Interview de M. Nicolas Forissier, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, à LCP le 28 octobre 2025, sur sa présence au gouvernement, le budget pour 2026, les retraites, la fiscalité, le déficit commercial, l'incarcération de Nicolas Sarkozy et les élections municipales.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

STEVE JOURDIN
Bonjour Nicolas FORISSIER.

NICOLAS FORISSIER
Bonjour.

STEVE JOURDIN
Vous êtes ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité. Soyez le bienvenu dans cette émission. On va bien évidemment parler du budget, de l'impact sur notre économie, mais d'abord peut-être faisons les présentations. J'aimerais savoir à qui je m'adresse aujourd'hui. Devant moi, est-ce que j'ai un ministre LR ou pas ? Très concrètement, pour que les téléspectateurs comprennent. Je rappelle que votre parti a choisi de vous suspendre à cause de votre participation au Gouvernement. Est-ce qu'aujourd'hui, vous êtes un ministre LR ?

NICOLAS FORISSIER
Au fond de moi-même, je me sens LR, je le suis depuis 40 ans, au sens des différentes familles qui ont fini par constituer le rassemblement qui était l'UMP et ensuite LR. Après je me suis moi-même, comme d'ailleurs mes autres collègues, mis en retrait, parce que je considérais que le fait de participer au Gouvernement ne correspondait pas directement à ce qui a été décidé au bureau politique, même si on peut noter quand même qu'il continue d'y avoir des positions différentes au sein de la famille. On s'est mis en retrait. Je crois que tout ça n'est vraiment pas important. Pas un de mes concitoyens à La Châtre dans mon territoire de l'Indre où je vais et où je continue à aller le plus possible au-delà de mes fonctions, ne m'a parlé de ça.

STEVE JOURDIN
Comment vous expliquez quand même cette décision de votre parti qui sanctionne des ministres LR qui siègent au Gouvernement LECORNU, alors que le parti soutient ce Gouvernement, soutient la participation au Gouvernement depuis plus d'un an, et notamment même au gouvernement LECORNU 1 ? Comment vous expliquez cette décision ?

NICOLAS FORISSIER
Je pense qu'il y a un débat, une période de tension comme ça arrive dans les familles politiques. Je pense aussi que tout le monde, Gérard LARCHER l'a dit très clairement, souhaite qu'on apaise les choses. Je rappelle quand même que la quasi-totalité des députés du groupe LR, 50 députés à l'Assemblée qui sont en première ligne, a souhaité avec force, elle a dit et redit, rester au Gouvernement, soutenir la participation au Gouvernement, pas simplement un soutien sans participation… Et même les 4-5 qui n'étaient pas trop sur cette ligne ont joué le jeu et sont solidaires. Il y a deux analyses. Je crois que le plus important, c'est de calmer le jeu, de resserrer les rangs de la famille parce que ce n'est pas bon pour nous, ce n'est pas bon pour notre message et ce qu'on veut porter et de se consacrer à ce qu'attendent les Françaises et les Français.

STEVE JOURDIN
Alors précisément, on va parler du budget, des débats budgétaires sur le volet " recettes " qui se poursuivent à l'Assemblée nationale. Dans ce contexte, les Socialistes, vous l'avez remarqué, sont à l'offensive. Je vous soumets cette déclaration du socialiste Philippe BRUN ; c'était hier : " Si l'Assemblée nationale ne trouve pas un accord d'ici mardi sur le budget, tout va s'effondrer et le Gouvernement tombera ". Les Socialistes vous mènent actuellement par le bout du nez ?
NICOLAS FORISSIER
Non, je pense que tout le monde - parce que les Républicains, c'est bien normal, posent aussi leurs limites et leurs souhaits - tout le monde essaye d'apporter sa pierre et d'avoir satisfaction pour un certain nombre de lignes politiques qu'ils portent. Et c'est le cas des Socialistes. Ils le font évidemment en se servant de tous leurs moyens…

STEVE JOURDIN
Mais vous n'en avez pas marre, vous, ministre LR, du coup, d'être menacé de chantage tout le temps comme ça par les Socialistes ?

