Interview de M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement, à RTL le 23 octobre 2025, sur sa présence au gouvernement, la suspension de la réforme des retraites, le marché immobilier, un plan d'urgence pour la construction de logements et les émeutes de l'été 2023.

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Texte intégral

THOMAS SOTTO
Il fait partie des six ministres LR bannis de leur parti, en charge du portefeuille de la Ville et du Logement, c'est la toute première fois qu'il prend la parole depuis sa nomination, Vincent JEANBRUN est l'invité de RTL Matin. Bonjour et bienvenue sur RTL, Vincent JEANBRUN.

VINCENT JEANBRUN
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Pour qui dansez-vous, Vincent JEANBRUN ?

VINCENT JEANBRUN
Pour ma femme uniquement.

THOMAS SOTTO
D'accord, non mais je parlais de politique, où se situe votre loyauté politique ? Parce que vous êtes un ministre LR dans un Gouvernement auquel LR a décidé de ne pas participer, ce qui vous vaut, pardon, depuis hier soir, d'être suspendu de votre parti. Waouh, il faut suivre, hein ?

VINCENT JEANBRUN
Oui, je pense que pour les Français qui nous regardent et qui, je pense d'ailleurs, n'en ont pas grand-chose à faire, c'est bien compliqué à comprendre. Moi, ma loyauté, mon parcours, il a toujours été à des valeurs, des valeurs que j'ai toujours retrouvées comme étant défendues par la grande famille de la droite, l'UMP à l'époque, Les Républicains depuis. Et puis aujourd'hui, ma loyauté, elle va d'abord et avant tout à la France, et c'est pour ça que j'ai accepté de rejoindre le Gouvernement de Sébastien LECORNU, c'est pour travailler, faire en sorte que des choses bougent, sur le logement, sur la ville, on va en parler. Et de manière générale, moi j'ai été député il y a un an, j'ai fait un mandat d'à peine un an, et je l'ai fait au sein d'un groupe, la Droite Républicaine, présidée par Laurent WAUQUIEZ, où je me suis senti très bien, très à l'aise, parce qu'on y défendait les valeurs dans lesquelles j'ai toujours cru, c'est-à-dire les valeurs d'une droite sociale, d'une droite qui défend le travail, qui veut que la méritocratie fonctionne dans ce pays, qui veut protéger les Français.

THOMAS SOTTO
Mais pardon, Vincent JEANBRUN, de vous interrompre mais il y a trois semaines, vous étiez encore député, on est d'accord, député LR. Aujourd'hui, vous êtes au Gouvernement en étant LR. Même si vous êtes suspendu, vous gardez vos convictions. Hier soir, vote du volet recette du budget, les députés LR votent contre, donc votent contre vous.

VINCENT JEANBRUN
Non, parce que vous... Alors non, ça peut paraître un peu technique, mais vous le savez, la commission, elle a permis à chaque groupe de s'exprimer. La commission a examiné des tonnes et des tonnes et des tonnes d'amendements. Et parfois, il y a eu quelques aberrations, notamment parce qu'avec la configuration qui est celle de cette Assemblée, quand vous avez la LFI qui vote avec le Rassemblement National, eh bien, leurs amendements passent. Et il y a quelques dingueries qui sont passées, il faut regarder dans le détail, mais il y a des choses assez folles. Et donc, dans ces cas-là, pour ne pas recevoir au sein de l'hémicycle de l'Assemblée nationale le budget avec les amendements complètement dingos, eh bien, dans ce cas-là, on vote contre le budget en commission. Ce qui fait que c'est la copie d'origine, donc celle du gouvernement, qui arrive dans l'hémicycle. Et puis d'origine, si vous me permettez de le rappeler, qui est bien une copie qui permet d'être un point de départ. Et ensuite, on va l'améliorer tous ensemble.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous êtes solidaire à la vie et à la mort de ce Gouvernement ?

VINCENT JEANBRUN
Je pense que la vie et la mort, ce n'est pas le sujet.

THOMAS SOTTO
Vous comprenez le sens.

VINCENT JEANBRUN
Le sujet, c'est : est-ce qu'on peut encore être utile pour les Français et être un pilier de stabilité ?

THOMAS SOTTO
Je dis ça parce qu'il y a la question de la suspension de la réforme des retraites.

