépenses publiques sur PIB. Le sujet, ce n'est pas de faire des choses absurdes, ce n'est pas de faire des coups aveugles, ce n'est pas que j'arrive en vous disant : " C'est bon, c'est tout réglé, on va supprimer telle politique publique ". Je suis aussi, maintenant, la ministre de la Fonction publique. Ceux qui vous brandissent des économies à coups de milliards en pensant que ce sont des choses comme ça qu'on va faire d'un trait de plume, ne respectent pas les agents publics, ne respectent pas les politiques publiques.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que ce n'est pas aussi, au fond, le sens de ce qui se passe depuis hier ? Un renoncement sur les retraites, mais pour, derrière, taper, pardon, sur les Français, sur les contribuables, avec une série de taxes dont on commence à découvrir la nature et on se dit, voilà, ce sont les retraites pour un budget très sévère, très dur.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ce n'est pas un budget très sévère, très dur.
BRUCE TOUSSAINT
On va faire la liste.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne crois pas que ce soit comme ça qu'on puisse le décrire.
ADRIEN GINDRE
La taxe sur le vapotage, par exemple, vous la ferez ? 30 à 50 centimes d'Euros par flacon de 10 millilitres ?
BRUCE TOUSSAINT
La taxe sur les petits colis ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La taxe sur les petits colis, ça, je peux y revenir, celle-là, elle est essentielle. Tous nos commerçants, dans tous les centres-villes de France, voient quoi ? Qu'arrivent de Chine des produits qui sont contrefaits, qui sont dangereux, qui ne respectent aucune norme, qui sont produits dans des conditions écologiques et sociales.
ADRIEN GINDRE
Donc ça sera 2 Euros sur tous les colis ?
AMELIE DE MONTCHALIN
2 Euros par article, et je tiens à insister, la France ne fait pas ça toute seule. On ne se fait pas donquichotte, vous voyez, face au moulin de SHEIN et TEMU. Ce n'est pas ça, notre enjeu. C'est un enjeu européen. Au 1er novembre 2026, la France a obtenu, avec l'Allemagne, avec les Pays-Bas, avec la Belgique…
BRUCE TOUSSAINT
Oui mais on sait bien qui consomme ces produits…
AMELIE DE MONTCHALIN
…que toute l'Europe applique la même norme, les mêmes règles parce qu'on considère que nous sommes en danger.
BRUCE TOUSSAINT
La franchise médicale ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La franchise médicale. Aujourd'hui, 18 millions de Français, vous savez, ne payent pas de franchise du tout. Les femmes enceintes, les enfants, les personnes qui sont sous un certain seuil de revenus, qui sont éligibles à ce qu'on appelle la contribution de solidarité sociale, la C2S... Donc on a déjà 18 millions de Français qui ne payent aucune franchise. C'est un beau débat de se demander comment dans un système, à la fois ceux qui ont les moyens peuvent payer, par exemple, 100 Euros pour toute l'année, pour tous leurs médicaments. C'est de ça qu'on parle. 100 Euros, toute l'année, pour tous les médicaments.
ADRIEN GINDRE
Et le vapotage, le biocarburant, Amélie De MONTCHALIN ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce sera là aussi un débat. Mais à un moment donné, si on ne pose pas les débats, si on ne pose pas les faits, si on ne pose pas les chiffres, on a, vous voyez, des débats qui sont un peu…
ADRIEN GINDRE
Alors justement, dernière question. Quand on lit ce matin, taxes sur le vapotage, taxes sur les biocarburants, est-ce que ce sont des taxes que vous souhaitez, à tout prix, conserver ? Ou vous dites : " demain, on est prêt à les sacrifier sans difficulté à la première demande d'un parlementaire " ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'objectif, c'est quoi ? C'est qu'on réduise le déficit. On l'a réduit en 2025. Personne n'y croyait. Aujourd'hui, vous avez entendu le président de la Cour des comptes qui dit que de manière solide, crédible et réaliste, ce Gouvernement a réduit le déficit là où il voulait aller. Le 5,4% de déficit…
ADRIEN GINDRE
En augmentant des taxes, donc ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non. En ayant une méthode très claire de transparence, de suivre chaque mois. Avec Éric LOMBARD, on regardait chaque mois les dépenses, les recettes, on a fait la transparence. Sur les petites taxes dont vous me parlez, sur tous ces sujets, il y a quantité et quantité de rapports, de propositions depuis des années, parfois même depuis des décennies.
ADRIEN GINDRE
Et des propositions dans votre but.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc nous, on dit quoi ? A un moment donné, si les gens travaillent, si les gens évaluent, on regarde, on propose, mais à nouveau, le Parlement débat et les députés votent. Et à la fin, eh bien effectivement, notre cadre, c'est qu'on réduise le déficit.
BRUCE TOUSSAINT
On verra si…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça pèse sur les Français, la dette, la charge d'intérêt et notre capacité demain à faire des choix.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 octobre 2025