NICOLAS FORISSIER
Pour l'instant, je ne suis pas dans cet état d'esprit. Pour l'instant, moi, je me consacre de manière accélérée à la mission qui est la mienne. Je crois que tous les membres du Gouvernement aux côtés de Sébastien LECORNU le font. Il y a un débat au Parlement. Le Premier ministre a été extrêmement clair. Il a d'ailleurs annoncé qu'il n'utiliserait pas l'arme fatale, comme on dit, qui est le 49.3. Il y a d'autres outils dans la Constitution qui permettent d'avancer. Mais il a dit ça. Pourquoi ? Parce qu'au fond, dans une Assemblée nationale qui n'a pas de majorité, il y a un moment où il faut que tout le monde se mette autour de la table et qu'on essaie, les uns et les autres, de faire les compromis nécessaires pour trouver une solution. Qu'est-ce qui est important aujourd'hui ? Que nous demandent les habitants du Berry, par exemple, chez moi, ou de tous nos territoires, de toute la France, que ce soit dans le monde urbain ou dans le monde rural ? " Entendez-vous. Mettez-vous autour de la table ".

STEVE JOURDIN
Vous n'avez pas de lignes rouges ? Pour vous, vous n'avez pas de lignes rouges ?

NICOLAS FORISSIER
Ce n'est pas qu'on n'a pas de lignes rouges. C'est qu'on sait très bien, les uns comme les autres, que le budget ne correspondra pas à 100% à ce qu'on souhaiterait.

STEVE JOURDIN
Ce qui veut dire qu'il ne sera pas votable ? Le vote est prévu sur la première partie « recettes » la semaine prochaine.

NICOLAS FORISSIER
Oui, mais le sujet, c'est quoi ? C'est de stabiliser la situation, de donner un budget au pays. Et nous aurons un débat en 2027 que les Français trancheront.

STEVE JOURDIN
La présidentielle.

NICOLAS FORISSIER
Absolument. Et les législatives... Et donc ce que je pense, c'est qu'au fond, derrière l'idée de stabiliser la situation, d'avoir un budget, il y a évidemment le court et le moyen terme pour les Françaises et les Français, pour les entrepreneurs, pour les commerçants qui ne vendent plus rien, ou pas beaucoup, parce qu'ils voient bien que le consommateur est très inquiet et parle plus que jamais. Je pourrais continuer la description. On la connaît. Donc il faut stabiliser la situation, donner un budget au pays, et derrière - et on ne le dit pas assez - se permettre enfin d'avoir un débat apaisé sur les sujets. Et quand on parle des retraites, par exemple. Moi, j'ai voté la réforme des retraites. Mais j'entends qu'il y a des analyses très différentes, qu'il y a une grande crainte d'une partie… Il y a un rejet, disons les choses, d'une bonne partie de l'opinion. Peut-être est-ce aussi parce que le débat n'a pas été assez clair, assez transparent…

STEVE JOURDIN
Alors puisque vous parlez des retraites, évidemment.

NICOLAS FORISSIER
Et donc il faut se permettre ce débat.

STEVE JOURDIN
Non mais c'est intéressant, puisque depuis hier, effectivement, les députés examinent en commission le budget de la Sécu qui contient effectivement cette fameuse suspension de la réforme des retraites. Est-ce que vous appelez vos camarades LR à voter cette suspension de la réforme des retraites ?

NICOLAS FORISSIER
Je pense que tout le monde, à gauche comme à droite, en tout cas dans le grand rassemblement, si je puis dire, des partis qui souhaitent être au Gouvernement et qui se disent de Gouvernement, je pense qu'il faut qu'à un moment, les choses soient posées. Elles sont dites, il y a des batailles parlementaires. Ça n'a jamais été comme ça dans la Cinquième République. C'est le Parlement qui fait le budget. Le Gouvernement a déposé une proposition. Cette proposition, le Premier ministre l'a dit depuis le début, elle va évoluer, il l'a dit très clairement. Ce ne sera pas le budget LECORNU au final ; c'est vous qui devez prendre vos responsabilités.