VINCENT JEANBRUN
La stabilité, ce n'est pas la stabilité sur le principe, Thomas SOTTO. La stabilité, elle est importante parce qu'elle protège les Français. Ça ne veut pas dire stabilité et pas de débat démocratique. Le débat démocratique, il va avoir lieu dans l'hémicycle. Sébastien LECORNU, en renonçant courageusement au 49.3, va permettre à chaque formation politique de s'exprimer. Donc le débat, il va avoir lieu. Et en plus, on se rapproche de plus en plus de la présidentielle. De toute façon, on va pouvoir débattre.

THOMAS SOTTO
Visiblement, on n'a échappé à personne.

VINCENT JEANBRUN
Mais il faut aussi qu'il y ait des gens qui soient à la manoeuvre. Moi, j'arrive dans le portefeuille du logement et de la politique de la ville. Je vois qu'énormément de choses étaient suspendues et n'avançaient pas tout simplement parce qu'il n'y avait plus de pilotes. Donc c'est important qu'il y ait un Gouvernement à la tâche qui soit déconnecté des débats partisans et politiciens, déconnecté de l'élection présidentielle. Nous, on travaille et les formations politiques…

THOMAS SOTTO
Mais pas forcément déconnecté des convictions des uns et des autres. Le 13 janvier dernier, vous disiez que suspendre la réforme des retraites, c'est sauter dans l'inconnu. Là, vous l'acceptez, du coup ?

VINCENT JEANBRUN
Écoutez, encore une fois, ce qui a été très clair, c'est de dire qu'il faut la remettre au débat. Ce matin, on aura un Conseil des ministres. Le Premier ministre, conformément à ses engagements, va dire OK. De toute façon, elle n'était pas parfaite. Elle ne faisait pas l'unanimité, cette réforme des retraites. Ce qui faisait l'unanimité, c'est qu'il faut sauver notre régime de retraite donc, trouver le moyen de le financer. Là, ce que propose le Premier ministre, c'est de dire " OK. On suspend le temps de trouver la bonne réforme des retraites, qui est soutenue majoritairement par l'Assemblée nationale et probablement par les prochaines formations politiques ". Donc, moi, je n'ai en rien renié mes convictions. Je veux qu'on sauve notre régime des retraites. Pour ça, il faut faire des économies. Et si on ne touche pas à l'âge, on devra toucher aux pensions, ce qui serait évidemment impensable. Donc, il faut qu'on trouve une solution. Ce qui n'empêche qu'on ne peut pas la rendre plus juste, cette réforme des retraites.

THOMAS SOTTO
Bon, venons-en à votre portefeuille. Le Logement et la Ville. Le logement, comment va le marché immobilier aujourd'hui ?

VINCENT JEANBRUN
Catastrophique.

THOMAS SOTTO
Catastrophique ?

VINCENT JEANBRUN
Catastrophique. Et quand je vous dis ça, on n'est pas en train de pleurer sur le sort de quelques promoteurs immobiliers. Ce n'est pas ça, le sujet. Le sujet, c'est qu'il y a des Français, des Françaises, des familles, des étudiants, des jeunes actifs, qui n'arrivent plus à se loger faute de logement sur le marché. Et ceux qui arrivent à se loger…

THOMAS SOTTO
Il en manque combien ?

VINCENT JEANBRUN
Une quantité astronomique. On parle de presque un million. Vous avez, de fait, des familles qui, parce qu'elles ne trouvent plus dans le marché classique, vont taper à la porte du logement social. Des familles qui ont le droit, mais qui, avant, n'auraient pas été tapées à la porte du logement social. Et puis vous avez des familles qui vont réussir à se loger, mais à quel prix ? C'est-à-dire avec la part de la dépense pour se loger qui explose. Donc, ce n'est absolument pas tenable. Et c'est clairement la mission que m'a confiée Sébastien LECORNU, à savoir lancer un plan d'urgence pour le logement. Ça passe par quoi ? Ça passe par une partie des mesures fiscales. Dès aujourd'hui, il y aura un amendement du Gouvernement que je déposerai pour qu'on puisse, conformément à ce qui a été travaillé par des parlementaires, je pense notamment au rapport de Mickaël COSSON et Marc-Philippe DAUBRESSE, pour faire en sorte de vraiment lancer un appel d'air très fort. Et puis, plus globalement, on va simplifier et on va essayer de faire en sorte que le logement soit gagnant pour tous et partout sur notre territoire.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi ? Plan d'urgence quand ? Pour janvier ? Pour le mois prochain ?