STEVE JOURDIN
Donc en fait, vous dites : " C'est à vous de voter. Moi, je ne prends pas mes responsabilités " ?

NICOLAS FORISSIER
Non, ce n'est pas ça. C'est que tout le monde est dans un dialogue. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en proposant une version de base. Cette version de base va évoluer parce qu'il y a un débat parlementaire qui, pour la première fois, n'est pas sous le coup d'un éventuel 49.3. Mais ça veut dire aussi qu'à un moment, tout le monde doit prendre sa responsabilité, caler les choses, les poser, donner un budget. Personne ne sera content de ce budget mais l'important, c'est de stabiliser la situation.

STEVE JOURDIN
J'imagine que ce n'est pas facile pour vous. Votre parti a proposé un report du départ à la retraite à deux reprises à 65 ans. Aux deux dernières présidentielles, c'était 65 ans, proposés par Valérie PECRESSE. Et François FILLON, c'était même à un moment, on parlait de 67 ans.

NICOLAS FORISSIER
Je continue à penser qu'on ne pourra pas, dans ce pays, faire différemment de tous les autres pays de l'Union européenne. Quand vous prenez le tableau des âges de départ à la retraite et des durées de travail, de cotisation, nous sommes ceux qui travaillons le moins et le moins longtemps. Je schématise un peu, il y a des nuances, il y a les régimes de retraite qui ne sont pas les mêmes, etc. La comparaison n'est pas toujours simple, mais c'est quand même, grosso modo, ce qui se passe. Donc ça veut dire qu'il faut dire la vérité à nos concitoyens et concitoyennes. En même temps, ça ne doit pas nous empêcher d'avoir un débat qui porte sur la justice de ce système, les évolutions nécessaires. On a d'ailleurs parlé de la pénibilité, où on doit encore avancer, de la carrière dite hachée des femmes. Je n'aime pas cette expression, mais c'est une réalité. Il y a un certain nombre de choses qui doivent évoluer. Et ça, ça ne peut se faire que dans un débat apaisé, où on pose les choses. Peut-être que communément, ensemble, le pays décidera que ce n'est plus tellement le problème de l'âge légal de départ qui est important, mais plus la durée de cotisation. Il faudra trouver un système juste. Et pour ça, il faut poser les choses, il faut calmer, il faut stabiliser.

STEVE JOURDIN
Vous dites qu'on suspend, et on verra ensuite en 2027.

NICOLAS FORISSIER
En 2027, on tranchera.

STEVE JOURDIN
Hier, l'Assemblée nationale a adopté une mesure alourdissant la contribution exceptionnelle des grandes entreprises. C'est une mesure qui devrait rapporter 6 milliards d'Euros dans les caisses de l'État. Est-ce que ça risque de plomber la compétitivité de la France, comme l'a dit le président du MEDEF, Patrick MARTIN ?

NICOLAS FORISSIER
On est clairement dans un pays où la fiscalité est au maximum. Je l'ai toujours dit. C'est-à-dire que je reste attaché aux valeurs de ma famille politique. Après nous sommes dans une situation exceptionnelle, où il faut trouver des mesures exceptionnelles, temporaires, pour contribuer à redresser la situation des finances publiques. Parce que le plus grand danger, ce n'est pas tant les 6 milliards et demi sur les grandes entreprises et la contribution quelque part un peu exceptionnelle sur 2 ou 3 ans des grandes entreprises, c'est que nous n'ayons pas de budget, que nous ayons un shutdown, comme disent les Américains, que nous ayons un blocage, et ça nous coûtera extrêmement cher. Et notamment en termes…, donc il y a des choix à faire.

STEVE JOURDIN
Mais vous qui êtes ministre en charge de ce dossier, est-ce que ça risque de dissuader certains investisseurs entrepreneurs de venir en France ?

NICOLAS FORISSIER
Je pense que les investisseurs, on les a encore rencontrés aux beaucoup de fonds internationaux qui étaient à Paris la semaine dernière, ils regardent les choses dans la durée. Évidemment, ils souhaitent que la stabilité revienne. C'est d'ailleurs le principal critère. Et encore une fois, c'est plus important, à mon sens, que les mesures ponctuelles qui peuvent être prises dans ce budget pour essayer de passer le cap. Ils veulent la durée, ils regardent le fait aussi que la France est un pays où il y a des équipements de très haut niveau, une formation de très haut niveau, des ingénieurs remarquables.

STEVE JOURDIN
Donc les taxes, ça compte moins ?

NICOLAS FORISSIER
Des innovations, c'est un ensemble. Ce n'est pas pour rien que nous sommes, pour la 6ème année, les premiers destinataires en Europe, et loin devant, en nombre de projets, des investissements directs étrangers. La France est en tête.

STEVE JOURDIN
Donc vous ne dites pas aux députés aujourd'hui : " allez-y un peu plus mollo sur la taxation " ?

NICOLAS FORISSIER
Oui, bien sûr. Il faut trouver encore, je l'ai dit depuis le début, un équilibre entre les désirs des uns et des autres. Le plus important, c'est que cet équilibre permet de stabiliser la situation. Je me répète. Vous savez, il n'y a pas que les grandes entreprises ; encore une fois, tous mes concitoyens, dans tous les déplacements que je fais, et évidemment dans mon territoire, sont totalement attachés à ça.

STEVE JOURDIN
Nicolas pas, demain, il sera question de la taxe ZUCMAN. Vous êtes quelle équipe ? Vous êtes taxe ZUCMAN ? Taxe ZUCMAN allégée, version socialiste ? Pas de ZUCMAN du tout ?

NICOLAS FORISSIER
Je pense qu'il y a un certain nombre de contribuables qui, proportionnellement à tous les autres contribuables, la tranche la plus élevée en termes de revenus, ce sont quelques milliers de personnes, qui, contrairement à tous les autres contribuables, finalement, par le biais notamment des holdings qui permettent de " stocker " ces quasi-revenus, paient moins et ce n'est pas juste.

STEVE JOURDIN
Si je traduis pour les téléspectateurs, vous êtes pour la taxe ZUCMAN comme les Insoumis ?

NICOLAS FORISSIER
Je ne suis pas pour la taxe ZUCMAN, parce que la taxe ZUCMAN dans sa conception, touche, intègre dans la base taxable, l'outil de travail. Et ça, c'est une catastrophe, pour le coup, en termes de compétitivité. Je pense qu'il ne faut absolument pas le faire. Et j'ai plutôt le sentiment, d'ailleurs, que beaucoup d'élus socialistes, y compris à l'Assemblée, le savent. Donc il faut trouver une solution qui permette d'avoir une solidarité avec un rétablissement de la justice fiscale, proportionnellement à ce que les autres payent, pour un certain nombre de ménages. Mais ça ne va pas résoudre tout. C'est important symboliquement, c'est une question de justice fiscale, mais on voit bien qu'il y a d'autres besoins et qu'on ne peut pas rentrer dans une dérive fiscale.

STEVE JOURDIN
Si je vous comprends bien, vous dites « OK, pour la taxe ZUCMAN allégée dans la version socialiste » ?

NICOLAS FORISSIER
Je dis OK, comme le propose le Gouvernement, dans la version de son texte qui porte sur les holdings, à l'exception de ce qui concerne la productivité, l'investissement dans l'outil professionnel, il dit au Gouvernement : " Ecoutez, je vous propose de rétablir la justice fiscale pour un certain nombre de contribuables qui, au fond, parce que c'est comme ça que ça marche, font remonter leurs dividendes dans la holding sans payer d'impôt personnel ".