VINCENT JEANBRUN
Là, tout de suite, dans le budget.

THOMAS SOTTO
Là, maintenant, dans le budget 2026 ?

VINCENT JEANBRUN
C'est fondamental.

THOMAS SOTTO
Et c'est quoi ? Ça va prévoir des constructions d'urgence ? Ça va prévoir quoi ?

VINCENT JEANBRUN
Ça va prévoir de permettre aux investisseurs, c'est-à-dire aux particuliers, de retrouver un intérêt et une attractivité dans le fait d'investir dans la pierre. C'est gagnant-gagnant pour tout le monde.

THOMAS SOTTO
Donc avec des exonérations fiscales ?

VINCENT JEANBRUN
Exactement. C'est gagnant pour le petit propriétaire, celui qui a son petit bas de laine qui jusqu'ici ne savait pas s'il fallait le mettre dans la pierre ou pas et qui va retrouver une rentabilité à le mettre dans la pierre. C'est gagnant pour les locataires parce qu'il y aura plus d'offres de logement. On estime que la toute première formule qui sera probablement amendée par le Parlement, on peut pousser jusqu'à 40 000 logements nouveaux. C'est important. C'est-à-dire que les locataires, ayant plus d'offres, paieront moins cher. On peut aussi, et ce sera dans le débat parlementaire, réfléchir à des plafonnements de loyers dans certains cas. Et puis c'est gagnant aussi parce que moi je souhaite porter quelque chose pour le logement neuf mais aussi pour l'ancien pour qu'on puisse faire de la rénovation parce que dans nos territoires, notamment dans les villages…

THOMAS SOTTO
Vous l'avez chiffré déjà ce plan ou pas ?

VINCENT JEANBRUN
Ecoutez, avec Bercy, on a travaillé à la première formule mais vous l'avez bien compris qu'avec la configuration du Parlement actuel, ce qui compte, ce n'est pas uniquement la volonté du ministre, c'est le débat qu'on va avoir avec les parlementaires.

THOMAS SOTTO
Non mais il faudrait combien ?

VINCENT JEANBRUN
Et c'est ce qui sortira du débat parlementaire qu'il faudra chiffrer. Ce qui est sûr, c'est que le logement, ce sont bien sûr des dépenses mais ce sont aussi des recettes. Quand l'économie du logement va bien, c'est l'économie du bâtiment qui va bien et ce sont des recettes pour l'État.

THOMAS SOTTO
J'ai une question très concrète. Il y a un amendement qui a été voté au projet de loi de finances qui remet en cause l'exonération des plus-values pour la vente d'une résidence principale. Est-ce que vous soutenez, est-ce que le Gouvernement soutient cet amendement ?

VINCENT JEANBRUN
Non, je pense qu'au contraire, il faut qu'on fluidifie les choses.

THOMAS SOTTO
Donc ça, c'est non ?

VINCENT JEANBRUN
Et qu'encore une fois, celui qui investit doit pouvoir y trouver une rentabilité. Sinon, les Français, les petits épargnants, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Ils vont épargner dans des produits financiers, des assurances vie ou autre et ça ne redressera pas le logement donc les Français n'arriveront pas à se loger. Et vous savez, quand les Français n'arrivent plus à se loger, c'est la crise, c'est la colère, c'est l'injustice et c'est les populistes qui gagnent et qui ramassent à la fin.

THOMAS SOTTO
J'ai encore beaucoup de questions, il ne nous reste pas beaucoup de temps. Fin juin, vous étiez alors député, vous présentiez votre plan pour les banlieues. Vous disiez vouloir mettre fin au logement social à vie. Le ministre JEANBRUN est-il d'accord avec le député JEANBRUN ? Est-ce que ça va se faire ça, la fin du logement social à vie ?

VINCENT JEANBRUN
On a une première priorité, c'est celle de passer un budget et de relancer le logement. Quand on relance le logement privé, d'ailleurs, on relance aussi le logement HLM parce que les deux sont liés. Moi, je n'ai rien perdu de mes convictions et donc évidemment, je vais porter ce combat-là parce qu'en fait, c'est injuste…

THOMAS SOTTO
Donc c'est un combat gouvernemental aujourd'hui ?