STEVE JOURDIN
Certains secteurs craignent de nouvelles taxes, notamment le secteur du tourisme. Ça vous intéresse directement. Vous leur dites quoi pour les rassurer ? " C'est pour votre bien, c'est pour le bien de la France " ?

NICOLAS FORISSIER
Non, je pense que tout le monde, à tous les étages, doit faire un petit effort et c'est comme ça qu'on y arrivera. Encore une fois, ce serait bien pire de ne pas trouver une solution de rééquilibrage financier et de stabilisation par un budget.

STEVE JOURDIN
Parmi les pistes en discussion, il y a l'alourdissement de la fiscalité sur les Chèque-Vacances ou encore le changement du taux de TVA pour la restauration ?

NICOLAS FORISSIER
Ecoutez, on est vraiment dans le cours de la discussion parlementaire. Et je vous rappelle quand même, puisque je suis au Public Sénat, que le Sénat va avoir aussi un rôle extrêmement important, avec sa propre expérience, son propre regard, pour équilibrer là aussi un certain nombre de choses qui ont été décidées ou votées à l'Assemblée nationale. On est au tout début, en fait, d'un processus qui passionne, y compris les médias, la preuve, mais qui n'est pas terminé. L'objectif, encore une fois, c'est que chacun, à un moment, arrive à un résultat, se pose et stabilise la situation. C'est ce que demande encore ce matin, dans une étude du CES - j'ai vu ça – publiée ce matin, 80% des Français…

STEVE JOURDIN
Vous dites, on est au début du parcours législatif, mais c'est peut-être le début de la fin, puisque mardi prochain est prévu le vote solennel sur la partie « recettes » du budget, sur le premier volet. Vous vous inquiétez d'un éventuel rejet de l'Assemblée nationale ? Qu'est-ce qui se passe ensuite ?

NICOLAS FORISSIER
Le texte va au Sénat, qu'il soit rejeté ou pas.

STEVE JOURDIN
Vous pensez qu'on va rester 70 jours prévus par la Constitution pour l'examen du budget ?

NICOLAS FORISSIER
Pour l'instant, on est dedans, c'est très serré. Je pense que si tout le monde fait les efforts nécessaires, après les premières postures et les premières tentatives de dire très fort un certain nombre de choses pour essayer d'imposer ses idées, je pense qu'à un moment, encore une fois, le bon sens et la raison reviendront. Personne n'a intérêt, dans les familles politiques, à porter la croix d'un échec qui conduirait à une crise politique et financière et économique majeure, évidemment.

STEVE JOURDIN
Vous appelez à la responsabilité, c'est ça ?

NICOLAS FORISSIER
Evidemment.

STEVE JOURDIN
On parle beaucoup du déficit de notre commerce extérieur et de notre balance commerciale. Vous avez des prévisions pour les mois qui viennent. Je regardais, on accuse un trou de 43 milliards d'Euros sur le premier semestre 2025. En ce qui concerne notre balance commerciale, qu'est-ce qui va se passer dans les semaines et mois qui viennent ?

NICOLAS FORISSIER
Ça dépend des contrats qui sortent, qui sont inscrits. On est à peu près dans la moyenne de l'année dernière. Il est clair que la France est en déficit de sa balance commerciale, mais pas globale, parce que je rappelle que la balance des services, elle est extrêmement bénéficiaire.

STEVE JOURDIN
La balance courante, c'est ça.

NICOLAS FORISSIER
Là, le déficit commercial, c'est la balance des biens, la consommation industrielle, etc. Mais quand vous rajoutez les services, par exemple le tourisme dont vous parliez, en fait, la France est plutôt excédentaire globalement. Ce qui est clair, c'est que sur la balance des biens, la balance commerciale, on est en déficit depuis des années. C'est un problème lié à la compétitivité de nos entreprises. C'est aussi lié au fait que nous sommes dépendants d'un certain nombre de produits, et je pense notamment à l'énergie. Moi, il y a un sujet qui me préoccupe parmi d'autres, y compris au regard de ma vie politique et de mes engagements, y compris locaux, c'est la balance agricole et agroalimentaire, qui aujourd'hui, l'excédent qui était traditionnel, qui était important, devient un déficit ou risque de l'être de façon durable si on ne fait rien. Donc on va mettre l'accent sur ce secteur notamment.

STEVE JOURDIN
On ne vous sent pas particulièrement inquiet, notamment par rapport aux conséquences de ce budget. Vous dites que la France aujourd'hui va bien, elle ira encore mieux demain ? Malgré tout ce qu'on peut en attendre dans les médias et les politiques ces dernières semaines ?

NICOLAS FORISSIER
Quand on se déplace beaucoup - ce qui est mon cas, et je le faisais avant d'être au Gouvernement, dans le cadre de mes fonctions - on s'aperçoit quand même que la France n'est pas un pays qui va si mal que ça. Alors évidemment, on a de gros défauts. Évidemment, il y a une tension sociale, un débat qui est assez vif, il y a une très forte inquiétude dans l'opinion, qui du coup aboutit à augmenter cette tension. Mais la France est un pays qui néanmoins reste attractif, je l'ai dit, pour les investisseurs, qui est moderne, qui est regardé à l'étranger avec une forme d'admiration. Aujourd'hui, cette admiration à l'étranger, elle se double d'étonnement. Très souvent, on entend " Mais pourquoi ils sont comme ça ? Ils ont tellement d'atouts dans ce pays ". Donc moi, je crois que ce que veut faire d'ailleurs Sébastien LECORNU, et la mission qu'il nous a donnée, c'est de redire un peu plus de vérité, de les mettre sur la table, d'apaiser le débat, de stabiliser les choses, et de continuer le boulot. Moi, c'est ma mission en matière de commerce extérieur ou d'attractif, c'est-à-dire aider les entreprises à aller plus dans le monde, à vendre plus, parce que c'est de l'emploi après dans nos territoires, et dans le même temps, essayer de trouver plus de projets qui sont des investissements, notamment industriels, et donc de l'emploi dans nos territoires.

STEVE JOURDIN
Autre sujet d'actualité, monsieur le ministre ; ça fait une semaine maintenant que Nicolas SARKOZY dort à la prison de la santé, c'est quelqu'un que vous connaissez bien. Est-ce que c'est normal que le garde des Sceaux, Gérald DARMANIN, aille lui rendre visite, comme ça a été annoncé ?

NICOLAS FORISSIER
Ça ne me choque absolument pas. Le garde des Sceaux va voir qui il veut.

STEVE JOURDIN
Il n'y a pas un mélange des genres un peu particulier ?

NICOLAS FORISSIER
Pourquoi est-ce qu'il y aurait un mélange des genres ?

STEVE JOURDIN
Parce qu'il est le chef des magistrats en quelque sorte, puisqu'il est le garde des Sceaux, ministre de la Justice, et qu'il y a un appel qui a été formulé ?

NICOLAS FORISSIER
Le fait de rendre visite à un ancien Président de la République dans le cadre actuel, parce qu'en plus c'est un ami, ne me parait pas remettre en cause quoi que ce soit.

STEVE JOURDIN
L'indépendance de la justice… Ça a beaucoup fait réagir les magistrats.

NICOLAS FORISSIER
Oui, mais enfin, écoutez, là encore, il faut qu'on appelle les choses. Franchement, je suis assez étonné qu'on se perde dans ce genre de discussions. Je comprends bien qu'il y ait des principes, en l'occurrence, je ne crois pas une seule seconde que les principes de séparation des pouvoirs aient été remis en cause par Gérald DARMANIN.

STEVE JOURDIN
Ce n'est pas un moyen d'influencer la décision des juges en appel ?

NICOLAS FORISSIER
Parce que vous croyez que le fait qu'il y aille influencerait la décision des juges ? Je ne crois pas une seconde. La preuve, ce qui s'est passé, malgré toutes les interventions et les débats médiatiques qu'on a pu avoir sur ces affaires ou sur d'autres, n'a pas modifié le jugement des juges, si je puis dire.