VINCENT JEANBRUN
En tout cas, c'est une conviction personnelle et j'essaierai d'en porter la décision gouvernementale. Mais il faut imaginer qu'aujourd'hui, vous avez des familles dont la grand-mère fait hériter à son petit-fils son logement social. C'est incompréhensible quand à côté de ça, vous avez des mères qui travaillent et qui élèvent seules leurs enfants qui n'arrivent pas à se loger dans le logement social.

THOMAS SOTTO
Il n'y a pas de calendrier pour ces mères-là. Ce n'est pas encore…

VINCENT JEANBRUN
Il faut être modeste. Il n'y a pas de majorité et on a un Gouvernement qui a déjà un défi considérable, c'est de réussir à doter la France d'un budget. Mais par contre, ces combats-là, cette conviction-là, je l'ai et je la défendrai quelle que soit ma place jusqu'au bout.

THOMAS SOTTO
Vous avez entendu que votre nomination a été accompagnée de critiques puisqu'une enquête vous concernant est en cours car vous auriez attribué deux logements appartenant au syndicat funéraire que vous présidiez à votre directeur et votre chef de cabinet à des tarifs très en dessous du marché. Ça la fout mal, non ?

VINCENT JEANBRUN
Écoutez, moi, je suis très clair dans ces affaires. Il s'agit de deux logements de fonction.

THOMAS SOTTO
Vous étiez éligible à ces logements ?

VINCENT JEANBRUN
Ce sont des logements de fonction. J'ai lu de tout, des HLM, etc. Ce sont des logements de fonction, ce qui était toujours pratiqué et de toute façon, j'ai lu dans la presse comme vous, qu'il y avait une enquête ouverte. À cette heure, je n'ai jamais été contacté. Je ne sais même pas. Je n'ai même pas cette confirmation. Évidemment, tout est ouvert, tout est au grand jour.

THOMAS SOTTO
Pour vous, il n'y a pas de problème de droit en tout cas ?

VINCENT JEANBRUN
Écoutez, je vous confirme qu'il n'y a pas de problème de droit.

THOMAS SOTTO
Vincent JEANBRUN, les Français ont fait votre connaissance lors des émeutes de l'été 2023 après la mort de Nahel quand votre domicile avait été attaqué à la voiture-bélier en présence, ce soir-là, de votre épouse et de vos enfants. Les messages de fermeté politique s'étaient succédé à l'époque. Ceux qui ont fait ça allaient voir ce qu'ils allaient voir. C'est donc il y a plus de deux ans maintenant, il n'y a toujours pas eu d'interpellation aujourd'hui dans cette affaire ?

VINCENT JEANBRUN
Toujours pas.

THOMAS SOTTO
Mais comment vous l'expliquez ?

VINCENT JEANBRUN
Ce n'est pas à moi de l'expliquer, mais en tout cas, l'attente est très forte, évidemment. Mais au-delà de mon cas personnel, elle est très forte pour tous ceux qui ont vécu il y a deux ans des scènes terribles, des déclarations terribles.

THOMAS SOTTO
Quel aveu d'impuissance quand même. On a eu DARMANIN, on a eu RETAILLEAU, on a eu des déclarations plus fortes. On n'est pas capable d'aller trouver deux, trois ou quatre personnes qui ont balancé une voiture dans la maison du maire ?

VINCENT JEANBRUN
Écoutez, je pense que si c'était si facile, ils l'auraient trouvé, parce que je suis affirmatif quand je vous dis que les forces de police, tous ceux que j'ai pu rencontrer, tous ceux qui sont en première ligne, les équipes d'enquête ont été présentes, ont été mobilisées et ont fait le maximum. Après je pense que, et je l'ai souvent dit, le cadre légal qui leur permet leurs investigations pourrait être considérablement renforcé. Vous avez des pays qui sont des démocraties où, notamment, on peut aller fouiller dans les téléphones à distance de manière beaucoup plus facile qu'on ne le fait aujourd'hui. Donc évidemment, c'est dur. Vous m'interrogez, moi et ma famille, et ma femme particulièrement, on se dit mais comment c'est possible qu'ils ne soient pas encore attrapés et traduits devant la justice ? Ça n'empêche qu'il ne faut pas tout mélanger et, en général, les policiers font leur maximum dans un cadre légal qu'il leur est donné. Peut-être qu'il faut changer le cadre légal.

THOMAS SOTTO
Il faut peut-être revoir, on l'entend. Merci, Vincent JEANBRUN, d'être venu ce matin sur RTL.

VINCENT JEANBRUN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2025