STEVE JOURDIN
Donc pas de problème pour vous.

NICOLAS FORISSIER
Encore une fois, je suis assez frappé, parce qu'au fond, chaque sujet est hystérisé dans le débat français. C'est aussi ça…

STEVE JOURDIN
Ce n'est pas banal de voir un ancien Président en prison, monsieur le ministre.

NICOLAS FORISSIER
C'est sûr, ce n'est pas banal. Et ça me rend personnellement très triste.

STEVE JOURDIN
Les députés insoumis, Danièle OBONO, et Ugo BERNALICIS, ont demandé, au nom de leur droit parlementaire, à rencontrer le prisonnier SARKOZY. C'est une demande qui a été refusée par l'administration pénitentiaire. Ça a été refusé à raison, selon vous ?

NICOLAS FORISSIER
Je ne connais pas les détails de cette histoire. C'est quand même de la provocation. Franchement, bon... Après les parlementaires peuvent se présenter devant une prison et demander à visiter, mais ils ne viennent pas pour voir les prisonniers ou les personnes qui sont détenues. Ils viennent pour vérifier les conditions de détention. Ce n'est pas du tout la même chose.

STEVE JOURDIN
Donc, provocation, vous dites. Autre sujet, les élections municipales auront lieu l'année prochaine, au mois de mars. Est-ce que vous serez candidat ? Et si oui, allez-vous quitter votre ministère ? Quand allez-vous quitter votre ministère ?

NICOLAS FORISSIER
Je serai candidat, parce que je l'avais déjà dit avant. Mon idée a toujours été, au fond, de passer la main au Parlement. Parce qu'à un moment, il faut s'arrêter, il faut faire monter des jeunes. C'est vraiment ce que je voulais faire. Et j'ai toujours dit que je reviendrai à la mairie de La Châtre, si les électeurs le souhaitent, parce que c'est le coeur de mon engagement politique. C'est là où je vis. Et le territoire de La Châtre, du Berry, est pour moi la cause d'un attachement profond. C'est vraiment ce qui m'a nourri intellectuellement et culturellement depuis toujours. Après, si je suis élu maire - ce n'est pas encore fait - le Premier ministre me dira ce que je dois faire… Mais évidemment, si je suis élu maire et qu'il me demande de me mettre en retrait le temps de mon passage au Gouvernement, je le ferai. J'ai une mission au Gouvernement ; je peux vous dire que je la conduirai jusqu'au bout.

STEVE JOURDIN
Renaissance va acter aujourd'hui son soutien à l'élu Horizons Pierre-Yves BOURNAZEL, à la mairie de Paris, au détriment de Rachida DATI. C'est un sale coup qui est fait à votre collègue ministre ?

NICOLAS FORISSIER
Je ne peux pas m'immiscer dans le débat des municipales de Paris. C'est d'ailleurs vraiment autre chose. Moi, j'aime beaucoup Rachida DATI. Je pense qu'elle a le talent et l'abattage, l'énergie pour conduire et remettre en état une ville de Paris qui a quand même été très abîmée. D'ailleurs elle le dit depuis longtemps. Après, c'est le jeu normal de la vie politique. On n'est pas au bout, vous savez. À un moment, là aussi, tout le monde doit se poser. Si on veut que la droite, le centre, le bloc central, le socle commun regagne Paris et puisse enfin redresser cette ville de ses dérives liées à la période HIDALGO, il faudra que tout le monde se mette d'accord. C'est vrai pour les municipales, dans n'importe quelle ville, ce sera vrai pour le présidentiel, disons les choses.

STEVE JOURDIN
Merci beaucoup, merci Nicolas FORISSIER d'avoir répondu à mes questions. Merci ministre LR, malgré eux, donc si j'ai bien compris…

NICOLAS FORISSIER
C'est vrai que je suis suspendu, je suis dans les airs, mais je suis donc LR.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2025